Soixante-douzième session,
99e et 100e séances plénières – matin et après-midi
AG/12031

« Discussion ouverte et franche » à l’Assemblée générale sur un concept dans « les limbes »: la responsabilité de protéger

Rompant un « silence » de près de 10 ans, l’Assemblée générale a tenu, aujourd’hui, son premier débat formel sur la responsabilité de protéger, l’occasion de dissiper les nombreuses « craintes » et « incertitudes » que suscite ce concept encore dans les « limbes », selon l’expression du Secrétaire général.

Appel à l’action, pour certains, pour contrer les atrocités de masse, prétexte fallacieux, pour d’autres, pour justifier une ingérence extérieure: la cinquantaine de délégations qui ont pris la parole ont affiché de nettes divergences autour de ce concept endossé par l’Assemblée générale au Sommet mondial de 2005. 

Les États avaient alors accepté leur responsabilité individuelle de protéger leur population du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité.  En 2009, soit la dernière fois que l’Assemblée générale s’est penchée sur cette question, le Secrétaire général dessinait une stratégie conçue autour de trois piliers: la responsabilité de chaque État, celle de la communauté internationale d’aider les États à s’acquitter de leur devoir, et celle de cette même communauté internationale d’utiliser les moyens diplomatiques, humanitaires et autres pour protéger les populations, prête à prendre des mesures collectives.  La stratégie insistait sur la valeur de la prévention et au cas où elle ne donnerait pas de résultats, sur une intervention « rapide et souple » conçue en fonction des traits spécifiques de chaque cas. 

Aujourd’hui, le Président de l’Assemblée générale M. Miroslav Lajčák, a reconnu que la prévention est une tâche difficile qui exige de vrais investissements, en temps et en argent, pour renforcer les institutions, l’assistance technique, l’appui à la protection humanitaire, le soutien aux groupes communautaires, la promotion de l’état de droit, l’obligation de rendre des comptes et les efforts diplomatiques.  La responsabilité de protéger, a-t-il aussi reconnu, est « complexe » mais n’oublions pas que ce dont nous parlons ici c’est de gens en chair et en os, tués, privés de leur humanité et témoins de choses que personne ne devrait voir.  Ce dont nous parlons ici, a insisté le Président, c’est de la responsabilité que les gouvernements et la communauté internationale ont vis-à-vis de ces personnes.  N’oublions pas que cette Organisation est née des horreurs de la guerre et que chaque État Membre a pris l’engagement de reléguer ces horreurs dans le passé. 

« Nous devons parvenir à une compréhension commune du concept et lui offrir un soutien plus fort, comme clef de la protection et la prévention », a dit, à son tour, le Secrétaire général de l’ONU, M. Antònio Guterres, qui a salué les « discussions ouvertes et franches » d’aujourd’hui pour dissiper « malentendu » et « méfiance ».  Dans son rapport intitulé « Responsabilité de protéger: de l’alerte rapide à l’intervention rapide », le Secrétaire général propose une stratégie à trois volets: renforcer les capacités de prévention existantes; continuer à promouvoir l’obligation de rendre compte en matière de prévention des atrocités et innover en élargissant sensiblement l’implication de la société civile dans la prévention des atrocités. 

M. Guterres s’est voulu « clair »: la responsabilité de protéger ne créée pas de nouveau mécanisme d’intervention ou de coercition.  C’est uniquement lorsque les moyens pacifiques ne suffisent pas et que les autorités nationales ne protègent manifestement pas leur population, que naît la responsabilité d’une action collective, a souligné le Secrétaire général.  Nous ne devons pas abandonner cette responsabilité ou la laisser dans les limbes, clairement mise en mots mais foulée aux pieds dans les faits.  Notre défi, a-t-il dit, est de défendre ce principe, tout en prévenant les manipulations.  Ce sont justement les risques de manipulations qui ont été décriés aujourd’hui.  Le Pakistan, qui n’a pas vu le Conseil de sécurité s’émouvoir de sa responsabilité de protéger lorsqu’il s’est agi de la « grave situation » en Palestine, a fustigé la « mascarade » d’idéalisme qui a donné des résultats dépourvus de la légitimité morale et juridique nécessaire pour emporter l’unanimité.  Que des États recourent à la force pour faire respecter les droits de l’homme devant ce qui leur paraît être l’incapacité d’un État d’assumer ses responsabilités est « contraire » à l’élan « internationaliste » de notre époque, a renchéri l’Inde.

L’invocation de la responsabilité de protéger, une noble cause, n’a jamais été que sélective dans le jeu géostratégique mondial, a-t-elle ajouté, devant un système de sécurité collective qui ne peut sauver ce concept des deux poids, deux mesures, de la sélectivité et de l’arbitraire.  Même son de cloche du côté de la Syrie qui a qualifié le concept d’« illusoire ».  On voit, a constaté le Brésil, les civils d’un tel pays mériter moins de protection que ceux d’un autre.  Où est la cohérence quand, d’une part, on défend la responsabilité de protéger les civils dans des situations de conflit et d’autre part, on tourne le dos à ceux qui précisément fuient ces situations? a argué le Brésil, en parlant de la crise des réfugiés.  « J’ai en tête la séparation des parents et des enfants à la frontière, qui provoque des dégâts émotionnels immenses », a avoué le Guatemala, en dénonçant des pratiques « inacceptables. »  Les États-Unis ont demandé que « notre engagement doit se traduire par de vraies actions car nous n’agissons pas comme nous le devrions. »  Les États qui ne s’acquittent pas de leur responsabilité de protéger sont une menace à la paix et ceux qui se réfugient derrière la souveraineté nationale ne doivent pas être encouragés par l’Assemblée générale », ont-ils tranché. 

Devant les appels, nombreux, à inscrire cette question de manière permanente dans l’ordre du jour de l’Assemblée générale, l’Égypte a tranché: « sans une définition agréée, nous nous y opposons ».  Le Secrétaire général, a reproché le Brésil, utilise des expressions vagues et non définies telles qu’« atrocités criminelles », comme synonymes des quatre crimes liés à la responsabilité de protéger.  Le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité sont certes atroces mais les autres crimes qui ne sont pas prévus, comme le crime d’agression, le sont tout autant.  Il y a encore trop de fossés, a conclu l’Inde, pour parvenir à une compréhension commune du « comment » ou même du « si » intervenir. 

De nombreuses délégations ont profité de la séance pour plaider en faveur de la limitation de l’exercice du droit de veto au Conseil de sécurité en cas d’atrocités de masse, comme le propose l’Initiative franco-mexicaine et le Groupe ACT -Acountabilitly, Coherence, Transparency-.  Nous invitons tous les États, a appelé la France, en particulier les quatre autres membres permanents du Conseil, à se rallier à notre initiative.

LA RESPONSABILITÉ DE PROTÉGER ET LA PRÉVENTION DU GÉNOCIDE, DES CRIMES DE GUERRE, DU NETTOYAGE ETHNIQUE ET DES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ

Rapport du Secrétaire général sur la responsabilité de protéger: de l’alerte rapide à l’intervention rapide (A/72/884-S/2018/525)

Dans ce rapport, le Secrétaire général rappelle que bien que le principe de la responsabilité de protéger ait gagné du terrain, la communauté internationale reste impuissante là où elle devrait être la plus active: la prévention du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité et la protection des populations vulnérables.  Le problème existe non pas parce que le principe est trop vague ou mal posé, mais parce que la communauté internationale n’a pas été assez ferme dans sa mise en œuvre et a laissé les désaccords d’hier compromettre l’unité d’action nécessaire aujourd’hui.

Le Secrétaire général se propose donc de montrer comment l’alerte rapide et l’évaluation peuvent être encore améliorées et expose une stratégie à trois volets pour une intervention rapide plus efficace: premièrement, passer en revue et, si nécessaire, renforcer les capacités de prévention existantes; deuxièmement, continuer à promouvoir l’obligation de rendre compte en matière de prévention des atrocités; et troisièmement, innover en élargissant sensiblement l’implication de la société civile dans la prévention des atrocités et en tirant parti de toutes les ressources disponibles pour répondre à cet enjeu de la plus grande urgence.

Dans le document final du Sommet mondial de 2005 (résolution 60/1 de l’Assemblée générale), les États Membres sont convenus que c’est à chaque État qu’il incombait de protéger ses populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité, et que la communauté internationale devait, si nécessaire, encourager et aider les États à s’acquitter de cette responsabilité et aider l’ONU à mettre en place un dispositif d’alerte rapide.  Le Secrétaire général montre comment l’ONU et ses partenaires peuvent œuvrer de concert pour mieux prévenir les atrocités criminelles.

Dans ses recommandations, il encourage d’abord les États à nommer un haut fonctionnaire aux fonctions de point focal national pour la responsabilité de protéger, qui coordonnerait les activités du pays, mettrait en commun les bonnes pratiques et favoriserait la coopération.  Il les encourage aussi à passer en revue les mécanismes nationaux d’alerte rapide et d’évaluation, à réaliser des évaluations des risques d’atrocités criminelles auxquels ils sont exposés et de leur résilience face à ces crimes, à appuyer et mettre en œuvre des initiatives visant à améliorer la formation, la disponibilité opérationnelle et l’efficacité des opérations de paix, en tenant compte à cet égard des Principes de Kigali sur la protection des civils.  Les États devraient aussi renforcer l’obligation de rendre compte, les parlements et les institutions nationales de défense des droits de l’homme ayant la charge d’élaborer des mécanismes de contrôle pour veiller à ce que les gouvernements s’acquittent de leur responsabilité de protéger, dans le pays et à l’étranger. 

Le Secrétaire général encourage également les États à coopérer avec son Conseiller spécial pour la prévention du génocide et sa Conseillère spéciale pour la responsabilité de protéger.  Il engage les mécanismes régionaux et sous-régionaux à établir des capacités régionales d’alerte rapide et d’évaluation ou renforcer les capacités existantes, à appuyer les interventions rapides, à inviter leurs États membres à se doter des capacités d’alerte rapide et d’évaluation.

Enfin le Secrétaire général encourage l’Assemblée générale à élargir son examen des progrès réalisés dans la mise en œuvre de la responsabilité de protéger en inscrivant de manière permanente ce point à son ordre du jour, le Conseil de sécurité, à étudier comment mieux utiliser les outils dont il dispose, et le Conseil des droits de l’homme, à poursuivre son examen des activités de défense des droits de l’homme et de prévention des atrocités et à étudier comment les améliorer. 

Pour être efficaces, insiste le Secrétaire général, les activités de prévention doivent pouvoir compter sur la participation active de la société civile, des entreprises, des dignitaires religieux, des chefs coutumiers et des particuliers.  S’agissant de l’ONU, il promet dès 2019, des directives fondées sur des données factuelles en matière de prévention des atrocités à l’intention des professionnels, en s’appuyant sur les enseignements tirés de l’expérience et sur les activités en cours dans ce domaine.  Il promet aussi le renforcement des capacités d’alerte rapide et d’évaluation des risques d’atrocités criminelles. 

Le Secrétaire général encourage le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à collaborer avec les conseillers spéciaux pour élaborer et mettre en œuvre les moyens d’assurer que les risques d’atrocités criminelles sont régulièrement détectés et évalués, que les évaluations pertinentes sont mises en commun et que des mesures sont prises pour utiliser les organismes de défense des droits de l’homme présents sur le terrain à meilleur escient à l’appui des objectifs de prévention des atrocités.   

Il s’agit aussi d’élaborer un plan d’ensemble sur la base de consultations exhaustives pour renforcer l’action de la société civile en matière de prévention des atrocités.  L’un des volets de ce plan serait l’examen plus approfondi des capacités de l’Organisation pour en améliorer l’utilisation.  Il faut aussi, dit le Secrétaire général, davantage prendre en compte les éléments pertinents de l’ordre du jour sur les femmes et la paix et la sécurité. 

Déclarations liminaires

Pour la première fois depuis plus d’une décennie, nous parlons de la responsabilité de protéger dans le cadre d’un débat officiel, s’est félicité le Président de l’Assemblée générale, M. MIROSLAV LAJČÁK en avouant tout de même être devant un concept « complexe » qui a évolué depuis 2005. 

Derrière la définition juridique des termes de génocide, crimes de guerre, nettoyage ethnique ou crimes contre l’humanité, n’oublions pas, a souligné le Président, qu’il y a d’abord des gens en chair et en os.  Des gens tués, privés de leur humanité et témoins de choses que personne ne devrait voir.  Ce dont nous parlons ici, a insisté le Président, c’est de la responsabilité que les gouvernements et la communauté internationale ont vis-à-vis de ces personnes.

La prévention, a-t-il poursuivi, en reconnaissant la difficulté d’une tâche qui exige de vrais investissements, en temps et en argent pour renforcer les institutions, l’assistance technique, l’appui à la protection humanitaire, le soutien aux groupes communautaires, la promotion de l’état de droit, l’obligation de rendre des comptes et les efforts diplomatiques.  Le Président a cité une étude de la Banque mondiale et des Nations Unies qui dit qu’un dollar investi dans la prévention donne 16 dollars en deux décennies.

C’est là que la responsabilité de protéger est née, a dit le Président.  Cette réunion est une bonne occasion de nous rappeler le poids qui pèse sur nos épaules, a-t-il estimé, en soulignant le lien entre la responsabilité de protéger et la Charte des Nations Unies.  Ce lien est clair, a-t- il insisté: toutes les actions prises en vertu de la responsabilité de protéger doivent s’inscrire dans les paramètres de la Charte, y compris le principe de souveraineté nationale. 

Mais d’abord et avant tout, a-t-il précisé, la responsabilité de protéger s’inscrit dans l’objectif consacré par la Charte de sauver les futures générations du fléau de la guerre.  Notre travail aujourd’hui est sérieux mais il ne veut pas dire que nous sommes tous d’accord.  On peut débattre, avancer des opinions différentes, défendre nos points de vue.  Mais n’oublions pas, a mis en garde le Président, que cette Organisation est née des horreurs de la guerre et que chaque État Membre a pris l’engagement de reléguer ces horreurs dans le passé.  La responsabilité de protéger peut nous y aider, a conclu le Président. 

Tenant compte des craintes quant à une utilisation sélective du concept de responsabilité de protéger, M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a estimé que c’est la raison pour laquelle des discussions ouvertes et franches comme celles que tient aujourd’hui l’Assemblée générale, sont nécessaires pour dissiper tout malentendu et toute méfiance.  Nous devons, a-t-il dit, parvenir à une compréhension commune du concept et lui offrir un soutien plus fort, comme clef de la protection et la prévention. 

Protéger son peuple, a insisté le Secrétaire général, est une partie fondamentale de l’exercice de la souveraineté nationale.  À ce jour, a-t-il rappelé, 45 États n’ont toujours pas ratifié la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, alors que l’année prochaine marquera son soixante-dixième anniversaire. 

Les réseaux d’États sont également précieux pour développer des mécanismes et des bonnes pratiques.  Le mois dernier, a rappelé le Secrétaire général, un tiers des membres de l’Assemblée générale a assisté, avec la société civile, à la réunion de Kampala, dans le cadre de l’Action mondiale contre les atrocités de masse, puis à Helsinki, à la réunion annuelle des points focaux pour la responsabilité de protéger.  L’ONU continuera d’appuyer les États, en particulier ceux qui pourraient connaître fragilité et stress, pour renforcer les institutions, défendre les droits de l’homme et œuvrer à la cohésion sociale.  C’est une partie essentielle de mon agenda sur la prévention, a rappelé le Secrétaire général. 

C’est uniquement lorsque les moyens pacifiques ne suffisent pas et que les autorités nationales ne protègent manifestement pas leur population, que naît la responsabilité d’une action collective, a aussi souligné le Secrétaire général.  Il s’est voulu clair: la responsabilité de protéger ne créée pas de nouveau mécanisme d’intervention ou de coercition et à la lumière de la situation actuelle dans le monde, il a souligné que toutes les atrocités sont évitables et ne sauraient être justifiées.  C’était le sens de la lettre que j’ai envoyée en août dernier au Conseil sur les Rohingya au Myanmar, a dévoilé le Secrétaire général. 

Notre défi, a-t-il dit, est de défendre le principe de responsabilité de protéger, tout en prévenant toute manipulation.  Cela veut dire agir rapidement, préventivement, diplomatiquement, avant que les situations n’échappent à tout contrôle.  Il a mentionné l’exemple positif de l’intervention internationale en République centrafricaine alors qu’il y avait un risque élevé de génocide.  Nous devons appuyer les efforts des organisations intergouvernementaux de prévention des atrocités criminelles, y compris en faisant un meilleur usage des outils à la disposition du Conseil de sécurité, comme les mécanismes de responsabilité.  En ces temps de défis extrêmes, nous ne devons pas abandonner la responsabilité de protéger ou la laisser dans les limbes, clairement mise en mots mais foulée aux pieds dans les faits, a conclu le Secrétaire général, ajoutant que la crédibilité de la communauté internationale en dépend.

Déclarations

Au nom du Groupe des Amis de la responsabilité de protéger, Mme ALYA AHMED S.  AL-THANI, (Qatar) a estimé que ce débat reflète la volonté des membres des Nations Unies de prévenir les génocides, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le nettoyage ethnique ».  Elle a appelé à envisager les mérites d’une inscription permanente de ce thème dans le programme de travail officiel de l’Assemblée générale.  Un dialogue continu, a-t-elle plaidé, permettra de promouvoir le consensus sur ce que la communauté internationale peut faire pour empêcher des crimes odieux.  Rappelant que la responsabilité de protéger, au lieu de la saper, renforce la souveraineté nationale, elle a noté des progrès considérables depuis le Sommet mondial de 2005 comme la création de son Groupe à New York et à Genève, la mise en place et l’expansion d’un réseau mondial de points focaux ou l’inclusion du concept dans au moins 69 résolutions du Conseil de sécurité. 

La représentante a voulu que l’on porte systématiquement à l’attention du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme les situations présentant des risques imminents d’atrocités.  L’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme est, selon elle, un mécanisme approprié pour soutenir ces efforts de prévention.  La représentante a également demandé à l’Assemblée générale de jouer un rôle plus actif pour soutenir les États dans leur responsabilité première de protéger leur population et a exhorté le Conseil de sécurité à se saisir le plus tôt possible des situations potentiellement porteuses d’atrocités criminelles.  Soulignant le rôle important des femmes dans la prévention, elle s’est aussi félicitée des efforts récents de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité pour promouvoir la participation des jeunes.  En conclusion, Mme Al-Thani a salué le rôle important de la société civile nationale et internationale dans la mise en œuvre et l’avancement du principe de responsabilité de protéger.

Mme JOANNE ADAMSON, de l’Union européenne, a estimé que nos efforts et ceux de la communauté internationale doivent maintenant rendre plus efficace la prévention.  La réforme en cours de l’ONU devrait améliorer les synergies, les capacités et la responsabilité dans tout le système pour le rendre apte à faire face aux défis multisectoriels de la prévention des atrocités.

Dans ce contexte, l’Union européenne, a dit la déléguée, salue le rapport du Secrétaire général et s’inspire des recommandations pour étoffer ses politiques et actions.  L’Union, a poursuivi la déléguée, salue la stratégie à trois volets du Secrétaire général.  Grâce à une approche multidimensionnelle utilisant toutes les politiques et tous les instruments disponibles, la responsabilité de protéger a été intégrée dans la stratégie globale de la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne, a souligné Mme Adamson.  L’Union européenne prépare actuellement une boîte à outils sur la prévention des atrocités afin de donner à ses missions diplomatiques, militaires et civiles les moyens d’évaluer les risques et d’appuyer la prévention.

L’Union européenne encourage aussi les organisations régionales à intégrer les principes de responsabilité de protéger dans leurs pratiques et priorités.  Nommer un point focal comme l’Union l’a fait, serait une étape utile et nécessaire pour sensibiliser le public et les États Membres. 

La représentante a dit souhaiter que le prochain Conseiller spécial du Secrétaire général sur la prévention du génocide ait une expérience pertinente et opérationnelle et le Secrétaire général devrait lui ouvrir l’accès à toutes les informations et les processus de prise de décisions utiles. 

Nous devons, a dit la représentante, continuer de promouvoir la responsabilité qui nous incombe de prévenir les atrocités.  L’Union s’y est engagée et promeut activement l’universalité du Statut de Rome et à travers son appui à la Cour pénale internationale, elle encourage les capacités de responsabilité et de réconciliation qui sont les éléments clefs de non-récurrence. 

Au sein du système des Nations Unies, le Conseil de sécurité devrait utiliser tous les outils disponibles.  L’Assemblée générale, le Conseil des droits de l’homme et les organes et mécanismes conventionnels des droits de l’homme doivent également se mobiliser.  L’Union européenne appuie sans réserve la troisième dimension de la stratégie du Secrétaire général.  Elle encourage tous les États à appuyer le principe de responsabilité de protéger, à débattre et à échanger les points de vue sur la manière de renforcer les capacités de prévention.  Étant donné les défis auxquels le monde fait face, l’Union européenne souhaite inclure la responsabilité de protéger comme point régulier de l’ordre du jour de l’Assemblée générale, a suggéré Mme Adamson.

Au nom du Forum des îles du Pacifique, M. TERUBORO TITO (Kiribati), a encouragé l’Organisation à renforcer à tous les échelons ses dispositifs d’alerte rapide.  Le représentant a érigé en exemple la Déclaration de Biketawa, signée en 2000 dans un contexte de coup d’État aux Fidji et de tensions ethniques dans l’archipel des Salomon.  « Un document fondamental », selon lui, qui a aidé à résoudre des conflits au niveau régional.  Ainsi, « RAMSI », la Mission d’assistance régionale aux îles Salomon, lancée en 2003 et fermée l’an dernier, a été couronnée de succès.  Née d’un partenariat conclu entre le peuple et le Gouvernement des îles Salomon, et 15 pays de la région du Pacifique », RAMSI a jeté les bases d’une stabilité à long terme, en restaurant l’ordre civil, en édifiant un système gouvernemental et en redressant l’économie.  Le concept de partenariat a été une condition sine qua non et la clef du succès, a rappelé M. Tito, et son empreinte régionale, sa force majeure.  RAMSI a pu bénéficier de l’apport de différentes cultures et de l’expérience de différents pays.  Depuis 2003, des milliers de soldats et de civils ont travaillé « main dans la main avec les îles Salomon ».  « Aucun pays ne peut agir seul contre les défis sécuritaires auxquels nous faisons face aujourd’hui », a conclu le représentant.

Au nom de l’Estonie, de la Lituanie et de la Lettonie, M. JĀNIS MAŽEIKS (Lettonie) a estimé, à son tour, que la responsabilité de protéger devrait être inscrite de manière permanente à l’ordre du jour de l’Assemblée générale.  Les échecs sont particulièrement flagrants aujourd’hui, alors que nous célébrons bientôt le soixante-dixième anniversaire de la Convention pour la prévention et la punition du crime de génocide.  Le représentant a aussi insisté sur la prévention, arguant qu’avec des institutions nationales fortes, un leadership politique transparent et responsable et le respect de la loi, les efforts pour empêcher les atrocités criminelles peuvent être plus efficaces.  Il a aussi insisté sur la protection des droits de l’homme, de la société civile et des journalistes. 

Lorsque les États échouent dans la prévention, il revient à la communauté internationale d’assumer la responsabilité de protéger, a poursuivi M. Mazeiks qui a insisté sur la responsabilité particulière du Conseil de sécurité et en a profité pour dénoncer « le privilège du véto ».  Ce privilège, a-t-il plaidé, devrait être restreint volontairement dans des situations impliquant des crimes de masse.  Le représentant a donc fermement appuyé le Code de conduite des « Small Five » qui exige des membres permanents du Conseil qu’ils ne s’opposent à aucune action visant à mettre fin ou à prévenir des crimes de masse.  Soulignant la nécessité de poursuivre les responsables de ces crimes, le délégué a également manifesté son soutien au travail de la Cour pénale internationale, « essentielle pour rendre opérante la responsabilité de protéger ».

Mme GILLIAN BIRD (Australie) a dit que la responsabilité de protéger est un concept « restreint mais profond », restreint dans son accent sur les atrocités criminelles, mais profond dans l’action concertée qu’elle requiert aux niveaux national, régional et international.  Une prévention efficace requiert la participation de la société toute entière et une action décisive des États, a-t-elle dit, en soulignant la nécessité d’identifier les signaux précoces d’atrocités de masse.  Elle a rappelé les pouvoirs conférés au Conseil de sécurité pour protéger les populations et plaidé à son tour que les membres permanents renoncent à l’exercice de leur droit de veto en cas d’atrocités de masse.  Passant en revue la diversité des outils de la responsabilité de protéger, Mme Bird a insisté sur l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme et sur l’obligation de rendre des comptes.  Il ne peut y avoir d’impunité pour les responsables d’atrocités criminelles, a-t-elle martelé.  Elle a déploré le silence de l’Assemblée générale qui tranche avec le Conseil.  L’Assemblée est un forum essentiel pour honorer notre engagement à prévenir les atrocités de masse, a-t-elle conclu.

Mme MARTHA AMA AKYAA POBEE (Ghana) a réaffirmé la pertinence de la responsabilité de protéger et des piliers qui la soutiennent.  Rappelant les valeurs nécessaires pour parvenir à la résilience d’une société sujette à un conflit grave: la transparence, le dialogue, l’inclusivité, l’état de droit et la solidarité, elle a souligné que l’édification d’une société en transition stable et résiliente nécessite un équilibre délicat entre une justice qui sanctionne, et une justice qui répare.  Louant la société civile comme un partenaire indispensable, Mme Pobee a mis en avant le Conseil de la paix du Ghana, institution indépendante et composante importante de l’architecture du maintien de la paix du pays.  Elle a rappelé le rôle crucial de la magistrature, garante de l’intégrité électorale du pays, comme elle l’a montré lors de l’élection présidentielle de 2012.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a redit l’engagement de son pays en faveur de la responsabilité de protéger et reconnu certaines préoccupations face à ce concept.  Les États, a-t-elle expliqué, doivent tout simplement respecter le droit international et ne pas « maltraiter » leur population.  Pour défendre les populations, le Conseil de sécurité dispose de toute une panoplie de sanctions, l’action militaire n’étant pas la seule option possible.  La représentante a, à son tour, insisté sur la prévention et reconnu le rôle des entités de l’ONU dans l’identification de risques, en vue d’alerter le Conseil.  Elle a défendu l’accent mis par le Secrétaire général sur la médiation dans laquelle les femmes peuvent jouer un rôle clef.  Elle a d’ailleurs plaidé pour que davantage de femmes occupent le poste de représentant spécial.  La représentante a aussi insisté sur l’importance qu’il y a à traduire les responsables d’atrocités en justice, y compris devant les juridictions internationales lorsque les États ne peuvent ou ne veulent pas le faire.  Aucun pays ne peut agir seul pour promouvoir la responsabilité de protéger, a-t-elle conclu. 

M. SYED AKBARUDDIN (Inde) a jugé nécessaire de trouver les moyens de traiter des questions « politiquement difficiles et juridiquement complexes » du pilier 3 de la responsabilité de protéger.  La responsabilité de la communauté internationale d’utiliser les moyens appropriés, si un État échoue à protéger sa population, comporte des défauts sur lesquels il faut réfléchir, a-t-il estimé.  La quête d’un ordre mondial plus juste ne saurait se faire au détriment de l’ordre mondial lui-même, a prévenu le représentant.  Que des États recourent à la force, au nom de la communauté internationale et dans une action légitime, pour faire respecter les droits de l’homme devant ce qui leur paraît être l’incapacité d’un État d’assumer ses responsabilités est « contraire » à l’élan « internationaliste » de notre époque, a poursuivi le représentant. 

Il a convoqué l’histoire pour montrer que l’application de la notion de responsabilité de protéger dans le but de prévenir ou de stopper des violations dans un État a souvent servi à justifier des interventions étrangères.  On l’a vu quand le Conseil de sécurité n’a pas pu se mettre d’accord pour agir en vertu du Chapitre VII ou quand il a interprété des mandats de manière contraire à la lecture qu’en faisaient les autres acteurs.  Cela, a encore prévenu le représentant, a presque toujours donné des résultats mitigés voire très douteux.  Au pire, de telles interventions ont laissé des régions entières déstabilisées, donnant l’impression, souvent juste, qu’elles ont été utilisées pour servir les intérêts stratégiques de certaines superpuissances.  On a vu aussi, a ajouté le représentant, des violations se poursuivre en toute impunité, soit par manque d’intérêt stratégique ou au contraire par intérêt spécifique à maintenir le statu quo.  L’invocation de la responsabilité de protéger, une noble cause, n’a jamais été que sélective dans le jeu géostratégique mondial. 

Le système actuel de la sécurité collective, a pronostiqué le représentant, ne peut sauver le concept des deux poids, deux mesures, de la sélectivité, de l’arbitraire et de la manipulation politique.  Il s’est d’ailleurs étonné que certains veuillent l’élargir aux pandémies, aux changements climatiques et aux catastrophes naturelles.  Dans le système actuel de gouvernance mondiale, a-t-il conclu, il y a encore trop de fossés pour parvenir à une compréhension commune du « comment » ou même du « si » intervenir, en se fondant sur ce concept. 

M. FREDERICO SALOMÃO DUQUE ESTRADA MEYER (Brésil) a indiqué que pour éviter les doutes conceptuels, le rapport du Secrétaire général aurait dû s’abstenir d’utiliser des expressions vagues et non définies comme « atrocités » en tant que synonymes des quatre crimes liés à la responsabilité de protéger.  Le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité sont certes atroces mais les autres crimes qui ne sont pas compris dans la responsabilité de protéger le sont tout autant, comme le crime d’agression.

Pour améliorer la mise en œuvre du concept, le Brésil a publié en 2011 une note de cadrage sur « la responsabilité tout en protégeant ».  Depuis lors, le Brésil est convaincu que la prévention est toujours la bonne politique qui doit être abordée dans une perspective structurelle. 

La paix durable exige la promotion du développement durable, la sécurité alimentaire, l’élimination de la pauvreté et la réduction des inégalités.  Elle implique la lutte contre la marginalisation, la discrimination et d’autres inégalités qui pourraient devenir les racines d’un conflit.  Elle comprend aussi des scenarios post-conflit afin d’éviter le retour de la violence.  Vu sous cette perspective, a poursuivi le représentant, on peut dire que la mise en œuvre des piliers 1 et 2 de la responsabilité de protéger a été bridée par l’absence d’un financement adéquat, prévisible et durable.  Ces deux piliers ne prêtent pas à controverse contrairement au pilier 3. 

Nous devrions engager des discussions pour répondre aux inquiétudes, a suggéré M. Meyer qui a appelé à une compréhension précise de ce que la force peut ou ne peut accomplir.  Le recours à la force pourrait être envisagé dans des circonstances exceptionnelles et seulement conformément à la Charte des Nations Unies.  La protection des droits de l’homme ne saurait être utilisée comme un prétexte unilatéral pour recourir à la force, a averti le délégué, qui a ajouté que notre détermination à mettre fin aux violations ne peut nous rendre aveugle au droit international.  Un autre défi est d’éviter les « deux poids, deux mesures »: les civils d’un tel pays ne méritent pas moins de protection que ceux d’un autre, y compris dans les territoires occupés illégalement.  La crise actuelle des réfugiés, a ajouté le représentant, appelle un engagement renouvelé à notre responsabilité de protéger.  Où est la cohérence quand, d’une part, on défend la responsabilité de protéger les civils dans des situations de conflit et d’autre part, on tourne le dos à ceux qui précisément fuient ces situations? a argué le représentant.

Nous devons agir face aux atrocités, a martelé Mme KELLEY A.  ECKELS-CURRIE (États-Unis), en réaffirmant l’engagement de son pays en faveur de la responsabilité de protéger.  Elle a exhorté le Conseil à prendre des mesures plus déterminées face aux crises humanitaires et dénoncé l’inertie de ce dernier s’agissant du Soudan du Sud, alors que deux millions de personnes ont fui les combats.  Des sanctions ont été prises mais nous devons faire plus, a-t-elle dit, en demandant la mise en place d’un embargo sur les armes.

Notre engagement doit se traduire par de vraies actions car nous n’agissons pas comme nous le devrions, a-t-elle affirmé, en soulignant le bilan humain lourd de toute inaction.  Elle a souhaité que la société civile devienne un véritable lanceur d’alerte et que le Secrétaire général nomme très rapidement un nouveau conseiller pour la responsabilité de protéger.  Si elle a reconnu l’importance de la souveraineté nationale, elle a rappelé les États à leur obligation de protéger leur population.  Lorsque la prévention a échoué, l’obligation de rendre des comptes est essentielle pour lutter contre l’impunité, a-t-elle souligné.  La déléguée a, à son tour, insisté sur le rôle des femmes pour identifier les signes précurseurs d’atrocités, ajoutant que les États-Unis ont dûment incorporé dans leur droit interne la résolution 1325 (2000). 

Les États qui ne s’acquittent pas de leur responsabilité de protéger sont une menace à la paix et ceux qui se réfugient derrière la souveraineté nationale ne doivent pas être encouragés par l’Assemblée générale, a conclu la représentante, en évoquant les actes barbares qui sont un outrage à notre humanité.  « Nous devons nous acquitter pleinement de nos engagements .»

Le monde a beaucoup changé depuis le Sommet mondial de 2005, a constaté M. VLADIMIR DROBNJAK (Croatie).  Aujourd’hui, « il serait impossible de parvenir à un tel consensus », d’où la nécessité de partir des acquis du passé.  Nous ne devons épargner aucun effort pour rétablir la confiance dans les institutions des Nations Unies et dans notre système de sécurité collective.  Nous devons améliorer la façon dont nous prenons nos décisions.  Le représentant a encouragé le Conseil de sécurité à examiner les risques potentiels et à inclure réellement la prévention à son ordre du jour.  L’enthousiasme a en effet cédé la place à une action collective limitée et inefficace, a diagnostiqué le représentant, ajoutant que le recours du droit de veto au Conseil de sécurité sape la protection des droits de l’homme dans des situations potentielles de crimes de masse.  Forte de son expérience et membre du Conseil des droits de l’homme, la Croatie, a dit le représentant, défend le rôle des institutions basées à Genève, des procédures spéciales et de l’Examen périodique universel pour améliorer la prévention et répondre aux atrocités de masse. 

Évoquant les crimes en Syrie, M. JORGE MORAGAS SÁNCHEZ (Espagne) a voulu que la responsabilité de protéger soit la priorité de l’ONU, plaidant pour que la question soit inscrite, de manière permanente, à l’ordre du jour de l’Assemblée générale.  Il a appuyé les trois piliers du concept, conscient du coût « insupportable » de l’inaction, comme l’a montré la situation au Myanmar.  Le lien entre maintien de la paix et droits de l’homme doit être renforcé, a-t-il déclaré.  Le respect des droits de l’homme n’est en aucun cas contraire à la souveraineté nationale, a martelé le représentant.  Il a demandé aux membres permanents du Conseil de sécurité de renoncer au droit de veto en cas d’atrocités de masse.  Le principe de responsabilité de protéger vaut également pour les politiques migratoires, a-t-il estimé, espérant que l’Union européenne reprenne cette position à son compte.  Le délégué a aussi exhorté les États à coopérer avec les mécanismes pénaux internationaux, avant d’insister sur le fait que la responsabilité de protéger ne veut pas dire intervention militaire mais action face aux atrocités. 

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a souligné que la prévention est au cœur de la notion de responsabilité de protéger.  Il a reconnu que la rapidité de l’action est un des principaux défis.  Il a donc loué les efforts de médiation et prévenir que pour réussir, il faut faire en sorte que les ennemis de la paix soient comptables de leurs actes.  Le représentant a ensuite insisté sur les Principes de Kigali pour améliorer le mandat des opérations de maintien de la paix s’agissant de la protection des civils, prônant aussi l’idée que les questions liées à la responsabilité de protéger figurent en bonne place dans l’ordre du jour du Conseil de sécurité.  Le représentant s’est attardé sur le rôle de la Cour pénale internationale ou sur celui de mécanismes comme le Mécanisme international chargé d’enquêter sur les violations commises en Syrie.  Il n’a pas oublié les autres outils comme les sanctions. 

M. DARJA BAVDAŽ KURET (Slovénie) s’est dit « bouleversé et préoccupé par les nombreuses situations qui évoluent dans la mauvaise direction et où les civils paient le prix ultime ».  La communauté internationale a exprimé son indignation, adopté de nombreux accords contraignants, et pourtant nous continuons à voir des souffrances.  Rappelant que son pays a accueilli plusieurs réunions régionales et conférences sur le sujet, il a énuméré une série de recommandations formulées lors de la troisième réunion sur les points focaux européens, en 2017, parmi lesquels la nomination d’un point focal national ou encore l’inclusion de l’évaluation des risques d’atrocités dans les rapports des Examens périodiques universels.

Tout en reconnaissant le rôle essentiel du Conseil de sécurité, M. Kuret a toutefois estimé que « beaucoup pouvait être fait par les États Membres, le Secrétariat et le système des Nations Unies dans son ensemble ».  Il a affirmé son soutien aux efforts du Secrétaire général pour améliorer la capacité des Nations Unies à prévenir et répondre aux violations systématiques et graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire, et a souligné l’importance d’initiatives telles que « les droits avant tout » ou le « Cadre d’analyse des atrocités criminelles ».  Il a aussi soutenu le Code de conduite qui appelle les membres permanents du Conseil de sécurité à s’abstenir volontairement d’exercer leur droit de veto dans des situations de génocides, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.  Il a conclu en rappelant l’obligation de rendre des comptes pour les crimes couverts par la responsabilité de protéger, mettant en évidence le rôle « essentiel » de la Cour pénale internationale. 

Mme SHARA DUNCAN VILLALOBOS (Costa-Rica) a demandé à l’Assemblée de maintenir dans son ordre du jour la question de la responsabilité de protéger, un principe qui est au cœur de plusieurs normes du droit international.  Elle a en effet jugé que la communauté internationale s’est montrée trop « timorée » dans la protection des populations civiles.  Les organes de l’ONU n’ont pas agi, paralysés par des considérations politiques.  Les États Membres, a-t-elle martelé, doivent respecter la Charte et les membres permanents du Conseil doivent s’abstenir d’exercer leur droit de veto en cas d’atrocités de masse.  La déléguée a demandé le renforcement des mécanismes d’alerte rapide, qui est à la base de la responsabilité de protéger.  Elle a aussi souligné l’importance de la justice transitionnelle pour la réconciliation post-conflit et exhorté les États qui ne l’ont pas encore fait à adhérer au Statut de Rome. 

M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie) a indiqué que pour son pays, coprésidente du Groupe des Amis de la réforme du secteur de la sécurité, la responsabilité de protéger est un élément important des sociétés épanouies et justes.  Comme les institutions de sécurité sont celles qui peuvent se livrer aux ingérences les plus grossières dans les droits des personnes, une formation de qualité, le strict respect de l’approche basée sur la loi et un contrôle efficace sont indispensables pour une bonne compréhension par le personnel des tâches assignées.  La responsabilité de protéger est aussi indispensable pour la stabilisation en général et la reconstruction post-conflit.  Le représentant a jugé également indispensable le rôle de la Cour pénale internationale et a appelé tous les États Membres à ratifier le Statut de Rome, pour le rendre enfin universel. 

Le Japon a décidé de rejoindre le Réseau mondial sur la responsabilité de protéger en 2015, lorsque le concept est devenu plus clair, a expliqué M. TOSHIYA HOSCHINO (Japon) en estimant qu’« il est temps que la communauté internationale travaille ensemble pour le mettre en œuvre ».  Le Japon, a-t-il dit, a joué un rôle actif en mobilisant l’aide au développement pour renforcer les capacités des États Membres dans leurs efforts liés à la responsabilité de protéger, notamment le renforcement de l’état de droit.  Le délégué a cité en exemple une formation sur la justice criminelle dans les pays africains francophones ou encore l’assistance technique fournie au Vietnam depuis 20 ans.  Pour lui, lier l’aide au développement à la responsabilité de protéger permettrait d’aider à la mise en œuvre de la prévention et aux interventions rapides.  Pour le Japon, le Conseil de sécurité a non seulement une responsabilité première pour gérer les conflits actuels, mais il devrait aussi jouer un rôle plus actif pour les empêcher, a poursuivi le délégué, qui a affirmé son soutien à l’initiative sur l’abandon volontaire du droit de veto en cas d’atrocités de masse. 

« Comment avons-nous honoré la promesse solennelle du « plus jamais ça »? s’est demandé M. IB PETERSEN (Danemark), en rappelant que la responsabilité de protéger est d’abord un engagement des États et que cette session aurait dû inclure la présentation par chaque État d’un rapport sur ce qu’il a fait.  Au Danemark, des discussions ont eu lieu avec l’institution nationale des droits de l’homme pour intégrer la responsabilité de protéger dans les rapports.  Le Danemark a également coorganisé la troisième réunion de l’Action mondiale contre les atrocités criminelles de masse (GAAMAC), a-t-il fait savoir, en ajoutant que son pays a publié cette année un rapport sur la manière d’intégrer le concept dans la politique étrangère, en particulier la coopération au développement.  « Nous sommes aussi fortement engagés dans la lutte contre l’impunité de Daech et d’autres groupes en Irak et en Syrie, et soutenons le Mécanisme international des enquêtes sur les violations commises en Syrie. 

Le Danemark est également impliqué dans la mise en œuvre du Plan d’action à l’intention des responsables et des acteurs religieux en vue de prévenir l’incitation à la violence pouvant conduire à des atrocités criminelles.  Le représentant a aussi fortement insisté sur l’importance pour chaque pays de nommer un point focal national.  Cofondateur du réseau mondial des points focaux pour la responsabilité de protéger, le Danemark encourage les États Membres à joindre les 60 qui y participent déjà. 

M. JUAN SANDOVAL MENDIOLEA (Mexique) a souligné l’universalité de la responsabilité de protéger et invité l’ONU à se concentrer sur la prévention plutôt que sur la réaction.  Il n’y a pas de meilleure prévention que le développement et le respect des droits de l’homme, a-t-il dit, en soulignant l’importance du concept de pérennisation de la paix.  L’échec à agir face aux atrocités de masse a un coût humain et économique « exorbitant », a souligné le représentant, en insistant sur le fait qu’un dollar investi dans la prévention représente sept dollars économisés dans la gestion des crises.  Il a prôné des efforts accrus de médiation, avec l’implication réelle des femmes.  La paix, a-t-il dit, a le visage d’une femme.  Comme l’indifférence aux violations massives des droits de l’homme n’a pas sa place dans le système multilatéral et de l’ONU, le représentant a rappelé l’initiative franco-mexicaine visant à limiter le recours au droit de veto.  Toute réforme du Conseil de sécurité doit conduire à une limitation de ce droit, a-t-il déclaré, avant de demander la mise en œuvre effective des mécanismes pénaux internationaux. 

M. OMAR KADIRI (Maroc) a jugé qui si la responsabilité de protéger avait gagné un soutien de plus en plus large parmi les États Membres, le concept suscite des interrogations quant à sa mise en œuvre « incontrôlée » et à « l’instrumentalisation politique » de ces nobles objectifs.  Les efforts nationaux doivent être encouragés, a souligné le représentant qui a ajouté qu’en cas de capacité insuffisante d’un État, l’assistance peut être enclenchée.  Invitant l’Organisation à renforcer son dispositif, il a encouragé les États à utiliser tous les mécanismes disponibles comme le Conseil des droits de l’homme pour prévenir les violences.  Il a loué l’action de la société civile, du secteur privé et des chefs religieux, rappelant au sujet de ces derniers le Processus de Fez qui, lancé en 2015, est à l’origine de stratégies de prévention des atrocités. 

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a confirmé que passer de l’alerte rapide à l’intervention rapide est la priorité des Nations Unies.  Il a aussi appelé le Conseil de sécurité à travailler davantage à la prévention des conflits.  Jugeant que les organes de l’ONU chargés de la prévention, comme le Conseil des droits de l’homme, doivent voir leurs capacités renforcées, M. Heusgen a aussi souligné le rôle crucial d’un système judicaire fort et celui de la société civile qui aurait d’ailleurs dû être dûment représentée le 28 juin, à la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur le contre-terrorisme.  Il faut faire en sorte, a conclu le représentant, que les auteurs des crimes craignent à chaque instant l’épée de la justice.  Il n’a pas manqué d’appeler les États à soutenir le Mécanisme international chargé d’enquêter sur les violations commises en Syrie.

Mme BEATRIZ NÚÑEZ RIVAS (Uruguay) a indiqué que son pays met l’accent sur les piliers 1 et 2 de la responsabilité de protéger.  La force ne peut être qu’une mesure de derniers recours, utilisée dans le respect des garanties prévues par la Charte des Nations Unies.  L’obligation de rendre des comptes ayant prouvé son caractère dissuasif, l’Uruguay a été un des premiers pays à avoir ratifié le Statut de Rome et à l’avoir incorporé dans son droit interne.  La déléguée a insisté sur l’importance de la coopération aux niveaux national, régional et international, mettant en évidence le rôle du Groupe des Amis de la responsabilité de protéger et le Réseau latino-américain pour la prévention du génocide.  En tant que pays contributeur de troupes aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, l’Uruguay souscrit aux Principes de Kigali et propose d’ailleurs une formation à la protection des civils.  Pour la déléguée, le Conseil de sécurité doit redoubler d’efforts et ne pas hésiter à saisir la Cour pénale internationale.  En tant que membre du Groupe ACT -Accountability, Coherence, Transparency- elle a renouvelé son soutien au Code de bonne conduite et a encouragé tous les États à y souscrire.  L’Uruguay soutient en effet l’idée que les membres permanents du Conseil de sécurité renoncent à l’exercice de leur droit de veto en cas d’atrocités de masse.  La représentante n’a pas manqué de saluer le rôle de la société civile, et en particulier le Centre mondial pour la responsabilité de protéger, « qui veille courageusement à la mise en œuvre de ce concept ». 

On ne saurait, a dit M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne), contester le contenu du rapport du Secrétaire général, tant au niveau de la responsabilité des États qu’au niveau de la prévention.  Il est vrai aussi que certains membres s’inquiètent du fait que d’autres pays politisent la responsabilité de protéger, au point qu’elle soit devenue un point de division.  Certains États ont en effet violé les principes du droit international au nom de la responsabilité de protéger, et ce, sans mandat de l’ONU, d’une manière sélective et avec une ingérence injustifiée.  Des milliers de personnes ont perdu la vie à cause des frappes aériennes de certains États qui prétendaient protéger la société civile.  Beaucoup de réfugiés ont disparu en mer alors que des destructions et des déplacements ont été provoqués sous prétexte de protéger les civils.

Le représentant a douté des normes d’application de la responsabilité de protéger.  Le Secrétaire général, a-t-il dit, a essayé d’utiliser la Déclaration du millénaire de 2005 pour créer une base « illusoire ».  Rappelant que les Nations Unies ont jusqu’à présent été incapables de protéger le peuple palestinien et de mettre un système de prévention pour protéger les peuples irakien et syrien de Daech et des combattants étrangers « formés et préparés » par certains gouvernements, le représentant a cité l’exemple de Raqqa, « où des milliers de civils ont été tués, des villes dévastées et des monuments pillés ».  Les pays qui injectent de la sélectivité dans la responsabilité de protéger doivent admettre que ces questions illustrent en réalité l’échec des Nation Unies. 

Dans ce sens, le représentant syrien a invité les États Membres à travailler pour trouver un consensus sur le concept, les critères et les normes, afin d’empêcher tout action contraire à la Charte.  Concernant le Mécanisme international chargé d’enquêter sur les violations commises en Syrie, il a jugé qu’il a été le fruit d’une procédure invalide, « car les États-Unis ont outrepassé leur mandat ».  L’Assemblée générale « a créé un mécanisme bizarre qui ne lui appartient pas » a-t-il conclu, dénonçant « un mécanisme « illégal, mort-né et enterré ». 

M. FRANCISCO TENYA (Pérou) a rappelé que la responsabilité de protéger incombe d’abord aux États.  Lorsqu’il était membre du Conseil de sécurité, le Pérou, a dit le représentant, avait donné de la protection des civils la priorité.  Le délégué s’est dit « attristé » de voir que le droit international est foulé aux pieds devant un Conseil qui ne se montre pas à la hauteur de ses responsabilités.  Le Conseil doit faire preuve d’unité dans des situations telles que celles du Yémen, du Myanmar, de la Palestine, de la République démocratique du Congo ou encore de la République centrafricaine.  Il a aussi rappelé que 116 États, dont le sien, ont signé le Code de bonne conduite au Conseil de sécurité.  Il faut respecter la souveraineté de chaque état mais quand il est incapable de protéger sa population, la communauté internationale doit prendre le relais.  Tout État doit respecter le droit humanitaire et former son armée, a insisté le représentant en s’adressant aux pays contributeurs de contingents aux opérations de l’ONU.  Il a d’ailleurs attiré l’attention sur le comportement « impeccable » des troupes péruviennes.  La protection la plus efficace, a-t-il conclu, c’est la prévention et l’obligation de rendre des comptes, ce qui implique le plein respect de l’état de droit.  Le représentant a insisté sur le rôle fondamental de la Cour pénale internationale que le Conseil de sécurité doit saisir plus systématiquement pour garantir l’accès à la justice et combattre l’impunité. 

S’agissant de la responsabilité de protéger, nous devons combler le fossé entre notre engagement et notre action, a reconnu Mme JESSICA CUPELLINI (Italie).  Les atrocités de masse peuvent et doivent être évitées et les mécanismes d’alerte précoce existent.  Il est temps de passer à l’action, a encouragé le représentant.  Rappelant que la responsabilité de protéger relève d’abord des autorités nationales, elle a présenté trois exemples concrets de l’engagement de son pays à ce niveau.  D’abord, en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité, l’Italie promeut une prise en compte plus systématique des problèmes transversaux et des menaces transnationales au sein du Conseil de sécurité, à la lumière de leur répercussion sur la paix internationale.  Elle a cité à l’appui les exposés sur la question des réfugiés et les menaces à la stabilité de la Méditerranée, ainsi que les résolutions concernant le trafic des êtres humains (2388) et celle qui renforce le rôle de la Police des Nations Unies dans la protection des civils (2382).  Ensuite, l’Italie a lancé, en janvier dernier, l’initiative « Responsabilité de protéger dans les écoles », un jeu de rôle développé avec les Pays-Bas, afin de sensibiliser à l’importance de protéger les droits et libertés fondamentales et d’établir des principes internationaux pour éviter les atrocités de masse.  Enfin, en tant que principal pays occidental contributeur de troupes aux opérations de maintien de la paix, l’Italie a signé les Principes de Kigali sur la protection des civils.  La déléguée a invité tous les États Membres à faire de même, ajoutant.  « L’Italie continuera à faire sa part, en redoublant d’efforts pour offrir des formations et renforcer les capacités des officiers militaires, de police et judiciaires du monde entier. 

M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a dit que 13 ans après le Sommet mondial de 2005, il est urgent de passer de la phase conceptuelle à l’action concrète.  Le Conseil de sécurité, qui a été pourvu d’un rôle spécifique à cet égard, reste pourtant paralysé dans de nombreuses situations d’atrocités de masse, à cause de l’utilisation ou de la menace d’utiliser le veto.  L’augmentation rapide du nombre des partisans du Code de conduite du Groupe ACT, 117 États à l’heure actuelle, est une expression du souhait de voir les membres du Conseil de sécurité pendre des mesures pour mettre fin ou prévenir les atrocités.  Ces 117 États se sont engagés à soutenir toute action nécessaire et décisive et de ne pas voter contre des projets de résolution crédibles. 

Le représentant s’est dit déçu que le consensus politique autour de la responsabilité de protéger soit resté fragile à cause de la mauvaise interprétation de la norme sur le recours à la force.  Trop souvent, a-t-il regretté, la responsabilité de protéger est vue à tort comme un moyen de contourner la Charte et de justifier une action militaire non autorisée par le Conseil, ce qui nuirait non seulement au concept lui-même mais aussi à notre ordre juridique international.  La responsabilité de protéger ne modifie en rien l’interdiction de recourir illégalement à la force.  Elle précise clairement que l’action militaire est une mesure de dernier ressort et seulement lorsqu’elle est autorisée par le Conseil.  Le représentant a rappelé, dans ce cadre, que le 17 juillet, la Cour pénale internationale (CPI) commencera à exercer sa compétence sur le crime d’agression, la forme la plus grave d’usage illégal de la force. 

Mme KATALIN ANNAMÁRIA BOGYAY (Hongrie) a partagé les préoccupations du Secrétaire général concernant le nombre croissant des victimes d’atrocités de masse.  C’est la raison pour laquelle nous devons renforcer la réponse des Nations Unies en mettant en œuvre des mesures spécifiques afin d’améliorer la coordination interne à l’ONU dans le domaine de la responsabilité de protéger.  La représentante a affirmé soutenir le travail du Conseiller spécial sur la prévention du génocide et la décision du Secrétaire général de nommer un nouveau conseiller spécial sur la responsabilité de protéger. 

La Hongrie, a indiqué Mme Bogyay, a mis en œuvre la responsabilité de protéger en adoptant des lois, et a mené des actions dans le domaine de l’éducation, de la commémoration et de la politique de tolérance zéro.  Le Code pénal hongrois punit le génocide, les crimes de guerre, les discours de haine et les crimes contre l’humanité parce que nous estimons que le meilleur moyen de lutter contre ces crimes est la loi et la prévention.  La Hongrie a aussi participé à de nombreux fora pour débattre ouvertement de ces questions.  Elle appuie notamment le travail du Centre international pour la prévention du génocide de Budapest qui accueillera le 26 juin un atelier sur la prévention de la radicalisation. 

La représentante a ajouté que sa délégation soutient le travail du Mécanisme international en Syrie et a fait une contribution volontaire de 50 000 euros en 2017 et 2018.  La Hongrie est aussi membre du Groupe ACT qui milite pour la suspension volontaire du droit de veto en cas d’atrocités de masse.  Le rôle de la CPI est vital, a insisté la représentant, en soulignant que pour son pays « notre objectif devrait être d’assurer des conditions de vie pacifiques et sûres pour tout le monde dans leur pays d’origine sans aucune crainte d’être victime d’atrocités. »

Mme MARIE CHATARDOVA (République tchèque) a encouragé les États Membres à nommer leur point focal national et à rejoindre le Réseau mondial des points focaux.  La déléguée a insisté sur la nécessité pour le Conseil de sécurité d’agir « de manière effective et cohérente » face aux atrocités de masse ».  Mon pays, a-t-elle précisé, soutient le Code de conduite du Groupe ACP ainsi que la proposition franco-mexicaine sur le droit de veto.  La déléguée a également souligné l’obligation de rendre des comptes, « un des meilleurs moyens d’empêcher la récurrence des crimes odieux ».  Pour elle, les efforts nationaux doivent être renforcés, puisque la responsabilité de protéger incombe d’abord aux États. 

La représentante a mis en évidence l’appui de son pays au travail de la Cour pénal internationale, ainsi que le soutien financier apporté à des mécanismes de responsabilité tels que le Mécanisme international en Syrie.  Elle a exprimé la détermination de son pays à combattre la violence sexuelle fondée sur le sexe comme stratégie délibérée des belligérants étatiques et non étatiques.  Elle a d’ailleurs mentionné la participation de son pays à des projets en Syrie, au Yémen, en Libye ou encore au Soudan du Sud.  En tant que candidate au Conseil des droits de l’homme, a-t-elle conclu, la République tchèque ne saurait trop insister sur le rôle des institutions de Genève, dont l’Examen périodique universel et les procédures spéciales, qui peuvent jouer un rôle dans la prévention et la réponse aux atrocités criminelles. 

Pour M. OLIVIER MARC ZEHNDER (Suisse), les génocides, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité obligent tous les États à entreprendre tous ce qui est nécessaire pour empêcher de tels crimes, notamment traduire les auteurs en justice.  Le représentant a mis en évidence le rôle de la Cour pénale internationale, enjoignant les États à ratifier le Statut de Rome.  Il a rappelé, alors qu’on vient de commémorer la Journée mondiale des réfugiés, que 68,5 millions de personnes sont aujourd’hui déplacées dans le monde, dont un grand nombre en raison de conflits.

Ce débat doit être davantage institutionnalisé » a souhaité le représentant, qui a également souligné le rôle crucial du Bureau des Nations Unies pour la prévention du génocide et de la responsabilité de protéger.  La Suisse est convaincue que la prévention nécessite de s’occuper des causes profondes des conflits, et à cet égard, le délégué a souligné le rôle du Conseil des droits de l’homme.  « Plus d’attention doit être portée au rôle préventif du Conseil.  Les trois piliers de l’ONU doivent être rapprochés pour prévenir la violence et la souffrance humaine » a-t-il suggéré.  Pour lui, l’objectif de passer de l’alerte précoce à l’action précoce n’est pas possible que si le Conseil de sécurité se saisit pleinement de son rôle et exploite davantage le potentiel des mécanismes formels et informels existants.  Le représentant a conclu son exposé en saluant le rôle de la société civile, « pas seulement comme voix qui dénonce mais aussi comme détentrice d’expertise ». 

Mme ANA SILVIA RODRÍGUEZ ABASCAL (Cuba) a jugé que la responsabilité de protéger n’est pas un principe, mais un concept dont les contours sont loin d’être définis et convenus.  Elle a jugé nécessaire de parvenir à un consensus pour régler les éventuels problèmes d’interprétation et donner la légitimité qu’il faut à la mise en œuvre.  Elle a rappelé que la responsabilité de protéger se limite aux paragraphes 138 et 139 du Document final de 2005 et qu’elle porte seulement sur les crimes de guerre, les génocides, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité.

Aux Nations Unies, a-t-elle dénoncé, certains cherchent à imposer plutôt qu’à négocier.  Elle a voulu qu’en matière de responsabilité de protéger, les mesures prises soient en accord avec les pays concernés, pointant, dans le cas contraire, des risques d’ingérence.  Les ambiguïtés de la notion contredisent ses buts et ses principes, a-t-elle prévenu, et jugeant que les véritables causes des conflits ne sont pas prises en compte, elle a dit: s’il s’agit de prévenir les conflits, alors il faut s’attaquer à leurs origines, comme le sous-développement, le désordre international, la faim, l’absence d’accès à l’eau potable et les problèmes structurels. 

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a rappelé l’engagement « historique » du Sommet mondial de 2005 et a donc jugé que le rapport du Secrétaire général brosse un portrait « intimidant » des tendances actuelles ».  La communauté internationale doit réduire l’écart entre l’engagement et l’action, a reconnu, à son tour, le délégué.  Pour lui, la responsabilité de protéger est une norme du droit international qui doit être établie et affirmée, sans pour entraîner la renégociation du cadre existant.  Le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre ont des cadres juridiques bien établis que l’on ne saurait remettre en cause, a-t-il insisté.  Le délégué a pointé l’équilibre « délicat » entre les préoccupations humanitaires de la communauté internationale et le respect de la souveraineté nationale.  Il s’est félicité de la démarche du Secrétaire général, qui met l’accent sur la prévention, « l’instrument le plus efficace ».  Il a plaidé pour davantage d’efforts de médiation, telle que la diplomatie préventive mais aussi les initiatives régionales et bilatérales à laquelle la Turquie œuvre.  Les organes des Nations Unies, dont le Conseil de sécurité, doivent assumer leur responsabilité, a-t-il enchaîné, en faisant part du soutien de son pays à l’idée de renoncer au droit de veto lorsque des crimes graves sont en jeu.  Garantir la responsabilité quand des crimes graves sont commis est « indispensable » pour empêcher leur répétition. 

M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan) a jugé que les États Membres et la communauté internationale devaient agir main dans la main pour garantir la démocratie et traiter de l’absence de perspectives économiques.  Il a mis l’accent sur le réchauffement climatique et les conflits qu’il entraîne.  Ces dernières décennies, la situation environnementale a été directement responsable des conflits internes et c’est une menace pour la planète Terre, qui affecte la race humaine.  Déplorant une répartition injuste des ressources et des richesses, il a appelé à l’accès des pays en développement aux marchés internationaux et à un appui aux institutions nécessaires pour renforcer l’état de droit.  Il a conclu en déplorant que le concept de responsabilité de protéger remette en cause, selon lui, le Chapitre VII de la Charte.

Mme ANNE GUEGUEN (France) a rappelé que la responsabilité de protéger a été endossée en 2005 par l’ensemble des états Membres pour éviter que des pays ne commettent des atrocités contre leurs propres citoyens.  Or, a-t-elle ajouté, depuis sept ans, le régime syrien a multiplié les crimes à l’encontre de sa population, y compris le recours à l’arme chimique.  Pour autant, a déploré Mme Gueguen, la communauté internationale a été empêchée d’agir, en raison des 12 vetos que la Russie a opposés au Conseil de sécurité.

La France ne se résoudra pas à cette situation, a affirmé la représentante, précisant que, dans cet esprit, le pays était engagé ces derniers mois, aux côtés de la Russie et de l’Iran, pour prendre des mesures concrètes sur le terrain.  C’est, a-t-elle précisé, l’objectif premier du « Small Group », dont fait partie la France.

Autre situation tragique qui scandalise les consciences, a poursuivi Mme Gueguen, celle des Rohingya, dont plus de 720 000 ont fui la Birmanie vers le Bangladesh depuis le 25 août dernier.  Le Conseil de sécurité s’est rendu sur place et les mesures prises par les autorités birmanes constituent un premier pas, a-t-elle reconnu, mais les engagements doivent encore se traduire en actes.  Selon elle, il est donc essentiel que la communauté internationale, à travers le Conseil, demeure mobilisée.

S’il appartient à chaque État de protéger ses populations, en cas de défaillances étatiques, a déclaré la représentante, il revient à la communauté internationale d’y œuvrer sans relâche.  Face à l’ampleur des défis, a-t-elle estimé, le Conseil doit être en mesure d’apporter une réponse, en particulier dans les situations d’atrocités de masse.  C’est en ce sens que la France, avec le Mexique, a proposé une mesure concrète: suspendre le recours au veto en cas d’atrocités de masse.  Nous invitons tous les États, a appelé la représentante, en particulier les 4 autres membres permanents du Conseil, à se rallier à cette initiative.

Nous avons aussi une responsabilité en matière d’appui à la lutte contre l’impunité et pour une justice indépendante et impartiale, a-t-elle ajouté.  En République centrafricaine, avec l’appui notamment de la France, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) soutient l’opérationnalisation de la Cour pénale spéciale compétente pour les violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire, et les autres exactions pouvant constituer des crimes de guerre, des crimes de génocide et des crimes contre l’humanité.  La France appelle tous les États à soutenir et à coopérer avec les missions d’établissements des faits, les commissions d’enquête et les instruments de la justice pénale internationale, au premier rang desquels la Cour pénale internationale, dans le cas des crimes les plus graves.  Nous devons rester vigilants face à ceux qui propagent la haine et la violence ethniques et religieuses, a déclaré Mme Gueguen.  Le Conseil de sécurité a désormais les moyens de sanctionner, a-t-elle affirmé.

M. MARTÍN GARCÍA MORITÁN (Argentine) a appelé les États Membres à former leurs fonctionnaires à la prévention et à être à l’écoute de la société civile, tout en soulignant le rôle positif des associations régionales et sous régionales pour désamorcer les conflits, ainsi que le rôle positif des femmes.  Saluant la ratification du Statut de Rome et de ses amendements comme mesure fondamentale pour lutter contre l’impunité, compte tenu de leur rôle dissuasif, il a loué le système de responsabilité de protéger construit par les Nations Unies et le Réseau mondial de 60 pays coordonnateurs, dont l’Argentine fait partie.  Soutenant le travail du Bureau de la prévention du génocide, il a réaffirmé l’attachement de son pays à la responsabilité de protéger et demandé aux Nations Unies de placer la prévention et l’obligation de rendre des comptes aux cœur de toutes les initiatives.

Mme MALEEHA LODHI (Pakistan) a rappelé que ces derniers jours, la question de la responsabilité de protéger est revenue au grand jour, avec la grave situation en Palestine.  C’est aussi en Palestine que l’échec de la communauté internationale à respecter ces normes a été le plus évident.  Le Conseil est resté passif devant les souffrances du peuple palestinien et l’Assemblée générale a dû prendre le relais pour remplir le vide que son inaction a créé.  L’édifice de la responsabilité de protéger, a estimé la représentante, est plus fragile que jamais puisque les décisions de la communauté internationale ont souvent échoué au test de l’objectivité et de l’impartialité.  Cette « mascarade » d’idéalisme qui entoure la responsabilité de protéger a donné des résultats dépourvus de la légitimité morale et juridique nécessaire pour emporter l’unanimité.  Dans ce cadre, l’obligation de rendre des comptes ne peut échapper aux deux poids, deux mesures et à la sélectivité.  De nombreuses victimes d’atrocités, y compris dans le Jammu-et-Cachemire, ont en plus le malheur de vivre sous une occupation étrangère illégale. 

Ce qu’il faut ce sont des normes cohérentes et uniformes d’indignation morale et en la matière, la volonté politique des membres permanents du Conseil de sécurité est cruciale.  Compte tenu des divisions du Conseil, s’est expliquée la représentante, nous avons des actions unilatérales qui ont conduit à des situations « illégales mais légitimes ».  On ne devrait, a-t-elle prévenu, ni essayer ni accepter une dualité artificielle entre le double impératif de légitimité et de légalité.  Nous devons veiller à ce que la notion de responsabilité de protéger ne ressemble pas aux interventions humanitaires « discréditées » du passé car ces interventions ne seraient réservées qu’aux plus puissants d’entre nous et pourraient « prévenir » l’administration de la justice.  La responsabilité de protéger, a enchaîné Mme Lodhi, n’est pas une autorisation à intervenir chez les autres.  C’est un principe universel de « non indifférence » ancrée dans l’idée que ce sont les États eux-mêmes qui doivent le mettre en œuvre.  Le principe ne saurait servir de prétexte pour violer les principes de non-ingérence, de non intervention, de souveraineté nationale et d’intégrité territoriale. 

En tant qu’État nation du peuple juif, a déclaré M. AMIT HEUMANN (Israël), Israël est bien placé pour comprendre la responsabilité qui incombe à la communauté internationale de prévenir le génocide et les atrocités de masse.  Notre compréhension s’enracine dans plusieurs siècles de tourments, de persécutions et d’exils ayant abouti à l’holocauste, dans lequel un tiers du peuple juif a trouvé la mort.  Ce sont les atrocités commises durant l’Holocauste qui ont conduit la communauté internationale à dire, « plus jamais ça », et à tenter de tenir cette promesse via la création de l’Organisation.  Force est cependant de constater que le monde a échoué, a déploré M. Heumann, pour qui, dans de nombreux cas, cette promesse n’a pas été tenue.  L’Histoire n’oublie pas, a-t-il ajouté, et elle ne pardonnera pas à la communauté internationale d’avoir échoué.

Pour que la responsabilité de protéger devienne une véritable doctrine, il faut qu’elle inclue les rôles et les responsabilités des acteurs non-étatiques et des groupes terroristes, qui commettent des atrocités sans le moindre égard pour le droit international.  De plus, a-t-il ajouté, la responsabilité de protéger ne doit s’appliquer qu’aux violations les plus graves impliquant des atrocités de masse, des nettoyages ethniques et des génocides.

L’un des éléments clés de la responsabilité de protéger, a poursuivi le représentant, réside dans la responsabilité première qu’ont les États de protéger leur population.  Il faut donc aider, dès le début, les États qui souhaitent adopter des institutions démocratiques stables à respecter cet objectif.  Il faut également éduquer les jeunes générations, afin que les atrocités du passé, leurs causes et leurs effets, ne sombrent pas dans l’oubli.

M. STEPHEN MAHLABADISHAGO NTSOANE (Afrique du Sud) a rappelé que le rôle de la communauté internationale est d’aider les pays touchés par les conflits et de mettre un terme aux violations si un État n’assume pas ses responsabilités.  Jugeant la prévention des atrocités « essentielle », il a plaidé pour une mise en valeur des outils diplomatiques pour régler les différends de manière pacifique, surtout si les populations risquent de souffrir.  La responsabilité de protéger, a-t-il dit, nécessite des ressources importantes.  Soulignant que le monde a changé et que l’ONU a montré son inefficacité à faire face aux conflits, il a plaidé en faveur d’un Conseil de sécurité plus représentatif, moins discriminatoire, sourd aux intérêts particuliers et ouvert aux pays touchés par les conflits.  On ne saurait être sélectif dans la mise en œuvre de la responsabilité de protéger, a prévenu le représentant, avant de plaider pour la mise en place de centres d’alerte rapide.

Pour Mme CECILIA ANDERBERG (Suède), la responsabilité de protéger a reçu des critiques non justifiées sur le recours aux interventions militaires pour stopper les atrocités.  « L’action collective, selon le pilier 3, inclut des mesures coercitives ou non coercitives et il est impératif que ces dernières soient en accord avec la Charte des Nations Unies », a rappelé la déléguée.  Mettant en évidence l’importance de la prévention, elle a affirmé qu’un travail continu sur l’identification des risques, le développement de systèmes d’alerte précoce et une évaluation anticipée des capacités permettent d’éviter les atrocités.  « Mais les alertes précoces doivent être suivies d’actions précoces », a mis en garde la représentante qui a salué le rapport du Secrétaire général à cet égard.  « Nous soutenons les recommandations sur le renforcement des capacités existantes, la promotion de la responsabilité et la reconnaissance du potentiel d’autres acteurs, comme les femmes », a fait savoir la représentante. 

M. MICHAEL BONSER (Canada) a rappelé qu’au Sommet mondial de 2005, les chefs d’État et de gouvernement avaient pris l’engagement de prévenir les atrocités en adoptant la responsabilité de protéger.  En ce moment, a ajouté le représentant, malgré le cadre normatif solide, 65,5 millions de personnes sont déplacées de force dans le monde dont une grande partie sont des enfants.  En Syrie, au Yémen, au Myanmar et au Soudan du Sud, des millions de personnes cherchent à conserver un tant soit peu de leur dignité, de leurs moyens de subsistance et de leur sécurité.  En examinant les situations d’atrocités, nous devons mettre en pratique les leçons apprises et reconnaître que nous devons faire davantage pour éviter les conflits, dont renforcer les capacités des États en matière d’alerte rapide, d’analyses des conflits, de règlement des différends et de médiation. 

Le Canada appuie le programme de prévention des Nations Unies et défend les valeurs d’une gouvernance inclusive et responsable, d’un pluralisme pacifique, de l’égalité des sexes et des droits de la personne.  Nous croyons qu’il faut aider les États fragilisés à assumer leur responsabilité de protéger de manière à renforcer leur prise en charge au niveau national et leur résilience et à garantir qu’aucun vecteur de conflits et de violence ne s’aggrave au point de consumer un pays entier, puis une région entraînant des conséquences internationales.

Le délégué a aussi déclaré que si la prévention échoue, la réponse devrait être collective.  Le Conseil de sécurité doit assumer la responsabilité particulière de veiller à ce que la détection des premiers signes d’atrocité mène à des réponses appropriées.  L’inaction ou les actions inadéquates ont un coût humanitaire.  Il est essentiel que le Conseil de sécurité s’unisse pour concevoir des réponses en temps opportun lorsqu’il y a des risques d’atrocité.  À cet égard, il serait utile que les conseillers spéciaux pour la prévention du génocide et la responsabilité de protéger, de même que le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, fassent le point de la situation plus régulièrement devant le Conseil.  Avec la réforme de l’ONU en cours qui accorde une place importante à la prévention, nous espérons que la responsabilité de prévenir les atrocités sera clairement définie dans une structure des Nations Unies cohérente. 

M. KAI SAUER (Finlande) a indiqué que son pays avait organisé la huitième réunion mondiale des coordonnateurs nationaux de la responsabilité de protéger à Helsinki.  Cette réunion a été l’occasion d’échanger des pratiques exemplaires pour intégrer la responsabilité de protéger dans les activités quotidiennes au niveau national et dans les politiques étrangères.  La réunion a permis de réaffirmer la foi dans l’état de droit et dans un système international fondé sur cet état de droit.  Le représentant a affirmé le soutien sans réserve de son pays à la Cour pénale internationale, estimant qu’il est justifié de discuter de son rôle au cours de cette réunion car elle peut avoir un rôle de dissuasion. 

M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande) a réaffirmé son attachement aux trois piliers de la responsabilité de protéger, regrettant un problème de compréhension concernant le pilier 3 et l’intervention militaire.  « Nous devons le traiter.  Tout un ensemble de mesures prévues au titre du pilier 3 telles que l’embargo sont différentes de l’action militaire » a-t-il tenu à préciser.  Notant l’écart entre l’engagement et les actes, il a appelé à investir dans la mise en œuvre de la responsabilité de protéger, regrettant que la communauté internationale n’ait pas fait preuve de la détermination suffisante.  Il a encouragé les États à ratifier la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et a demandé de soutenir le Groupe ACT.  « Ce sont des mesures nécessaires pour que le Conseil de sécurité agisse efficacement en cas d’atrocités de masse », a-t-il expliqué. 

Soulignant le rôle crucial de la Cour pénale internationale, il a salué la nomination du Coordinateur de l’Union européenne pour la responsabilité de protéger et a appelé les États Membres à faire de même.  Nous devons utiliser au mieux le système des Nations Unies.  Les conseillers spéciaux doivent intervenir au Conseil de sécurité ainsi que le Haut-Commissaire aux droits de l’homme lorsque des populations sont confrontées à des menaces, a-t-il souhaité.  Les mécanismes de Genève jouent un rôle important pour réagir aux crimes et il faut renforcer l’Examen périodique universel.  Pour lui, les opérations de maintien de la paix sont un bon véhicule pour intégrer la responsabilité de protéger.  La communauté internationale, a-t-il conclu, doit être ferme contre les applications abusives de la responsabilité de protéger à des fins privées.  « Toute ambigüité doit être levée ». 

M. BURHAN GAFOOR (Singapour) a rappelé que la responsabilité de protéger les civils incombe aux États, ajoutant que le développement durable est la meilleure prévention contre les atrocités de masse.  Il a exhorté la communauté internationale à aider les pays à prévenir les conflits.  Toute action collective visant à remédier à des situations d’atrocités de masse doit se faire par le biais de l’ONU, comme cela a été clairement rappelé lors du Sommet mondial de 2005, a-t-il dit.  C’est uniquement lorsque les moyens pacifiques ne suffisent pas et que les autorités nationales ne protègent manifestement pas leur population, que naît la responsabilité d’une action collective, a-t-il aussi souligné.  Il a appelé à une limitation du droit de veto en cas d’atrocités de masse et mis en garde contre une utilisation de la responsabilité de protéger pour justifier une ingérence dans les affaires intérieures d’un État souverain.  Prônant le dialogue, il a conclu que ce concept ne devait pas être vu comme imposé par un groupe d’États à un autre.  Il doit être utilisé de manière sélective pour avancer l’agenda politique de certains États. 

M. PAVEL RADOMSKI (Pologne) a jugé que la responsabilité de protéger n’est pas un concept abstrait, mais une mesure qui sauve des vies.  « Il est de notre responsabilité de permettre aux femmes, aux hommes et aux enfants de vivre une vie sans souffrances ».  Le représentant a aussi jugé qu’utiliser des formules adaptées en matière de prévention de conflits permettait de réduire les interventions.  Les actions préventives doivent être adaptées au contexte, a-t-il ajouté, précisant qu’il n’existe pas de solution « à taille unique ».  Au contraire, M. Radomski a encouragé les initiatives à l’échelon local, le plus possible individualisées.  Concernant l’obligation de rendre des comptes, il a rappelé que les États Membres sont moralement, politiquement et juridiquement dans l’obligation de se conformer aux mesures visant à mettre fin à l’impunité et à rendre justice.

Se félicitant des progrès accomplis depuis le Sommet mondial de 2005, M. HAM SANG WOOK (République de Corée) s’est cependant dit alarmé par le rapport du Secrétaire général.  Le délégué a formulé trois recommandations et d’abord, l’amélioration des mécanismes d’alerte précoce aux niveaux domestique, régional et international, et un renforcement des synergies entre elles pour faire de la prévention des atrocités un programme pratique.  Il a ensuite cité la nécessité d’une action rapide, la responsabilité de protéger ne pouvant être réalisée si cette dernière ne suit pas les mécanismes d’alerte précoce.  À cet égard, la République de Corée soutient le Code de conduite du Groupe ACT qui prévoit que le droit de véto soit limité dans les situations qui requièrent une action immédiate en réponse aux atrocités criminelles.  Le délégué a aussi appelé à une meilleure utilisation de l’Examen périodique universel et des procédures spéciales.  Enfin, il a appelé à renforcer les efforts « pour mettre fin à l’impunité et assurer le respect de l’obligation de rendre des comptes « pour toutes les atrocités commises dans chaque coin du globe ». 

M. SHAHRUL IKRAM YAAKOB (Malaisie) a reconnu les intentions nobles de la responsabilité de protéger, tout en partageant la circonspection d’autres États Membres sur sa mise en œuvre.  Il a noté que les divergences d’opinion persistaient sur ce concept, sa compréhension et sa mise en œuvre concernant, notamment la sécurité des États, et les mandats internationaux.  Jugeant que les solutions non militaires devraient toujours avoir la priorité, M. Yaakob a rappelé que les atrocités commises par des groupes armés non étatiques entrainaient de nouveaux défis, relatifs notamment à l’impact des nouvelles technologies de l’information.  Il a appelé à davantage de collaboration entre États Membres, organisations régionales et sociétés civiles dans ce domaine. 

Notant que les alertes précoces s’étaient considérablement améliorées ces dernières années, il a souhaité que la prévention des conflits devienne désormais la règle plutôt que l’exception au sein de l’Organisation.  Dans cet esprit, M. Yaakob a appelé les membres du Conseil de sécurité à renoncer à leur droit de véto, en cas d’atrocités criminelles, et se montrer disposés à réagir aux signes précurseurs.  Il a insisté sur une régulation du droit de véto afin de permettre à la communauté internationale d’agir rapidement pour sauver des vies innocentes.

Évoquant les crimes brutaux du siècle dernier, M. JORGE SKINNER-KLEÉ ARENALES (Guatemala) a rappelé que la communauté internationale a élaboré, au fil du temps, un système de codification qui donne la priorité aux droits de l’homme et au droit international humanitaire.  Chaque État a la responsabilité première de protéger sa population des atrocités.  La responsabilité de protéger, a estimé le représentant, est une forme « exceptionnelle » de protection des populations.  Elle doit être renforcée au niveau des foyers de tension.  Pour lui, le Conseil de sécurité doit davantage intervenir, conformément à sa mission.  Se félicitant que son pays fasse partie de l’initiative du Code de bonne conduite, il a relancé l’appel à défendre les obligations découlant du droit international humanitaire, des droits de l’homme et du droit des réfugiés, car elles sont intimement liées à la responsabilité de protéger.  Cette responsabilité, a-t-il affirmé, est complétée par une approche préventive pour éviter les conflits.  Que ce sujet soit à l’ordre du jour de l’Assemblée générale est une preuve de notre volonté politique, s’est réjoui le délégué qui a souhaité qu’il y reste de manière permanente.  En conclusion, il a tenu à condamner des pratiques, qui même si elles ne relèvent pas du génocide et des crimes contre l’humanité, sont « inacceptables »: « J’ai en tête la séparation des parents et des enfants à la frontière, qui provoque des dégâts émotionnels immenses ». 

Mme NINIKANWA OLACHI OKEY-UCHE (Nigéria) a proposé de renforcer les capacités de prévention existantes, de continuer à promouvoir l’obligation de rendre compte et d’innover en élargissant sensiblement l’implication de la société civile dans la prévention des atrocités.  Elle a invité le Conseil à exploiter davantage le potentiel offert par les mécanismes formels et informels existants.  Le Conseil devrait améliorer sa coopération avec le Conseil des droits de l’homme, a-t-elle dit, avant de souligner l’importance du Statut de Rome.  Elle a demandé à tous les États Membres de respecter le droit humanitaire et le droit des réfugiés qui sont à la base de la responsabilité de protéger.  La prolifération des armes légères et de petit calibre a nourri les activités terroristes de Boko Haram au nord-est du Nigéria, a-t-elle dit, et le Gouvernement a mis en place un point focal national sur la responsabilité de protéger et un Bureau des droits de l’homme pour veiller à ce que les opérations militaires de l’armée nigériane respectent les règles d’engagement, a conclu la déléguée nigériane. 

Pour M. MOHAMED OMAR MOHAMED GAD (Égypte), la responsabilité de protéger relève des États et les efforts internationaux doivent viser le renforcement des capacités nationales.  La mise en œuvre de cette responsabilité ne saurait saper les principes internationaux tels que l’égalité entre État et la souveraineté nationale, a mis en garde le représentant.  La communauté internationale doit avoir un rôle d’appui pour que les États Membres honorent leur engagement et les interventions doivent rester conformes à la Charte.  Les stratégies internationales doivent bénéficier d’un large appui des États Membres afin de dissiper tout doute sur leur finalité, dont l’ingérence dans les affaires d’un pays tiers.  Il faut éviter toute initiative qui n’a pas été approuvée en dehors des gouvernements, a-t-il insisté.  Nous sommes d’accord avec l’objectif noble sur lequel repose la responsabilité de protéger mais le problème réside dans l’ambiguïté qui entoure cette notion, en particulier le fait que c’est une notion politique qui n’est pas encore devenue une notion juridique.  Il nous faut plus de temps, a plaidé le représentant, pour poursuivre le dialogue et répondre aux préoccupations des uns et des autres.  Il faudra du temps pour parvenir à un consensus » a-t-il conclu, affirmant que le travail qui reste à faire à un préalable à l’inscription permanente de la question à l’ordre du jour de l’Assemblée générale.  À ce stade, sans une définition agréée, nous nous y opposons, a prévenu le représentant. 

Conscient des différences d’approche quant à la mise en œuvre pratique de la responsabilité de protéger, M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a incité à garder un dialogue constant entre États Membres.  Au sujet des systèmes d’alertes précoces, il a proposé l’organisation de réunions à intervalle régulier, « où les conseillers spéciaux du Secrétaire général sur la prévention du génocide et la responsabilité de protéger présenteraient au Conseil de sécurité, et à d’autres organes pertinents des Nations Unies, les informations qu’ils ont recueillies, pour ensuite formuler des recommandations d’actions concrètes ».

Jugeant le travail de prévention « indispensable », mais pas suffisant, M. Pecsteen de Buytswerve s’est référé au Document final du Sommet mondial de 2005 pour inciter à ce que, « lorsque les autorités nationales n’assurent manifestement pas la protection de leur population », l’action de la communauté internationale soit primordiale.  Plus concrètement, il a souhaité que le Conseil de sécurité remette la protection des civils au cœur des mandats des opérations de maintien de la paix des Nations Unies.

La lutte contre l’impunité doit également être une priorité, a-t-il poursuivi; une lutte qu’il a jugé « de la responsabilité de chaque État ».  Invitant les États ne l’ayant pas encore fait à ratifier la version la plus récente du Statut de Rome, il a plaidé pour que le Conseil de Sécurité renforce son soutien à la Cour, en particulier pour les missions qu’il lui a confiées.  « Face à l’inaction du Conseil », le représentant a salué l’action du Mécanisme international d’enquêter sur les violations commises en Syrie.

Il a aussi exhorté le Conseil à ne pas laisser les désaccords entre ses membres permanents déboucher sur l’inaction: « il y va de sa crédibilité comme acteur essentiel du maintien de la paix et de la sécurité internationales », a-t-il dit, en soutenant l’initiative franco-mexicaine pour encadrer le droit de véto en cas d’atrocités.

Droit de réponse

Le représentant de l’Inde a noté qu’une délégation a utilisé cette instance à des fins abusives, comme par le passé.  « Le Jammu-et-Cachemire est une partie inaliénable de l’Inde.  Aucune rhétorique du Pakistan ne changera cette situation ».

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.