matin & après-midi
AG/PAL/1407

Le Forum sur la question de la Palestine s’ouvre, « à point nommé », sur fond d’une actualité sanglante

Le Forum des Nations Unies sur la question de la Palestine, intitulé « 70 ans après 1948 - Leçons pour parvenir à une paix durable », s’est ouvert, ce matin, sur une minute de silence en mémoire des dizaines de Palestiniens tués, au début de la semaine, dans des manifestations à Gaza, signe de l’ampleur des défis qui attendent les participants à ces deux journées de débat pour tenter de relancer le processus de paix.  Dans la salle comble du Conseil de tutelle, la Vice-Secrétaire générale de l’ONU a prévenu Israéliens et Palestiniens que la paix exige « volonté et courage politiques ». 

Organisé à l’initiative du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, le Forum s’inscrit dans le cadre du soixante-dixième anniversaire de la guerre israélo-arabe de 1948, qui a donné lieu au déplacement massif des Palestiniens, l’Al-Nakba, la catastrophe.  Le Forum intervient aussi dans un contexte de tensions extrêmes, après l’inauguration, lundi 14 mai, de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem et la mort d’une soixantaine de manifestants palestiniens qui s’opposaient à ce déménagement.

Les dernières violences soulignent la nécessité d’une solution, a insisté à l’ouverture du Forum, la Vice-Secrétaire générale, Mme Amina J. Mohammed, pour qui ces évènements soulignent l’échec de la communauté internationale à venir en aide aux plus de 5,3 millions de réfugiés palestiniens et à mettre fin aux colonies de peuplement illégales et aux violences de part et d’autre.  Nous, communauté internationale, devons travailler pour remplacer la peur par la dignité et le déni par la justice, a-t-elle dit, appelant les deux parties à faire preuve de volonté et de courage politiques pour y parvenir.

La faute de l’impasse actuelle revient avant tout à la nouvelle Administration américaine, a estimé Mme Hanan Ashrawi, membre du Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).  « Maintenant que Donald Trump a complètement détruit la table des négociations, il demande aux Palestiniens de s’y assoir.  Mais à quelle table? » s’est-elle demandé, déplorant « l’obscénité » des scènes de liesse qui ont accompagné l’ouverture de l’ambassade américaine à Jérusalem, alors même que l’armée israélienne tirait sur des manifestants.

La réalité difficile sur le terrain a de quoi « faire naître en nous des frustrations », a reconnu le Président du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien.  « Mais la communauté internationale n’a d’autre choix que de s’armer de patience », a dit M. Fodé Seck, appelant, en ce soixante-dixième anniversaire, à tirer les leçons de la guerre de 1948 pour résoudre la situation présente.

L’année 1948 a été décrite comme un « oxymore israélien embarrassant », par l’ancien Président par intérim d’Israël et de la Knesset, M. Avraham Burg.  À ses yeux, Israël s’est efforcé d’effacer toute trace des horreurs perpétrées cette année-là contre les Palestiniens et dans ce cadre, la solution des deux États n’est qu’une « transaction cynique »: oublier les horreurs de 1948 et se focaliser sur l’après 1967.  « C’est une industrie de l’oubli », a-t-il tranché.

C’est d’autant plus regrettable, a jugé M. Seraje Assi, professeur à la « Georgetown University », que les conséquences de la Nakba se font encore ressentir aujourd’hui, notamment à Gaza, un cas très rare de « réfugiés à vie ».  À ses yeux, outre le fait de protester contre l’ouverture de l’ambassade américaine, les manifestations de ces dernières semaines avaient justement pour but de mettre l’accent sur le déplacement perpétuel des Palestiniens.  Le Forum tombe « à point nommé », a-t-il estimé.

La question des réfugiés palestiniens sera justement au centre d’une des deux tables rondes que le Forum a prévu de tenir demain, vendredi 18 mai, à partir de 10 heures.

FORUM DES NATIONS UNIES SUR LA QUESTION DE PALESTINE « 70 ANS APRÈS 1948 - LEÇONS POUR PARVENIR À UNE PAIX DURABLE »

Déclarations liminaires

Certes, l’occupation qui perdure depuis 1967 doit prendre fin pour faire avancer la solution des deux États, a déclaré M. FODÉ SECK, Président du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, à l’ouverture du Forum.  Toutefois, la question de Palestine ne remonte pas seulement à 1967.  En effet, comme l’a profondément déploré l’Assemblée générale, 70 ans se sont écoulés depuis la guerre de 1948 et les séquelles qu’elle a laissées, « sans qu’il y ait eu d’avancée tangible vers un règlement pacifique ».  Or, a-t-il ajouté, ces séquelles, à savoir le déplacement massif des Palestiniens, connu en arabe sous le nom d’Al-Nakba (la Catastrophe), évoquent le souvenir d’une tragédie nationale marquée pas « la mort, la dépossession, la destruction de villages et le déplacement de centaines de milliers de Palestiniens arabes de leurs foyers et de leurs terres ».  À cette catastrophe, a déploré le Président, ont malheureusement succédé plusieurs décennies d’exil.

M. Seck a estimé qu’une approche globale de la pérennisation de la paix doit tenir compte des causes profondes des conflits, ainsi que des liens qui existent entre le développement, la paix et la sécurité et les droits de l’homme.  Dès lors, notre quête d’une paix définitive au Moyen-Orient doit accorder toute l’attention requise aux évènements de 1948, qui sont au cœur même du conflit.  À ce titre, le Président a réaffirmé son appui à la résolution 194 (III) adoptée par l’Assemblée générale en 1948 sur le droit au retour des réfugiés palestiniens dans leur foyer, droit, selon lui, indispensable à une paix durable dans la région.

M. Seck a rappelé que l’Organisation s’était investie dès le début en portant assistance aux réfugiés palestiniens, dont le nombre dépasse aujourd’hui les cinq millions.  Cependant, a-t-il regretté, l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) fait face à d’énormes difficultés financières.  Aussi, le Président du Comité a appelé les États Membres à faire en sorte que l’agence dispose de ressources prévisibles et durables.

S’agissant du règlement du conflit, M. Seck a reconnu que l’absence de progrès tangibles et la réalité difficile sur le terrain avaient de quoi « faire naître en nous des frustrations ».  Pourtant, a-t-il ajouté, la communauté internationale n’a d’autre choix que de « s’armer de patience » pour faire avancer la cause de la paix, notamment dans le cadre de ce Forum.  « Je vous invite à poser les questions difficiles » afin de contribuer aux efforts de paix, a dit le Président aux experts venus de Palestine, d’Israël et d’ailleurs.  Il s’est réjoui à l’avance de leurs contributions à un règlement « juste et durable » de la question de Palestine.

Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, a fait part de « sa profonde tristesse » et présenté ses condoléances au peuple palestinien.  Nous commémorons, cette année, le soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme dont les normes et principes, a-t-elle dit, doivent guider la recherche d’une solution durable à la question de Palestine, une solution qui doit être basée sur le droit international, les aspirations légitimes des Palestiniens et des Israéliens et le dialogue pour la réconciliation et la reconnaissance des responsabilités.

Les dernières violences à Gaza soulignent la nécessité d’une solution, a insisté la Vice-Secrétaire générale, en rappelant que le Secrétaire général a réclamé, à de nombreuses reprises, une enquête indépendante et transparente: « les citoyens doivent être protégés contre les balles réelles (…)  Le cycle de violence doit finir, parce qu’il n’est d’aucune utilité ».

Ces évènements nous rappellent que, pendant trop longtemps, la communauté internationale a échoué à trouver une solution juste et durable au sort des réfugiés palestiniens comme elle a échoué à trouver un règlement tout aussi juste et durable à la question de Palestine. 

À ce jour, les réfugiés de 1948 et leurs descendants, soit plus de 5,3 millions de personnes, ne peuvent pas rentrer chez eux, comme le préconise la résolution 194 (III) de l’Assemblée générale.  Au contraire, la vie de générations de Palestiniens et d’Israéliens a été définie et limitée par un conflit qui a dessiné le paysage physique et humain dans une atmosphère de peur, de méfiance mutuelle et de désespoir. 

Les colonies de peuplement et leur expansion, illégales au regard du droit international, contribuent encore davantage au déplacement et constituent « un obstacle majeur » à la réalisation de la solution des deux États et à une paix globale, juste et durable.  Il en va de même pour la violence et les incitations à la violence « inacceptables » qui exacerbent la méfiance entre Palestiniens et Israéliens.  L’activisme des militants et l’absence d’unité palestinienne sont aussi des obstacles à une solution négociée, a souligné la Vice-Secrétaire générale.

La paix, a-t-elle prévenu, exige volonté politique et courage de la part des deux parties.  Nous, communauté internationale, devons travailler pour un résultat où la peur est remplacée par la dignité et le déni par la justice.  Nous devons nous efforcer de dessiner un avenir où Israël et la Palestine deviennent des États dans lesquels tout le monde est respecté et où la société civile peut jouer son rôle constructif.

Les Nations Unies, a promis la Vice-Secrétaire générale, continueront à soutenir les Israéliens et les Palestiniens sur la route de la paix, en les aidant à prendre les mesures historiques pour parvenir à la solution des deux États vivant côte à côte dans la paix et dans des frontières sûres et reconnues avec Jérusalem comme capitale des deux États.

Mme HANAN ASHRAWI, Membre du Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), s’est dite consternée par l’enlisement de la question palestinienne.  « Nous commémorons le soixante-dixième anniversaire de la Nakba; nous continuons de faire face à de terribles injustices.  Soixante-dix ans, c’est bien trop long. »  Rappelant l’exil, les colonies, l’occupation militaire, l’oppression, les discriminations systématiques, et le « nettoyage ethnique », elle a dit: on ne peut déraciner une nation et se voir priver de son pays, de son identité.  Il est temps, s’est-elle impatientée, de mettre fin à l’oppression du « grand Israël » sur la Palestine, avant qu’elle ne détruise la crédibilité de tout le système mondial que vous représentez aujourd’hui.  L’oratrice a dénoncé un « système de contrôle » au quotidien qui a généré « une culture de haine, du racisme et de la violence en Israël ».

Mme Ashrawi a pourtant préconisé un changement d’angle dans le discours palestinien: parle moins de « victimisation » et plus du « triomphe de la volonté contre l’adversité ».  Le processus de paix n’est pas une fin en soi, mais un moyen.  Un mandat doit avoir un but précis et un impact concret sur le terrain, « pas une abstraction » qui perdrait de sa valeur au fil du temps.  À ceux qui jugent impossible la solution des deux États, elle a rappelé que cette solution des deux États et la reconnaissance des frontières de 1967, ne sont pas un choix mais un compromis « douloureux » que les Palestiniens ont accepté.

Malgré tout, c’est la Palestine qui doit sans cesse « prouver » qu’elle mérite de siéger à la table des négociations.  C’est elle que l’on qualifie de « terroriste » dès qu’elle proteste.  L’oratrice a relevé le grand nombre de résolutions votées par l’ONU, sans qu’aucune ne soit appliquée et le grand nombre de vetos américains au Conseil de sécurité.

Aujourd’hui, des soldats israéliens tirent sur des Palestiniens parce qu’ils auraient voulu franchir les frontières israéliennes alors que ces mêmes soldats envahissent chaque jour la Palestine.  L’oratrice a eu des mots durs pour la politique américaine, en général, et le déménagement de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem, en particulier.  Elle s’est indignée des « célébrations obscènes » alors qu’au même moment l’armée israélienne tirait sur des Palestiniens.  Après 70 ans d’efforts diplomatiques, elle a dit constater que « maintenant que Donald Trump a complètement détruit la table des négociations, il demande aux Palestiniens de s’y assoir.  Mais il n’y a plus de table! »

Table ronde: « Les évènements de 1948 – Pourquoi ils importent »

Le passé tragique a frappé à la porte d’une actualité sanglante, ce matin, à la première des quatre sessions du Forum.  Pour analyser les troubles actuels, il semble fondamental de bien comprendre ce qui s’est produit en 1948, a estimé en début de session M. EUGENE ROGAN, spécialiste du Moyen-Orient à l’Université d’Oxford et Modérateur d’un débat qui rassemblait experts internationaux, diplomates et société civile. 

Le « processus d’épuration éthique » a commencé dès février 1948, a affirmé M. ILAN PAPPÉ, Directeur du Centre européen pour les études palestiniennes: plus de 150 000 Palestiniens sont devenus des réfugiés avant même la fin du protectorat britannique.  Après l’éclatement de la guerre israélo-arabe le 15 mai 1948, l’« épuration ethnique » s’est poursuivie avec des tactiques consistant à cerner les villages palestiniens et en expulser les habitants par la force.  D’après les témoignages de l’époque, a-t-il déclaré, les agissements d’Israël, en 1948, n’était pas « très différents de ceux des nazis » durant la Seconde Guerre mondiale. 

On peut se demander si tout cela se serait produit si le Royaume-Uni avait davantage coopéré avec l’ONU au moment de l’adoption et de la mise en œuvre du Plan de partition de la Palestine, a enchaîné M. VICTOR KATTAN, spécialiste du Moyen-Orient à l’Université de Singapour.  C’était le point de départ d’un processus, a estimé Mme HANAN ASHRAWI, membre du Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).  Un processus qui « porte ses fruits » jusqu’à aujourd’hui: « le nettoyage ethnique systématique » perpétré par Israël contre les Palestiniens, selon la logique « un territoire sans peuple pour un peuple sans territoire ». 

L’année 1948 incarne en effet un « oxymore israélien embarrassant », a déclaré M. AVRAHAM BURG, ancien Président par intérim d’Israël et de la Knesset.  Israël s’est efforcé d’effacer toute trace des horreurs perpétrées cette année-là, au profit d’un « darwinisme politique » consistant à dire: « Ils ont perdu! »  Dans ce cadre, la solution des deux États était pour Israël une « transaction cynique »: oublier les horreurs de 1948 et se focaliser sur l’après 1967.  « C’est une industrie de l’oubli », a-t-il tranché.  Israël refuse de réinvestir l’histoire récente, préférant emprunter un raccourci de 3 000 ans tracé par un texte religieux, a ajouté la membre du Comité exécutif de l’OLP.  Or, lorsque l’on nie l’Histoire, « on essaie de la faire taire », de la réinterpréter, de ranimer des mythes et de défendre l’idéologie de la suprématie.  C’est d’ailleurs, a ajouté la représentante, la position actuelle de M. Donald Trump pour qui l’Histoire et les livres n’ont pas d’importance.  Le problème, a-t-elle dit, est peut-être que M. Trump « a trop de pouvoir et peut influencer l’Histoire ». 

Pour savoir s’il faut chérir l’Histoire, a poursuivi un représentant de l’ONG Jews United Against Zionism, il suffit d’écouter la propagande religieuse que l’on sert au peuple juif en Israël.  Ce n’est que quand les Israéliens se souviendront de l’Histoire, a-t-il pronostiqué, qu’ils deviendront sourds à cette propagande et accepteront la paix.  C’est vrai, a acquiescé la membre du Comité exécutif de l’OLP.  C’est au peuple de dénoncer l’utilisation abusive de sa religion par ses dirigeants. 

« Il faut mettre fin au mythe du peuple élu », s’est impatienté un représentant de la société civile et professeur d’histoire ancienne.  Il y a eu les Romains, les Romano-Byzantins, les Arabes, les Français.  Pourquoi ne privilégier qu’une seule partie de l’Histoire?  Dans tous les cas, a déclaré le représentant du Liban, tant que les Palestiniens continueront « d’écrire leur Histoire grâce à des actes héroïques », l’espoir de parvenir à une solution juste perdurera.

Table ronde: « Le déplacement en tant que continuum et la Nakba en cours »

Qu’est-ce au fond que la « Nakba »?  Au sens premier, un terme arabe signifiant catastrophe.  Au second, un événement historique majeur pour les Palestiniens, qui est circonscrit dans le temps: on commémore aujourd’hui le soixante-dixième anniversaire de cet exode massif de population durant la guerre de 1948.

Mais les historiens et chercheurs, réunis à cette table ronde, ont donné à la Nakba un sens beaucoup plus large et plus actuel.  Ils soutiennent que la « Nakba » est toujours en cours aujourd’hui.  Elle se manifeste sous plusieurs formes et dans plusieurs endroits: dans la destruction des maisons à Jérusalem-Est, dans la politique de colonisation agressive en Cisjordanie ou dans les balles mortelles tirées par les soldats israéliens contre les manifestants de Gaza, la semaine dernière.

« Les conséquences de la Nakba se font encore sentir aujourd’hui à Gaza et ce Forum tombe à point nommé », a jugé M. SERAJE ASSI, professeur invité au Centre pour l’entente entre chrétiens et musulmans (ACMCU) de la « Georgetown University ».  L’enseignant a rappelé qu’avant 1947, Gaza était un quartier florissant au bord de la mer et est devenue un ghetto du jour au lendemain.  En début de semaine, les habitants de cette étroite bande côtière entre mer et désert ont manifesté pour attirer attention de la communauté internationale car le problème, vieux de 70 ans, est reposé aujourd’hui.  La Nakba n’est pas terminée.  C’est une réalité actuelle et cette réalité, a-t-il argumenté, c’est celle du déplacement.  Gaza est en effet un cas très rare de déplacement de population interne, de réfugiés à vie et Israël est devenu le seul pays à déraciner et à poursuivre des réfugiés.  Où ailleurs dans le monde une telle chose s’est-elle produite? » s’est-il indigné, avant d’avancer que pour les Gazaouis, le pire n’est finalement pas d’avoir été déplacés, mais de « ne pas pouvoir partir ».

Approchant un angle juridique et urbaniste, Mme SUHAD BISHARA, Directrice de la cellule urbanisme et droit foncier au Centre juridique pour la minorité arabe en Israël – Adalah, a insisté sur l’annexion des terres par le Gouvernement israélien à Jérusalem-Est et en Cisjordanie.  Elle a parlé des colonies de peuplement, anciennes et nouvelles.  Une douzaine de projets de loi d’annexion font l’objet de discussions au Parlement et ailleurs.  Ils vont permettre de développer des colonies importantes, d’acquérir plus de terres et de restructurer démographiquement le territoire.  Il s’agit, selon elle, de « suspendre le droit international, pour contrôler plus de terres ».

M. ITAY EPSHTAIN, Conseiller spécial au Conseil norvégien pour les réfugiés, a fourni des chiffres précis sur la destruction des biens immobiliers dont les Palestiniens sont victimes, « moteurs des déplacements ».  Il a évoqué 5 500 structures détruites depuis 2009 en Cisjordanie, y compris des lieux de cultes, des écoles et des cliniques, dont près de 80% dans la zone C, soit l’est de Jérusalem.  « Cela a un gros impact », a-t-il insisté.  Le Gouvernement israélien prétend que les destructions augmentent l’accès des Palestiniens aux services de base et améliorent leurs conditions de vie mais M. Ephstain, s’appuyant sur un sondage réalisé auprès de 420 foyers, a constaté exactement l’inverse, disqualifiant comme « mythe » les arguments du Gouvernement israélien.  La colonisation s’accélère, selon lui, avec 4 122 maisons construites dans la zone C pour la seule année 2017.

M. Ephstain a aussi parlé d’un « effet Trump »: les élections américaines ont enhardi le Gouvernement israélien et sa politique de colonisation.  Il a analysé le déménagement de l’ambassade américaine « comme une volonté politique d’annexer officiellement Jérusalem-Est ».

La politique sur le terrain est atroce et beaucoup d’Américains méconnaissent les faits de la politique de leur pays sur le terrain, s’est désolée Mme MAE ELISE CANNON, Modératrice et Directrice exécutive de « Churches for Middle East Peace », basée à Washington.  Il faut faire le tri entre ceux qui œuvrent pour la paix et les autres, quel que soit leur camp, sans faire de manichéisme pour un camp ou l’autre, a-t-elle conseillé.  Si on défend Israël, alors on doit défendre les Palestiniens.  Le professeur invité à l’ACMCU de la « Georgetown University » a aussi appelé les participants américains du Forum à exiger de leurs politiciens que leurs impôts aillent aux réfugiés palestiniens, « et pas à l’armée d’occupation israélienne ».

Concernant les manifestants de Gaza tués par l’armée israélienne, la Directrice de la cellule urbanisme et droit foncier d’Adalah a évoqué « un document juridique, légal », présenté à Cour suprême israélienne et justifiant l’usage de la force contre des manifestants pacifiques.  Cité dans le document, un expert de l’armée américaine invoque le droit à la légitime défense des soldats, s’est-elle indignée.  Les civils sont assimilés à des combattants et, selon cet argumentaire, ils peuvent représenter une menace pour les soldats.

Le Conseiller spécial au Conseil norvégien pour les réfugiés s’est avoué pessimiste pour le futur.  La solution est-elle toujours celle des deux États?  Je pense que c’est aux Palestiniens de décider.  Mais ce débat sur une solution à un ou deux États n’est pas le bon.  La vraie question, c’est celle d’« une occupation sans date d’expiration ».  Cette occupation devient permanente; elle risque d’avoir des conséquences inimaginables, a-t-il prévenu.

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