Seizième session,
14e et 15e séances – matin & après-midi
DH/5358

L’Instance permanente examine comment la mise en œuvre du Programme 2030 pourrait régler la « dette historique » vis-à-vis des peuples autochtones

L’Instance permanente sur les questions autochtones s’est penchée, ce matin, sur la manière dont le Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui comprend six indicateurs spécifiques aux peuples autochtones parmi ses objectifs de développement durable, peut renforcer les droits de ces peuples, remédier aux nombreuses injustices dont ils continuent d’être victimes et corriger la « dette historique » qu’ont les États envers eux, selon l’expression du délégué du Chili.

« La réalisation des objectifs de développement durable est un moyen pour les peuples autochtones de réaliser leurs droits et de demander des comptes », a ainsi déclaré la représentante du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), tandis que le délégué de la Chine a vu dans ce Programme un instrument visant à garantir les droits fonciers de ces peuples, « afin qu’ils ne soient pas laissés de côté ».  Certains intervenants ont aussi rappelé que les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), auxquels les objectifs de développement durable ont succédé, ne mentionnaient pas les peuples autochtones.

Comme le rappelle le rapport* examiné ce matin, l’Instance permanente, en tant qu’organe d’experts auprès du Conseil économique et social, joue un rôle important en donnant des conseils spécialisés sur les mesures à prendre pour que les droits des peuples autochtones soient effectivement pris en compte dans la mise en œuvre du Programme 2030 et réalisés.

Se faisant l’écho des préoccupations formulées depuis l’ouverture de la session, les représentants des peuples autochtones ont dénoncé une fois de plus, aujourd’hui, la violation de leurs droits, du fait notamment de l’exploitation de leurs terres et de leurs ressources.

La déléguée de Tribal Link Foundation Inc, a ainsi accusé les entreprises de tirer d’importants bénéfices de l’exploitation du pétrole et du bois en Sibérie, sans offrir de contrepartie pour les peuples autochtones, tandis que la représentante d’Anishinabek Nation a indiqué que son peuple, habitant l’Ontario au Canada, vivait dans une véritable « vallée chimique » tant son habitat est pollué par la soixantaine d’entreprises chimiques qui y sont implantées.  L’accord donné, par l’administration Trump, aux États-Unis, à la construction d’un oléoduc dans le Dakota a été une nouvelle fois vivement critiqué.

« Le modèle de développement systématique qui reste fortement basé sur l’extraction des ressources naturelles, souvent sur les territoires des peuples autochtones, est un obstacle à l’application du Programme », a jugé la déléguée de VIVAT international and Franciscans International.

Face à la marginalisation des quelque 370 millions d’autochtones qui peuplent la « Terre nourricière », les délégations ont donc recommandé un suivi rigoureux dans l’application du Programme 2030. À cette fin, la déléguée de Boro Women’s Justice Forum a proposé la création d’un « mécanisme fonctionnel de coopération » avec ces peuples pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable au niveau national. L’idée de créer un « ambassadeur » au sein de l’ONU afin de veiller sur la bonne mise en œuvre des engagements des États a également été avancée.

De son côté, la représentante du Département des affaires économiques et sociales de l’ONU a rappelé que le Forum politique de haut niveau pour le développement durable servira de « courroie de transmission » pour lier les priorités des peuples autochtones à la mise en œuvre du Programme, en fournissant des recommandations et des directives à cet effet.  Enfin, un expert a jugé nécessaire de revoir le fonctionnement de l’Instance, « beaucoup de ses membres ayant des problèmes à comprendre son fonctionnement ».  

L’avenir de l’Instance a également été évoqué lors de la séance de l’après-midi qui était consacrée à ses travaux futurs.  À l’approche de la célébration, en 2019, de l’Année internationale des langues autochtones, la protection du patrimoine linguistique autochtone a été particulièrement débattue.  Les peuples autochtones parlent la vaste majorité des 7 000 langues de la planète, mais l’on estime qu’une langue autochtone disparaît tous les 15 jours.

« La disparition des langues autochtones est une perte tragique de culture », a souligné le délégué d’Ogaden People’s Rights Organisation, tandis que le délégué d’United Methodist Church–General Board of Global Ministries a rappelé qu’il n’existait, dans le monde, plus que trois personnes âgées dont la langue maternelle est le yuchi.

Au cours des séances précédentes, l’Instance a d’ailleurs été appelée à formuler des recommandations sur des stratégies concrètes capables de revitaliser les langues autochtones et créer de nouvelles générations de locuteurs.

L’Instance permanente achèvera les travaux de sa seizième session, demain, à partir de 15 heures.

* E/C.19/2017/5

PROGRAMME DE DÉVELOPPEMENT DURABLE À L’HORIZON 2030 (E/C.19/2017/5 ET E/C.19/2017/5/CORR.1)

Déclarations liminaires et débat général

Mme WASMALIA BIVAR, Commission de statistique de l’ONU, a souligné les efforts des Nations Unies pour affiner les statistiques nécessaires pour mesurer la mise en œuvre des objectifs de développement durable, précisant que la Commission des statistiques a adopté, lors de sa dernière session au mois de mars, un cadre révisé d’indicateurs en plus de s’être accordée sur un projet de résolution en la matière.

Elle a indiqué que le Groupe interinstitutions et d’Experts sur les indicateurs des objectifs du développement durable continuera d’améliorer ce cadre au cours des années à venir, ajoutant que deux examens complets sont prévus en 2020 et 2025, et que l’ensemble des indicateurs sera réexaminé sur la base de catégories de données ventilées et harmonisées. 

Poursuivant, Mme Bivar a précisé qu’il y avait six indicateurs spécifiques aux autochtones parmi les objectifs de développement durable à l’horizon 2030, en ajoutant que deux cibles relatives à la réduction de la faim et l’accès à l’éducation les citent spécifiquement.  Elle a indiqué que le Groupe consultatif était ouvert à des consultations pour améliorer davantage la prise en compte des réalités autochtones dans les statistiques. 

La représentante a également parlé de la tenue, au mois de janvier, en Afrique du Sud, du premier Forum mondial des Nations Unies sur les données au cours duquel a été adopté le Plan d’action mondial de Cape Town pour les données du développement durable.  Elle a expliqué que ce Plan vise notamment à renforcer la collecte de données sur toutes les catégories de population pour veiller à ce que personne ne soit laissé de côté en ce qui concerne ses objectifs les plus stratégiques.

Mme Bivar a, toutefois, reconnu que davantage d’efforts sont nécessaires pour mettre en place un cadre qui permette aux pays de disposer de la capacité nécessaire pour produire des données suffisamment précises. Il sera donc nécessaire d’augmenter l’investissement dans la production et l’utilisation de données pour appuyer la réalisation des objectifs de développement durable, a-t-elle dit.

Mme IRENA ZUBCEVIC, de la Division du développement durable du Département des affaires économiques et sociales, a rappelé que le Programme à l’horizon 2030 est un plan d’action qui s’applique également aux peuples autochtones.  Plusieurs objectifs et cibles les mentionnent explicitement et le Forum politique de haut niveau pour le développement durable servira de « courroie de transmission » pour lier les priorités des peuples autochtones à la mise en œuvre du Programme, en fournissant des recommandations et des directives à cet effet.   Lors de la session 2016 du Forum, a-t-elle annoncé, le thème retenu était de veiller à ce que personne ne soit exclue.  C’était aussi la première fois que l’on entendait des examens nationaux volontaires, qui sont un outil indispensable pour assurer le suivi au niveau national, en mettant l’accent sur l’importance de la ventilation des données, s’est félicitée Mme Zubcevic.

Lors de la prochaine session, qui se tiendra du 10 au 19 juillet, le segment de haut niveau aura pour thème l’éradication de la pauvreté et la promotion de la prospérité dans un monde en constante évolution.  À cette occasion, a précisé la représentante, 44 pays présenteront leurs examens nationaux volontaires dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable 1, 2, 3, 5, 9, 14 et 17: éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde; éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable; permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge; parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles; bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation; conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable; renforcer les moyens de mettre en œuvre le Partenariat mondial pour le développement durable et le revitaliser.

M. HERNÁN QUEZADA (Chili) a dit que le Programme à l’horizon 2030 représentait un véritable changement de paradigme, relevant que celui-ci comprend six références aux peuples autochtones.  L’application de ce Programme doit faire l’objet d’un suivi attentif, a-t-il poursuivi.  Il a rappelé que le Chili était un pays à revenu intermédiaire qui avait une dette historique à l’égard des peuples autochtones.  Il a souligné l’importance de garantir l’accès des peuples autochtones à l’éducation et aux soins de santé, avant de convenir que toutes les priorités de ces peuples n’étaient pas reflétées dans le Programme.  Enfin, le délégué chilien a mentionné les mesures prises par son pays pour garantir le droit au consentement des peuples autochtones.

Mme ANTJE KRAFT, Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)), a indiqué que la réalisation des objectifs de développement durable était un moyen pour les peuples autochtones de réaliser leurs droits et de demander des comptes.  Elle a souligné l’engagement du PNUD envers ces peuples, afin de ne laisser personne de côté. Le PNUD engage les peuples autochtones dans les zones les plus reculées, a-t-elle dit.  Enfin, elle a encouragé l’Instance permanente à rappeler aux gouvernements de présenter les éléments pertinents sur la marginalisation des peuples autochtones, notamment en matière statistique. 

M. DIEGO SAAVEDRA, Coordinadora de Organizaciones Indigenas de la Cuenca Amazonica, a souligné le défi lié à la collecte de données statistiques pertinentes sur les peuples autochtones.  Il y a de graves violations du droit d’accès des peuples autochtones à leurs terres, a-t-il affirmé, en dénonçant en particulier les activités extractives.  Il a également regretté la non-reconnaissance des droits de ces peuples et une pollution « systématique » de leurs territoires.  L’Instance permanente doit veiller à la restauration de ces droits, a-t-il conclu. 

M. NABA BIKRAM (Bangladesh) a expliqué que la région des collines du Chittagong, située au sud-est du Bangladesh et limitrophe de l’Inde et du Myanmar, est une région de grande diversité ethnique et culturelle qui couvre 11% du territoire national.  Il a précisé que l’accord de Chittagong Hill Tracts Development Facility(CHTDF), signé en 1997, a mis fin à deux décennies de conflit et permis depuis d’instaurer la paix et de favoriser le développement durable.  Il a indiqué que ce développement a été appuyé par un ministère des affaires du Chittagong créé au lendemain de la signature de l’accord éponyme.    

Mme JOAN CARLING, Indigenous Peoples’ International Center for Policy Research and Education, a recommandé à l’Instance de renforcer sa coopération avec les groupes autochtones, avant d’appeler les fonds, agences et programmes des Nations Unies à nouer des partenariats avec les institutions et les ONG autochtones pour les aider à renforcer leurs capacités.  Elle a, en outre,exhorté les États à se doter de mécanismes de consultations et de participation des peuples autochtones pour en faire de véritables parties prenantes dans l’élaboration des politiques de mise en œuvre du Programme à l’horizon 2030.

Mme GLORIA SANTOS, de la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme contre les peuples autochtones du Guatemala, a déclaré que son Gouvernement avait adopté un Plan national de développement « K’atun Nuestra Guatemala 2032 » qui associe les différences composantes de la société guatémaltèque, permettant ainsi d’harmoniser ses priorités avec celles du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Elle a fait observer que cette décision est particulièrement pertinente dans un pays dont la population compte 41% d’autochtones et 51% de femmes.

M. JANENE YAZZIE, de l’International Indian Treaty Council, a insisté sur l’importance, pour les autochtones, de pouvoir participer à l’élaboration de programmes de développement durable, dans la mesure où ils sont détenteurs de pratiques et de savoirs dont la viabilité a été prouvée de génération en génération.

M. CHU GUANG (Chine) a souligné la marginalisation des peuples autochtones, évoquant les raisons historiques du phénomène, et a appelé les pays concernés à y remédier moyennant, notamment, l’application des objectifs 2 et 4 du Programme.  Ce programme est un instrument qui vise à garantir les droits de ces peuples, notamment fonciers, afin qu’ils ne soient pas laissés de côté, a-t-il poursuivi.  Le délégué a souhaité répondre à certaines communautés autochtones qui ont accusé certaines entreprises chinoises de violer leurs droits par la conduite de projets de développement économiques.  Le Gouvernement chinois encourage ces entreprises à s’acquitter de leur responsabilité sociale vis-à-vis des peuples autochtones, a-t-il conclu.

M. ABDIRAHMAN MAHDI, Ogaden People’s Rights Organisation, a souligné la grande vulnérabilité des communautés pastorales en Afrique et en Asie, face aux agissements de certains États mais aussi face aux catastrophes naturelles.  L’application du Programme est cruciale pour le bien-être de ces communautés, a-t-il insisté, en dénonçant les « mesures de punition collective » prises contre elles par les États.  Il a demandé la création d’un comité de membres de peuples autochtones qui serait associé à toutes les mesures prises concourant à la mise en œuvre du Programme.

Mme ODILE COIRIER, VIVAT international and Franciscans International, s’est dite très préoccupée par le déni des droits de communautés autochtones dans le monde et par le nombre alarmant de militants autochtones assassinés.  Elle a également dénoncé le modèle de développement systématique qui reste fortement basé sur l’extraction des ressources naturelles, souvent sur les territoires des peuples autochtones.  Alors que l’application du Programme commence, ce modèle est un obstacle, a-t-elle estimé.  En conclusion, Mme Coirier a invité les États à reconnaître « la légitimité de la résistance des communautés autochtones » contre la violation de leurs droits.

Mme RACHEL O’CONNOR (Australie) a affirmé que son pays n’a cessé de s’efforcer de mettre en œuvre le Programme à l’horizon 2030, en mettant l’accent sur le renforcement de la résilience climatique des peuples autochtones.  Son Gouvernement, a-elle assuré, apporte une aide, notamment auprès de la Commission économique pour l’Asie et le Pacifique, pour veiller par exemple à la lutte contre les violences dont sont victimes les femmes autochtones dans cette région.

M. REY ONDAP, Passionist International, a considéré comme important de s’assurer que des inducteurs clairs et bien définis soient inclus dans les enquêtes réalisées par chaque institution statistique des Etats membres, de manière à documenter l’état de mise en œuvre des objectifs de développement durable pays par pays. 

M. BYRON OBANDO (Équateur) a affirmé que son pays lutte contre la discrimination, ayant été « le premier » à reconnaître le caractère structurel du racisme.  Soucieux d’améliorer les politiques publiques de protection des peuples autochtones, son Gouvernement a par exemple reconnu le droit coutumier autochtone, ouvrant la voie à un « pluralisme juridique » qui met fin au monopole de l’Etat sur la production de normes juridiques. 

Mme PRATIMA GURUNG, Indigenous Persons with Disabilities Global Network, a rappelé qu’au Népal, 1,5 million de membres des peuples autochtones étaient handicapés. Ces personnes sont exclues des stratégies de mise en œuvre du programme en Asie, a-t-elle dit.  Elle a demandé que l’égalité guide la réalisation du programme afin de prendre en compte les droits des femmes autochtones handicapées.

Mme KORKINA VARVARA, Tribal Link Foundation Inc, a indiqué qu’elle représentait les peuples autochtones de Sibérie. L’exploitation de nos terres par les entreprises ne cessera que si nous faisons preuve de leadership, a-t-elle dit, en accusant les entreprises de tirer d’importants bénéfices de l’exploitation du pétrole et du bois en Sibérie, sans offrir de contrepartie pour les peuples autochtones.  Elle a, en revanche, cité l’exemple « vertueux » que constitue l’accord signé en Alaska entre les entreprises et les communautés autochtones aux fins de développement durable.  Enfin, elle a encouragé l’Instance à définir des normes pour les entreprises garantissant les droits des peuples autochtones.

M. VANLAL DUHSAKA, Zoro, a indiqué que les terres du peuple zo, riches en flore et en faune, se trouvaient dans certaines parties de l’Inde, du Bangladesh et du Myanmar. Le pillage de nos terres doit cesser, a-t-il poursuivi,  en insistant sur l’importance de politiques de reboisement et de mesures visant à remédier à la pauvreté de sa communauté. Il a demandé une aide internationale  afin de planter un million d’arbres, de restaurer les terres en l’état et de réparer les violations du territoire zo.

Mme ANJALI PROBHA DAIMARI, de Boro Women’s Justice Forum, a recommandé au Forum politique de haut niveau d’encourager les États Membres à créer un « mécanisme fonctionnel de coopération » avec les peuples autochtones dans le cadre des processus de mise en œuvre des objectifs de développement durable au niveau national.  La représentante a également plaidé pour que les données soient ventilées selon des critères ethniques, afin de garantir la « visibilité » de la contribution des peuples autochtones.

Mme PATRICIA ANNE DAVIS, de Pathamawiikan, a condamné l’utilisation de la force et de la violence, obstacle majeur au développement durable qui, a-t-elle insisté, doit « s’aligner sur les lois naturelles ».  Pourquoi perpétuons-nous le racisme, si ce n’est pour affirmer la supériorité d’un peuple ou d’une civilisation sur une autre?, s’est-elle demandé, en fustigeant « la soumission des femmes et la domination des hommes ».

M. EL MOKHTAR ELFERYADI, du Congrès mondial amazigh (CMA), a accusé le Maroc de mener une « politique discriminatoire » à l’encontre du peuple amazigh, notamment dans les domaines de l’éducation et de la justice.  En dépit d’une reconnaissance « sur le papier » de la langue amazighe, le Gouvernement marocain continuerait, d’après l’intervenant, à « fouler aux pieds » les droits de son peuple et à « confisquer ses terres », en particulier dans la région de l’Atlas.

Mme SYLVIA PLAIN, Anishinabek Nation, a indiqué que son peuple comprenait  33 communautés autochtones en Ontario.  Elle a ajouté que son peuple vivait dans une véritable « vallée chimique » tant son habitat est pollué par la soixantaine d’entreprises chimiques qui y sont implantées.  Près de 90% des rivières et fleuves sont pollués, a-t-elle dit.  Elle a indiqué que le nouveau Gouvernement canadien n’avait pas honoré ses promesses vis-à-vis  de son peuple, pas plus que l’ancien gouvernement conservateur.  Le Canada nous doit des comptes, a-t-elle conclu.

M. SAMON THACH, Khmers Kampuchea-Krom Federation, a déploré la dégradation écologique de la vallée dans laquelle vit sa communauté, au Viet Nam, en raison  des changements climatiques.  Le Delta du fleuve Mékong est lui aussi dégradé, alors qu’il est la source de nos moyens de subsistance, a-t-il conclu.

Mme ROCIO VELANDIA, International Native Tradition Interchange, a rappelé que les peuples autochtones étaient les gardiens de la nature, permettant ce faisant le maintien de toutes les formes de vie sur terre.  Le Programme doit donc assurer une participation légitime des 370 millions d’autochtones qui peuplent la Terre nourricière, a-t-elle poursuivi.  Elle a demandé la nomination, au sein de l’ONU, d’un ambassadeur qui serait chargé de ces questions, afin de veiller sur la bonne mise en œuvre des engagements des États.  Elle a dénoncé certaines mesures prises, aux États-Unis, par l’administration Trump, s’agissant notamment de l’accord donné pour la construction d’un oléoduc dans le Dakota.  Les effets sur l’environnement peuvent être irréversibles, a-t-elle averti, en rappelant que les manifestations qui se sont déroulées à Standing Rock visaient à protéger la Terre.  « Nous avons l’occasion de sauver la planète », a-t-elle conclu.

Mme JOAN CARLING, du Centre de documentation, de recherche et d’information des peuples autochtones, a recommandé que l’ONU saisisse le Forum politique de haut niveau pour faire savoir « qui sont les peuples autochtones » et mette en exergue le consentement libre, préalable et éclairé, en vertu duquel une communauté peut donner ou refuser d’accorder son consentement relatif à tout projet susceptible d’avoir une incidence sur les terres et ressources naturelles qu’elle possède, occupe ou utilise traditionnellement.

La représentante, qui s’est exprimée au nom des femmes autochtones d’Afrique, a déploré le manque d’accès des femmes autochtones aux infrastructures sanitaires dans certaines régions.  Elle a appelé États Membres et agences onusiennes à faire participer les femmes africaines au Programme de développement durable à l’horizon 2030, en associant des organisations de femmes « averties ».

M. Gervais NZOA, membre de l’Instance permanente/Cameroun, s’est réjoui de la déclaration faite par la Division du développement durable du Département des affaires économiques et sociales, qui a interpellé l’Instance en ce qui concerne les nouveaux enjeux auxquels elle est confrontée.  Il a jugé nécessaire de revoir le fonctionnement de l’Instance, en vertu de la résolution E/2000/22 de l’ECOSOC, qui prévoit que, « cinq ans après sa création, l’ECOSOC procédera à une évaluation du fonctionnement de l’Instance permanente, y compris de la méthode de sélection de ses membres, à la lumière de l’expérience acquise », ce qui n’a pas encore été le cas.  Si l’Instance, a reconnu l’expert, a été renouvelée à 90%, « beaucoup de ses membres ont des problèmes à comprendre son fonctionnement ».   L’expert a également rappelé que l’ECOSOC avait décidé que lorsque l’Instance permanente aura tenu sa première session annuelle, « il procédera à un examen de tous les mécanismes, procédures et programmes existants au sein de l’Organisation des Nations Unies en ce qui concerne les questions autochtones, en vue de rationaliser les activités, d’éviter les doubles emplois et les chevauchements et de favoriser l’efficacité ».

Mme TARCILA RIVERA ZEA, Experte, a indiqué que les femmes autochtones nourrissaient de réels espoirs s’agissant de la mise en œuvre du programme, qui les reconnaît d’ailleurs comme des actrices du développement. Certains objectifs de développement durable font clairement mention des femmes et de peuples autochtones, s’est-elle félicitée. L’experte a invité les peuples autochtones à renforcer leur participation à la mise en œuvre du Programme en s’appropriant notamment les informations, avant d’appeler les États à créer des espaces de participation.  Elle a mentionné les défis les plus urgents que les peuples autochtones doivent relever, tels que la pauvreté et l’insécurité alimentaire. Enfin,  elle a demandé que les questions concernant ces peuples ne soient pas mises sous le boisseau lors de la mise en œuvre du programme.

Travaux futurs de l’Instance permanente, notamment sur les questions intéressant le Conseil économique et social et sur les nouveaux problèmes

Débat général

Mme AYSA MUKABENOVA, experte de l’Instance permanente, a déclaré que 2019 marquerait l’année internationale des langues autochtones.  Dans cette perspective, elle a encouragé l’UNESCO à créer un portail mettant à disposition de toutes les parties prenantes les informations nécessaires pour faciliter leur participation, ainsi qu’une base de données listant organisations et sites qui mènent des activités de revitalisation des langues et des cultures autochtones.  L’experte a également préconisé l’adoption d’un plan d’action global, soulignant la nécessité de prévoir des financements appropriés.  Il a encouragé les donateurs à contribuer à un fonds d’affectation spéciale qui pourrait être opérationnalisé pour l’occasion. 

M. JOSE LUIS CHEA URRUELA (Guatemala) a assuré que son gouvernement accorde une attention considérable aux droits des peuples autochtones, en mettant en place des programmes de revitalisation des langues et des cultures locales.  Nous nous félicitons de la tenue de l’Année internationale des langues autochtones en 2019, a-t-il dit, en affirmant que la culture est le moteur du développement durable.

Mme MARIE PAULE ROUDIL, Directrice du bureau de liaison de l’UNESCO à New York, a considéré que l’Année internationale des langues autochtones est l’occasion de mobiliser les partenaires et les ressources à l’appui du renforcement des communautés désireuses de sauver leurs langues au travers d’une plateforme internationale d’action.  Considérant que l’accent doit être mis sur les locuteurs, Mme Roudil a estimé que l’autonomisation de ces derniers est un enjeu primordial. 

M. LAWRENCE GORA, Ka lahui Hawaii, a demandé qu’Hawaï soit inscrite sur la liste des territoires à décoloniser.  Il a également dénoncé les activités extractives conduites par les grandes entreprises pétrolières en Nouvelle-Zélande, par le biais d’explosions sismiques dans l’océan, avec l’aval des autorités néo-zélandaises.

M. NUVIA MAYORGA (Mexique) a souligné l’engagement de son pays en vue de renforcer les mécanismes de coopération avec les peuples autochtones.  Le Mécanisme d’experts devrait coopérer plus étroitement avec les autres fonds et entités onusiens pour une mise en œuvre cohérente de la Déclaration, a-t-il défendu.  Enfin, le délégué du Mexique a insisté sur la détermination de son pays à coopérer avec tous les acteurs pertinents en vue de promouvoir les droits des peuples autochtones. 

Mme JOCELYN CARINO, Stitching Forest People’s Programme, a souligné l’importance de la pleine insertion des savoirs ancestraux des peuples autochtones dans les efforts visant à la préservation de la nature.  Elle s’est également interrogée sur les mécanismes permettant une « meilleure gouvernance de la nature » sur la base des savoirs ancestraux des peuples autochtones.

M. IGOR BARINOV (Fédération de Russie) a préconisé la création d’un « mécanisme de partage des informations » dans le cadre de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme.  Elle a, par ailleurs, assuré que son pays avait accumulé une expérience considérable dans la préservation des langues et cultures autochtones russes.

Après avoir rappelé qu’il n’existait plus que trois personnes âgées dont la langue maternelle est le yuchi, M. RICHARD GROUNDS, United Methodist Church – General Board of Global Ministries, a expliqué que l’organisation au nom de laquelle il s’exprime forme actuellement une douzaine de nouveaux locuteurs.  Le combat pour protéger la terre, l’eau et la diversité biologique est étroitement lié à celui pour préserver les cultures et les langues autochtones, a fait aussi observer l’intervenant, qui s’est donc réjoui de la célébration, en 2019, de l’Année internationale des langues autochtones. 

Mme RACHEL O’CONNOR (Australie) a affirmé que son gouvernement entretient des liens très étroits avec les groupes autochtones afin de protéger les langues menacées d’extinction.  À cet égard, elle a donc encouragé l’Instance à coopérer dans l’élaboration de son futur programme de travail, tout en privilégiant les partenariats transsectoriels.

M. DIEGO SAAVEDRA, Coordinadora de Organizaciones Indigenas de la Cuenca Amazonica, a jugé qu’il y avait encore beaucoup à faire pour mettre en lumière les alternatives portées par les peuples autochtones.  Il a appelé l’Instance à promouvoir un dialogue participatif et soutenu sur les questions autochtones et à recommander la création d’une banque de données des défenseurs des droits des peuples autochtones.  Les stratégies de vigilance de ces peuples devraient être reconnues, a-t-il conclu.

Mme VASITI NAILATI, Fiji Indigeneous People’s, a souligné l’importance cruciale du droit au consentement.  Seules 10% des 65% des terres appartenant aux autochtones leur appartiennent juridiquement, a-t-elle dit, en insistant sur l’importance d’y remédier.  Elle a demandé la garantie des droits fonciers des peuples autochtones et indiqué que le Programme 2030 représentait une lueur d’espoir pour les peuples autochtones.

Mme BETTY LYONS, American Indian Law alliance, a souligné le droit des peuples autochtones à l’autodétermination et rejeté toute procédure au sein de l’ONU visant à entraver ce droit.  Elle a dénoncé les énergies fossiles qui empoisonnent la terre, l’air et l’eau et exhorté l’ONU à agir face aux principales entreprises du secteur fossile.  Elle a déploré les actes de violence commis contre les défenseurs des droits des autochtones, y compris par les polices et armées.  Les femmes autochtones doivent être protégées contre toutes formes de violence, a-t-elle conclu, en souhaitant que la Déclaration devienne une Convention.

M. CATHRYN EATOCK, Organisation des peuples autochtones d’Australie, a recommandé à l’Instance de présenter un rapport sur les droits des peuples autochtones à leurs terres ancestrales.  Elle a également plaidé pour qu’il soit tenu compte, à l’avenir, des valeurs défendues par les femmes autochtones, qui favorisent traditionnellement les décisions prises par consensus, à l’opposé des valeurs occidentales dominantes.  Malheureusement, ces femmes souffrent souvent de manière disproportionnée de problèmes de santé, a-t-elle relevé, en attirant l’attention sur cette vulnérabilité spécifique.

Mme LOLA GARCIA ALIX PEREZ, International Work Group for Indigenous Affairs, a recommandé à l’Instance de demander à la Banque mondiale de rédiger un rapport sur la dérogation accordée au Gouvernement tanzanien sur les normes environnementales et sociales relatives aux peuples autcohtones.

Mme JANENE YAZZIE, International Indian Treaty Council, a appelé à la création d’une nouvelle plateforme pour le partage et la mise en commun des savoirs et pratiques dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques, sur laquelle l’Instance permanente devrait, a-t-elle estimé, présenter un rapport.

Mme LAURA GEORGE, Rainforest Foundation, a recommandé une évaluation des entraves à la participation des peuples autochtones aux décisions qui les concernent, en particulier dans les Caraïbes. Les dirigeants des communautés autochtones des Caraïbes sont souvent mis à l’écart, a-t-elle regretté.  Elle a indiqué que le droit au consentement de son peuple au Guyana avait été bafoué.

M. REY ONDAP, Passionist International, a demandé de traiter à l’avenir des répercussions de l’écologie synthétique pour les peuples autochtones.  Il s’agit de méthodes de production et de modification des organismes biologiques, les êtres humains se prenant pour Dieu, a-t-il expliqué, en mentionnant les conséquences que cela entraine pour la santé des autochtones. Il a invité l’Instance à formuler des recommandations en vue de l’élaboration d’une convention sur ce sujet.

M. FABRICIO PRADO (Brésil) a demandé de se concentrer sur un domaine spécifique parmi les six domaines d’action.  Il a loué l’amélioration du dialogue entre les experts et les délégations pendant cette session.

M. GUADALUPE ACOSTA, Cubraiti Inc, a prononcé quelques mots en aztèque. Il s’est dit préoccupé par les persécutions des autochtones et des personnes de couleur aux États-Unis.  Il a demandé un moratoire immédiat des expulsions aux Etats-Unis, ajoutant que les autochtones ne sont pas des illégaux.  Enfin, il a dénoncé le non-respect de la souveraineté des territoires autochtones.

M. CARLOS ANDRADE (Équateur) a rappelé que le quechua et le shuar sont reconnus comme des langues officielles et que les autres langues autochtones peuvent être librement parlées sur les territoires de ces communautés.  Nous avons pris des mesures pour renforcer la diversité linguistique, a affirmé le représentant, en estimant que la perte de locuteurs est synonyme d’affaiblissement des cultures des peuples autochtones dans le monde entier.

M. ANTHONY JAY VAN DUNK, Pathamawiikan, a rappelé que Standing Rock avait montré la voie à suivre pour les peuples autochtones, en faisant naître un mouvement qui s’est dressé contre la « cupidité » des multinationales. 

M. ASHUR SARGON ESKRYA, Assyrian Aid Society Iraq, a estimé que la prochaine étape, pour l’Instance permanente, est d’assurer un meilleur suivi de toutes les questions d’intérêt pour les peuples autochtones, certains d’entre eux étant menacés, comme au Moyen-Orient où des tentatives de modifier la composition démographique de la région sont en cours.

M. ABDIRAHMAN MAHDI, Ogaden people’s rights organisation, a souligné l’acuité du « vol des terres » pour les peuples autochtones et dénoncé l’exploitation de leurs ressources. Il a évoqué la grande vulnérabilité des femmes autochtones et le mépris de certains États pour les droits de l’homme.  La disparition des langues autochtones est une perte tragique de culture, a-t-il déploré.  La réponse à ces défis est la mise en œuvre des objectifs de développement durable, a conclu M. Mahdi.

Mme LORI JOHNSTON, Yamasi People, a indiqué que la mise en œuvre du Programme 2030 était financée par des entreprises prédatrices et néocoloniales. Elle a dénoncé l’esclavage moderne et l’appropriation du travail culturel, avant de demander à l’Instance de faire des économies autochtones un thème à part entière.  Enfin, Mme Johnston a plaidé pour une meilleure prise en compte des savoirs traditionnels autochtones.

Mme SAMON THACH, Khmers Kampuchea-Krom Federation, a souligné le rôle crucial des peuples autochtones dans la réalisation des objectifs de développement durable et l’éradication de la pauvreté. Le consentement préalable des peuples autochtones est un élément clef, a-t-elle dit.  Elle a demandé la pleine reconnaissance juridique des droits des peuples autochtones sur leurs terres et souligné l’importance des droits fonciers des femmes autochtones.

M.SAMARJIT SINGHA, Greater Sylhet Indigenous Peoples Forum, a demandé au Gouvernement du Bangladesh de reconnaître toutes les langues autochtones du pays et à les inscrire dans sa Constitution.  Il a ensuite défendu l’harmonie entre les générations, le respect des droits des femmes, et le respect mutuel des droits des peuples et des religions.

M. DIMITRI KHARAKKA-ZAITSEV, expert de l’Instance permanente, a attiré l’attention sur l’émergence d’une tendance, à savoir la mise en œuvre limitée des mesures et des droits pourtant prévus par les législations nationales, conformément à la Déclaration.  Selon lui, cette discussion entre membres de l’Instance, représentants des peuples et États Membres est une occasion de concevoir une nouvelle approche pour tous ceux qui œuvre à faire de ce texte pionnier une réalité.  L’expert a indiqué avoir toutefois vu en Europe orientale et dans l’est de la Russie un degré de mise en œuvre qui pourrait servir d’exemple pour d’autres peuples autochtones.  Il faut se garder de toute approche sélective et discriminatoire, a insisté M. Kharakka-Zaitsev, en invitant tous les peuples autochtones à se solidariser et à mettre en commun leurs savoirs et pratiques. 

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