Déclaration de S. E. Monsieur Srgjan Kerim à la réunion du Groupe des ambassadeurs francophones, le 5 décembre 2007

Monsieur le Président,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Chers amis francophones,

Etant moi-même non seulement un diplomate, mais aussi un francophone - et même un francophile - convaincu depuis de longues années, c’est donc avec un plaisir particulier que je me retrouve parmi vous aujourd’hui à la mission de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Au-delà de mon inclinaison personnelle, je salue tout particulièrement l’opportunité qui m’est donnée par la présidence française d’engager un échange avec la communauté francophone, qui représente près d’un tiers des Etats représentés aux Nations-Unies.

Monsieur le Président, puisque vous me donnez l’occasion de m’adresser à un groupe aussi important par sa taille que diversifié par la nature de ses membres, je souhaite profiter de l’opportunité qui m’est offerte pour développer devant vous, dans un premier temps, la vision qui m’a animé dans la définition de mon mandat. J’en viendrai dans un second temps aux quelques points d’actualité qui peuvent s’avérer intéressants pour cette assemblée, avant de répondre aux questions que vous pourriez avoir.

Dans la lettre programmatique que je vous ai adressée au début du mois dernier, j’ai eu l’occasion de vous présenter un point de situation général. J’ai bien entendu également eu l’opportunité de rencontrer  la plupart d’entre vous dans des contextes différents, et je vous remercie individuellement pour le soutien que vous m’avez apporté  ainsi que pour les suggestions que vous m’avez soumises et qui ont nourri mon projet.

J’aimerai cet après midi revenir sur les priorités de ma présidence, qui se veulent l’émanation d’une conception particulière des relations internationales et de ce que doit être, dans le monde d’aujourd’hui, la place des Nations Unies. Elle part du constat que l’écart se creuse de façon dramatique entre les objectifs que nous nous assignons en tant que communauté internationale et notre capacité à les atteindre. Ces objectifs sont, notamment, de promouvoir les droits de l’homme,  le devoir de protéger, la sécurité humaine, le développement durable et de veiller au progrès économique et social nécessaire au bien être mondial. C’est pourquoi j’estime impératif de donner à cette organisation les moyens de ses ambitions, dans un esprit de coopération démocratique, qui prône la transparence et la participation de tous. Nous devons travailler dans un esprit de respect – le respect mutuel, bien entendu, mais aussi celui de l’état de droit et du droit international. Le multilatéralisme  ne se fera qu’à ce prix.

Concrètement, la première de mes priorités, vous le savez, est indubitablement la lutte contre les changements climatiques. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, je suis convaincu que le développement sera durable, ou ne sera pas. C’est la raison pour laquelle j’ai fait du réchauffement climatique le fer de lance de ma Présidence. Je suis en effet convaincu qu’il s’agit là autant d’un sujet de développement que d’un sujet d’environnement. En effet, si nous ne nous donnons pas les moyens de prévenir et, surtout, de nous adapter aux changements climatiques, nous ne serons pas en mesure d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement. Certains des  pays de la Francophonie – je pense en particulier aux pays d’Afrique subsaharienne - sont d’ailleurs les plus vulnérables face aux catastrophes climatiques qui nous affectent, qu’elles soient brutales ou qu’elles s’inscrivent dans la durée. C’est la raison pour laquelle je m’engage à prêter une attention particulière à la condition des groupes d’Etats les plus vulnérables dans les mois à venir.

J’organiserai à cette fin un panel thématique qui rassemblera tous les acteurs concernés sur ce thème, les 11 et 12 février prochain. Le premier des deux jours de ce débat sera dédié au dialogue entre tous les acteurs concernés. Il sera articulé autour de deux panels: l’un sur les partenariats publics-privés ; et l’autre sur les différentes réponses apportées par le système onusien dans son ensemble aux  problèmes climatiques. Le deuxième jour sera consacré aux réactions nationales sur ces deux thèmes que j’estime essentiels. J’aurai le plaisir de vous envoyer sous peu un courrier vous donnant de plus amples informations sur cet évènement mais je reste bien évidemment à votre entière disposition pour répondre aux questions que vous pourriez avoir dès à présent.

Au-delà des enjeux climatiques, les Objectifs du Millénaire pour le développement sont également au cœur de mes priorités, comme au cœur des vôtres comme vous l’avez exprimé tout au long du débat général. C’est pourquoi j’ai souhaité, là encore, lancer un débat thématique au début du mois d’avril sur la mise en œuvre effective des Objectifs. Il sera dédié à trois thèmes centraux : la pauvreté et la faim ; l’éducation ; et enfin la santé. En lien direct avec ce thème, la question du financement pour le développement est également cruciale. La 62ème session doit nous faire progresser sur ce thème, et le Dialogue de haut niveau du mois d’octobre nous a permis d’avancer grâce à vos contributions actives.

Par ailleurs, je considère la lutte contre le terrorisme comme une priorité de la plus grande importance. Hier s’est tenu, comme vous le savez, une réunion informelle à l’Assemblée générale sur la mise en œuvre d’une stratégie globale.  La réunion a permis aux différents acteurs de faire un point de situation actualisé sur leur travail. Elle a également permis aux Etats membres de mettre en évidence les domaines dans lesquels un renforcement des capacités est nécessaire. J’ai été très favorablement impressionné par l’implication  très active des participants je me prépare à vous consulter sur la manière d’aller de l’avant en vue de la revue formelle à la fin de la session.

Enfin, sur la réforme des Nations-Unies, la révision du mandat, la réforme de la gestion, la revitalisation de l’Assemblée générale tout comme la réforme du Conseil de Sécurité sont des thèmes complémentaires. Sur ce dernier point, les sept points mentionnés dans mes remarques de clôture du 14 novembre sont à mon avis les principes indispensables pour aller de l’avant. Ils constituent à mon sens les "règles du jeu", que je serai très heureux de développer devant vous si vous le souhaitez.

De plus amples progrès sont également nécessaires dans d’autres domaines, comme la justice,  la communication et l’information, ou encore la gestion des ressources humaines. J’entends tenir un débat thématique au cours du premier semestre 2008, pour faire le bilan des progrès accomplis à ce stade sur ces thèmes et définir les actions qui restent à mener, en lien étroit avec les préoccupations des Etats membres. Comme le sentiment général est favorable à la conclusion des négociations sur l’examen triennal des activités opérationnelles de développement du système avant que les consultations ne commencent sur la cohérence à l’échelle du système, je ne nommerai des facilitateurs à cet effet qu’à la mi-janvier.

Mesdames et Messieurs,

Comme le disait Victor Hugo, « La langue française […] a commencé à être choisie par les peuples comme un intermédiaire entre l’excès de consonnes du nord et l’excès de voyelles du midi »… Je ne sais pas si ce commentaire est toujours d’actualité, mais il est certain que la langue française a longtemps été la langue de la diplomatie mondiale. Et je sais combien les Etats membres de l’OIF restent attachés au statut et à l’usage du Français au sein de l’Organisation, et au respect de l’égalité des langues de travail et des langues officielles en matière de traduction, d’interprétation, de publication des documents.

Comme le constatait encore récemment le Secrétaire Général, chaque jour, l'anglais s'impose un peu plus parmi nous et l’inégalité d’accès à l’information s’impose un peu plus. Pour tenter de restaurer l’équilibre, tous les deux ans, la France présente une résolution pour tenter de remettre à égalité les six langues officielles de l’Organisation, et les deux langues de travail.

Cette année, Monsieur le Président, votre initiative a rencontré un grand succès. Je sais que ce combat n’est pas qu’une position de principe, ni un combat d’arrière garde, bien au contraire : je comprends à quel point les retards de traduction et la tenue exclusive de réunions en anglais peuvent être des obstacles aux missions francophones pour pouvoir suivre les travaux de l’Organisation. Il me semble donc important d’encourager l’Assemblée générale à poursuivre ses efforts pour que les services de traduction et d’interprétation ainsi que les services de terminologie soient de la plus haute qualité. Il me semble également essentiel que l’Assemblée continue de se mobiliser pour donner vie au principe du multilinguisme aux Nations-Unies conformément à la résolution sur le multilinguisme A/61/266 co-parrainée par 113 États-membres.

Je crois en effet, comme le Secrétaire général, que le multilinguisme est l'équivalent linguistique du multilatéralisme.
Je vous remercie de votre attention et suis à votre disposition pour répondre aux questions que vous pourriez avoir.

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