CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME, LA DISCRI MINATION
RACIALE, LA XÉNOPHOBE ET L'INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE
DURBAN, AFRIQUE DU SUD 31 AOÛT- 7 SEPTEMBRE 2001
DÉCLARATION DU PROFESSEUR ABDELFATTAH AMOR
RAPPORTEUR SPÉCIAL DE LA COMMISSION DES DROITS DE
L'HOMME SUR LA LIBERTÉ DE RELIGION ET DE CONVICTION
Madame la Présidente,
Distingués Délégués,
Mesdames, Messieurs,
Je souhaiterais, en ma
qualité de Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme
sur la liberté de religion et de conviction, chargé notamment
de veiller à l'application de la Déclaration des Nations Unies
sur l'élimination de toutes les formes de d'intolérance et de
discrimination fondées sur la religion et la conviction, formuler trois
observations en liaison avec mon mandat.
La première concerne
la gestion de l'intolérance et des discriminations religieuses, la seconde
leur prévention; la troisième a trait à la portée
de la révolution génétique contemporaine.
S'agissant de la gestion
de l'intolérance et des discriminations religieuses, elle appelle un
double constat et un commentaire.
D'abord, malgré
les efforts fournis à l'échelle internationale et dans de très
nombreux Etats, il y a une persistance de l'intolérance et des discriminations
religieuses. Ce phénomène semble même se développer
dans certaines régions et prendre parfois des formes extrêmes.
Ensuite, très souvent
l'intolérance et la discrimination fondées sur la religion ou
la conviction surtout lorsqu'elles touchent des minorités, sont aggravées
par des discriminations raciales, ethniques, linguistiques, économiques,
sociales ou autres. Il y a lieu de remarquer que ces discriminations ne constituent
pas une simple addition d'infractions, des infractions multiples, mais créent
une nouvelle catégorie de discrimination que les projets de déclaration
et de programme d'action ont bien fait de consacrer: il s'agit de la discrimination
aggravée, distincte de la discrimination simple et des discriminations
multiples et à laquelle il faudrait prévoir un régime juridique
spécifique permettant une répression plus rigoureuse.
On remarquera d'un autre
côté que la gestion de l'intolérance et de la discrimination
fondée sur la religion et la conviction fait également apparaître
la condition précaire de la femme au regard de la religion. Celle-ci
constitue souvent un confortable alibi pour maintenir la femme dans une condition
seconde et parfois même franchement secondaire, condition inacceptable
au regard des droits de l'homme et qui appelle à une vigilance accrue.
S'agissant de la prévention
de l'intolérance et de la discrimination fondées sur la religion
ou la conviction, elle est tout aussi nécessaire que la gestion. Elle
est même essentielle. Elle a deux véhicules principaux: le dialogue
et l'éducation.
Le dialogue, tant inter-religieux
qu'intra-religieux, éprouve, malgré les nombreuses initiatives
prises dans une multitude de cadres, de la difficulté à s'instaurer
et à entrer effectivement dans les traditions.
L'éducation, dont
l'un des principaux vecteurs est l'éducation scolaire, ne joue pas encore
pleinement son rôle partout. Une enquête internationale, menée
dans le cadre de mon mandat et portant sur le contenu des programmes et des
manuels scolaires, atteste que ces derniers continuent dans de nombreux Etats
à offrir de soi-même une représentation qui exclut l'autre
et de l'autre une représentation d'indifférence et parfois même
d'hostilité et de rejet. Il est heureux que les projets soumis à
la Conférence accordent l'importance appropriée à la question
de l'éducation scolaire. Je voudrais vous dire à cet égard
que dans le cadre de mon mandat, et avec les encouragements de l'Assemblée
générale et de la Commission des droits de l'homme, se tiendra
à Madrid du 23 au 25 novembre prochain, une conférence internationale
consultative sur l'éducation scolaire en tant qu'instrument de lutte
contre l'intolérance et la discrimination fondées sur la religion
ou la conviction. Cette conférence regroupera, outre les Etats membres
et observateurs des Nations Unies, des représentants d'organisations
intergouvernementales, d'organisations non gouvernementales, de communautés
(le religion et de conviction ainsi que des experts. La Conférence aura
à se prononcer sur un projet de document final élaboré
avec le concours d'Etats et d'autres partenaires et dont la deuxième
version a été envoyée à tous les participants.
La troisième observation
concerne la révolution génétique contemporaine. Le séquençage
du génome humain est de nature à favoriser l'émergence
de prédispositions à des comportements individuels et sociaux.
Les progrès de la science dans ce domaine et les possibilités
de manipulation génétique, conjuguées avec la recherche
du lucre ou la recherche du contrôle social comportent des risques sérieux
de discrimination et de déshumanisation au nom du dépassement
de l'humanisme. La Déclaration universelle sur le génome humain
adoptée par l'UNESCO en 1997 et que l'Assemblée générale
a fait sienne en 1998, autant que le paragraphe 80 du projet de programme d'action
soumis à cette conférence, ne semble pas être à même
de faire face aux risques encourus et qui sont de plus en plus réels.
Il est nécessaire
que, d'ores et déjà, les Etats et la communauté internationale
combattent fermement les risques de dérapage de la techno-science afin
que demain ne soit pas encore pire qu'aujourd'hui.
Je vous remercie.