Conférence sur les armes nucléaires,
19e séance - Matin
CD/3714

Conférence sur l’interdiction des armes nucléaires: des délégations s’opposent à « la subordination » de la future convention au TNP

« Nous ne sommes pas venus ici pour négocier le protocole d’un instrument mais un instrument indépendant », a lancé, ce matin, l’Équateur aux participants à la Conférence pour la négociation d’une convention sur l’interdiction des armes nucléaires, alors que le Brésil martelait: « nous sommes ici pour négocier un traité autonome en vue de l’élimination totale des armes nucléaires ». 

La réaction de ces deux États était suscitée par une interprétation de l’article 19 du projet de convention, qui se lit « la Convention n’affecte pas les droits et obligations des États parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) ».  L’Équateur, le Brésil et d’autres ont vu dans cet article « une subordination » de la future convention au TNP, « un manque d’indépendance juridique » ou encore « un obstacle à l’objectif fondamental de la convention ».  Ces États ont réclamé la suppression pure et simple de cette disposition, comme meilleur moyen d’éviter toute ambiguïté.  Invoquant un proverbe africain: « quand un enfant tombe, il regarde vers l’avant alors que quand un adulte tombe il regarde en arrière », le Nigéria a proposé comme alternative à la suppression pure et simple, la mention de tous les traités pertinents sans hiérarchisation aucune.

L’article 11 sur les amendements a également suscité plusieurs commentaires.  Le Mexique et le Pérou ont insisté sur le fait que les éventuels amendements ne pouvaient en aucun cas être contraires aux principes de la convention, alors que d’autres, comme la Malaisie, notait un défaut de précision: qui peut soumettre des amendements et quelles seraient les modalités de leur adoption?  Dans son état actuel, l’article ne dit rien sur les auteurs des amendements mais consacre une adoption à la majorité des deux tiers des États parties.

Quant à l’article 18 qui reconnaît « le droit souverain » de chaque État partie à se retirer de la Convention, certaines délégations ont exigé que cette option soit régie par des conditions « strictes et claires ».  En revanche, les représentants de la société civile se sont carrément opposés à cette option, exigeant une disposition selon laquelle « le retrait de la convention n’est pas permis ».  Ils ont dit se baser sur le précédent de la Charte des Nations Unies qui ne prévoit pas le retrait d’un État Membre.

La première lecture du projet de convention étant terminée, la Présidente de la Conférence a soumis aux délégations une nouvelle version des 14 alinéas du préambule, sur la base des « propositions convergentes » des délégations.  Au titre des principaux changements, elle a mentionné les ajouts suivants: la notion de « risque posé par l’existence des armes nucléaires »; le fait que les « armes nucléaires menacent la survie de l’humanité et ont des effets négatifs sur la santé des générations actuelles »; l’interdiction de la « menace d’utiliser des armes nucléaires »; l’obligation des États parties de respecter le droit international, y compris le droit international humanitaire et les droits de l’homme; l’existence d’un lien entre la convention et les mécanismes de désarmement des Nations Unies; le constat de la lenteur du désarmement nucléaire; et la condamnation de la dépendance des doctrines militaires traditionnelles vis-à-vis de la dissuasion nucléaire.

La prochaine réunion de la Conférence sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.

NÉGOCIATIONS, CONFORMÉMENT AU PARAGRAPHE 8 DE LA RÉSOLUTION 71/258 DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE EN DATE DU 23 DÉCEMBRE 2016, EN VUE DE L’ADOPTION D’UN INSTRUMENT JURIDIQUEMENT CONTRAIGNANT VISANT À INTERDIRE LES ARMES NUCLÉAIRES EN VUE DE LEUR ÉLIMINATION COMPLÈTE

Les délégations ont repris l’examen des articles 11 à 21 relatifs aux questions suivantes: amendements, règlement des différends, universalité, signature, ratification, entrée en vigueur, réserves, durée, relations avec d’autres accords, dépôt et textes authentiques.  Réagissant à certaines remarques faites hier sur l’article 19 qui se lit « la Convention n’affecte pas les droits et obligations des États parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) », le représentant de l’Équateur s’est dit préoccupé par le fait que la Convention n’aurait pas d’indépendance juridique, compte tenu de sa subordination au TNP.  Il a regretté ce fait, arguant que des États avaient, par le passé, interprété le TNP de manière « non positive ».  L’ancien Premier  Ministre britannique, M. Tony Blair, y voyait ainsi une autorisation pour les puissances nucléaires de maintenir leurs arsenaux nucléaires. 

Si l’article 19 risque d’être interprété de la même manière, il faut tout simplement le supprimer, a estimé le représentant qui « n’est pas venu ici pour négocier le protocole d’un autre instrument mais un instrument indépendant ».  Il a été soutenu par ses homologues de l’Argentine, de l’Indonésie, du Mexique, de la Nouvelle-Zélande ou encore des Fidji, « pour qu’aucune possibilité de réarmement ne soit envisageable ».  La délégation nigériane a adopté la même position et cité un proverbe africain: « quand un enfant tombe, il regarde vers l’avant alors que quand un adulte tombe il regarde en arrière ».  La délégation a proposé de mentionner l’ensemble des traités pertinents sans hiérarchisation aucune.  Il ne serait pas « sage » de ne mentionner que le TNP, a renchéri le représentant de la Thaïlande.

Le représentant du Brésil s’est également opposé à cette « clause de subordination » du TNP qui risquerait de saper « l’objectif fondamental » de la Convention.  « Nous sommes ici pour négocier un traité autonome en vue de l’élimination totale des armes nucléaires », a insisté le représentant.  Il a également exprimé son désaccord avec la proposition de laisser aux États parties la possibilité de négocier des accords militaires avec des États non parties au traité.  Cette proposition, faite hier par la Suisse, est « inacceptable » en ce qu’elle risque d’avoir une incidence sur l’efficacité globale de la Convention. 

Revenant à l’article 11 sur les amendements, le représentant de l’Indonésie a voulu qu’il précise qui a le droit de présenter des amendements.  Sur l’article 13 relatif à l’universalité, il a proposé qu’on le renforce, en soulignant: « chaque État partie doit promouvoir et encourager ».  Passant ensuite à l’article 18 sur la durée, il a voulu une version simplifiée sur le « droit souverain » de chaque État partie de se retirer du traité.  Il faut des dispositions formelles, a plaidé le représentant.  Son homologue du Venezuela a estimé que la possibilité de se retirer de la Convention serait un moyen de faciliter l’adhésion des puissances nucléaires à cette Convention.  Justement, ces puissances ayant refusé de participer aux négociations, le représentant de Singapour s’est opposé à la disposition qui prévoit que les États parties notifient leur volonté de se retirer de la Convention au Conseil de sécurité.  Il a proposé que la notification soit faite auprès de l’Assemblée générale.  Le représentant des Fidji a commenté l’article 17 sur les réserves, arguant qu’aucun État partie ne devrait pouvoir exprimer des réserves, en particulier lorsqu’il s’agit des armes nucléaires. 

Interventions des représentants de la société civile

« Le traité devrait mentionner qu’aucun retrait n’est possible », a estimé la représentante de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires, ajoutant qu’aucun évènement extraordinaire ne saurait jamais justifier la production ou l’acquisition d’armes nucléaires.  Il existe un précédent connu, a-t-elle déclaré, rappelant que la Charte des Nations Unies mentionne expressément qu’aucun retrait de l’Organisation n’est envisageable.

Dans cette perspective, a estimé le représentant du Centre pour la sécurité internationale et d’études politiques du Kazakhstan, les paragraphes 2 et 3 de l’article 18 devraient être supprimés et remplacés par le libellé suivant: « Le retrait de cette convention n’est pas permis ».  Il a également proposé d’inclure un paragraphe établissant « qu’aucune disposition de cette convention ne saurait être interprétée comme fragilisant le droit des États parties de développer l’énergie nucléaire à des fins civiles ».

Après ces interventions, la Présidente de la Conférence a apporté des explications quant à la nouvelle version du préambule du projet de convention, à partir de laquelle les délégations seront amenées à procéder à une deuxième lecture.  La Présidente a précisé avoir rassemblé les propositions convergentes des délégations pour aboutir à cette nouvelle version.  Au titre des principaux changements, elle a mentionné les ajouts suivants: la notion de « risque posé par l’existence des armes nucléaires »; le fait que les « armes nucléaires menacent la survie de l’humanité et ont des effets négatifs sur la santé des générations actuelles »; l’interdiction de la « menace d’utilisation des armes nucléaires »; l’obligation des États parties de respecter le droit international, y compris le droit international humanitaire et les droits de l’homme; l’existence d’un lien entre la convention et les mécanismes de désarmement des Nations Unies; le constat de la lenteur du désarmement nucléaire; et la condamnation de la dépendance des doctrines militaires traditionnelles vis-à-vis de la dissuasion nucléaire.

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