Soixante-treizième session,
56e séance plénière (suite) – après-midi
AG/12108

L’Assemblée générale exhorte la Fédération de Russie à cesser la militarisation « progressive » de la Crimée et son occupation « temporaire » de l’Ukraine

L’Assemblée générale a, aujourd’hui, dans une résolution, présentée par le Vice-Ministre des affaires étrangères de l‘Ukraine et adoptée à l’issue d’un vote, exhorté la Fédération de Russie à mettre un terme à la militarisation « progressive » de la Crimée et à son occupation « temporaire » du territoire ukrainien.

La résolution intitulée « Problème de la militarisation de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol (Ukraine), ainsi que de certaines parties de la mer Noire et de la mer d’Azov » a été adoptée par 66 voix pour, 19 voix contre et 72 abstentions.  « Vous devriez avoir honte », a dit le Vice-Ministre ukrainien des affaires étrangères aux abstentionnistes qui se sont tus devant un texte qui exhorte la Fédération de Russie à mettre un terme à la militarisation progressive de la Crimée, dont le transfert de personnel militaire et de systèmes d’armes aggrave, selon les informations, l’instabilité. 

Dans ce texte, l’Assemblée générale se déclare également préoccupée par les activités menées par la Fédération de Russie dans les eaux de la mer Noire adjacentes à la Crimée et dans la mer d’Azov, et par la dangereuse montée des tensions et l’emploi injustifié de la force contre l’Ukraine, notamment dans le cadre de l’interception, le 25 novembre 2018 dans la mer Noire, de trois navires des forces navales ukrainiennes, au cours de laquelle certains membres d’équipage ont été grièvement blessés.

L’Assemblée engage donc la Fédération de Russie à s’abstenir de faire obstacle à l’exercice légitime des droits et de la liberté de navigation dans la mer Noire, la mer d’Azov et le détroit de Kertch, conformément au droit international applicable, dont la Convention des Nations Unies de 1982 sur le droit de la mer.  Elle condamne la construction et l’ouverture par la Fédération de Russie du pont du détroit de Kertch, qui la relie à la Crimée et facilite la poursuite de la militarisation, mais aussi les actes d’intimidation contre les navires commerciaux et les restrictions au transport international.  Elle prie donc la Fédération de Russie, « en tant que Puissance occupante », de retirer ses forces militaires de Crimée et de mettre immédiatement fin à son occupation « temporaire ».

« Vos provocations, sanctions et résolutions n’y changeront rien. »  « La Crimée est et restera russe parce que ses habitants ont fait le choix de se lier à ceux qui ont libéré leur terre du fascisme », a tranché la Fédération de Russie qui a ajouté: « avant même que la Crimée ne recouvre son statut de territoire russe, les eaux dont la résolution parle étaient déjà russes ».  Le texte a été adopté après le rejet, par 64 voix contre, 25 voix pour et 60 abstentions, des amendements présentés par l’Iran qui voulait apporter « un semblant d’équilibre, de réalisme et de crédibilité », comme l’a dit la Syrie, au projet porté par l’Ukraine.  Une poignée de pays non contents de violer la Charte essayent aussi de biaiser les faits, a ironisé le Vice-Ministre ukrainien des affaires étrangères, niant tout caractère « juridique ou factuel » à ces amendements.

L’Assemblée a par ailleurs entériné la désignation des États suivants comme membres de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international: Afrique du Sud, Algérie, Cameroun, Côte d’Ivoire, Croatie, Équateur, Fédération de Russie, Ghana, Honduras, Hongrie, Mali, Mexique, Pérou, République dominicaine, Ukraine et Zimbabwe.  Elle a dû passer par un vote pour élire les représentants du Groupe des États d’Asie et du Pacifique et du Groupe des États d’Europe occidentale et autres États: Chine, Indonésie, Japon, Malaisie, République de Corée, Singapour, Viet Nam; et Allemagne, Belgique Canada, Finlande, France, Royaume-Uni, Suisse.  Tous ces États ont été élus pour un mandat de six ans à partir du 8 juillet 2019.

L’Assemblée a aussi adopté le Rapport de la Commission de vérification des pouvoirs*, ce qui a poussé l’Iran à émettre des réserves sur certains paragraphes qui pourraient être interprétés comme une reconnaissance du régime israélien.

Une autre séance plénière est prévue demain, mardi 18 décembre à partir de 10 heures, pour commémorer le soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

*A/73/600

PRÉVENTION DES CONFLITS ARMÉS

Présentation du projet de résolution sur le « Problème de la militarisation de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol (Ukraine) ainsi que de certaines parties de la mer Noire et de la mer d’Azov » (A/73/L.47).

En présentant le texte, le Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, M. SERGIY KYSLYTSYA, a dénoncé le fait qu’en février 2014, la Fédération de Russie ait annexé illégalement la Crimée et l’ait militarisée par la suite, renforçant sa présence dans la région de la mer Noire, avec des conséquences jusqu’en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.  La politique « belliqueuse » de la Fédération de Russie a aussi des répercussions négatives dans tout le bassin de la mer Noire, sans compter que le Gouvernement russe a aussi alloué une zone immense de la mer d’Azov à une militarisation progressive qui ne manque pas d’avoir des incidences sur la circulation des marchandises.  La construction illégale d’un pont dans le détroit de Kertch est également « une menace permanente », même si la Fédération de Russie prétend protéger les infrastructures alors qu’il s’agit de poursuivre sa politique de militarisation.  Les attaques contre des navires militaires ukrainiens sont des actes de guerre, a martelé le Vice-Ministre, en parlant de l’attaque contre un navire ukrainien, le 25 novembre dernier, et l’emprisonnement de 24 membres d’équipage.  Même le Secrétaire général s’en est alarmé, a-t-il souligné, avant de lire la liste de tous les coauteurs du projet de résolution qui engage la Fédération de Russie à se retirer de la Crimée.  L’Ukraine, a rassuré le Vice-Ministre, ne cherche pas la confrontation mais le respect par tous les États de la Charte des Nations Unies.  Un vote en faveur du projet de résolution, c’est un vote en faveur de la Charte, a conclu le Vice-Ministre.

À la suite du Vice-Ministre, M. FARHAD MAMDOUHI (République islamique d’Iran), a présenté des amendements (A/73/L.68) consistant à insérer les trois paragraphes suivants: « exhorte les deux États à faire preuve de retenue et à respecter leur souveraineté mutuelle et l’inviolabilité de leurs frontières, et leur demande instamment de s’abstenir de tout discours incendiaire, notamment de tout appel à la destruction d’infrastructures essentielles; demande, à cet égard, aux deux États de mener sur les faits susmentionnés une enquête approfondie, transparente et fondée sur des preuves, afin d’amener les responsables à répondre de leurs actes; et souligne qu’il ne faut pas que les faits susmentionnés ou les mesures qui seront prises en conséquence aient d’incidence sur l’application des décisions contraignantes adoptées par l’Organisation des Nations Unies ».  Il s’agit aussi d’ajouter une ligne au paragraphe qui se lit « engage la Fédération de Russie à s’abstenir de faire obstacle à l’exercice légitime des droits et de la liberté de navigation dans la mer Noir, la mer d’Azov et le détroit de Kertch, conformément au droit international applicable, notamment les dispositions de la Convention des Nations Unies de 1982 sur le droit de la mer ».  L’amendement dispose: « ... et de l’accord conclu en 2003 par la Fédération de Russie et l’Ukraine sur la coopération relative à l’utilisation de la mer d’Azov et du détroit de Kertch ».

Explications de vote

M. AMMAR AL ARSAN (Syrie) s’est alarmé de la tendance de certains États à instrumentaliser les points à l’ordre du jour, en ignorant, de manière flagrante, les préoccupations et la position des autres et l’importance du consensus. L’objectif principal du texte est de faire pression sur un État au détriment de l’efficacité même de l’Assemblée générale qui se retrouve noyée sous un flot de projets de résolution et d’amendements.  Le texte présenté aujourd’hui, a poursuivi le représentant, est un « outil de polarisation et de chantage politique », une cause de discorde au lieu d’être un élément rassembleur et de développement pour tous.  La réalité de la Crimée est le résultat d’un référendum, a asséné le représentant qui a reconnu l’appartenance de la péninsule à la Fédération de Russie.  Par leurs amendements, a-t-il expliqué, l’Iran et la Syrie ont tenté « sincèrement » d’apporter un semblant d’équilibre, de réalisme et de crédibilité au projet de résolution et « si ces amendements sont rejetés, nous ne pouvons que voter contre le texte porté par l’Ukraine », a prévenu le représentant.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a expliqué que les incidents du mois dernier au détroit de Kertch sont imputables aux autorités ukrainiennes qui essayent désespérément de « redorer leur blason », en cette période électorale.  Le 25 novembre dernier, a rappelé le représentant, trois bâtiments ukrainiens ont violé les eaux territoriales russes et se sont dirigés vers le détroit de Kertch.  Les avertissements russes sont restés vains, ne laissant d’autre choix que le recours à la force.  Le représentant en a profité pour saluer le « professionnalisme » des militaires russes qui ont su éviter des pertes en vie et pris en charge les trois blessés légers.  Une affaire pénale a d’ailleurs été ouverte car les actes de l’Ukraine dans le détroit de Kertch sont une violation de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.  Avant même que la Crimée ne recouvre son statut de territoire russe, les eaux dont la résolution parle étaient déjà russes, a affirmé le représentant. 

Il a accusé l’Union européenne et les États-Unis de jouer les « agitateurs », jugeant normal qu’ils se soient portés coauteurs de la résolution.  Il a expliqué que la militarisation dont il est question est imputable à l’Ukraine qui parle ouvertement de son idée d’installer une base navale dans la région.  La résolution, a conclu le représentant, ne résout aucun problème.  Elle créé au contraire la polarisation aux Nations Unies.  Il est d’ailleurs déplorable, a-t-il ajouté, que l’Assemblée générale se laisse aller à « ces jeux politiciens » initiés par Kiev et Washington.  Ceux qui soutiennent la résolution sont ceux qui encouragent le Président ukrainien à continuer de détruire son propre pays et de saper la paix dans la région, a tranché le représentant.

Mme Esselien Hermien Theresia Van Eerten (Pays-Bas) a indiqué son opposition aux amendements car ils vont à l’encontre de l’esprit du texte initial.

Mme IRINA SCHOULGIN NYONI (Suède) qui a dit avoir suivi de très près la rédaction du texte tout comme l’évolution de la situation dans la région, a souligné le caractère « illégal » de l’annexion de la Crimée, un fait « très grave » que les amendements veulent contredire alors que les faits sont là.

M.  PAWEL RADOMSKI (Pologne) n’a pas dit autre chose: il a appelé tous les États à rejeter les amendements présentés par l’Iran.  La résolution initiale, a-t-il estimé, reflète la situation « grave » qui règne sur le terrain et les actes d’agression de la Fédération de Russie en Ukraine ne sont rien d’autre qu’une tentative de déstabiliser le pays.  Par cette annexion « illégale » et l’appui aux séparatistes, la Fédération de Russie, a martelé le représentant, viole les principes fondamentaux du droit international.  La communauté internationale doit réagir avec vigueur.  Il faut tracer une ligne rouge, a insisté le représentant, pour qui la reconnaissance de la Crimée comme partie de la Fédération de Russie est une violation du droit international.  La Pologne, a-t-il prévenu, ne reconnaîtra jamais cette annexion.  Elle réaffirme au contraire la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine et déclare, par ailleurs, « illégal » l’arraisonnement des navires ukrainiens.  Ce type d’agissements risque de saper la stabilité de la région, a prévenu le représentant.

Au nom des pays baltes, Mme AUDRA PLEPYTE (Lituanie) a aussi rejeté les amendements de l’Iran au motif que les incidents du 25 novembre dernier montrent bien à quel point la Fédération de Russie foule au pied le droit international.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a, à son tour, rejeté les amendements présentés par « une poignée de pays » qui entendent saper le texte de l’Ukraine.  Il a tenu à rappeler que la Crimée et ses eaux territoriales sont « reconnus internationalement » comme partie intégrante de l’Ukraine.  Il a rappelé que l’annexion de territoires par la force est contraire au droit international.

Le Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine a repris la parole pour faire observer qu’une poignée de pays, non contents de violer la Charte essayent aussi de biaiser les faits.  Il a nié tout caractère « juridique ou factuel » aux amendements et répété que ce sont bien les forces russes qui ont violé les eaux territoriales ukrainiennes.  Comment l’Assemblée générale pourrait-elle soutenir de tels amendements? s’est-il demandé, indiquant que son pays a déjà engagé des procédures judiciaires contre la Fédération de Russie, en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. 

M. MARK A. SIMONOFF (États-Unis) a annoncé son opposition aux amendements et dénoncé la politique hostile de la Fédération de Russie à l’égard de l’Ukraine, comme en attestent les dernières attaques contre des navires ukrainiens.

Mme ELENE AGLADZE (Géorgie) a, à son tour, rejeté les amendements au motif qu’ils sapent l’esprit de la résolution initiale.  Il a dénoncé des propositions « faussement juridiques » et contraires aux résolutions de l’Assemblée générale sur la Crimée et la ville de Sébastopol.  C’est la Fédération de Russie qui a piétiné et violé les droits de l’Ukraine, a martelé le représentant

Les amendements (A/73/ L.68) ont été rejetés par 64 voix contre, 25 voix pour et 60 abstentions.  La résolution (A/73/L.47) a été adoptée par 66 voix pour, 19 voix contre et 72 abstentions. 

M. Polyanskiy (Fédération de Russie) a repris la parole pour saluer les nombreuses abstentions tout en déplorant les résultats du vote.  Des États membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), « mus par la fameuse discipline de groupe », ont présenté un texte qui accuse, une fois de plus et sans preuve, les autorités russes de crimes dans la guerre du Donbass.  La communauté internationale est « abreuvée » d’informations « fallacieuses » par le Président ukrainien, alors même que les tirs des forces ukrainiennes sur des femmes et des enfants sont passés sous silence.  Les États-Unis, a-t-il prévenu, finiront par « avoir honte » de leur implication en Ukraine, tout comme ils ont eu honte de la guerre du Viet Nam.  Washington, s’est amusé le représentant, utilise les Ukrainiens comme des marionnettes mais « vos provocations, sanctions et résolutions n’y changeront rien ».  « La Crimée est et restera russe parce que ses habitants ont fait le choix de se lier à ceux qui ont libéré leur terre du fascisme », a tranché le représentant.  

M. ARTSIOM TOZIK (Bélarus) qui a voté contre la résolution initiale, a dit suivre de près les événements en Ukraine, « un pays voisin ».  Le règlement des conflits, la fin de la violence et le respect des accords de Minsk sont la seule voie de sortie de cette crise, a assuré le représentant, recommandant en particulier des pourparlers au plus haut niveau.  Il a jugé les amendements « équilibrés et constructifs » alors que la résolution renvoie à plusieurs résolutions de l’Assemblée générale auxquelles il s’était déjà opposé.

M. MHER MARGARYAN (Arménie) s’est enorgueilli d’une histoire riche d’amitié avec la Fédération de Russie et l’Ukraine.  Il a donc espéré que les deux parties trouveront une solution par des moyens pacifiques.  Une solution durable passe par des négociations dans le cadre des accords convenus, a-t-il souligné.

Les 72 États qui se sont abstenus devraient avoir honte, s’est emporté le Vice-Ministre des affaire étrangères de l’Ukraine.  « Vous devriez avoir honte », a-t-il répété, arguant que la Charte des Nations Unies a été violée à plusieurs reprises.  Nous voyons aujourd’hui l’agresseur se porter en victime, « ce qui est typique d’une maladie psychiatrique ».  Il est évident, a-t-il tranché, que la Fédération de Russie ne veut pas la paix.  Il a donc salué tous ceux qui n’ont pas plié devant les pressions de la Fédération de Russie et son « agressivité pathologique ».  

M. BURHAN GAFOOR (Singapour) a dit avoir voté en faveur des amendements et de la résolution initiale car il s’oppose à l’annexion d’un territoire quel qu’il soit.  Nous appelons les parties à sortir de la crise par le dialogue, a-t-il dit.

M. CHANG WOOK-JIN (République de Corée) a lui voté contre les amendements, avant de s’abstenir sur la résolution l’Ukraine.  Nous réaffirmons notre attachement à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, a-t-il souligné.

Mme INA HAGNININGTYAS KRISNAMURTHI (Indonésie) a également proclamé son attachement à l’intégrité territoriale et à la souveraineté nationale de l’Ukraine.  Elle a insisté sur le dialogue et la diplomatie pour sortir de l’impasse et a encouragé les États concernés à prendre des mesures pour faire baisser les tensions et dialoguer.  Nous nous sommes abstenus sur le texte de l’Ukraine, a-t-elle rappelé.

M. GUILLAUME DABOUIS (Union européenne) a réaffirmé son plein appui à l’indépendance, à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationales reconnues.  Il a affirmé que l’annexion « illégale » de la péninsule de Crimée par la Fédération de Russie en 2014 est toujours une menace « directe » à la sécurité internationale, laquelle a de graves implications pour l’ordre juridique international.  L’Union européenne, a-t-il asséné, condamne cette violation du droit international et insiste sur le fait qu’elle ne reconnaîtra jamais cette annexion.  Elle rappelle par ailleurs que la construction du pont de Kertch constitue une autre violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.  Le représentant a d’ailleurs renvoyé à la déclaration faite le 28 novembre dernier par la Haute-Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Federica Mogherini.

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