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Informations sur Monterrey Espagnol Russe Chinois Arabe Anglais Pourquoi l'albatros ? Conférence internationale sur le financement du développement - Monterrey, Mexique du 18 au 22 mars 2002 Accueil ONU

 

Rapport du Secrétaire général
au Comité préparatoire de la réunion internationale de haut niveau
chargée d'examiner la question du financement du développement
à l'échelon intergouvernemental

A/AC.257/12 (18 décembre 2000)

[Introduction] [Chapitre 2] [Chapitre 3] [Chapitre 4] [Chapitre 5] [Chapitre 6]
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Mobiliser les ressources financières nationales pour le développement  

Créer dans les pays des conditions favorables au développement : efficacité du mode de gouvernement, rationalité des choix macroéconomiques, y compris en matière de budget et d’épargne privée, prise en compte des besoins particuliers de l’Afrique, des pays les moins avancés, des petits pays insulaires en développement, des pays en développement sans littoral et de transit, des autres pays en développement, ainsi que des pays en transition qui ont des difficultés particulières à attirer des capitaux pour financer leur développement

Un environnement favorable

19. La mobilisation des ressources nationales est à la base même du développement autonome. Les ressources nationales jouent en effet un rôle essentiel dans le financement de l’investissement intérieur brut et des programmes sociaux. Elles sont indispensables pour assurer la prospérité économique, accroître les capacités humaines et faire reculer constamment la pauvreté. Le défi est donc double : il consiste à la fois à produire davantage de richesses, et à les canaliser efficacement dans des projets de développement et de renforcement des capacités productives du pays. Il nécessite un environnement favorable à l’épargne privée, l’assainissement des finances publiques, la mise en place de mécanismes effectifs et efficaces de répartition des dépenses de l’État, un espace suffisant pour l’initiative privée – bref, des politiques macroéconomiques rationnelles. L’état de droit, la solidité du système juridique, les garanties données aux investisseurs privés, la transparence des administrations publiques, des marchés et des entreprises, la participation des citoyens à la vie publique sont autant d’autres d’ingrédients indispensables.

20. Les politiques macroéconomiques sont les vecteurs essentiels de promotion de la mobilisation des ressources nationales et du développement. Elles ne peuvent être définies que sur la base de la situation initiale et des priorités propres aux pays. Il est donc préférable de laisser ces derniers choisir euxmêmes leurs objectifs prioritaires et leurs moyens. Reste néanmoins un principe général : pour être efficaces, les politiques macroéconomiques doivent être assorties d’objectifs à moyen terme dans lesquels pourront s’inscrire les mesures à visée plus immédiate. Cet horizon permet en outre de mettre les orientations ainsi définies à l’abri des vicissitudes de la vie politique.

La réunion de haut niveau devrait souligner que les politiques macroéconomiques nationales doivent s’inscrire dans une perspective à moyen terme conciliant les objectifs clefs de croissance économique soutenue, de développement de l’emploi et de lutte contre la pauvreté, en tenant compte de la nécessité de contenir l’inflation à son niveau le plus bas et de veiller à ce que les soldes budgétaires et courants restent supportables. Les autorités nationales chargées d’élaborer le programme macroéconomique devraient prêter une attention particulière aux questions de calendrier et à la cohérence des objectifs et des instruments.

21. Les pays doivent avoir des politiques macroéconomiques saines s’ils veulent capter des flux financiers et par conséquent des investissements productifs, tout en décourageant l’exil ou la fuite de capitaux. La mondialisation des marchés financiers ouvre certes de nouvelles perspectives, mais elle s’accompagne de risques accrus. Les pays doivent s’y préparer par une libéralisation progressive et bien échelonnée des mouvements de capitaux afin que les flux de sorties et d’entrées résultant de cette libéralisation puissent être absorbés.

La communauté internationale devrait convenir qu’une attention particulière s’impose en ce qui concerne l’ouverture des marchés financiers des pays en développement et en transition, et reconnaître la nécessité d’une certaine autonomie nationale en la matière, certains pays pouvant être amenés dans certains cas à prendre des mesures de freinage ou de restriction des mouvements de capitaux à court terme en période d’accélération des flux financiers. Cependant, le contrôle des changes ne saurait remplacer la mise en oeuvre de politiques macroéconomiques rationnelles et avisées.

22. Comme le montrera le chapitre VI, l’environnement économique et financier international est fortement influencé par les politiques macroéconomiques des grands pays industrialisés, à qui il appartient donc tout particulièrement de soutenir la croissance vigoureuse de l’économie et du commerce mondial, et de modérer la volatilité des taux d’intérêt et des marchés financiers internationaux. Les pays en développement doivent pour leur part se doter de nouveaux instruments couvrant le risque de taux d’intérêt et de change pour pouvoir s’adapter à l’évolution de la conjoncture.

La communauté internationale devrait créer et promouvoir un environnement économique international propice à l’adoption de politiques macroéconomiques saines et à la mobilisation des ressources propres des pays en développement et en transition. Les grands pays industrialisés devraient pour leur part s’efforcer de formuler et de mettre en oeuvre des politiques capables d’assurer une croissance vigoureuse compatible avec la stabilité de l’environnement économique international, en s’attachant plus particulièrement à réduire la volatilité des taux d’intérêt, des marchés financiers internationaux et du cours des monnaies de réserve.

23. Cette stabilité à long terme nécessite avant tout un bon pilotage macroéconomique en période de croissance de manière à éviter les crises cycliques, ce qui implique de maintenir les soldes budgétaires et courants à des niveaux supportables et des taux d’inflation faibles ou orientés à la baisse. Il faut aussi un régime de taux de change pleinement compatible avec les autres éléments du programme macroéconomique.

Malgré l’importance cruciale que conservent les instruments macroéconomiques classiques, les États Membres devraient reconnaître la nécessité d’élaborer des instruments supplémentaires pour faire face aux fluctuations des soldes budgétaires et des réserves de change et au risque d’instabilité croissante lié à l’accélération de la mondialisation. Ces instruments pourraient prendre la forme de fonds de stabilisation budgétaire qui absorberaient les augmentations imprévues de recettes ou de gains de change en vue d’utilisations ultérieures, ou de mécanismes plus rigoureux de surveillance et de contrôle des engagements internationaux des entreprises industrielles et financières.

24. Les groupes de pays ont chacun leurs propres problèmes de gestion macroéconomique. L’un des paramètres qui varie d’un pays à l’autre est celui de la capacité macroéconomique, c’estàdire les compétences, instruments et institutions requis pour définir des mesures économiques et les appliquer. Cette capacité doit certes être développée, mais les pays ne doivent pas pour autant se lancer dans des initiatives pour lesquelles ils ne sont peutêtre pas encore tout à fait prêts (comme de s’exposer à de nouveaux risques en libéralisant prématurément les mouvements de capitaux).

Les pays en développement et en transition devraient accorder un rang de priorité élevé au renforcement de leurs institutions macroéconomiques, notamment la banque centrale et le ministère des finances, et se doter d’organes de surveillance ou donner à ces derniers des pouvoirs accrus s’ils existent déjà. Il faut donc les aider à accroître leurs capacités, par exemple par le biais de programmes de formation des fonctionnaires, et par un effort accru de coopération technique, notamment en faveur des pays les moins avancés. Il conviendrait de renforcer plus particulièrement dans tous les pays les mécanismes institutionnels d’information sur les questions d’ordre macroéconomique afin que les conséquences des mesures envisagées – y compris dans le domaine social – soient débattues sur la place publique, l’objectif étant de favoriser la recherche d’un compromis entre priorités économiques et priorités sociales, de renforcer l’adhésion aux choix économiques et de faciliter la mise en oeuvre du programme retenu.

25. La participation au développement est un facteur de stabilité politique et sociale. Tout comme le développement et la participation de la société civile, la promotion des droits de tous les individus est de plus en plus perçue comme un élément essentiel du progrès économique et social. La notion de bonne gouvernance et de transparence est aujourd’hui largement reconnue, de même que les principes contenus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (résolution 217 A III de l’Assemblée générale) et les pactes, conventions et déclarations qui s’y rapportent, dont la Déclaration sur le droit au développement (résolution 41/128 de l’Assemblée générale, annexe).

Les États Membres devraient concrétiser plus rapidement leurs engagements, renouvelés à la vingtquatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale, en faveur d’un mode de gouvernement efficace, transparent, responsable, à l’écoute des citoyens et d’institutions attentives aux besoins de la population, et intensifier les réformes visant à renforcer les cadres juridiques et réglementaires, les infrastructures sociales, économiques et institutionnelles, l’égalité d’accès aux ressources pour les femmes et les hommes, le respect du droit des contrats et de la propriété privée, ainsi que la réforme du secteur financier.

26. L’expérience des 50 dernières années montre qu’il existe un lien entre respect du droit et des règles financières et mobilisation des ressources propres des pays. La mobilisation et la répartition efficaces des ressources nationales exigent notamment des institutions publiques exemptes de corruption et des entreprises comptables de leurs activités.

Les Etats membres devraient renforcer les mesures de lutte contre la corruption aux niveauxx national et international, y compris par une coopération internationale renforcée. Dans ce contexte, ils devraient demander la tenue rapide de travaux préparatoires dans la perspective de l'adoption d'un instrument juridique international pour lutter contre la corruption qui serait distinct de la Convention internationale contre la criminalité transnationale organisée ainsi que la convocation dans les plus brefs délais d'une conférence

27. Le renforcement du système de bonne gouvernance a des implications rigoureuses et complexes en termes institutionnels; or, édifier des institutions solides est une entreprise de longue haleine qui exige des efforts soutenus et des appuis internationaux. L’histoire de ces dernières décennies montre bien à quel point les secousses d’origine extérieure et les crises politicosociales internes peuvent inverser le développement des institutions et compromettre la capacité à gouverner.

La communauté internationale devrait appuyer dans une optique à long terme les efforts déployés par les pays en développement, notamment africains, les pays les moins avancés, les petits pays insulaires en développement, les pays en développement sans littoral et de transit, ainsi que les pays en transition, pour évoluer vers un mode de gouvernement efficace, en prévoyant notamment d’augmenter les ressources d’assistance technique pour la création des institutions.

Assainir les finances publiques

28. Pour assurer une croissance soutenue et non inflationniste, il faut mobiliser des recettes publiques suffisantes tout en veillant à ne pas décourager l’initiative privée. Or, la mondialisation, la libéralisation des échanges, les accords commerciaux internationaux et la volonté d’attirer des capitaux étrangers ont incité de nombreux pays à abaisser certaines de leurs barrières tarifaires et douanières, d’où un manque à gagner au profit d’un produit éminemment mobile sur le plan international, à savoir le capital, au détriment du travail, d’où aussi la nécessité de moderniser les régimes fiscaux, ou de renforcer les dispositifs déjà en place.

29. Le cadre normal de gestion des finances publiques est le budget annuel. Mais les recettes de l’État peuvent varier considérablement d’une année sur l’autre selon la conjoncture, ou à cause de facteurs extérieurs sur lesquels le pays n’a aucune prise comme le changement des taux d’intérêt internationaux, l’évolution des termes de l’échange, les urgences non prévues. Cette variabilité entraîne souvent une imprévisibilité tout aussi grande des dépenses. Les budgets doivent alors être corrigés, en général au détriment des crédits de développement, en particulier ceux des programmes sociaux. En somme, les incertitudes de l’environnement international pèsent de plus en plus sur la gestion des finances publiques.

30. La prévision des dépenses et des recettes peut être facilitée par la mise en place d’un cadre budgétaire à moyen terme, disons sur cinq ans, qui donnera aux administrations des paramètres à valeur indicative sur lesquels elles pourront s’appuyer pour planifier leurs programmes. Ce cadre à horizon moyen permettrait de calculer les dépenses ordinaires et les dépenses en capital du budget et de maîtriser le montant et les échéances de la dette publique.

Les pays devraient envisager de formuler des cadres budgétaires à moyen terme permettant de prévoir avec une certaine fiabilité le montant des dépenses publiques, et définir des objectifs clairs pour la mobilisation des recettes fiscales et extrafiscales et la structure des créances et engagements de l’État, y compris les obligations conditionnelles. Les institutions internationales devraient être prêtes à aider les pays à élaborer ces cadres, dont tous les donateurs partenaires devraient tenir compte quand ils prêtent assistance à ces pays.

31. L’expérience montre la nécessité d’instaurer des régimes fiscaux justes et équitables, non antiéconomiques, simples à comprendre et à administrer, verrouillés contre les possibilités de fraude et d’évasion fiscale, et assez souples pour permettre l’imposition des revenus des nouveaux produits financiers, l’élargissement progressif de l’assiette fiscale et l’intégration du secteur informel dans les circuits économiques. Les mesures visant à fiscaliser les revenus de l’économie informelle risquent toutefois d’avoir des effets pervers de soustraction à l’impôt si rien n’est fait parallèlement pour créer des services sociaux et améliorer les conditions de travail et la productivité de la main d’oeuvre employée dans ce secteur.

Les pays devraient s’efforcer de se doter de régimes fiscaux modernes et prendre les mesures suivantes pour que le processus d’adoption des nouvelles règles soit équitable et participatif : S’assurer que le poids de l’impôt est équitablement réparti sur les différentes catégories de contribuables et de revenus (salaires, bénéfices, loyers); Élargir l’assiette fiscale aux revenus des activités qui échappent encore à l’impôt; Appliquer plus largement et plus équitablement l’impôt indirect en ciblant le très dynamique secteur des services et les activités indésirables des points de vue social et environnemental.

32. Le choix des taxes et des impôts doit être viable en termes d’administration et de recouvrement. La transparence du processus budgétaire et l’efficience des institutions de l’État responsabilisent les fonctionnaires et légitiment l’impôt. La transparence accrue du processus budgétaire passe par exemple par l’application de normes internationales précises telles que celles qui figurent dans le Code de bonne pratique en matière de transparence des finances publiques publié par le Fonds monétaire international (FMI). Le recouvrement efficace de l’impôt nécessite aussi une administration fiscale exempte de corruption.

Tous les pays devraient s’efforcer de simplifier leurs lois fiscales, de mieux administrer la fiscalité et d’améliorer le recouvrement de l’impôt en renforçant leurs capacités institutionnelles, techniques et technologiques, y compris par la mise en place d’une administration transparente,  responsable et intègre. Les pays développés et les institutions internationales devraient appuyer les pays en développement et en transition engagés sur cette voie, en leur fournissant notamment une assistance technique pour les aider à renforcer leurs capacités.

33. Les systèmes standard de calcul et de recouvrement de l’impôt risquent d’être difficiles à appliquer dans les pays où l’économie informelle occupe une large place et où de nombreuses activités ne sont donc pas déclarées. Une formule comme l’imposition forfaitaire de catégories précises d’entreprises, sur la base d’un indicateur quelconque, pourrait résoudre le problème. On peut aussi élargir le recouvrement de l’impôt en recensant systématiquement les entreprises et en n’aidant que celles qui apportent la preuve qu’elles sont en règle avec le fisc. C’est un domaine dans lequel tous les pays en développement sont à peu près dans la même situation, ce qui leur ouvre des possibilités de coopération SudSud.

Les pays en développement et en transition devraient prendre des mesures administratives et législatives appropriées pour lutter contre l’évasion fiscale et décourager l’évitement de l’impôt. Les institutions internationales devraient leur fournir une assistance à cette fin, en particulier pour faciliter la coopération SudSud.

34. Le plus difficile en matière de planification des dépenses publiques est de définir des priorités qui tiennent démocratiquement compte des voeux et des besoins des citoyens, et de faire en sorte que les ressources disponibles pour financer les programmes publics soient suffisamment prévisibles pour permettre l’établissement d’un programme à moyen terme, élément que l’on a examiné plus haut en rapport avec le cadre budgétaire à moyen terme (voir par. 30).

35. Les dépenses publiques jouent un rôle fondamental dans la mise en oeuvre de la stratégie nationale de développement, et ce à divers égards. C’est d’elles que dépendent l’existence de la police et de la justice et le maintien de la sécurité, de l’ordre et de la paix, qui sont toutes des fonctions essentielles du gouvernement. Les dépenses publiques sont indispensables à la prise des dispositions voulue en matière de fourniture de biens et de services publics, qu’il s’agisse de l’éducation, de la santé ou des infrastructures de base. Elles sont en outre un moyen efficace d’atténuer les fluctuations macroéconomiques et les effets des crises. En un sens, la capacité d’un gouvernement à répondre aux besoins essentiels de tous les groupes de population, en particulier aux femmes et aux personnes défavorisées, et à leur offrir des services de base donne la mesure de sa légitimité.

Les autorités nationales, régionales et locales devraient instituer des procédures budgétaires transparentes et promouvoir la participation de la société civile à l’examen des dépenses publiques afin d’accroître l’efficacité et l’équité des services en matière de santé, d’éducation, de sécurité sociale et d’infrastructures, et celles des dispositifs de protection sociale. Ces procédures et cet examen devraient aussi aider les autorités à maintenir les dépenses d’entretien et de développement en période d’ajustement, à augmenter la rentabilité des programmes publics et à réorienter ceux qui doivent l’être, et à évaluer leur utilité pour la population pauvre, en particulier pour les femmes, et pour l’environnement.

36. Pour de nombreux pays, le défi majeur consiste à augmenter l’offre de « biens publics », de biens tutélaires et de services essentiels avec de faibles ressources nationales et une capacité administrative limitée. L’accroissement du financement des fonctions et des services administratifs publics suppose l’existence de procédures claires facilitant l’allocation judicieuse des dépenses, et la participation de la société civile et du secteur privé à la prestation de services. Bien des services destinés à l’ensemble de la population continueront d’être fournis essentiellement à titre public de façon à être entièrement et équitablement accessibles (administration de la justice, principaux services sanitaires et éducatifs, protection du consommateur et protection de l’environnement, par exemple). Toutefois, d’autres services importants souvent associés au domaine public, tels que les infrastructures et divers services liés à l’éducation ou à la santé, peuvent également être assurés efficacement par des agents privés mais doivent continuer à faire l’objet de la réglementation et du contrôle voulus.

Les autorités nationales, avec l’aide de la communauté internationale, devraient explorer les possibilités qui existent de faire appel aux ressources administratives aussi bien que financières de la société civile et du secteur privé, afin de faciliter la mise en place d’infrastructures et de services sociaux en mettant l’accent sur la qualité et l’élargissement de l’accès des plus pauvres, en particulier des femmes, et dans le même temps augmenter le plus possible le niveau des ressources publiques allouées à d’autres services non commerciaux, en particulier aux dispositifs de protection sociale, qui sont indispensables à l’organisation de sociétés plus justes et plus équitables.

Consolidation du secteur financier national

37. Le rôle principal du secteur financier est d’encourager l’épargne et d’aiguiller vers les secteurs productifs les ressources disponibles pour l’investissement. Pour mobiliser les ressources nationales et assurer un développement équitable, il est nécessaire de disposer d’un système financier qui soit propice à l’affectation judicieuse des ressources aux secteurs productifs et offre de vastes possibilités en matière d’épargne et de crédit, notamment aux femmes et aux pauvres. Lorsqu’un système financier fonctionne bien, il mobilise les ressources et l’épargne et les oriente vers les secteurs où ils seront les plus productifs, moyennant un faible coût de transaction. Un marché financier bien rôdé facilite aussi les transactions, les opérations de contrepartie, la diversification et la mise en commun des risques et attire les ressources financières extérieures. Compte tenu du rôle majeur des banques commerciales dans le domaine de la prestation de services financiers, la consolidation et la réforme du système bancaire, notamment son contrôle par des autorités indépendantes, sont prioritaires.

Tous les pays devraient contribuer au bon fonctionnement des marchés financiers et, pour cela :
Mettre en place un cadre et une administration juridiques d’ensemble transparents et efficaces, étayés par des institutions dotées de pouvoirs de réglementation et de contrôle afin, entre autres, de réduire la prise de risques excessifs et les « aléas de moralité »; Instaurer un véritable régime en matière d’insolvabilité de façon à équilibrer correctement les droits et les obligations des débiteurs et des créanciers; Promouvoir des pratiques saines en matière de gouvernement d’entreprise, de comptabilité et d’audit dans les entités privées aussi bien que publiques; Assurer le jeu de la concurrence afin de promouvoir l’efficacité et le progrès dans les services financiers, notamment en envisageant, selon qu’il conviendra, d’autoriser la présence d’institutions financières étrangères sur le territoire national.

38. L’État joue un rôle important dans l’organisation de marchés financiers bien organisés, en mettant en place des institutions solides dotées de pouvoirs de réglementation et de surveillance et en veillant au bon exercice de ces pouvoirs. Les marchés financiers comptent parmi les secteurs les plus dynamiques de l’économie mondiale, aussi les cadres de réglementation et les pratiques en matière de surveillance doiventils être conçus pour s’adapter à une évolution constante sans freiner les progrès liés aux innovations financières. S’ajoute à cela le fait que, dans un grand nombre de pays, l’État doit intervenir plus activement afin de combler les lacunes actuelles, en ce qui concerne par exemple l’apport de capitaux d’investissement à long terme faisant appel aux banques de développement et la gestion transparente des subventions que l’État souhaite allouer par l’intermédiaire de ces banques.

Tous les pays devraient s’employer à instaurer un système financier diversifié qui respecte les traditions juridiques et culturelles, et à se doter de réglementations pertinentes, correspondant aux besoins multiples en matière de services financiers, de façon notamment à promouvoir l’épargne des ménages et à faciliter les investissements à long terme. Un système ainsi conçu intègre les marchés pour les obligations et les actions des sociétés publiques et des sociétés privées; divers organismes (caisses de pension, compagnies d’assurance, fonds communs de placement, épargne postale, créanciers hypothécaires, par exemple); et les banques pour le développement et les institutions financières non bancaires. Les groupes de pays à faible économie dont l’activité financière est précaire devraient s’intéresser aux moyens de mettre en place des marchés régionaux de services financiers.

39. Les petites et les moyennes entreprises, dont beaucoup de celles qui sont dirigées par des femmes, peuvent avoir un rôle crucial dans le processus de développement en contribuant à diffuser plus largement les effets de la croissance à l’intérieur du pays et en favorisant une croissance à plus forte intensité de maind’oeuvre. Les besoins de ces pays en matière de financement exigent que les pouvoirs publics consentent un effort particulier en ce sens.

Tous les pays devraient faciliter l’accès des petites et des moyennes entreprises au financement en accordant des crédits – en particulier des microcrédits – et en offrant des programmes de garantie appropriés, ainsi qu’en créant sur les marchés boursiers des segments correspondant aux besoins de ces entreprises et moins strictement réglementés. Il conviendrait de privilégier surtout la transparence du fonctionnement des entreprises, la création de mécanismes de financement axés sur le marché et l’adoption de modalités convenant aux petites entreprises (capitalrisque, sociétés de créditbail et produits d’assurance, par exemple).

40. Dans la plupart des pays en développement, l’octroi de crédits au secteur agricole et aux secteurs connexes est particulièrement important. Ces secteurs fournissent l’essentiel des emplois et représentent un pourcentage non négligeable du produit national. Les propriétaires de grandes exploitations agricoles axées sur le marché – il s’agit souvent de plantations dont la production est destinée à l’exportation – ont généralement accès au marché organisé des prêts. Les pouvoirs publics doivent cependant consentir des efforts plus spécifiques afin de mettre le crédit, les assurances et les autres services financiers à la portée de nombreux petits exploitants, surtout des femmes, qui sont dispersés dans les campagnes et souvent très éloignés des points de vente du secteur des services financiers. Les organismes de crédit coopératif jouent à cet égard un rôle très utile dans bien des pays.

Les pays concernés devraient élaborer un programme de crédit rural qui donne aux agriculteurs, aux pêcheurs utilisant des méthodes traditionnelles et aux autres petits exploitants ruraux un accès équitable au crédit à long terme et au crédit à court terme, à l’assurancerécolte (intempéries) et aux autres services financiers. L’existence d’un cadre juridique et de mesures de promotion favorables aux coopératives de crédit peut avoir une grande importance à cet égard.

41. Il est indispensable qu’existent aussi des systèmes financiers bien conçus et diversifiés permettant aux groupes pauvres et vulnérables de la société d’accéder au crédit et aux autres services, à l’appui du développement et de la lutte contre la pauvreté. L’accès aux services financiers des groupes de population démunis qui vivent dans les zones urbaines aussi bien que dans les zones rurales, ainsi que les entreprises de très petite taille – auxquelles les organismes financiers du secteur formel évitent en général d’offrir leurs services car elles estiment que le coût en serait très élevé – dépend de la mise en place d’autres intermédiaires financiers et d’instruments financiers très divers. Le gouvernement a ici une fonction majeure à remplir s’agissant de rendre possible et de faciliter la création de ces intermédiaires et de ces instruments et, dans les cas appropriés, de fournir des services financiers par l’intermédiaire des institutions publiques ellesmêmes.

Tous les pays devraient promouvoir l’accès des pauvres et des personnes vulnérables aux services financiers en favorisant le développement d’intermédiaires financiers très divers qui s’intéressent aux petits épargnants et aux petits emprunteurs, aux microentreprises, y compris aux organismes de microfinancement, aux coopératives, aux organismes de crédit coopératif et aux organismes d’épargne postale. À cette fin, les pays devraient s’employer activement à supprimer les obstacles institutionnels et réglementaires, tels que les restrictions relatives au recouvrement des dépenses, l’absence de lois garantissant la sécurité des transactions et les registres fonciers dont la tenue laisse à désirer. Les pays devraient par ailleurs s’efforcer d’élargir l’accès des femmes aux principales sources de financement, notamment en affirmant leur droit à donner des biens en garantie pour obtenir des prêts. Les gouvernements et les donateurs devraient fournir des ressources et étudier les moyens de se mettre à la portée des personnes démunies, en particulier par l’intermédiaire de fonds internationaux pour le partenariat entre le secteur public et le secteur privé afin d’encourager la recherche relative aux instruments financiers novateurs et l’utilisation de ces derniers.

42. Du fait de la nature même des transactions financières, l’absence de contrôle ou de garanties implicites ou explicites données par le gouvernement aux institutions financières privées peut engendrer des « aléas de moralité ». Cet état de fait encourage les organismes financiers à prendre des risques excessifs susceptibles de se solder par des crises financières qui entraînent à leur tour des coûts spectaculaires et durables en termes de manque à produire, de montée du chômage et d’austérité budgétaire, non seulement à l’intérieur du pays mais aussi à l’étranger. Même lorsque les crises inhérentes au fonctionnement du système ne sont pas en cause, les acteurs du marché financier méritent d’être protégés contre les opérateurs sans scrupules.

Les pays devraient analyser davantage les éléments sur lesquels reposent les systèmes financiers sains – ce qui contribuerait aussi à rendre les systèmes financiers internationaux et nationaux moins sensibles aux crises et à leurs effets de contagion – en s’évaluant euxmêmes ou en faisant appel à une assistance extérieure, selon la méthode énoncée dans les programmes communs interinstitutions d’évaluation du secteur financier et les rapports sur le respect des normes et des codes. Dans de nombreux pays, une telle démarche peut s’avérer très utile à l’établissement des priorités en matière de réformes financières et à la planification des mesures de réforme et de libéralisation de l’économie.

43. Comme on l’a vu plus haut, l’expérience passée montre que la libéralisation du secteur financier national devrait reposer sur une gestion rigoureuse et judicieuse et sur un échelonnement prudent des mesures et de la réforme des institutions concernées, de façon à ce que les capacités de gestion financière, ainsi que le système de contrôle et de réglementation, soient suffisamment renforcés pour résister aux variations brutales de l’économie nationale et à la volatilité des flux financiers. Il est pour cela indispensable que s’accroissent la coopération et l’aide internationales.

Il faudrait engager les organismes et les institutions bilatérales et multilatérales de financement et de développement à maintenir (dans une optique à long terme et en augmentant le volume des ressources destinées à l’assistance technique) leur appui aux initiatives nationales des pays en développement et des pays en transition en matière de renforcement des capacités du secteur financier.

Sécurité sociale et mobilisation de l’épargne

44. La protection sociale est une expression de la solidarité sociale et offre une assistance aux personnes dont la capacité à travailler est réduite ou insuffisante et qui subissent en conséquence une perte de revenus. Dans les économies traditionnelles, cette assistance est généralement financée par la mise en commun des ressources du groupe familial. Dans les pays plus développés, des mécanismes de sécurité sociale plus formels, que l’État finance et prend en charge à différents degrés, ont systématiquement été mis en place pour faciliter la gestion des risques et répondre aux besoins essentiels des individus et des familles. Ces mécanismes, qui mobilisent le plus souvent des ressources considérables, regroupent les retraites, les assurances chômage, les assurances maladie et invalidité, les assurances privées, les services de santé et les programmes de logement. Les pays à faible revenu ne sont généralement pas à même de financer ou de gérer un système très complexe de protection sociale mais ce sont les groupes pauvres et vulnérables de leur population, en particulier les femmes, qui ont le plus besoin d’une telle protection et sont le plus en droit d’y prétendre, surtout en période de crise économique et financière. La crise asiatique des années 90 a mis en évidence le fait qu’il importe d’élaborer des mesures de protection sociale et d’instaurer un système de protection sociale intégrés aux politiques de développement nationales bien avant que ne surviennent de graves bouleversements.

Les autorités nationales devraient encourager une approche méthodique de l’élaboration de systèmes de protection sociale viables en concevant ces derniers de manière à faciliter la gestion des risques au niveau de l’individu et au niveau de la famille, et en accordant une importance particulière aux femmes; en augmentant le volume des ressources nationales allouées à la protection sociale; en promouvant, dans la mesure du possible, le principe de l’universalité; en évaluant les systèmes compte tenu à la fois de leur efficacité en tant que mécanismes d’aide et de leur impact sur la productivité, la création d’emplois et la compétitivité; en mettant en place des mécanismes institutionnels qui permettent de mieux équilibrer les dépenses liées à la protection sociale à l’échelle nationale et à l’échelle locale; en définissant les modalités et en mobilisant les ressources voulues pour faire bénéficier d’une protection sociale les personnes qui travaillent dans le secteur informel et celles dont le travail n’est pas rémunéré (et qui sont le plus vraisemblablement, et de façon disproportionnée, des femmes); et en mettant en place des systèmes qui permettent d’offrir une protection spéciale aux groupes pauvres et vulnérables en période de crise économique.

45. Dans de nombreux pays en développement et pays à revenu intermédiaire, les caisses de pension financées par des cotisations font désormais partie du système de retraite. Étant donné que les caisses de pension équivalent à des contrats financiers à long terme, elles mobilisent l’épargne à longue échéance, et les fonds correspondants sont donc disponibles pour l’investissement intérieur à long terme. Par ailleurs, les caisses de retraite peuvent, en tant qu’investisseurs institutionnels, contribuer au développement des marchés de capitaux nationaux. En dépit de leur rôle dans la mobilisation des ressources nationales, ces caisses devraient avoir pour fonction première d’assurer aux travailleurs une retraite décente, et leurs autres fonctions devraient avoir un caractère secondaire. Quoi qu’il en soit, la manière dont est investie cette épargne et son impact sur le développement du secteur financier dépendront du volume des fonds et des stratégies d’investissement d’une part et de l’existence d’instruments financiers, d’une réglementation et d’un contrôle, et de la complexité du secteur financier en général d’autre part.

Les autorités nationales devraient envisager la création de caisses de pension, lorsque le contexte national s’y prête, en tant que mécanismes permettant d’assurer une plus grande sécurité des revenus et en tant qu’élément intégré à un système national de pension. Le programme pertinent devrait être conçu de manière à garantir la viabilité de ces caisses et la réalisation de leur objectif premier, à savoir la constitution d’un revenu, et son impact potentiel devrait être concentré sur la mobilisation de l’épargne et le développement du secteur financier grâce à une réglementation efficace, transparente et modulable et à une administration responsable. La mise en commun des données d’expérience dans ce domaine devrait être financée à l’aide des ressources que la communauté internationale réserve à l’assistance technique.

 

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15 janvier 2002

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