Soixante-treizième session,
17e séance plénière – matin   
AG/12075

Assemblée générale: l’examen du rapport sur l’activité de l’ONU offre l’occasion de lancer une salve contre l’unilatéralisme, « un signe de faiblesse intellectuelle »

Quatorze délégations ont commenté aujourd’hui à l’Assemblée générale le Rapport sur l’activité de l’ONU que le Secrétaire général, M. António Guterres, avait présenté aux chefs d’État et de gouvernement le 25 septembre dernier, dont des réformes pour rendre l’Organisation, comme l’a rappelé la Suisse, « plus souple, plus efficace, plus transparente et plus responsable, meilleure gestionnaire et davantage tournée vers l’action, avec un fonctionnement décentralisé lui permettant de mieux appuyer ses activités normatives et opérationnelles ».  Les délégations en ont profité pour lancer une autre salve contre l’unilatéralisme, l’Iran demandant la convocation d’une conférence internationale sur les effets dévastateurs de ce « signe de faiblesse intellectuelle ».  

Les réformes du Secrétaire général, a estimé l’Inde, ne s’attaquent qu’à une petite partie du « grand firmament » et du « large éventail des problèmes » auxquels est confrontée la communauté internationale.  Le fait que M. Guterres ait admis lui-même que les sept défis qu’il avait énoncés en 2017 n’étaient toujours pas relevés est « symptomatique » de la nécessité de changer les mentalités.  L’Inde a plaidé pour de nouvelles façons de voir les choses et de nouvelles formes de coopération car ce que le monde fait aujourd’hui c’est « tuer les moustiques, en laissant les fauves en liberté » ou « arracher les mauvaises herbes alors que la jungle avance ».  La « rénovation » de l’architecture actuelle des institutions internationales est donc « vitale ».  Le multilatéralisme est plus que jamais important, a renchéri Cuba.

Il faut, a ajouté le Bélarus, un partenariat et une coopération à tous les niveaux et c’est la raison pour laquelle, le Forum des partenaires régionaux, qui s’est réuni à Minsk, a pris l’initiative de créer un réseau de partenariats pour le développement durable.  Aucun pays ne peut résoudre des problèmes frontaliers, a acquiescé Singapour.  Les 73 ans de l’histoire de l’ONU nous enseignent que nous sommes meilleurs quand nous travaillons ensemble, parce que « la coopération internationale, ça marche », a ajouté la Norvège. 

Pourtant, a constaté l’Iran, un des défis actuels est le recours de plus en plus fréquent à l’unilatéralisme.  Le monde souffre en effet du mépris qu’affichent certains États pour les valeurs et les institutions internationales.  Mais il est illusoire, a prévenu l’Iran, de penser que s’attaquer au multilatéralisme est un signe de force, c’est, au contraire, « un signe de faiblesse intellectuelle ».  L’Iran a pris l’exemple de l’Accord relatif à son dossier nucléaire dont un État, pourtant partie aux négociations, s’est retiré.  Sortir des organisations comme l’UNESCO et le Conseil des droits de l’homme, ou des accords comme celui de Paris sur les changements climatiques; imposer des sanctions unilatérales illégitimes et transférer son ambassade à Al-Qods sont autant d’échantillons de la politique du « moi d’abord », de l’égocentrisme et de l’arrogance voire d’une posture désastreuse qui relève d’un « unilatéralisme fanatique », a dénoncé l’Iran, en faisant valoir le droit et la responsabilité de tous de renforcer le multilatéralisme, « indispensable » au maintien de la paix et de la sécurité d’un monde fondé sur des valeurs hautement éthiques et sur la coopération.  L’Iran a d’ailleurs demandé au Secrétaire général de convoquer une conférence de haut niveau sur l’unilatéralisme et ses effets dévastateurs sur la sécurité internationale.

M. António Guterres ayant présenté son Rapport sur l’activité de l’Organisation, le 25 septembre dernier, il n’est pas productif, a tranché Singapour, de tenir une réunion comme celle-ci aujourd’hui.  Cet exercice commence à ressembler à « un rituel » sans intérêt aucun.  Pourquoi, s’est interrogé Singapour, ne pas demander au Secrétaire général de nous présenter ses priorités ou alors de nous informer des progrès en cours.  Les États pourraient alors, dans le cadre d’une réunion informelle, dialoguer avec lui et son équipe.  El Salvador a d’ailleurs regretté l’absence de hauts représentants du Secrétariat à cette séance, ce qui montre un certain manque d’intérêts pour les échanges.  « Soit on tire parti de ce débat, soit on l’annule purement et simplement », s’est-il impatienté.

L’Assemblée générale se réunira de nouveau mercredi 10 octobre à 10 heures pour examiner les questions relatives à la promotion d’une croissance économique soutenue et d’un développement durable.

RAPPORT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR L’ACTIVITÉ DE L’ORGANISATION (A/73/1)

Dans ce rapport qu’il a présenté aux chefs d’État et de gouvernement, le 25 septembre dernier, le Secrétaire général parle de l’action de l’ONU en faveur d’une croissance économique soutenue et du développement durable; du maintien de la paix et de la sécurité internationales; du développement de l’Afrique; de la promotion et de la protection des droits de l’homme; de l’efficacité de la coordination des opérations d’assistance humanitaire; de la promotion de la justice et du droit international; du désarmement, du contrôle des drogues et de la prévention du crime, et de la lutte contre le terrorisme.

Le Secrétaire général présente le tableau des 25 initiatives qu’il a prises entre 2017 et 2018.  Il explique que pendant l’année écoulée, il s’est efforcé de réformer l’Organisation, afin qu’elle soit plus efficace et plus souple, qu’elle privilégie davantage l’action sur le terrain et qu’elle puisse mieux servir les États Membres et leurs populations.  « Jamais auparavant l’ONU ne s’était lancée dans une réforme de cette envergure », se réjouit-il, rappelant que le 31 mai, l’Assemblée générale a donné le feu vert pour œuvrer au repositionnement du système des Nations Unies pour le développement et permettre à celui-ci d’appuyer le Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Le système devrait commencer à fonctionner dans sa nouvelle configuration en janvier 2019.

L’année 2019 verra ainsi la mise en place progressive d’une nouvelle génération d’équipes de pays des Nations Unies, mieux adaptées aux réalités des pays, plus attentives aux priorités nationales et dont les compétences auront été renforcées.  L’ONU mettra également en œuvre les mesures visant à redynamiser le réseau des coordonnateurs résidents, qui s’emploiera à coordonner les activités de développement des Nations Unies au niveau des pays et aura à répondre des résultats d’ensemble du système.  L’ONU continuera de tout faire pour favoriser la mise en commun des locaux et des services entre entités, de façon à économiser des ressources qui pourront être réaffectées à des programmes de développement.  Le Groupe des Nations Unies pour le développement, dont le rôle a été redéfini, et le Comité directeur mixte chargé de promouvoir la collaboration entre les secteurs de l’humanitaire et du développement apporteront, à l’échelon qui convient, des solutions aux difficultés que rencontrent les pays et les équipes de pays des Nations Unies.

La réforme du pilier Paix et sécurité, explique aussi le Secrétaire général, a eu pour objectif de rendre l’action du Siège de l’ONU plus cohérente, plus souple et plus efficace grâce à une approche holistique qui privilégie la prévention des conflits et la pérennisation de la paix.  Pour remédier à la fragmentation des activités, il est prévu de passer d’un fonctionnement en départements séparés à un modèle intégré reposant sur la collaboration étroite de deux départements: le Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix et le Département des opérations de paix.  Une structure politique et opérationnelle régionale unique, commune aux deux Départements, sera chargée de la gestion de toutes les activités politiques et opérationnelles ayant trait à la paix et à la sécurité.  Au sein du Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix, le Bureau d’appui à la consolidation de la paix, dont les moyens seront renforcés, rattachera le pilier aux efforts déployés et aux outils disponibles à l’échelle du système pour faire face à toutes les formes de conflits, de façon à favoriser une approche plus globale de la consolidation et de la pérennisation de la paix.  Avec l’accord de l’Assemblée générale, le projet de restructuration sera mis en œuvre à compter du 1er janvier 2019.

Le Secrétaire général ajoute qu’en octobre 2017, il a proposé d’instituer un nouveau modèle de gestion qui permet aux responsables de décider de la meilleure manière de mettre les ressources dont ils sont dotés au service de l’exécution des programmes et des mandats.  En juillet 2018, l’Assemblée générale a approuvé la réorganisation des actuels Département de la gestion et Département de l’appui aux missions en deux nouveaux départements, qui commenceront à fonctionner le 1er janvier 2019.  Ces deux départements seront au service de tout le Secrétariat : l’un fournira des orientations dans les domaines des stratégies, des politiques et de la conformité, l’autre sera chargé d’apporter un appui opérationnel et administratif au personnel d’encadrement.  Ainsi transformée, l’Organisation sera plus souple, plus efficace, plus transparente et plus responsable, meilleure gestionnaire et davantage tournée vers l’action, et son fonctionnement décentralisé lui permettra de mieux appuyer ses activités normatives et opérationnelles.

Dans son rapport, le Secrétaire général parle aussi de la manière dont l’Organisation agit concrètement pour éliminer l’exploitation et les atteintes sexuelles et le harcèlement sexuel.  Il dit avoir élaboré, en coopération avec les États Membres, un pacte volontaire qui prévoit des mesures de prévention et d’action bien précises, place au premier plan l’intérêt des victimes et propose un ensemble d’outils de gestion des risques d’exploitation et d’atteintes sexuelles, qui permettront aux missions de recenser, d’évaluer et d’atténuer les risques en suivant une démarche méthodique. En ce qui concerne le harcèlement sexuel, le Secrétaire général dit avoir demandé aux hauts fonctionnaires d’améliorer les instructions, les informations et les services destinés au personnel et lancé un service d’assistance téléphonique fonctionnant 24 heures sur 24 pour que le personnel puisse obtenir des informations et recevoir de l’aide en toute confidentialité. Le Bureau des services de contrôle interne s’occupe d’instaurer une procédure accélérée d’enregistrement et de traitement des plaintes pour harcèlement sexuel.  Enfin, une équipe d’enquête spécialisée est en cours de création.

Si l’on veut éliminer la fraude, la corruption, les atteintes sexuelles et les autres manquements à la déontologie, il est impératif de protéger les lanceurs d’alerte, souligne le Secrétaire général qui dit avoir sensiblement renforcé la politique qui protège dorénavant les vacataires et les consultants contre les représailles et qui prévoit la possibilité de transférer dans d’autres services les auteurs de représailles (et non pas leurs victimes) à l’issue des enquêtes. Cette politique sera revue périodiquement et des efforts seront faits pour la diffuser dans l’ensemble de l’Organisation.  Le Secrétaire général dit en outre s’employer à renforcer le Bureau de la déontologie et à accroître son indépendance.

L’Organisation vient aussi d’achever son évaluation des risques de fraude et de corruption, la première du genre, qui lui a permis de repérer les principaux domaines dans lesquels les cadres doivent agir sans délai et dans la durée.

Le Secrétaire général se félicite aussi que l’Assemblée générale ait approuvé en décembre 2017 ce qui constitue l’un des changements les plus importants apportés à la planification des programmes et à la procédure budgétaire de l’Organisation depuis les années 1970.  À compter de 2020, le Secrétariat publiera un projet de budget-programme annuel, la durée de l’exercice étant ramenée de deux à un an.  Pour la première fois, les États Membres trouveront réunies dans un même document les informations portant sur la planification et l’exécution des programmes, les résultats des évaluations et les besoins de financement.  L’Assemblée générale sera à même d’examiner tous ces éléments au cours d’une seule session, au lieu d’y revenir à plusieurs sessions étalées sur trois ans.  Gage d’une meilleure application du principe de responsabilité, ce document budgétaire permettra de mieux évaluer l’exécution des programmes et l’utilisation des ressources qui leur sont allouées.

Déclarations

M. SYED AKBARUDIN (Inde) a assuré le Secrétaire général de l’appui de son pays à la mise en œuvre de toutes ces réformes qui ne s’attaquent, a-t-il toutefois relevé, qu’à une petite partie du « grand firmament » et du « large éventail des problèmes » auxquels est confrontée la communauté internationale.  Le représentant a d’ailleurs noté que le Secrétaire général a admis lui-même que les sept défis qu’il avait énoncés en 2017 n’étaient toujours pas relevés.  Pour l’Inde, cela est bien symptomatique de la nécessité de changer les mentalités.

Les arrangements institutionnels actuels, s’est expliqué le représentant, ne peuvent rien contre les défis actuels: la faculté des nouvelles technologies à modifier la nature et la dynamique des conflits, avec la cyberguerre, les drones, les robots de combats; ou encore l’absence d’une approche globale face à la technologie du contrôle des frontières.  Comment en effet concilier libertés individuelles et sécurité collective? L’Assemblée générale ne traite pas des aspects normatifs de ces questions et le Conseil de sécurité ne fait rien contre leurs conséquences sur la paix et la sécurité internationales.  M. Akbarudin s’est tout de même félicité de la création du Groupe de travail de haut niveau sur la coopération numérique.

Mais il a aussi cité les défis des changements climatiques, de la viabilité de la dette, de la lutte contre le terrorisme, des flux financiers illicites et des pandémies, lesquels, a-t-il estimé, nécessitent des scénarii et des plans d’urgence.  Tous ces problèmes requièrent un suivi et non des solutions d’appoint.  Par exemple, pour contrer le terrorisme, il faut une série « fiable et efficace » de mesures de contrôle des frontières et des flux financiers et son succès dépendra de normes largement agréées et d’une coopération « routinière ».

Il faut, a insisté le représentant, de nouvelles façons de voir les choses et de nouvelles formes de coopération car ce que le monde fait aujourd’hui c’est « tuer les moustiques, en laissant les fauves en liberté » ou « arracher les mauvaises herbes alors que la jungle avance ».  La « rénovation » de l’architecture actuelle des institutions internationales est donc vitale, en particulier le Conseil de sécurité dont il faut réparer les failles, « avant qu’il ne soit trop tard ».

Mme ANAYANSI RODRÍGUEZ CAMEJO (Cuba) a rappelé que le multilatéralisme est plus que jamais important face à des problèmes à portée mondiale.  La communauté internationale doit respecter les précédents engagements en matière de financement du développement, dont la promesse des pays industrialisés à consacrer 0,7% de leur revenu national brut à l’aide publique au développement (APD).  Dans ce cadre, la représentante a jugé « impérieuse » la revitalisation de l’Assemblée générale pour qu’elle recouvre l’autorité que lui confère la Charte et mette fin à l’ingérence du Conseil de sécurité dans ses affaires.  Le Conseil de sécurité doit d’ailleurs être réformé, a ajouté la représentante, tant dans sa composition que dans ses méthodes de travail.

C’est le respect des principes de la Charte qui est le pilier de la paix et de la sécurité internationales, a insisté la représentante, qui a plaidé contre l’ordre international injuste actuel, le colonialisme persistant, l’occupation étrangère et les sanctions unilatérales.  Elle en a profité pour dénoncer le blocus américain injuste dont son pays est victime depuis plus d’un demi-siècle.  Malgré ces « violations des droits élémentaires des Cubains », Cuba a pu avancer, s’est-elle enorgueillie, citant les chiffres selon lesquels son pays est le premier pays d’Amérique latine à avoir éliminé l’analphabétisme et le premier au monde à avoir éliminé la transmission de la syphilis et du VIH de la mère à l’enfant, d’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).  

Mme DIEDRE MILLS (Jamaïque) a salué l’approche transversale adoptée par le Secrétaire général dans son rapport, notamment en ce qui concerne l’aspect « objectifs de développement durable ».  Alors que l’Assemblée générale se prépare à examiner en 2019 la mise en œuvre du Programme 2030 et que les examens volontaires se poursuivent, la représentante a jugé impératif d’accorder une attention particulière aux liens entre les différentes tâches de l’Organisation.  Les connections systématiques, a-t-elle estimé, soutiennent la mise en œuvre des objectifs de développement durable, promeuvent une croissance économique durable et la cohérence des politiques, ainsi que les efforts collectifs.  Elle a aussi salué la mise en place du Fonds commun visant à l’application du Programme 2030.

La représentante a également dit partager les remarques du Secrétaire général sur les changements climatiques, plaidant pour que ce sujet reste au-devant des préoccupations de l’Assemblée générale, surtout à la veille du sommet prévu en 2019.  Elle a également salué les efforts consentis par le Secrétaire général pour assurer l’égalité entre les sexes à l’ONU.  La représentante s’est par ailleurs réjouie de l’accent mis par le Secrétaire général sur la prévention des conflits, tout en saluant ses efforts en matière de désarmement.  Elle a conclu en soulignant l’importance que son pays attache aux problèmes des pays à revenu intermédiaire, qui feront d’ailleurs l’objet d’une réunion de haut niveau de l’Assemblée générale au mois de décembre.

M. VALENTIN RYBAKOV (Bélarus) a également reconnu le « travail colossal » de M. Guterres et appuyé le désir de ce dernier de renforcer les activités de prévention des conflits et a d’ailleurs estimé que la proposition de son Président de tenir un dialogue international sur la sécurité mérite d’être examinée.  Le représentant a, à son tour, souligné la nécessité d’un partenariat et d’une coopération à tous les niveaux pour réaliser les objectifs de développement durable.  C’est la raison pour laquelle, a-t-il dit, le Forum des partenaires régionaux, qui s’est réuni à Minsk, a pris l’initiative de créer un réseau de partenariats pour le développement durable.  Le représentant a espéré que ce réseau deviendra opérationnel dès 2019.  Insistant également sur les problèmes des pays à revenu intermédiaire, il a dit placer beaucoup d’espoir dans la réunion de haut niveau prévue par l’Assemblée générale, le 4 décembre prochain.

Quant à la lutte antiterroriste, le représentant a indiqué que son pays accueillera demain à Minsk une conférence sur l’utilisation des nouvelles technologies par les groupes terroristes.  Le Bélarus attend d’ailleurs avec impatience les conclusions du Groupe de haut niveau sur la coopération numérique que vient de créer le Secrétaire général.  Venant à la gestion de l’ONU, le représentant a déploré des décisions « trop éloignées de la réalité sur le terrain » et « une bureaucratie encore très présente ».  S’il a appuyé les propositions de réforme du Secrétaire général, il a mis en garde contre toute modification dans la répartition des ressources et dans les mandats.  Le représentant a conclu sur la question des droits de l’homme, en refusant l’idée de promouvoir des droits qui compromettraient les ambitions économiques des États.

M. BURHAN GAFOOR (Singapour) a rappelé que si le multilatéralisme est décrié aujourd’hui, aucun pays ne peut résoudre seul les problèmes transfrontaliers.  Il a dit partager l’opinion du Secrétaire général selon laquelle le monde connaît un déficit de confiance.  Il a donc plaidé pour le rétablissement de cette confiance, en particulier entre les grandes puissances.  Venant aux réformes engagées par le Secrétaire général, le représentant les a voulues à la fois simples et efficaces, prévenant que le pire serait « d’introduire encore plus de bureaucratie et de complexité ».  Les mesures engagées doivent être améliorées au fur et à mesure, en se fondant sur les rapports du Secrétariat et sur les consultations entre le Secrétaire général, son équipe et les États Membres.  Au bout du compte, l’objectif ultime, a rappelé le représentant, est de rendre l’ONU plus efficace, plus comptable de ses actes et plus attentive aux besoins des peuples. 

Il a salué le fait que le Secrétaire général mette l’accent sur les technologies comme en atteste la création du Groupe de haut niveau sur la coopération numérique.  Il est tout aussi important, a prévenu M. Gafoor, de renforcer nos défenses contre les risques liés aux technologies, comme les cyberattaques et la cybercriminalité.  Il a estimé que les Nations Unies doivent jouer un rôle de premier plan et dégager un consensus sur les normes relatives à « un comportement responsable » des États dans le cyber espace.

Le représentant a insisté sur le rôle « crucial » des organisations régionales qui apportent « la perspective régionale » à l’ONU.  Il a donc salué le dialogue entre le Secrétaire général et les chefs des organisations régionales, jugeant même qu’il contribue à une bonne appréhension « du caractère unique » de chaque région.

M. Gafoor a conclu par des suggestions et d’abord que le rapport du Secrétaire général se termine dorénavant par une liste des priorités et des objectifs de l’année suivante, ce qui permettrait aux États de travailler d’une manière « plus productive » avec le Secrétaire général.  Une telle liste améliorerait en outre la transparence et renforcerait la confiance des États dans le travail de l’ONU.  Le Secrétaire général ayant présenté son rapport le 25 septembre dernier, il n’est pas productif, a ensuite tranché le représentant, de tenir une autre réunion sur le même sujet.  Cet exercice commence à ressembler à « un rituel » sans intérêt aucun.  Pourquoi ne pas demander au Secrétaire général de présenter ses priorités ou alors d’informer l’Assemblée générale des progrès en cours.  Les États pourraient, dans le cadre d’une réunion informelle, dialoguer avec le Secrétaire général et son équipe. 

M. SALAH SAID (Libye) s’est félicité des efforts du Secrétaire général qui exprime, dans son rapport, son intention de réformer certains aspects du fonctionnement des Nations Unies.  Le représentant a souligné que c’est aux États Membres que revient la décision finale.  Il a d’ailleurs insisté sur la nécessité de mettre sur un pied d’égalité les trois piliers du travail de l’ONU à savoir, la paix et la sécurité, les droits de l’homme et le développement.  À propos du premier pilier, il a salué la création des missions politiques spéciales, dont celle qui a été déployée dans son pays.

Mme MALEEHA LODHI (Pakistan) a souligné que l’idée de faire de l’ONU une organisation plus efficace, plus transparente et plus comptable de ses actes est aussi celle qui pousse son pays et d’autres à plaider pour une réforme approfondie du Conseil de sécurité, un Conseil non seulement en phase avec l’esprit démocratique du moment mais aussi représentatif des aspirations de tous les États membres, grands, moyens ou petits.  Toute autre proposition serait une régression et non une réforme, un résultat que le Pakistan ne recherche pas et qu’il n’est pas prêt à soutenir, a prévenu la représentante.  Au moment où la communauté internationale traverse l’ambitieux chemin du Programme 2030, nous voyons, s’est inquiétée la représentante, que les progrès ne sont pas « assez rapides ».  Nous devons faire en sorte que l’agenda centré sur la prévention ne soit pas un vœu pieux mais qu’il soit fermement vissé au centre de l’architecture de paix et de sécurité, a-t-elle dit.  Nous devons aussi faire en sorte que le système des Nations Unies pour le développement s’aligne pleinement avec les priorités et politiques nationales.  Nous devons également veiller à ce que les droits de l’homme de tous les individus soient respectés, sans sélectivité ni préjugé. 

Grâce à une coopération triangulaire renforcée, nous devons faire en sorte, a poursuivi la représentante, que le maintien de la paix garde son rôle de pivot dans les situations de conflit.  La représentante a profité de l’occasion pour s’attarder sur la situation du Jammu-et-Cachemire, « la question la plus ancienne à l’ordre du jour du Conseil de sécurité et l’application la plus ancienne du Chapitre VI de la Charte ».  Les nombreuses résolutions du Conseil de sécurité sur le droit inaliénable du peuple cachemirien à l’autodétermination ne sont toujours pas mises en œuvre.  En revanche, la force d’occupation indienne, a accusé la représentante, commet en toute impunité des violations graves des droits de l’homme dûment dénoncées dans le rapport du Haut-Commissaire aux droits de l’homme en date du 14 juin, lequel parle d’une « litanie de violations systématiques ».  Le Pakistan, a assuré la représentante, tient à une solution négociée mais l’Inde refuse.  Il faut combattre le terrorisme dans tous ses aspects, y compris le terrorisme d’État et les idéologies extrémistes, a conclu la représentante.  Notre destin est inéluctablement lié à un multilatéralisme fondé sur des règles, avec les Nations Unies en son centre.

M. RUBÉN ARMANDO ESCALANTE HASBÚN (El Salvador) a dit emboîter le pas de son homologue de Singapour pour regretter l’absence de hauts représentants du Secrétariat à la séance, ce qui montre un certain manque d’intérêts pour les échanges.  « Soit on tire parti de ce débat, soit on l’annule purement et simplement », s’est impatienté le représentant d’autant plus que les objectifs de développement durable semblent de plus en plus irréalisables à l’horizon 2030.  Il a salué le repositionnement du système des Nations Unies pour le développement, souhaitant le renforcement de sa dimension régionale et insistant sur le fait que chaque pays doit avoir son mot à dire.  Les objectifs de développement durable, a-t-il poursuivi, ne peuvent être réalisés sans tenir compte des changements climatiques, un sujet particulièrement important pour El Salvador et l’Amérique centrale.  El Salvador propose donc que la décennie 2021-2030 soit consacrée à la restauration des écosystèmes.  Le représentant a d’ailleurs appelé le Secrétariat à faire davantage d’efforts pour intégrer dans ses priorités le Cadre de Sendai sur la réduction des risques de catastrophe.

Il a aussi regretté que dans son rapport, le Secrétaire général ne parle pas des mesures envisagées pour aider les pays qui passent à la catégorie des revenus intermédiaires.  L’ONU, s’est-il une nouvelle fois impatienté, doit adopter de nouvelles méthodes et classer les pays en fonction d’un indice qui tienne compte du niveau réel de développement.  Le représentant a d’ailleurs salué en la matière le rôle de pionnier du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Il a conclu en rappelant que son pays a présidé le Conseil des droits de l’homme en 2017.  Il a donc jugé bon qu’en examinant les questions qui leur sont soumises, ce dernier, le Conseil de sécurité et la Troisième Commission exploitent davantage leurs avantages comparatifs pour éviter les chevauchements et les doublons.

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a regretté qu’en parlant de Daech, le rapport du Secrétaire général ne mentionne que l’Iraq.  Il est clair, s’est-il expliqué, que le terrorisme existe aussi en Syrie, où l’opposition armée, les jihadistes et autres groupes non étatiques sont à l’œuvre.  La Syrie, a-t-il ajouté, a été transformée en une « destination pour terroristes » par certains États et autres acteurs dont les « Assassins sans frontières » qu’est « Médecins sans frontières ».  M. Ja’afari a aussi dénoncé la présence sur le territoire syrien de pays qui détiennent des armes de destruction massive, dont la « prétendue coalition » formée par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni.  Après avoir fustigé l’occupation israélienne des territoires palestiniens et arabes, il a lancé une mise en garde: « n’oublions pas qu’Israël est doté de l’arme nucléaire et qu’il est le seul pays à ne pas se soumettre aux inspections de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Revenant au rapport du Secrétaire général, il a regretté qu’il n’appelle pas à la levée des sanctions imposées à son pays.  Comment parler du développement et du bien-être de tous les peuples du monde quand des États imposent des sanctions à d’autres? s’est-il étonné, non sans critiquer « la partialité et la non-indépendance » du Mécanisme international chargé des enquêtes sur les violations commises en République arabe syrienne depuis mars 2011.  Mon pays, a rappelé le représentant, a dûment rejeté ce Mécanisme qui a été créé par une résolution « politique et partiale ». Ce Mécanisme constitue une violation flagrante de la souveraineté de la Syrie et de l’Article 12 de la Charte des Nations Unies, a-t-il ajouté, avant de promettre de coopérer avec le Secrétaire général pour autant que ce dernier travaille avec l’intégrité qu’il avait lorsqu’il était Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.

M. MILENKO E. SKOKNIC TAPIA (Chili) a salué les avancées relevées par le Secrétaire général dans son dernier rapport, affirmant que ces avancées sont une motivation supplémentaire pour appuyer le travail de l’Organisation.  Le représentant a souligné la pertinence de la séance, tout en souhaitant qu’elle ait une plus grande importance dans le programme de travail de l’Assemblée générale.  Il a aussi rappelé la force que représente le multilatéralisme et a noté que « la collaboration multilatérale n’est pas une possibilité, mais la seule option possible », citant ainsi le Secrétaire général.  

Un des défis actuels, a estimé M. ESHAGH AL HABIB (République islamique d’Iran), est le recours de plus en plus fréquent à l’unilatéralisme.  Le monde souffre en effet du mépris qu’affichent certains États pour les valeurs et les institutions internationales.  Mais il est illusoire, a prévenu le représentant, de penser que s’attaquer au multilatéralisme est un signe de force.  C’est, au contraire, un signe de faiblesse intellectuelle.  Illustrant ses propos par des exemples patents d’unilatéralisme, le représentant est revenu sur l’Accord relatif au dossier nucléaire iranien, fruit d’une décennie d’efforts diplomatiques et de négociations intenses pour résoudre une « crise artificielle », approuvé unanimement par la résolution 2231 du Conseil de sécurité et codifié en obligation internationale.  Selon les 12 rapports de l’AIEA, l’Iran respecte bien ses engagements mais un État et un seul, qui était pourtant une des principales parties aux négociations, et ce dès le début, n’a jamais honoré ses obligations, préférant recourir à de pâles excuses et à une violation flagrante de ses engagements pour se retirer de l’Accord, exercer des pressions sur d’autres et menacer pays et organisations internationales d’une punition s’ils obéissent à la résolution 2231.

Se retirer des organisations comme l’UNESCO et le Conseil des droits de l’homme, ou des accords comme celui de Paris sur les changements climatiques; imposer des sanctions unilatérales illégitimes et transférer son ambassade à Al-Qods sont autant d’échantillons de la politique du « moi d’abord », de l’égocentrisme et de l’arrogance voire d’une posture désastreuse qui relève d’un « unilatéralisme fanatique ».

La menace grandissante du terrorisme et de l’extrémisme violent dans le monde, en particulier, au Moyen-Orient, sont les effets de cet unilatéralisme mâtiné d’interventionnisme, dans ce qui ne peut être qu’une mauvaise politique sans perspective.  La création d’Al-Qaida, les invasions militaires en Iraq et en Afghanistan et l’appui aux groupes terroristes en Syrie, sous des prétextes « irrationnels » qui ont conduit à l’émergence de Daech, sont quelques-unes des menaces et des problèmes qui doivent être supprimés par les Nations Unies et les autres mécanismes internationaux.  Car, a prévenu le représentant, la négligence et l’inefficacité des institutions internationales risquent de mettre en danger la paix dans le monde.  Nous avons tous le droit et la responsabilité de renforcer le multilatéralisme qui est indispensable au maintien de la paix et de la sécurité dans ce monde fondé sur des valeurs hautement éthiques et sur la coopération.  Le représentant a donc demandé au Secrétaire général de convoquer une conférence de haut niveau sur l’unilatéralisme et ses effets dévastateurs sur la sécurité internationale.

M. TORE HATTREM (Norvège) a relevé qu’alors que le multilatéralisme est sous pression, le monde fait face à de grands défis comme les changements climatiques, les migrations, le développement durable, la protection des océans, qui pourtant exigent la coopération et des solutions communes.  Par exemple, les objectifs de développement durable requièrent des actions à la fois nationales et internationales.  Le représentant a rappelé que les 73 ans d’histoire de l’Organisation nous enseignent que nous sommes les meilleurs quand nous travaillons ensemble, parce que « la coopération internationale marche ».  Le représentant a confirmé la disposition de son pays à apporter son soutien à ses partenaires bilatéraux, régionaux et multilatéraux afin d’accélérer la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  Il a rappelé que depuis sept décennies, la Norvège est un soutien important des Nations Unies et d’un ordre multilatéral fondé sur des règles.  La Norvège est également l’un des plus grands contributeurs des Nations Unies et consacre 1% de son revenu national brut à l’aide publique au développement (APD). 

M.DOMINIQUE MICHEL FAVRE (Suisse) a rappelé que dès sa prise de fonctions, M. Guterres a insisté sur le fait que l’ONU doit être capable de s’adapter aux changements et se renouveler pour être plus efficace.  Si l’ONU entend atteindre un effet maximal avec les moyens dont elle dispose et faire une réelle différence sur le terrain, elle doit s’adapter à un environnement en constante évolution et réexaminer en permanence ses méthodes de travail, a-t-il déclaré, en notant que l’année écoulée aura permis à l’ONU d’initier un processus porté tant par l’Organisation elle-même que par ses États Membres.

Le représentant a poursuivi en relevant que, comme le Secrétaire général, la Suisse a fait du Programme 2030 une priorité.  Elle se mobilise aussi pour l’adoption du Pacte mondial sur les migrations et soutient celui sur les réfugiés.  Le représentant s’est en outre félicité de ce que le Secrétaire général ait mis sur pied un panel de haut niveau sur la gouvernance digitale.

Se réjouissant ensuite de l’approche intégrée et coordonnée de la prévention et de l’analyse du Secrétaire général sur la situation des droits de l’homme dans le monde, le représentant a dit, s’agissant de l’aide humanitaire: « vous pouvez compter sur le soutien continu de la Suisse ».  La Suisse, a-t-il conclu en parlant de la promotion d’une culture de gestion moderne à tous les niveaux de l’ONU, s’engage à ce que l’ONU ait un financement approprié afin qu’elle puisse s’acquitter de son mandat.

M. YAO SHAOJUN (Chine) a fait le constat d’une polarisation du monde, la remise en question du multilatéralisme et la montée du protectionnisme.  Il a appelé à mettre en place une communauté de destins et à faire du multilatéralisme un outil pour relever les défis.  La Charte est la pierre angulaire du bon fonctionnement des Nations Unies, et la Chine invite tous les États à respecter les normes élémentaires du droit international et à œuvrer pour la préservation du système multilatéral et le respect du système commercial multilatéral, garanti par l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Il faut, a insisté le représentant, établir un système de coopération profitable pour tous et tenant compte de la souveraineté des États et de leur droit à choisir leur propre modèle de développement.  Le représentant a ensuite invité les pays développés à respecter leurs engagements en matière d’APD, tout en encourageant les pays en développement à tirer parti de la coopération Sud-Sud.  Il nous faut une ONU plus forte, a-t-il conclu, au nom d’un pays qui est un fervent défenseur du multilatéralisme et qui y a contribué comme en atteste la « Route de la soie » construite sur le socle de la tolérance et de l’ouverture.  Le Sommet Chine-Afrique est un autre exemple, a affirmé le représentant.

Droits de réponse

Réagissant aux propos du Pakistan, l’Inde a dénoncé des « tentatives grossières » et des « vues archaïques » qui au bout du compte ne trouvent aucun écho au sein de la communauté internationale.

Le Pakistan a fustigé, à son tour, des « affirmations mensongères » sans base factuelle ni juridique car rien ne justifie l’occupation du Jammu-et-Cachemire qui n’a jamais fait partie de l’Inde, ne fait pas partie de l’Inde et ne fera jamais partie de l’Inde. 

 

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