Treizième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale,
8e séance plénière – matin
SOC/CP/363

Le Congrès pour la prévention du crime discute de la promotion de l’état de droit, « cadre du contrat social entre les peuples et leur gouvernement et garant de la canalisation des ressources vers le développement »

DOHA, QATAR, 15 avril - L’état de droit offre le cadre nécessaire au contrat social entre les peuples et leur gouvernement, car en garantissant l’accès à la justice et en prévenant l’impunité, il veille à la canalisation des ressources vers le développement.  Ces mots, prononcés par le représentant de la Suisse, résument peut-être à eux seuls, la pertinence du débat que le treizième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale a organisé, aujourd’hui, au quatrième jour de ses travaux à Doha, sur « les succès et les difficultés dans l’application des politiques et stratégies visant à promouvoir l’état de droit et à favoriser le développement durable ».

Les succès?  Ils tiennent sans doute au consensus international sur l’importance, en tant qu’« éléments fondamentaux de l’état de droit », des systèmes de prévention de la criminalité et de justice pénale « efficaces, équitables, humains et responsables », comme le stipule la « Déclaration politique » adoptée au premier jour du Congrès, le 12 avril dernier.  Les échecs?  La persistance voire l’aggravation de la criminalité, de la violence, de la corruption et du terrorisme, ont reconnu les 18 intervenants au débat.

Pourquoi promouvoir l’état de droit?  Parce qu’il est directement lié à la bonne gouvernance et à la consolidation du développement socioéconomique.  Comme l’a dit le représentant de l’Allemagne, on ne peut réaliser le développement durable sans contenir, grâce aux « éléments fondamentaux de l’état de droit » que sont des systèmes de justice pénale « efficaces, équitables, humains et responsables », les effets déstabilisateurs de la criminalité transnationale organisée et du terrorisme, lesquels mènent directement ou indirectement aux inégalités, à la marginalisation et à la pauvreté.  La Banque mondiale l’a confirmé: la violence détourne 5% du PNB des ressources du développement, a fait observer le représentant de « International Organization for Victim Assistance (IOVA) ».  L’état de droit, a expliqué le représentant de la Suisse, offre le cadre nécessaire au « contrat social » entre les peuples et leur gouvernement.  En garantissant l’accès à la justice et en prévenant l’impunité, il veille à ce que toutes les ressources d’un pays soient canalisées vers le développement. 

Le représentant du Maroc n’a pas dit autre chose, lorsqu’il a imputé à la « défaillance » des institutions de contrôle, la recrudescence des activités criminelles où l’on voit trafiquants de drogues, réseaux criminels et groupes terroristes nouer des liens et intensifier le trafic d’armes, ont ajouté ses homologues de l’Iraq et de la Libye, en pointant le doigt sur les organisations terroristes, Al-Qaida et Daech.

Le consensus international sur ce diagnostic a, une nouvelle fois, été réitéré aujourd’hui.  Les participants au débat se sont donc félicités de ce que l’objectif 16 du futur programme de développement pour l’après-2015 parle de l’« accès à la justice pour tous ».  S’il faut s’en réjouir, a insisté le représentant de la Suisse, il faut surtout reconnaître que l’état de droit va bien au-delà d’un seul objectif et qu’en conséquence, il doit être promu transversalement dans tous les aspects du futur programme.  Le fait que les stratégies et institutions de prévention du crime et de justice pénale ne mènent pas à elles seules au développement durable n’enlève rien à leur nature « essentielle » pour tout plan de développement, a renchéri le représentant des États-Unis.  Son homologue de la Libye a souligné le caractère « incontournable » de l’indépendance des juges.  L’effort « considérable » mené au Kenya en faveur de la probité des juges, dont la création du Conseil national sur l’administration de la justice, a été expliqué par sa représentante.

La probité des juges, a insisté son homologue des États-Unis, pour s’assurer d’un système de justice pénale « inclusif, représentatif et protecteur» de tous les membres de la société, y compris les femmes, les minorités et les autres groupes vulnérables, dont les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres.  Protecteur de tous les membres de la société?  C’est peut-être là que le bât blesse, selon la représentante d’Amnesty International qui a dénoncé les violations des droits de l’homme commises par des polices « trop zélées » contre les femmes, les personnes marginalisées, les pauvres et quiconque transgresse les normes sociales.  Il y a des limites au pouvoir policier des États, il y a des normes internationales des droits de l’homme.  Quand les États, a-t-elle mis en garde, dépassent ces limites, alors les violations arrivent. 

Parfois, a-t-elle aussi plaidé, la prévention du crime et la justice pénale requièrent des approches alternatives à la criminalisation, comme des approches fondées sur la santé publique, le changement social et les droits de l’homme.  La représentante d’Amnesty International n’a pas été contredite par celui des États-Unis qui a reconnu que promouvoir les femmes, les minorités et autres membres des populations vulnérables, comme professionnels de la justice pénale, conduit à un système « qui comprend parfaitement la communauté qu’il sert et qui est plus à même d’y répondre efficacement ».  La représentante d’Amnesty International a invité les délégations à deux manifestations parallèles sur la criminalisation des professionnels du sexe et des séropositifs et sur le système judiciaire, les femmes et les marginalisés. 

Qu’en est-il des petits délinquants du trafic de drogues?  La représentante de « Drug Policy Consortium » a attiré l’attention sur les conséquences négatives des fortes peines infligées à ces derniers dont la plupart sont déjà des gens marginalisés, vulnérables et issus d’un milieu socioéconomique défavorisé.  L’incarcération de ces petits délinquants exacerbe la pauvreté et l’insécurité mêmes qui les ont conduits en prison.  Elle les marginalise et les stigmatise, sans compter que les centres de réhabilitation dans lesquels on les envoie sont une autre mesure aux conséquences graves sur leur santé et leur condition sociale.

Les multiples problèmes du système de justice pénale sont bien loin de disparaître dans un monde de moins en moins pacifique, comme l’a décrit le représentant de la Norvège, alarmé par l’augmentation du nombre des conflits, des homicides, des actes terroristes et des crimes violents.  Les moteurs de l’insécurité, s’est-il inquiété, sont de plus difficiles à appréhender puisque les criminels vont des férus d’Internet, aux loups solitaires, en passant par les insurgés ou les gangs.  Pour les décideurs politiques, le défi n’a jamais été si considérable et pour ne parler que de la Norvège, les groupes extrémistes sont ethniquement plus complexes et les voies de la radicalisation se sont multipliées, l’Internet devenant l’arène des arènes, incitant des jeunes à rejoindre des groupes armés bien loin des frontières norvégiennes. 

Le pays a choisi de combattre la radicalisation et l’extrémisme violent en fonction des mêmes principes fondamentaux de la prévention générale du crime, a expliqué le représentant norvégien, arguant que la lutte contre la criminalité juvénile est une responsabilité sociale qui exige une collaboration entre toutes les entités de l’administrative publique, dont le système de justice et les institutions chargée de la protection de l’enfant.  Si la prévention échoue, la même coopération interinstitutions prend le relais, de la première intervention de la police à la réinsertion sociale, en passant par l’exécution de la peine.  Touchée également par la radicalisation des jeunes, le Kenya, a dit sa représentante, a choisi de mobiliser les dirigeants religieux pour des campagnes de sensibilisation.

Parmi d’autres fléaux, le représentant de l’Allemagne a cité la corruption.  Ces dernières années, a-t-il rappelé, la communauté internationale a établi un excellent ensemble de règles qui peuvent s’appliquer « virtuellement » au monde entier.  Il est temps de passer de la parole aux actes et de concrétiser les promesses de la Convention des Nations Unies contre la corruption.  Son homologue du Maroc a d’ailleurs plaidé pour l’adoption d’un mécanisme d’examen pour une meilleure application de la Convention et pour permettre aux États d’identifier les besoins et les modalités en matière d’assistance technique.  « Il y va de la crédibilité et de l’efficience de la Convention ».  Son homologue de l’Indonésie a attiré l’attention sur le rôle que peuvent jouer les femmes dans la lutte contre la corruption, en particulier dans la sensibilisation de l’opinion aux dangers de ce fléau dans la vie quotidienne, ce qui a été reconnu par la Conférence sur la lutte des femmes contre la corruption de 2013.  L’importance de la famille pour la prévention du crime a été défendue par le représentant du Nicaragua, « pays le plus sûr de l’Amérique centrale » et chantre du concept de « sécurité communautaire », consistant à favoriser les relations entre les autorités et la population.

La question de l’évaluation des mesures, a été abordée, en particulier, par le représentant des États-Unis.  La capacité des systèmes de justice pénale de suivre, de manière transparente, les tendances de la criminalité et les performances des institutions policières, judiciaires et correctionnelles est « essentielle » pour parvenir à une réforme efficace, a-t-il estimé.  À la veille de la session extraordinaire de l’Assemblée générale sur les drogues en 2016, a ajouté la représentante de « Drug Policy Consortium », il est temps d’avoir une discussion franche sur ce qui fonctionne et ne fonctionne pas et de reconnaître que les politiques répressives et punitives se sont largement révélées inefficaces et ont conduit au contraire à de graves dommages collatéraux qu’on ne saurait plus justifier.

Les données, a poursuivi le représentant américain, sont tout aussi « fondamentales » pour les efforts communs visant à développer des indicateurs pour évaluer la mise en œuvre du programme de développement pour l’après-2015.  Après deux ans d’efforts collectifs, le Groupe de travail de l’Assemblée générale a offert un « vocabulaire commun » et une bonne appréhension des intérêts mutuels.  Il a ouvert la voie, a estimé le représentant, à un travail avec les experts pour identifier des indicateurs.  Mais, a-t-il prévenu, certaines des 169 cibles proposées à ce jour sont « irréalisables ».  La qualité « inégale » des objectifs et des cibles risque de créer un programme qui ne soit ni applicable ni véritablement transformateur, a tranché le représentant.

Il a estimé que l’Office des Nations Unies pour la drogue et le crime (ONUDC) devrait servir de « ressource technique » pour les indicateurs dans le domaine de la prévention du crime et de la justice pénale et contribuer ainsi au suivi du futur objectif 16.  Le Programme des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale développe également des normes techniques qui pourraient enrichir l’agenda du développement pour l’après-2015, a insisté le représentant, avant que son homologue de l’Indonésie n’invoque « le droit souverain » de chaque État de mettre en œuvre sa propre politique pour assurer le respect de l’état de droit.  Les sensibilités culturelles et sociales des pays doivent être prises en compte, a renchéri le représentant de l’Iran.

Dans un monde d’interdépendance accrue et de liens étroits entre les aspects internes et externes de la sécurité, les défis nouveaux et non traditionnels ne peuvent être relevés que si la communauté internationale agit ensemble, a plaidé, une nouvelle fois, le représentant de la Norvège.  Les défis de la criminalité transnationale organisée comme le trafic des êtres humains, de drogues, d’armes, d’espèces sauvages et des biens culturels sont autant de facteurs qui déclenchent et propagent les conflits et secouent les structures étatiques.  Dans cette perspective, le rôle et le mandat de l’ONUDC sont « indispensables », et la coopération internationale, le pilier des efforts des États pour prévenir, poursuivre et punir les crimes, en particulier dans leur forme transnationale.  Les représentants de l’Égypte, du Venezuela, du Koweït, du Soudan et du Burundi, qui ont parlé des réformes nationales, ont aussi insisté sur la coopération internationale. 

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