Nations Unies | Assemblée générale |
A/CONF.151/26 (Vol. III) 14 août 1992 |
DÉCLARATION DE PRINCIPES, NON JURIDIQUEMENT CONTRAIGNANTE
MAIS FAISANT AUTORITÉ, POUR UN CONSENSUS MONDIAL SUR LA
GESTION, LA CONSERVATION ET L'EXPLOITATION ÉCOLOGIQUEMENT
VIABLE DE TOUS LES TYPES DE FORÊTS
PREAMBULE
a) Le thème des forêts est lié à toute la gamme
des questions d'environnement et de développement ainsi qu'aux perspectives
qui leur sont associées, au nombre
desquelles figure le droit au développement socio-économique sur
une base durable.
b) Les principes énoncés ci-après ont essentiellement
pour but de contribuer à la gestion, à la conservation et à
l'exploitation écologiquement viable des forêts, et de
prévoir les multiples fonctions et usages complémentaires de celles-ci.
c) Les questions et perspectives sylvicoles devraient être examinées
d'une manière globale et équilibrée dans le contexte général
de l'environnement et du
développement, en prenant en considération les multiples fonctions
et usages des forêts, parmi lesquels les usages traditionnels, et les
tensions économiques et
sociales qui risquent d'apparaître quand ces usages sont entravés
ou restreints, ainsi que les possibilités que la gestion écologiquement
viable des forêts peut offrir en
matière de développement.
d) Ces principes traduisent un premier consensus mondial sur les forêts.
Ayant convenu de les appliquer sans délai, les pays décident également
de continuer à en
examiner l'adéquation, dans la perspective d'une coopération internationale
ultérieure sur les questions liées aux forêts.
e) Les présents principes devraient s'appliquer à tous les types
de forêts, qu'elles soient naturelles ou créées par l'homme
et de quelque zone géographique ou
climatique qu'elles relèvent -- australe, boréale, subtempérée,
tempérée, subtropicale ou tropicale.
f) Les forêts de tous types matérialisent des processus écologiques
complexes et spécifiques sur lesquels repose leur capacité actuelle
et potentielle de fournir les
ressources permettant de répondre aux besoins de l'humanité dans
le respect des valeurs écologiques; à ce titre, la gestion rationnelle
et la conservation des forêts
sont un sujet dont se préoccupent les gouvernements des pays auxquels
elles appartiennent et qui intéresse les collectivités locales
et l'environnement dans son
ensemble.
g) Les forêts sont indispensables au développement économique et à l'entretien de toutes les formes de vie.
h) Compte tenu du fait que la responsabilité de la gestion, de la conservation
et de l'exploitation viable des forêts est dans de nombreux Etats répartie
entre divers
échelons d'administration -- national ou fédéral, départemental
ou provincial, et local --, chaque Etat doit, conformément à la
constitution ou à la législation qu'il a
édictée, veiller à faire appliquer les présents
principes aux échelons administratifs appropriés.
PRINCIPES/ELEMENTS
1. a) Conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes
du droit international, les Etats ont le droit souverain d'exploiter leurs propres
ressources selon
leur politique d'environnement et ils ont le devoir de faire en sorte que les
activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous
leur contrôle ne causent pas de
dommage à l'environnement dans d'autres Etats ou dans des régions
ne relevant d'aucune juridiction nationale;
b) Le coût marginal total approuvé de réalisation des avantages
associés à la conservation et à l'exploitation écologiquement
viable des forêts nécessite une
coopération internationale accrue et doit être équitablement
partagé par la communauté internationale.
2. a) Les Etats ont le droit souverain et inaliénable d'utiliser, de
gérer et d'exploiter leurs forêts conformément à
leurs besoins en matière de développement et à leur
niveau de développement économique et social, ainsi qu'à
des politiques nationales compatibles avec le développement durable et
leur législation, y compris la
conversion de zones forestières à d'autres usages dans le cadre
du plan général de développement économique et social
et sur la base de politiques rationnelles
d'utilisation des terres;
b) Les ressources et les terres forestières doivent être gérées
d'une façon écologiquement viable afin de répondre aux
besoins sociaux, économiques, écologiques,
culturels et spirituels des générations actuelles et futures.
L'homme a besoin de produits et de services forestiers tels que le bois et les
produits à base de bois, l'eau,
les produits alimentaires et fourragers, les plantes médicinales, le
combustible, les matériaux de construction, l'emploi, les loisirs, les
habitats de la faune et de la flore,
la diversité des paysages, les réservoirs et puits de carbone
et d'autres produits forestiers. Des mesures appropriées doivent être
prises pour protéger les forêts
contre les effets nocifs de la pollution, notamment atmosphérique, les
incendies, les espèces nuisibles et les maladies, afin de maintenir dans
son intégralité leur valeur
multiple;
c) Il est indispensable de veiller à ce que le public et les décideurs
disposent en temps utile d'informations fiables et précises sur les forêts
et les écosystèmes
forestiers;
d) Les gouvernements devraient encourager, en leur en fournissant l'occasion,
les parties intéressées, parmi lesquelles les collectivités
locales et la population
autochtone, l'industrie, la main-d'oeuvre, les organisations non gouvernementales
et les particuliers, les habitants des forêts et les femmes, à
participer à la
planification, à l'élaboration et à la mise en oeuvre des
politiques forestières nationales.
3. a) Les stratégies et politiques nationales devraient constituer un
cadre permettant d'intensifier les efforts, et notamment la mise en place et
le renforcement des
institutions et des programmes de gestion, de conservation et d'exploitation
écologiquement viable des forêts et des terres forestières;
b) Des arrangements institutionnels internationaux, s'appuyant sur les travaux
des organisations et mécanismes déjà en place, le cas échéant,
devraient faciliter la
coopération internationale dans le domaine des forêts;
c) Tous les aspects de la protection de l'environnement et du développement
économique et social associés aux forêts et aux terres forestières
doivent être intégrés
et appréhendés globalement.
4. Il faut reconnaître le rôle vital que jouent tous les types
de forêts dans le maintien des processus et de l'équilibre écologiques
aux niveaux local, national, régional et
mondial grâce notamment à leur part dans la protection des écosystèmes
fragiles, des bassins versants et des ressources en eau douce et en tant que
riches réserves
de diversité biologique et de ressources biologiques et sources de matériel
génétique pour les produits biotechniques ainsi que dans la photosynthèse.
5. a) Les politiques forestières nationales devraient reconnaître
et protéger comme il convient l'identité, la culture et les droits
des populations autochtones, leurs
collectivités et les autres collectivités, et les habitants des
forêts. Des conditions appropriées doivent être faites à
ces groupes pour leur permettre d'être
économiquement intéressés à l'exploitation des forêts,
de mener des activités rentables, de réaliser et conserver leur
identité culturelle et leur organisation sociale
propres et de jouir de moyens d'existence et d'un niveau de vie adéquats,
notamment grâce à des régimes fonciers incitant à
une gestion écologiquement viable des
forêts;
b) La participation intégrale des femmes à tous les aspects d'une
gestion, d'une conservation et d'une exploitation écologiquement viable
des forêts doit être
activement encouragée.
6. a) Tous les types de forêt jouent un rôle important dans la
satisfaction des besoins énergétiques en fournissant une source
renouvelable d'énergie, en particulier
dans les pays en développement, et la demande de bois de feu pour les
usages domestiques et industriels devrait être satisfaite grâce
à une gestion écologiquement
viable des forêts, ainsi qu'au boisement et au reboisement. A cette fin,
la contribution que peuvent apporter les plantations d'essences tant autochtones
qu'allogènes à
l'approvisionnement en bois de feu ou en bois à usage industriel doit
être reconnue;
b) Les politiques nationales devraient tenir compte, le cas échéant,
des relations entre la conservation, la gestion et l'exploitation écologiquement
viable des forêts et
tous les aspects relatifs à la production, à la consommation,
au recyclage et à l'affectation finale des produits forestiers;
c) Les décisions prises sur la gestion, la conservation et l'exploitation
écologiquement viable des ressources forestières devraient tirer
profit, autant que possible,
d'une évaluation approfondie de la valeur économique et non économique
des biens et services forestiers et des coûts et avantages environnementaux.
La mise au
point et l'amélioration des méthodes à utiliser pour ces
évaluations devraient être encouragées;
d) Le rôle des forêts plantées par l'homme et des cultures
permanentes en tant que sources durables et écologiquement rationnelles
d'énergie renouvelable et de
matières premières industrielles devrait être reconnu, mis
en relief et renforcé. Leur contribution au maintien des processus écologiques
et à l'allégement des pressions
exercées sur les forêts vierges ou anciennes, ainsi qu'à
la promotion de l'emploi et du développement à l'échelon
régional avec une participation appropriée des
populations locales, devrait être reconnu et mis en relief;
e) Les forêts naturelles constituent également une source de biens
et de services, et leur conservation ainsi que leur gestion et leur utilisation
écologiquement viables
devraient être encouragées.
7. a) Des efforts devraient être faits pour instaurer un climat économique
international favorable à une exploitation écologiquement viable
et rationnelle des forêts
dans tous les pays, qui comporterait notamment la promotion de schémas
viables de production et de consommation, l'élimination de la pauvreté
et le renforcement
de la sécurité alimentaire;
b) Des ressources financières particulières devraient être
fournies aux pays en développement dotés d'un important couvert
forestier qui établissent des programmes
de conservation des forêts, notamment des forêts naturelles protégées.
Ces ressources devraient surtout être affectées aux secteurs économiques,
ce qui stimulerait
des activités économiques et sociales de substitution.
8. a) Des efforts devraient être entrepris en vue de rendre le monde
plus vert. Tous les pays, en particulier les pays développés,
devraient prendre des mesures
positives et transparentes en vue du reboisement, du boisement et de la conservation
des forêts, selon le cas;
b) Il faudrait s'efforcer de maintenir et d'accroître le couvert forestier
et la productivité des forêts suivant des méthodes écologiquement,
économiquement et
socialement rationnelles, par le biais de la remise en état, du reboisement
et du rétablissement d'arbres et de forêts sur des terres improductives,
dégradées et
déboisées, ainsi que par la gestion des ressources forestières
existantes;
c) La mise en oeuvre de politiques et programmes nationaux en matière
de gestion, de conservation et d'exploitation écologiquement viable des
forêts, notamment
dans les pays en développement, devrait être appuyée par
une coopération financière et technique internationale, y compris
par l'intermédiaire du secteur privé, s'il y
a lieu;
d) La gestion et l'exploitation écologiquement viables des forêts
devraient être réalisées conformément aux politiques
et priorités nationales en matière de
développement et selon des directives nationales respectueuses de l'environnement.
Dans la formulation de ces directives, il convient de prendre en considération,
le
cas échéant et selon que de besoin, les méthodes et critères
pertinents internationalement acceptés;
e) La gestion forestière devrait être intégrée dans la gestion des zones adjacentes afin de maintenir l'équilibre écologique et une productivité durable;
f) Les politiques et/ou législations nationales concernant la gestion,
la conservation et l'exploitation écologiquement viable des forêts
devraient comprendre la
protection de types de forêts représentatifs ou uniques écologiquement
viables, y compris les forêts vierges ou anciennes et les forêts
à valeur culturelle, spirituelle,
historique, religieuse ou autre, d'importance nationale;
g) L'accès aux ressources biologiques, y compris le matériel
génétique, tiendra dûment compte des droits souverains des
pays où sont situées les forêts, ainsi que de
la mise en commun, à des conditions mutuellement convenues, des techniques
et des avantages tirés des produits biotechniques;
h) Les politiques nationales devraient prévoir la réalisation
d'études d'impact sur l'environnement lorsque les mesures risquent d'avoir
de graves conséquences pour
une grande partie des ressources forestières et lorsque ces mesures sont
soumises à la décision d'un organe national compétent.
9. a) Les efforts des pays en développement pour renforcer la gestion,
la conservation et le développement durable de leurs ressources forestières
devraient être
appuyés par la communauté internationale, compte tenu de l'importance
de réduire l'endettement extérieur, particulièrement là
où il est aggravé par le transfert net de
ressources au profit des pays développés, ainsi que du problème
d'atteindre au moins la valeur de remplacement des forêts grâce
à l'amélioration de l'accès au
marché pour les produits forestiers, spécialement les produits
transformés. A cet égard, il conviendrait également de
prêter une attention particulière aux pays en
transition vers une économie de marché;
b) Les gouvernements et la communauté internationale devraient examiner
les problèmes entravant les efforts déployés en vue d'assurer
la conservation et
l'exploitation écologiquement viable des ressources forestières,
qui résultent de l'absence d'autres options offertes aux collectivités
locales, notamment aux
populations les plus défavorisées des zones urbaines et rurales,
qui sont économiquement et socialement tributaires des forêts et
des ressources forestières;
c) Dans l'élaboration des politiques nationales concernant tous les
types de forêts, il faudrait tenir compte des pressions et des contraintes
imposées aux écosystèmes
et aux ressources des forêts par des facteurs extérieurs au secteur
forestier, et il conviendrait de rechercher des moyens intersectoriels de faire
face à ces pressions
et contraintes.
10. Des ressources financières nouvelles et supplémentaires devraient
être fournies aux pays en développement pour leur permettre de
gérer, de conserver et
d'exploiter de manière écologiquement viable leurs ressources
forestières, notamment par le boisement et le reboisement, et pour lutter
contre le déboisement et la
dégradation des forêts et des sols.
11. En vue de permettre, en particulier, aux pays en développement,
de développer leurs capacités endogènes et de mieux gérer,
préserver et exploiter leurs
ressources forestières, il convient de promouvoir, faciliter et financer
selon que de besoin l'accès à des techniques écologiquement
rationnelles et au savoir-faire
correspondant ainsi que le transfert de ces techniques et de ce savoir-faire,
y compris à des conditions concessionnelles et préférentielles,
mutuellement convenues,
conformément aux dispositions pertinentes d'Action 21.
12. a) La recherche scientifique, les inventaires et évaluations des
forêts, exécutés par des organismes nationaux, tenant compte
le cas échéant de variables
biologiques, physiques, sociales et économiques ainsi que du développement
technologique et de ses applications dans le domaine de la gestion, de la conservation
et de l'exploitation écologiquement viable des ressources forestières,
devraient être renforcés au moyen de mesures efficaces, y compris
la coopération
internationale. Dans ce contexte, il conviendrait de s'intéresser à
la recherche-développement portant sur des produits autres que le bois
à rendement durable;
b) Les capacités institutionnelles nationales et, le cas échéant,
régionales et internationales concernant l'éducation, la formation,
la science, la technologie, l'économie,
l'anthropologie et les aspects sociaux de la sylviculture et de la gestion des
forêts sont essentielles pour la conservation et l'exploitation écologiquement
viable des
ressources forestières et devraient être renforcées;
c) Les échanges internationaux d'informations sur les résultats
de la recherche-développement en matière de forêts et de
gestion des forêts devraient être encouragés
et élargis selon les besoins, en faisant pleinement appel aux établissements
d'enseignement et de formation, y compris ceux du secteur privé;
d) Les capacités autochtones et les connaissances locales appropriées
en matière de conservation et d'exploitation écologiquement viable
des forêts devraient, grâce
à un appui institutionnel et financier et en collaboration avec les populations
des collectivités locales intéressées, être reconnues,
respectées, enregistrées,
perfectionnées et, le cas échéant, utilisées dans
l'exécution des programmes. Les avantages découlant de l'utilisation
des connaissances locales devraient en
conséquence être équitablement partagés avec ces
populations.
13. a) Le commerce des produits forestiers devrait se fonder sur des règles
et procédures non discriminatoires et multilatéralement acceptées,
compatibles avec le
droit et les pratiques commerciales internationales. Il conviendrait à
cet égard de favoriser un commerce international ouvert et libre;
b) La réduction ou la suppression des barrières et obstacles
tarifaires à l'octroi d'un meilleur accès aux marchés et
de meilleurs prix pour les produits forestiers à
valeur ajoutée plus élevée et leur transformation locale
devraient être encouragés de manière à permettre
aux pays producteurs de mieux conserver et gérer leurs
ressources forestières renouvelables;
c) Afin de permettre la conservation et une exploitation écologiquement
viable des forêts, il conviendrait d'encourager, tant au niveau national
qu'international,
l'intégration des coûts et bénéfices environnementaux
aux forces et mécanismes du marché;
d) Les politiques de conservation et d'exploitation écologiquement viable
des forêts devraient être intégrées aux politiques
économiques et commerciales et autres
politiques pertinentes;
e) Dans le domaine financier, commercial ou industriel ainsi qu'en matière
de transport ou dans d'autres domaines, les politiques et les pratiques qui
peuvent conduire
à une dégradation des forêts doivent être évitées.
Il faudrait promouvoir des politiques appropriées axées sur la
gestion, la conservation et l'exploitation
écologiquement viable des forêts, y compris, le cas échéant,
des incitations.
14. Il faudrait éliminer ou éviter les mesures unilatérales,
incompatibles avec les obligations internationales ou accords internationaux,
qui visent à restreindre et/ou à
bannir le commerce international du bois d'oeuvre et d'autres produits forestiers,
afin de parvenir à une gestion forestière écologiquement
viable à long terme.
15. Les polluants, en particulier les polluants atmosphériques, y compris
ceux qui sont à l'origine de dépôts acides, nuisibles à
la santé des écosystèmes forestiers aux
échelons local, national, régional et mondial, devraient être
contrôlés.