CANADA
Déclaration
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
Notes d'allocution pour l'Honorable
Hedy Fry, députée et membre du Conseil privé
Secrétaire d'État (Multiculturalisme)
(Condition féminine)
A l'occasion de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination
raciale,
la xénophobie et l'intolérance qui y est associée
Durban, Afrique du Sud ,Le 1 er Septembre 2001
Madame la Présidente, Mesdames et messieurs les ministres. Excellences,
mesdames et messieurs, senores y senoras - bonjour.
Au nom du Canada, je désire remercier le gouvernement et le peuple d'Afrique
du Sud du dévouement et du travail acharné qu'ils ont investis
dans cette réunion importante et qui vient à point, ainsi que
de la chaleureuse hospitalité de la population de Durban.
Il est tout à fait approprié qu'une conférence aussi historique
se tienne ici en Afrique du Sud, non seulement à la mémoire clé
la lutte difficile et héroïque de son peuple pour se débarrasser
de l'héritage déplorable de l'apartheid, mais aussi en hommage
à une jeune et remarquable démocratie, fondée sur la croyance
que des peuples divers peuvent, par un chemin de vérité, de pardon
et de réconciliation, couper les ponts avec un passé tourmenté
et atteindre la démocratie, le respect et la paix.
Je ne peux penser à aucune aspiration plus grande et plus noble, et cette
aspiration devient une inspiration pour nous tous. C'est certainement pour cette
raison que nous sommes tous venus ici pour construire un monde comme celui-là
pour les générations à venir.
Les Canadiens sont fiers d'être aujourd'hui une nation bilingue et multiculturelle
dont la population diverse bénéficie d'un haut niveau de prospérité,
de tolérance et de cohésion sociale et partage des valeurs communes
de compassion et de justice. Les Canadiens aimeraient toutefois reconnaitre
que leur histoire n'a pas toujours été marquée par l'inclusion
et le respect.
Pendant longtemps, les peuples autochtones du Canada ont été confrontés
au déplacement et à l'assimilation, ce qui a érodé
leurs structures sociales et économiques ainsi que leurs modes de gouvernance.
Nous reconnaissons que cela a eu un effet à long terme sur les peuples
autochtones.
De nombreux immigrants sont venus au Canada pour échapper
à la discrimination, à la marginalisation et à l'exclusion.
D'autres ont dû malheureusement faire face à ces difficultés
à leur arrivée. C'est peut-être à cause de ces expériences,
de ces erreurs que nous avons faites et des leçons que nous en avons
tirées, que les Canadiens ont développé une vision très
forte d'une société juste, tolérante et accommodante, vision
qui ne fait que commencer à se réaliser aujourd'hui.
Cette vision nous a conduit à choisir notre propre voie, à créer
une mosaïque qui sait rendre hommage et respect à la diversité
de nos citoyens. L'approche du Canada se résume à la phrase suivante
: il est impossible d'arriver à l'égalité en traitant tout
le monde de la même façon. Pour nous, on ne peut arriver à
l'égalité qu'en adoptant des solutions spécifiques et pertinentes
qui correspondent aux obstacles auxquels doivent faire face les différentes
personnes et les différents groupes : obstacles créés par
la discrimination fondée sur la race, la langue, l'origine ethnique,
la religion, le sexe, l'incapacité et l'orientation sexuelle.
Conformément à cette philosophie, le cadre canadien pour l'égalité
s'est incarné dans notre Charte des droits et libertés. Ce document
enchâsse dans la constitution de notre pays une reconnaissance fondamentale
de l'égalité des personnes. Il forme la toile de fond sur laquelle
se dessinent des lois comme la Loi canadienne sur les droits de la personne,
la Loi sur le multiculturalisme et la Loi sur l'équité en matière
d'emploi. Cependant, nous avons appris au Canada que les lois ne sont pas nécessairement
les garantes d'un changement réel. Elles doivent être complétées
par des programmes et des politiques qui permettront à tous les Canadiens
de participer à la vie sociale, politique et économique du pays.
Ces programmes et ces politiques doivent être élaborés en
partenariat avec la société civile.
En préparation à cette conférence, nous avons mené
une large consultation auprès de la société civile afin
de comprendre la portée du racisme et de la discrimination au Canada
et développer les réponses qui s'imposent. Nous avons consulté
les jeunes, les femmes, les peuples, les collectivités, les ONG et les
peuples indigènes. Nous les avons écoutés nous parler de
leur expérience du racisme - racisme à mots couverts ou racisme
brutalement direct - et de la discrimination, souvent fondée sur des
facteurs multiples comme la race, la religion, l'origine ethnique, la langue,
le sexe, la couleur, le handicap, l'orientation sexuelle ainsi que la condition
sociale et économique
On nous a aussi dit que la discrimination fondée sur des facteurs multiples
aggrave le racisme et touche particulièrement les communautés
qui s'identifient à un ensemble unique et complexe de caractéristiques,
comprenant la religion, l'origine ethnique et plusieurs autres facteurs.
Les questions qui touchent les peuples autochtones sont un des points sur les
quels nos consultations ont mis le plus l'accent. Bien que la qualité
de vie des communautés autochtones s' améliore, nous demeurons
préoccupés du fait que les conditions de vie y soient encore bien
au-dessous de celles dont jouissent les autres Canadiens. Le gouvernement a
pris l'engagement de collaborer avec les peuples autochtones dans leurs efforts
pour bâtir un avenir meilleur pour eux-mêmes et leurs communautés.
Nous reconnaissons que cet engagement couvre une vaste gamme de sujets, allant
de la résolution des revendications territoriales aux questions de logement
et de santé, jusqu'au renforcement de l'autosuffisance et du développement
économique.
La relation du Canada avec les peuples autochtones continuera d'évoluer,
en réponse à l'évolution de la réalité. Nous
ne pouvons pas nous permettre de nous enliser dans de vieilles façons
de penser, mais nous devons plutôt nous laisser guider par un désir
mutuel de voir les peuples autochtones partager pleinement les possibilités
sociales et économiques qu'offre la société canadienne.
Nous avons aussi entendu dire, lors de ces consultations, que les minorités
visibles, particulièrement les Afro-Canadiens, ont encore des obstacles
à surmonter avant de pouvoir participer pleinement à la vie économique
du Canada. Les problèmes à l'acceptation de titres étrangers
pour certains métiers et professions constituent aussi quelquefois un
facteur aggravant.
Bien que le Canada d'aujourd'hui ait réalisé de remarquables progrès
dans la voie vers une société tolérante et inclusive, nous
savons que nous avons encore du travail à faire pour atteindre notre
but et devenir une société diversifiée et démocratique
qui puisse dépasser la simple tolérance pour arriver au respect
véritable. C'est le défi auquel nous devons répondre en
tant que Canadiens.
Madame la Présidente, notre présence à cette Conférence
mondiale témoigne de notre volonté de travailler avec les autres
États membres à combattre le racisme, la discrimination raciale,
la xénophobie et l'intolérance connexe. Cette conférence
est un excellent début, mais il serait tragique que nous perdions notre
chemin après avoir si bien commencé.
L'amertume et la colère, le blâme et la récrimination rétrécissent
la vision et nous empêchent de voir le but ultime, qui est de laisser
à nos enfants un héritage d'espérance.
Cette conférence doit être l'occasion d'un examen de conscience
national et planétaire. Cette conférence est une occasion de développer
des stratégies efficaces, pertinentes et universelles pour éliminer
à la racine la cause des conflits. Nous sommes ici parce que nous croyons
que le dialogue est la clé de la compréhension, et que la compréhension
est le premier pas vers la recherche d'une base commune qui nous mènera
au respect mutuel et à la coexistence pacifique.
Les Canadiens nous ont dit qu'ils aimeraient que la présente conférence
soit dynamique et axée sur l'avenir, qu'elle se conssacre à l'élaboration
de stratégies pratiques et efficaces pour combattre le racisme.
Madame la Présidente, il existe de nombreuses questions communes sur
lesquelles nous nous entendons tous. Nous savons que les nouvelles technologies,
les nouvelles tendances en matière de migration et le commerce international
modifient la façon dont les personnes interagissent les unes avec les
autres.
En particulier, les nouvelles technologies de communication, comme l'Internet,
sont aujourd'hui utilisées pour propager la haine. Notre défi
est d'éliminer ces messages de haine tout en préservant les droits
fondamentaux à la libre expression et à la liberté d'association.
De plus, la globalisation a actuellement un effet important sur la façon
dont nous communiquons les uns savec les autres. Elle pourrait nous aider à
mieux nous comprendre ou, au contraire, nous diviser encore plus. Le choix nous
appartient.
L'élaboration de mesures concrètes et progressives pour nous attaquer
à toutes ces questions exigera collaboration et partenariat. Les gouvernements
du monde ne peuvent faire seuls tout le travail. Nous avons besoin de la force
et de la sagesse des sociétés civiles pour nous guider afin que
nous puissions comprendre la réalité de leurs vies et trouver
des solutions efficaces à nos problèmes communs.
La jeunesse est une composante clé de la société civile.
Les jeunes voient le racisme d'un oeil différent. Plus tôt cette
semaine, j'ai entendu des jeunes dire que les gouvernements devaient arrêter
de leur parler et commencer plutôt à établir avec eux un
dialogue. Ce sont les jeûnes qui se trouvent sur la ligne de front de
la lutte contre la discrimination. Ils ne vivent que pour les défis auxquels
les gens de notre génération n'ont pas encore été
en mesure de répondre. Les gouvernements doivent reconnaître la
place qui revient de droit aux jeunes dans ce dialogue afin que, toutes générations
confondues, nous puissions nous attaquer à ces difficiles questions.
Madame la Présidente, engageons-nous à aller au-delà de
l'exclusion vers l'inclusion, au-delà du blâme vers la réconciliation,
au-delà de la stigmatisation d'une seule nation et reconnaître
que nous sommes tous frappés par les abus et la discrimination en matière
de droits de la personne.
Permettre à une seule question, quelle qu'elle soit, de dominer au détriment
de toutes les autres, c'est imposer le silence aux voix de nombreuses personnes
qui sont ici présentes pour témoigner de leurs souffrances. C'est
aussi mettre de côté l'organisation des Nations Unies au moment
même où les désavantagés du monde entier comptent
le plus sur elle.
Laissez-moi insister sur le fait que la présente conférence rie
pourra atteindre ces objectifs cruciaux si nous laissons la situation actuelle
au Moyen-Orient monopoliser nos discus>sions. Il est clair que les parties
elles-mêmes doivent prendre les mesures nécessaires pour donner
une impulsion vers une paix négociée. La présente conférence
doit éviter tout langage qui ne vise pas cet objectif de base et, dans
le cas contraire, le Canada refusera d'y souscrire.
Madame la Présidente, l'esclavage est une forme pernicieuse de racisme.
Qu'elle appartienne au présent ou au passé, cette pratique moralement
répugnante est une tache indélébile sur la trame de l'histoire.
Il est tragique de constater que l'esclavage existe encore aujourd'hui.
La présente conférence nous met au défi de promouvoir des
valeurs qui nous unissent au lieu de nous diviser, de rechercher notre humanité
commune en tant que peuples d'un monde aux couleurs multiples. De reconnaître
le passé, mais sans en demeurer les prisonniers. De reconnaître
que nous pouvons nous-mêmes forger notre présent et notre avenir.
À titre de leaders, acceptons nos responsabilités. Laissons à
nos enfants un héritage de liberté et non d'oppression. D'ouverture
et non de préjudices. De générosité, de tolérance
et de respect les uns pour les autres.
Madame la Présidente, au moment de notre rencontre dans le pays de Nelson
Mandela, dans la province du Chef Luthuli et dans la ville du Mahatma Gandhi,
consacrons-nous une fois de plus à la vision qu'ils ont si vaillamment
défendue, une vision de paix, de dignité et de réconciliation.
Que cette vision et non la division soit l'héritage laissé par
Durban.