DECLARATION SUR LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA REDUCTION DE LA DEMANDE DE DROGUES

(Résolution II adoptée sur recommandation du Comité ad hoc plénier - texte du projet de résolution figurant dans la section A du chapitre V du document A/S-20/4)

L'Assemblée générale

Adopte la Déclaration sur les principes fondamentaux de la réduction de la demande de drogues figurant en annexe à la présente résolution.

Annexe

Déclaration sur les principes fondamentaux de la réduction de la demande de drogues(10)

I. L'enjeu

1. Tous les pays sont touchés par les conséquences dévastatrices de l'abus des drogues et du trafic illicite de drogues : effets néfastes sur la santé; montée de la criminalité, de la violence et de la corruption; ponction sur des ressources humaines, naturelles et financières qui pourraient autrement être affectées au développement social et économique; destruction d'individus, de familles et de communautés; enfin déstabilisation des structures politiques, culturelles, sociales et économiques.

2. Le phénomène de l'abus de drogues touche tous les secteurs de la société et les pays à tous les niveaux de développement. Pour cette raison, les programmes et les politiques de réduction de la demande de drogues devraient porter sur tous les secteurs de la société.

3. L'évolution rapide de la situation sociale et économique, associée à un accroissement de l'offre et de la demande de drogues illicites, ainsi qu'à un développement de la promotion de ces drogues, a contribué à donner une nouvelle ampleur au problème mondial de la drogue. La complexité du problème a été exacerbée par l'évolution des tendances en ce qui concerne l'utilisation, l'offre et la distribution de drogues. On assiste à une aggravation de la situation sociale et économique qui rend les gens, et en particulier les jeunes, plus vulnérables et les incite à consommer des drogues et à adopter des comportements à risque liés aux drogues.

4. Les gouvernements ont déployé et continuent de déployer d'immenses efforts à tous les niveaux pour lutter contre la production, le trafic et la distribution illicites de drogues. Le moyen le plus efficace de lutter contre le problème des drogues consiste à aborder le contrôle de l'offre et la réduction de la demande selon une approche globale, équilibrée et coordonnée, de manière que les deux stratégies se renforcent mutuellement et à appliquer comme il convient le principe de la responsabilité partagée. Il est maintenant nécessaire d'intensifier nos efforts dans le domaine de la réduction de la demande et de dégager des ressources suffisantes à cette fin.

5. Les programmes visant à réduire la demande illicite de drogues devraient s'inscrire dans une stratégie globale de réduction de toutes les substances dont il est fait abus. Ces programmes devraient être intégrés, afin de promouvoir la coopération entre tous les intéressés; ils devraient comporter un large éventail de mesures appropriées, promouvoir la santé et le bien-être social des individus, des familles et des communautés et réduire les conséquences néfastes de l'abus des drogues tant au niveau de l'individu qu'à celui de la société dans son ensemble.

6. La présente Déclaration est une initiative importante prise dans le cadre de la Décennie des Nations Unies contre la drogue, qui couvre la période 1991-2000. Elle répond à la nécessité d'un instrument international sur l'adoption de mesures efficaces, aux niveaux national, régional et international contre la demande de drogues illicites, et s'appuie sur un certain nombre de conventions et de recommandations internationales liées à cette question et décrites plus en détail dans l'appendice à la présente Déclaration.

II. L'engagement

7. Nous, États Membres des l'Organisation des Nations Unies,

a) Prenons l'engagement de faire en sorte que la présente Déclaration sur les Principes fondamentaux de la réduction de la demande des drogues guide nos actions;

b) Nous engageons durablement, dans les domaines politique, social, sanitaire et éducatif, à lancer des programmes de réduction de la demande qui contribueront à réduire les problèmes de santé publique, à améliorer la santé et le bien-être des individus, à promouvoir l'intégration sociale et économique, à renforcer les structures familiales et à améliorer la sécurité des communautés;

c) Convenons de promouvoir de façon équilibrée la coopération interrégionale et internationale en vue de contrôler l'offre et de réduire la demande;

d) Adoptons les mesures prévues au paragraphe 4 de l'article 14 de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988(11), qui dispose notamment que les parties doivent adopter «les mesures appropriées pour supprimer ou réduire la demande illicite de stupéfiants et de substances psychotropes» et peuvent conclure des accords ou arrangements bilatéraux ou multilatéraux visant à supprimer ou à réduire cette demande.

III. Les principes fondamentaux

8. Les principes suivants devront guider la formulation du volet réduction de la demande des stratégies nationales et internationales relatives au contrôle des drogues, conformément aux principes de la Charte des Nations Unies et du droit international et, en particulier, à la nécessité de respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale des États; aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, ainsi qu'aux principes de la Déclaration universelle des droits de l'homme; et au principe de la responsabilité partagée :

a) Il conviendra d'adopter une démarche équilibrée associant réduction de la demande et réduction de l'offre, ces deux aspects se renforçant l'un l'autre, dans le cadre d'une stratégie intégrée visant à résoudre le problème des drogues;

b) Les politiques de réduction de la demande doivent :

i) Viser à empêcher la consommation de drogues et à réduire les conséquences néfastes de l'abus des drogues;

ii) Permettre et encourager la participation active et concertée de l'individu au sein de la collectivité, tant de façon générale que dans les cas présentant un risque particulier du fait, par exemple, de la situation géographique, des conditions économiques ou de l'importance relative du nombre de toxicomanes;

iii) Tenir compte tant du contexte culturel que des sexospécificités;

iv) Contribuer à créer et à maintenir des conditions favorables.

IV. Le plan d'action

A. Évaluation du problème

9. Les programmes de réduction de la demande devraient être fondés sur une évaluation régulière de la nature et de l'ampleur de la consommation et de l'abus des drogues ainsi que des problèmes y afférents dans la population. Cette évaluation est impérative pour déceler les tendances qui se dessinent. Ce sont les États qui devraient s'acquitter de cette tâche, d'une manière complète, systématique et périodique en se fondant sur les résultats des études sur cette question, tout en tenant compte des facteurs géographiques et en utilisant des définitions, des indicateurs et des procédures analogues pour l'évaluation de la situation concernant les drogues. Les stratégies de réduction de la demande devraient être fondées sur les acquis de la recherche, ainsi que sur les enseignements tirés des programmes passés. Ces stratégies devraient tenir compte des progrès scientifiques accomplis dans ce domaine, conformément aux obligations conventionnelles, compte tenu de la législation nationale et du Schéma multidisciplinaire complet pour les activités futures de lutte contre l'abus des drogues(12).

B. Manière d'aborder le problème

10. Les programmes de réduction de la demande devraient couvrir tous les domaines de la prévention, allant des mesures propres à dissuader les personnes tentées par un premier essai jusqu'à l'atténuation des conséquences nocives sur la santé et sur la société de l'abus des drogues. Ils devraient englober l'information, l'enseignement, la sensibilisation du public, l'intervention précoce, les conseils, le traitement, la réadaptation sociale, la prévention des rechutes, la postcure et à la réinsertion sociale. Une aide et un accès aux services devraient être offerts dès le début à ceux qui en ont besoin.

C. Nécessité de former des partenariats

11. L'évaluation exacte du problème, la recherche de solutions viables et l'élaboration et l'exécution de politiques et de programmes appropriés appellent un partenariat auquel soit associé l'ensemble de la société civile. La collaboration entre les divers gouvernements, les organisations gouvernementales, les parents, les enseignants, les professionnels de la santé, les jeunes et les organisations communautaires, les organisations d'employeurs et les travailleurs, ainsi que le secteur privé est donc indispensable. Cette collaboration permet de mieux sensibiliser le public et aide la société civile à mieux faire face aux conséquences néfastes de l'abus des drogues. La viabilité des stratégies de réduction de la demande passe par la sensibilisation et la responsabilisation de la population et par la mobilisation de la société civile.

12. Les efforts de réduction de la demande devraient être intégrés dans le contexte plus large des politiques en matière de protection sociale et de santé, ainsi que dans les programmes d'éducation préventive. Il faut instaurer et préserver un environnement propre à rendre le choix d'un mode de vie sain à la fois attrayant et possible. Les efforts visant à réduire la demande de drogues devraient s'inscrire dans le cadre d'une politique sociale qui favorise la collaboration multisectorielle. Ils doivent être globaux, polyvalents, coordonnés et intégrés dans les politiques sociales et autres politiques d'intérêt public ayant des incidences sur la santé publique et le bien-être économique et social général des populations.

D. Accent mis sur les besoins particuliers

13. Les programmes de réduction de la demande devraient être conçus de manière à répondre aux besoins de la population en général, ainsi qu'à ceux de groupes particuliers, une attention particulière étant accordée aux jeunes. Ces programmes doivent être efficaces, pertinents et accessibles aux groupes qui courent les plus grands risques, et prendre en considération les différences tenant au sexe, à la culture et à l'éducation.

14. Afin de promouvoir la réinsertion sociale des délinquants toxicomanes, le cas échéant et conformément aux lois et politiques nationales des États Membres, les gouvernements devraient envisager, soit en tant que mesures de substitution à une condamnation ou à l'imposition d'une peine, soit en complément de cette peine, d'imposer aux toxicomanes un traitement, une éducation, une postcure, une réadaptation et une réinsertion sociale. Les États Membres devraient mettre en place, au sein du système de justice pénale, le cas échéant, des moyens propres à aider les toxicomanes en matière d'éducation, de traitement et de réadaptation. Dans ce contexte général, une coopération étroite entre le système de justice pénale, le système de santé et les systèmes sociaux est nécessaire et doit être encouragée.

E. Nécessité d'envoyer le bon message

15. Les informations utilisées dans les programmes d'enseignement et de prévention devraient être claires, scientifiquement exactes et fiables, culturellement acceptables, opportunes et, si possible, testées sur une population cible. Tous les efforts devraient être déployés pour assurer la crédibilité, éviter le sensationnalisme, promouvoir la confiance et renforcer l'efficacité. Les États devraient, en coopération avec les médias, s'efforcer de faire prendre davantage conscience au public des dangers de la drogue et promouvoir les messages de prévention, de manière à faire contrepoids à la promotion de la consommation de drogues dans la culture populaire.

F. Nécessité de tirer parti de l'expérience

16. Les États devraient mettre un accent approprié sur la formation des décideurs, des planificateurs et des praticiens, à tous les niveaux de la conception, de l'exécution et de l'évaluation des stratégies et des programmes de réduction de la demande. Ces stratégies et ces programmes devraient être permanents et axés sur les besoins des participants.

17. Il convient d'évaluer avec précision les stratégies de réduction de la demande et les activités particulières en la matière, afin de déterminer et d'améliorer leur efficacité. Ces évaluations devraient être également adaptées à la culture et au programme considérés. Les résultats de ces évaluations devraient être partagés par toutes les parties intéressées.

Appendice

Informations complémentaires à l'intention des gouvernements envisageant d'adopter des stratégies nationales de contrôle des drogues

1. En vertu de l'article 38 de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, telle que modifiée par le Protocole de 1972(13), et de l'article 20 de la Convention sur les substances psychotropes de 1971(14), les États parties à ces conventions prennent toutes les mesures possibles pour prévenir l'abus des stupéfiants et des substances psychotropes et «pour assurer le prompt dépistage, le traitement, l'éducation, la postcure, la réadaptation et la réintégration sociale des personnes intéressées». L'article 14 de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988 dispose que les parties «adoptent les mesures appropriées pour supprimer ou réduire la demande illicite de stupéfiants et de substances psychotropes en vue de réduire les souffrances humaines et de faire disparaître les incitations d'ordre financier au trafic illicite»10.

2. Les préoccupations de plus en plus vives à l'échelle mondiale liées à l'ampleur, à la nature et aux effets de l'abus des drogues, offrant l'occasion et suscitant la volonté de redoubler d'efforts, les États réaffirment la validité et l'importance des déclarations et des accords internationaux concernant la réduction de la demande. L'importance de cette question a été confirmée par la Conférence internationale sur l'abus et le trafic illicite des drogues, qui s'est tenue à Vienne du 17 au 26 juin 1987 et qui a adopté le Schéma multidisciplinaire complet pour les activités futures de lutte contre l'abus des drogues. Ce schéma fixe 14 objectifs dans le domaine de la réduction de la demande et énonce les types d'activités à mener à bien aux niveaux national, régional et international pour les atteindre. L'Assemblée générale, le Conseil économique et social et la Commission des stupéfiants ont aussi adopté des résolutions dans lesquelles ils ont fait leur le Schéma multidisciplinaire complet et ont souligné la nécessité de s'intéresser davantage à la réduction de la demande. Par ailleurs, à sa dix-septième session extraordinaire, consacrée à la question de la coopération internationale contre la production, l'offre, la demande, le trafic et la distribution illicites de stupéfiants et de substances psychotropes, l'Assemblée générale a, par sa résolution S-17/2 du 23 février 1990, adopté la Déclaration politique et le Programme d'action mondial. Les paragraphes 9 à 37 de ce programme traitent de la prévention et de la diminution de l'abus des drogues en vue de l'élimination de la demande illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, ainsi que du traitement, de la réadaptation et de la réinsertion sociale des toxicomanes. Le Sommet ministériel mondial sur la réduction de la demande de drogues et la lutte contre la cocaïne, qui s'est tenu à Londres du 9 au 11 avril 1990, s'est aussi penché sur la réduction de la demande.

3. En outre, à son article 33, la Convention relative aux droits de l'enfant(15) souligne la nécessité de protéger les enfants contre l'abus de stupéfiants et de substances psychotropes. Le Programme d'action mondial pour la jeunesse à l'horizon 2000 et au-delà se fait également l'écho de cette nécessité et, à ses paragraphes 77 et 78, il propose d'associer les organisations de jeunes et les jeunes aux activités de réduction de la demande. Un instrument non moins important est le Recueil de règles pratiques sur le traitement des problèmes liés à la drogue et à l'alcool sur les lieux de travail, adopté par une réunion tripartite d'experts et approuvé ultérieurement par le Conseil d'administration de l'Organisation internationale du Travail à sa deux-cent-soixante-deuxième session, en 1995. Les principes de l'égalité des chances et de traitement figurant dans la Convention de l'Organisation internationale du Travail de 1958 concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession No 111 se rapportent aussi directement à la réduction de la demande.



10. Par «réduction de la demande de drogues», on entend les politiques ou les programmes visant à réduire la demande, par des consommateurs, de stupéfiants et de substances psychotropes qui font l'objet des conventions relatives au contrôle international des drogues (Convention unique sur les stupéfiants de 1961 telle que modifiée par le Protocole de 1972, Convention sur les substances psychotropes de 1971 et Convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988). La distribution de ces stupéfiants et substances psychotropes est interdite par la loi ou limitée aux circuits médicaux et pharmaceutiques.

11. Voir Documents officiels de la Conférence des Nations Unies pour l'adoption d'une Convention contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes, Vienne, 25 novembre-20 décembre 1988, vol. I (publication des Nations Unies, numéro de vente : F.94.XI.5).

12. Voir Rapport de la Conférence internationale sur l'abus et le trafic illicites des drogues, Vienne, 17-26 juin 1987 (publication des Nations Unies, numéro de vente : F.87.I.18), chap. I, sect. A.

13. Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 976, No 14152.

14. Ibid., vol. 1019, No 14956.

15. Résolution 44/25, annexe.