RÉPUBLIQUE DU NIGER
COMMUNICATION DE LA COMMISSION
NATIONALE
DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES
A LA CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME
LA DISCRIMINATION RACIALE, LA XÉNOPHOBIE, ET L'INTOLÉRANCE QUI
Y EST ASSOCIÉE
DURBAN LE 3 SEPTEMBRE 2001
Madame la présidente
Excellences Mesdames Messieurs
Distingués invités
Je voudrais qu'il me soit permis de présenter les profondes condoléances
de la commission Nationale des droits de l'homme et de libertés fondamentales
du Niger au Président Tabo Mbeki et au peuple sud-africain suite à
la disparition de Govan Mbeki compagnon de lutte de Nelson Mandela.
Je prends la parole au cours des travaux de la conférence mondiale contre
le racisme la discrimination raciale la xénophobie et l'intolérance
qui y est associée pour souligner tout l'intérêt que le
Niger porte à cette heureuse initiative des nations unies . cet intérêt
m'amène à demander à la communauté internationale
ici réunie de se lever pour observer une minute de silence à la
mémoire des centaines de millions de victimes noirs, morts suite à
la déportation ,l'esclavage, et la colonisation ;à la mémoire
des victimes du nazisme et du sionisme. La commission Nationale des droits de
l'Homme et des libertés fondamentales porte encore le deuil des filles
et des fils d'Afrique ,victimes du Code Noir et de la bêtise humaine.
Elle partage à travers l'Histoire, les deuils successifs des peuples
qui ont payés un lourd tribut à la fois à l'intolérance
religieuse , politique et à la xénophobie.
Mesdames et Messieurs
La Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentale
est une institution nationale de promotion et de protection des droits humains
dont la création a été recommandée par l'Organisation
des nations Unies depuis 1946 et particulièrement lors de la Conférence
Mondiale de Vienne de Juin 1993. La Constitution de la République du
Niger de juillet 1999 en créant en son article 33 la Commission Nationale
des droits de l'Homme et des libertés fondamentales , lui a assigné
la mission générale et capitale de rendre effectif les droits
et libertés fondamentales consacrés à son titre II et conformément
aux instruments internationaux auxquels le Niger a librement souscrit. Entre
autres instruments, la Charte des Nations Unies de 1945 proclame sa «
foi dans les droits fondamentaux de l'homme ,dans la dignité et la valeur
de la personne humaine dans l'égalité des
droits des hommes et des femmes ainsi que dans les Nations grandes et petites
»La Charte rappelle qu'un des objectifs visés par les Nations Unies,
c'est de « réaliser la coopération internationale ... en
développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des
libertés fondamentales pour tous sans distinction de race de sexe de
langue ou de religion ». La Commission Nationale des Droits de l'Homme
et des libertés Fondamentales relève avec satisfaction que la
conférence Mondiale contre le racisme la Discrimination Raciale la Xénophobie
et l'Intolérance qui y est associée marque une étape nodale
vers la réalisation de cet objectif.
A toutes les étapes décisives de l'histoire des peuples, les hommes
ont eu deux attitudes majeures: ils observent en témoins passifs ou prennent
position de manière à influencer le cours des événements
en faveur de l'Humanité. Mais, il arrive des moments où la neutralité
n'est plus de mise. Et c'est le cas aujourd'hui pour tous les peuples membres
des Nations Unies qui ont pris rendez vous à Durban du 31 août
au 7 septembre 2001 dans le cadre de la conférence Mondiale contre le
Racisme, la Discrimination Raciale, la Xénophobie et l'intolérance
qui y est associée. Cette rencontre historique nous donne l'occasion
de rappeler les faits qui expliquent la situation dramatique vécue sur
les cinq continents par des dizaines de millions d'hommes, de femmes et d 'enfants
du fait du Racisme, de la Xénophobie, de la Discrimination raciale et
de l'intolérance.
Entre autres peuples, la situation dramatique à laquelle sont confrontés
les peuples africains et des diasporas est indissociable des trois fléaux
successifs qui ont ravagés l'Afrique au fil des siècles:ll s'agit
des trois (3) siècles de razzias et de traite transatlantique, 70 ans
d'occupation coloniale et les ajustements structurels qui perdurent encore avec
leur cortège de misère et paupérisation des masses dans
ce qu'elles ont de plus vulnérables.
Mesdames et Messieurs
II est impossible de comprendre les drames actuels en Afrique, en Amérique
et dans les Caraïbes sans intégrer les fléaux dont les séquelles
freinent tout développement durable et portent atteinte à la dignité
comme à l'espérance des êtres humains Cela s'est matérialisé
par des guerres, des massacres et des génocides, la baisse notoire de
l'espérance de vie du fait des épidémies de la pauvreté
et de la famine. En somme c'est un retour en arrière (certainement sans
précédent dans l'Histoire de 1 'Humanité) qui s'opère
aujourd'hui sur le continent africain.
C'est le cas du Niger à l'instar des autres pays où il est plus
qu'urgent de réaffirmer avec force le Droit des peuples d'Afrique à
la vie, à la dignité et à la souveraineté dans un
monde enfin débarrassé du racisme, de la xénophobie, et
de l'intolérance. La conférence mondiale contre le racisme, la
discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est
associée doit établir le lien entre les Africains et ceux qui
comme eux subissent ailleurs encore les effets de la discrimination et de l'oppression
issue du régime de l'esclavagisme, du colonialisme, de l'intolérance,
des préjugés raciaux et de la mauvaise foi . Il s'agit en effet
des victimes innocentes de la peine capitale , le peuple de Palestine décimé
par le sionisme, les peuples des Iles d'Antigua et de la Barbade, les Indiens
qui peuplent les réserves et les aborigènes d'Océanie ....Il
faut réaffirmer les droits de l'Homme liés aux droits des peuples
à la liberté et à la dignité .
En ce qui nous concerne en Mai dernier, la commission Nationale des droits de
l'Homme et la société civile ont noté avec satisfaction
le dépôt à l'Assemblée nationale pour adoption du
code pénal revu et corrigé. Cela, pour que plus jamais au Niger
des personnes humaines ,du simple fait de leur naissance dans certaines familles
ne se voient mépriser par leurs semblables qui se basant sur la coutume
prétendent avoir sur eux des droits de propriétés. Les
insuffisances des textes législatifs ont été comblées
de manière à ce que ces données féodales dont découlent
des situations ridicules, outrageantes, profondément injustes et forcément
préjudiciables à l'évolution économique et sociale
du pays soient révolues à jamais. Ainsi, pour ne citer qu'un seul
exemple, il apparaît clairement au terme de l'article 270.2 que «
Le fait de réduire autrui en esclavage ou d'inciter autrui à aliéner
sa liberté ou sa dignité ou celle d'une personne à sa charge
pour être réduit en esclavage, est puni d'une peine d'emprisonnement
de 10 à 30 ans et, d'une amende de 1 à 5.000.000 de francs cfa.
» Le même texte de loi prévoit à son article 270.5
que « toute association régulièrement déclarée
depuis au moins un an à la date des faits et ayant en vertu des statuts
comme objectif de combattre l'esclavage ou les pratiques analogues est habilitée
à exercer l'action civile en réparation des dommages causés
par les infractions à la loi pénale sur l'esclavage. ».
Malgré ces efforts significatifs, la. commission nationale des droits
de l'homme et des Libertés fondamentales estime que ce qui a été
fait n'est rien par rapport à ce qui reste à faire encore . Le
combat pour l'élimination du Racisme de la discrimination raciale, de
la xénophobie et de l'intolérance qui y est associée ne
saura être gagné isolement par un seul pays quels que soit ses
moyens. Ce combat nécessite une synergie et des efforts continus pour
réduire ces fléaux et leurs formes contemporaines. L'esclavage
,l'occupation coloniale et les programmes d'ajustement structurel dont-on voudrait
faire oublier les horreurs est une nouvelle forme d'exploitation qui pèse
douloureusement sur notre présent à travers la dette Le remboursement
de la dette extérieure a spolié l'Afrique des ressources dont
elle avait besoin pour se développer sans compter le préjudice
moral. Après trois siècles d'esclavage et 70 ans de colonisation,
nous estimons que l'Afrique n'a plus de dette à payer car elle n'a que
trop payer. Au cours des travaux notre commission appelle tous les délégués
à inscrire l'esclavage et la colonisation sur le tableau des crimes contre
l'Humanité.
C'est à un devoir de mémoire que la délégation du
Niger appelle tous les participants à ce forum. Retourner aux fonds des
ages pour extirper les racines du mal, cela ne va pas sans violence.
Une violence réfléchie et intelligente sur soi pour demander pardon
face à l'Histoire suite à ces crimes imprescriptibles. Reconnaître
que l'esclavage et ses dérivées ainsi que la colonisation sont
des crimes contre l'Humanité puis comprendre que cette exigence de dignité
exprimée va de pair avec un besoin de vérité. C'est à
cet exercice courageux et historique que toutes les Nations, même celles
qui ont orchestré ce trafic odieux sont invitées. Cela, afin de
parvenir à une réconciliation véritable de l'humanité
avec elle-même. Je vous remercie