Soixante-douzième session,
254e & 255e séances plénières - matin & après-midi
AG/PK/231

Le Comité spécial des opérations de maintien de la paix s’ouvre avec des appels au changement dans le pilier « paix et sécurité » de l’ONU

« Il est temps d’avoir de franches discussions.  Des discussions qui reconnaissent le fait que les opérations de maintien de la paix sont soumises à une pression considérable et qu’elles prennent des risques énormes. »  C’est en ces termes que le Représentant du Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix s’est adressé aujourd’hui au Comité des 34 qui a ouvert sa session 2018, avec de multiples appels au changement dans le pilier « paix et sécurité » de l’ONU.

Le Directeur de la Division des politiques du Département des opérations de maintien de la paix a prévenu: « notre structure et notre culture de travail ne cadrent plus avec la réalité des menaces complexes à la paix et la sécurité ».  Il a attiré l’attention sur les réformes que le Secrétaire général est en train de peaufiner et qui visent à rendre le système des Nations Unies mieux à même de prévenir la naissance, l’escalade, la poursuite ou la résurgence d’un conflit. 

Nous avons besoin, a dit le Directeur, de mandats clairs et applicables, d’un engagement politique cohérent, de ressources suffisantes, d’un bon capital humain et du consentement durable des parties au conflit.  Au nom du Secrétariat de l’ONU, il a promis un leadership de qualité, de meilleures performances, des analyses pointues, des rapports honnêtes, une bureaucratie allégée, une redevabilité claire et un meilleur soutien aux pays contributeurs de contingents.

Comme le Secrétaire général dans ses propositions de réforme, le Président de l’Assemblée générale a mis l’accent sur la prévention des conflits et tué, ce faisant, « deux idées fausses »: la prévention ne veut pas dire moins de maintien de la paix et la prévention et le maintien de la paix ne sont pas des activités distinctes ou séparées.  Le fait est, a-t-il rappelé, que la prévention est déjà une partie du maintien de la paix comme on l’a vu au Libéria où la Mission a apaisé les tensions préélectorales, et à Abyei, où les Casque bleus ont fait un travail novateur d’apaisement auprès des communautés locales.  Ces exemples doivent se multiplier, a estimé le Président.  Il faut porter une attention plus marquée à la prévention dans toutes les missions qui pourraient ainsi être déployées plus rapidement et s’adapter aux signes avant-coureurs des conflits.

Les délégations ont appuyé ce point de vue, insistant sur le fait que les opérations de maintien de la paix ne sont pas une fin en soi mais bien un soutien aux processus et solutions politiques aux conflits.  Les lacunes systémiques liées, entre autres, au manque d’intérêt pour des solutions politiques favorables à une paix durable sont bien connues, a ainsi tranché l’Inde qui a vu les limites de ces « grandes missions de stabilisation ».  Autre grand contributeur de troupes, le Pakistan a aussi insisté sur la primauté des solutions politiques et l’appel du Secrétaire général en ce sens.

Nous devons, ont reconnu les États-Unis, travailler dur pour réformer le système.  Le pays a prôné une « culture de la performance » où seules les troupes les plus performantes seraient déployées.  La performance, ont fait valoir plusieurs délégations, dépend surtout de mandats clairs basés sur une évaluation « objective » de la situation, comme l’a dit le Mouvement des pays non alignés.  Or, les mandats élaborés par le Conseil de sécurité s’appuient souvent sur des considérations politiques qui compliquent davantage la situation et accroissent inutilement les risques, a dénoncé le Pakistan, relayant les multiples appels aux consultations entre le Conseil, le Secrétariat et les pays contributeurs de troupes pendant tout le cycle de vie d’une mission.

Ces pays fournisseurs de contingents ont particulièrement insisté sur les recommandations du « Rapport Cruz » relatives à la sécurité des 110 000 soldats de la paix actuellement déployés.  En 2018, 12 d’entre eux ont déjà perdu la vie contre 56 en 2017, le plus lourd bilan depuis 1994. 

En début de séance le Comité a adopté son ordre du jour provisoire* et son projet de programme de travail** après avoir élu son Président, M. Tijjani Muhammad Bande, du Nigéria, et ses Vice-Présidents, Mme Gabriela Martinic, de l’Argentine, et MM Mariusz Lewicki, de la Pologne, Michael Douglas Grant, du Canada, et Takeshi Akahori, du Japon.  M. Mohammad Helmy Ahmad Aboulwafa, de l’Égypte, assumera les fonctions de rapporteur.  Le Groupe de travail plénier sera présidé par le Vice-Président canadien.

Le Comité spécial reprendra ses travaux demain, mardi 13 février, à partie de 10 heures.

*A/AC.121/2018/L.1

**A/AC.121/2018/L.2

DÉBAT GÉNÉRAL

Le Président de la soixante-douzième session de l’Assemblée générale, M. MIROSLAV LAJČÁK, a axé son intervention sur quatre points et d’abord la prévention des conflits.  Les Nations Unies, a-t-il dit, ont été créées pour sauver les populations des horreurs de la guerre et pas pour réagir seulement quand ces horreurs sont déjà là.  Plus de prévention ne veut pas dire moins de maintien de la paix, a précisé le Président.  Certes une action précoce peut, dans certains cas, empêcher le déploiement de missions militaires mais dans d’autres, elle peut faire en sorte que les Casques bleus se déploient dans des environnements moins hostiles et aient la chance de maintenir la paix tant qu’elle est là, au lieu de pallier son absence.

Le Président a relevé une autre idée fausse selon laquelle la prévention des conflits et le maintien de la paix sont des activités distinctes ou séparées.  Dans la prévention, l’attention se porte souvent sur les missions politiques spéciales, les équipes de médiation ou les bons offices des Nations Unies.  Mais la prévention doit être une activité de l’ensemble de l’ONU dans laquelle les Casques bleus jouent un rôle crucial, travaillant pour appuyer les processus politiques ou de médiation.  Les Casques bleus ont des relations privilégiées avec les acteurs nationaux et peuvent envoyer des signaux d’alerte sur les conflits.  Le fait est que la prévention est déjà une partie du maintien de la paix comme on l’a vu au Libéria où la Mission a apaisé les tensions préélectorales, et à Abyei, avec les Casque bleus ont fait un travail novateur d’apaisement auprès des communautés locales. 

Ces exemples doivent se multiplier, a estimé le Président.  Il faut porter une attention plus marquée à la prévention dans toutes les missions qui pourraient ainsi être déployées plus rapidement et s’adapter aux signes avant-coureurs des conflits.

Comme deuxième point, le Président a parlé de la nécessité d’une approche plus inclusive du maintien de la paix.  Lorsqu’il s’agit du genre, le maintien de la paix est dans « un sale état ».  Pourquoi?  L’inclusivité ne veut pas seulement dire genre.  Cela veut dire aussi assurer plus de participation et plus de partenariats avec les acteurs extérieurs à l’ONU, une liaison constante avec les équipes pays des Nations Unies, des liens plus forts avec les organisations régionales et sous-régionales en particulier sur le continent africain et plus d’engagement avec la société civile et les communautés locales, en particulier les jeunes.  C’est la seule manière pour les missions de connaître la situation sur le terrain, de gagner en expertise et en vision et d’alimenter la confiance des populations qu’elles sont censées protéger.

Le troisième point, a poursuivi le Président, concerne les cas d’abus et d’exploitation sexuelle commis par le personnel de l’ONU.  Les protecteurs doivent protéger.  Ils ne doivent ni violer, ni abuser, ni exploiter.  La politique de tolérance zéro doit se refléter dans nos actes et pas dans nos mots.

Mon dernier est point, a conclu le Président, concerne les Casques bleus qui ne doivent pas être réduits à leurs armes et voitures blindées.  Pour eux, les décisions que ce Comité spécial prendra sont une question de vie et de mort.  En 2015, a rappelé le Président, nous avons passé trois grandes étapes.  Nous avions examiné les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, la manière dont l’ONU consolide la paix et celle dont elle met en œuvre le programme « Femme, paix et sécurité ».  En décembre dernier, l’Assemblée générale a demandé au Secrétaire général un rapport détaillé sur la réforme du pilier paix et sécurité.  Nous sommes dans la bonne direction et nous comptons que ce Comité nous y maintienne, a insisté le Président. 

Au nom du Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. DAVID HAERI, Directeur de la Division des politiques, de l’évaluation et de la formation au Département des opérations de maintien de la paix, a relevé que le maintien de la paix vit un moment critique: notre structure et notre culture de travail ne cadrent plus avec la réalité des menaces complexes à la paix et la sécurité.  Les réformes proposées par le Secrétaire général visent, a-t-il indiqué, à mieux intégrer nos efforts pour que le système des Nations Unies soit plus à même de prévenir la naissance, l’escalade, la poursuite ou la résurgence d’un conflit.

Il est temps, a prévenu M. Haeri, d’avoir une franche conversation.  Une conversation, a-t-il précisé, qui reconnaît le fait que les opérations de maintien de la paix sont soumises à une pression considérable et qu’elles prennent des risques énormes.  Le maintien de la paix est une « responsabilité partagée » qui requiert des mandats clairs et applicables, un engagement politique cohérent, des ressources suffisantes, un bon capital humain et le consentement durable des parties au conflit.  Nous avons besoin de votre aide, a insisté l’orateur auprès du Comité spécial, promettant de la part du Secrétariat de l’ONU, un leadership de qualité, de meilleures performances, des analyses pointues, des rapports honnêtes, une bureaucratie allégée, une redevabilité claire et un meilleur soutien aux pays contributeurs de contingents.

Au nom du Secrétaire général adjoint d’appui aux missions, M. RICK MARTIN, Directeur de la Division des finances et du budget du Département de l’appui aux missions, a d’emblée reconnu que l’appui au personnel sur le terrain doit être plus rapide et plus efficace, avec des structures de gestion moins fragmentées et plus de transparence et de redevabilité.  Notre Département, a-t-il assuré, s’emploie à satisfaire les besoins quotidiens des Casques bleus, à renforcer sa coopération avec les États Membres et à répondre à leurs préoccupations.  L’une des priorités est la sûreté et la sécurité des 110 000 Casques bleus dont 12 ont perdu la vie en 2018.  Nous devons redoubler d’efforts et les États Membres qui le peuvent, doivent contribuer davantage à l’amélioration de la sûreté et de la sécurité des missions, directement ou par le biais de la coopération trilatérale. 

S’agissant de la lutte contre les cas d’abus et d’exploitation sexuelle, M. Martin s’est félicité de ce qu’en 2017, il n’y ait eu que 62 allégations contre 104 en 2016.  Mais un cas, c’est déjà un cas de trop, a-t-il reconnu, exhortant les États Membres à signer le « Pacte avec le Secrétariat » qui fixe les responsabilités de chacun.  À ce jour, 86 États Membres l’ont signé.

À son tour, M. Martin a conclu sur les réformes du Secrétaire général, arguant qu’elles permettront d’opérer de manière plus intégrée, plus efficace et plus efficiente.  Avec les changements proposés, nous serons mieux à même de nous acquitter de notre mandat, de répondre aux attentes s’agissant de la discipline et de la conduite, et d’équiper et de protéger notre personnel, a affirmé M. Martin.

Au nom du Mouvement des pays non alignés, M. OMAR HILALE (Maroc) a estimé que les pays contributeurs de contingents devraient davantage être impliqués dans la préparation du second rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre des résolutions du Groupe de travail du Comité spécial des opérations de maintien de la paix.  Le Mouvement, a-t-il insisté, doit pouvoir jouer un plus grand rôle, étant donné qu’il compte 19 des 20 plus gros fournisseurs de contingents.  Le représentant a insisté sur le principe de non-ingérence dans les affaires internes des États s’agissant des opérations de maintien de la paix.  Le Conseil de sécurité doit doter ces missions de mandats clairs et basés sur une évaluation objective de la situation.  Cela est d’autant plus important qu’il s’agit aussi de la sécurité des Casques bleus.  Il faut donc se garder de modifier les mandats sans consulter les pays fournisseurs de contingents et de police qui sont les vrais garants du succès des mandats.  Ces pays, a martelé le représentant, doivent participer à la prise de toutes les décisions politiques concernant les opérations.  Il a prôné une collaboration effective entre le Secrétariat, le Conseil de sécurité et les pays fournisseurs de contingents et a rappelé les propositions de son Mouvement.

Le Mouvement, a-t-il poursuivi, tient aussi à ce que les budgets des missions soient à la hauteur des mandats, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui avec les coupes budgétaires et compte tenu du rôle grandissant des unités de police, il faut les doublons entre elles et les troupes.  Le représentant a insisté sur les outils politiques de la gestion des conflits, soulignant que ces outils doivent être pris en compte dès le début de la crise.  L’utilisation de la force ne doit se faire qu’en cas de légitime défense, a rappelé le représentant, en ajoutant que la protection des civils est un aspect fondamental qui relève d’abord et avant tout du pays hôte.  Il a plaidé pour le renforcement de la collaboration stratégique entre l’ONU et l’Union africaine.  Il a mis en garde contre l’idée de montrer du doigt un contingent du fait de son manque de matériel ou de formation sans se demander si l’ONU a établi un protocole sur le matériel ou si les modules de formation sont adéquats.   Il a estimé que les enquêtes et les poursuites judiciaires des responsables d’abus et d’exploitation sexuels soient menées par les juridictions nationales.

Au nom de l’Association des États de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), Mme INA HAGNININGTYAS KRISNAMURTHI (Indonésie) a souligné quatre points et premièrement, la coopération et les partenariats entre les Nations Unies, les États Membres et les organisations régionales et sous-régionales.  L’ASEAN encourage des consultations entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat, les pays contributeurs de contingents et de police et les acteurs régionaux dans l’élaboration, l’examen et l’ajustement des mandats des missions. 

Le deuxième point est que l’ASEAN réaffirme les principes de base du maintien de la paix des Nations Unies à savoir le consentement des parties, l’impartialité et le non-recours à la force sauf en cas de légitime défense.  Troisièmement, l’ASEAN est préoccupée par le nombre élevé de Casques bleus tués et pris pour cible.  Il faut améliorer la perception du terrain et les capacités de réponse grâce à une formation efficace et à des équipements adéquats.  Quatrièmement, l’ASEAN appuie les étapes innovantes pour accroître le nombre de femmes Casques bleus, ce qui contribuera à mieux s’attaquer aux cas d’exploitation et atteintes sexuelles.  Le Département des opérations de maintien de la paix et les autres organes doivent aider les pays, en élaborant un plan pour augmenter la participation des femmes.  L’ASEAN salue le nouveau Manuel relatif au matériel appartenant aux contingents et attend avec impatience les discussions de la Commission chargée des questions administratives et budgétaires sur les taux de remboursement aux pays contributeurs de contingents.   

Au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), M. RUBÉN ARMANDO ESCALANTE HASBÚN (El Salvador) a rappelé que les opérations de maintien de la paix jouent un rôle central, avant d’ajouter qu’elles ne constituent pas une fin en soi, mais un instrument apolitique permettant de mener des négociations devant aboutir à une paix durable.  Le maintien de la paix s’est révélé comme un des outils les plus efficaces dont disposent les Nations Unies pour aider les pays à franchir le passage difficile allant du conflit à la paix, ce qui explique l’importance de renforcer les capacités et la structure des opérations.  La CELAC prend note du processus en cours lancé par le Secrétaire général, y compris en ce qui concerne la mise en œuvre des recommandations du rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix des Nations Unies (« rapport HIPPO »).  Elle rappelle à cet égard que le Comité spécial est le seul organe intergouvernemental habilité à étudier les questions relatives aux opérations sous tous leurs aspects.

Pour la CELAC, toutes les opérations doivent respecter scrupuleusement les objectifs et principes de la Charte.  Elles doivent bénéficier dès le départ d’un soutien politique, humain, logistique et financier adéquat et de mandats à la fois clairement définis et viables.  La CELAC exprime ses graves préoccupations face à la fragilité des environnements politiques et de sécurité dans lesquels sont déployées de nombreuses opérations.  2017 a en effet été l’année la plus meurtrière depuis 1994 pour les Casques bleus.  Pour la CELAC, les opérations devraient toujours être accompagnées d’un processus de paix inclusif bien préparé et disposant du soutien de toutes les parties concernées.

Le représentant a rappelé le caractère essentiel des stratégies de sortie, les opérations étant des mesures temporaires destinées à créer un environnement de sécurité pour mettre en place une stratégie à long terme de paix et de développement.  La CELAC souhaite que soient renforcés les liens entre les opérations et l’architecture de paix et de sécurité des Nations Unies, y compris la Commission de consolidation de la paix, sans oublier les fonds et programmes des Nations Unies spécialisés dans le développement.  Insistant sur le lien entre paix et développement, la CELAC réitère son soutien à Haïti dans son chemin vers la paix et la stabilité, ainsi qu’à la Mission des Nations Unies pour l'appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH).

La CELAC reconnaît par ailleurs le rôle indispensable des femmes et des jeunes dans la prévention et le règlement des conflits.  Elle réaffirme que la responsabilité première de la protection des civils incombe à l’État hôte, tout en reconnaissant le soutien que peuvent apporter les opérations quand elles ont un mandat pour ce faire.  Elle rappelle l’importance de la formation des Casques bleus et d’un comportement éthique.  La CELAC appuie fermement la politique de tolérance zéro face aux cas d’exploitation et d’atteintes sexuelles.  Elle note à cet égard avec inquiétude le nombre des allégations.

Enfin, la CELAC insiste sur l’importance des consultations avec les pays fournisseurs de contingents et de police et sur la demande qu’elle a faite au Conseil de sécurité pour que les mécanismes existants soient améliorés.  Elle souhaite aussi que les pays qui désireraient contribuer aux opérations puissent le faire, ce qui implique des remboursements en temps voulu.

Également au nom du Canada et de l’Australie (Groupe Canz), M. CRAIG JOHN HAWKE (Nouvelle-Zélande), a d’abord parlé de la protection des civils et voulu voir des critères clairs pour la formation, le leadership et les performances dans toutes les missions.  Il a aussi voulu que l’on prenne des mesures concrètes quand les obligations ne sont pas honorées, quand ceux qui sont sur le terrain n’assument pas leurs responsabilités.  Le représentant a ensuite parlé de la sûreté et de la sécurité et appuyé les conclusions du « Rapport Cruz » qui ne contient pas de « surprises ».  Il est ensuite passé à l’amélioration des capacités opérationnelles, avant de s’attarder sur le renforcement de la coopération avec les arrangements régionaux et sous-régionaux, et à l’amélioration de la coopération triangulaire entre le Secrétariat, le Conseil de sécurité et les pays contributeurs de troupes. 

Le représentant a fermement appuyé les réformes du Secrétaire général et appelé ses collègues du Comité à se concentrer sur l’efficacité des opérations de maintien de la paix pour qu’elles soient mieux à même de travailler dans le contexte actuel, avec les capacités nécessaires pour exécuter leurs tâches et mettre en œuvre leurs mandats.  Nos discussions doivent être guidées par les besoins des commandants, des chefs de missions et de tous ceux qui travaillent sur le terrain.  Ce que nous décidons doit être clair, succinct et axé sur l’aspect opérationnel, sinon nous risquons de perdre notre pertinence, a averti le représentant.

Mme JOANNE ADAMSON, Chef adjointe de la délégation de l’Union européenne, a déploré la mort des 56 Casques bleus tués en 2017 et dénoncé une « évolution tragique » qui appelle à des mesures pour inverser la tendance.  Elle a formulé l’espoir que les décisions du Comité spécial permettront d’appuyer le Secrétariat et d’assurer ainsi une meilleure gestion des crises, le renforcement des méthodes de travail, un leadership, une responsabilité et une transparence renforcés ainsi qu’une culture de travail propice à des opérations plus effectives.  Elle a aussi insisté sur l’importance capitale de trouver des solutions politiques au conflit et d’accorder la priorité aux efforts de prévention, précisant que cela représente l’élément central de la Stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’UE.  Même les opérations de paix les plus réussies ne peuvent se substituer aux processus politiques et une des tâches centrales des opérations de paix demeure l’appui à accorder aux processus politiques.  La prévention et la médiation doivent être la priorité, a-t-elle souligné.

La représentante a estimé que la protection des civils et la prévention d’atrocités doivent être les dénominateurs communs de tout mandat de maintien de la paix.  Les opérations doivent être équipées pour pouvoir mieux répondre aux racines des crises et l’UE appuie en outre la proposition d’établir des stratégies et des directives concernant l’interaction des missions avec les populations locales.  Une meilleure intégration de la technologie moderne et des capacités de collecte de renseignements au sein des opérations doit par ailleurs se poursuivre, a-t-elle ajouté.

À l’instar des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, Mme Adamson a estimé que les préoccupations liées aux enfants et aux conflits armés doivent figurer dans les mandats des misions concernées.  Elle a appelé au déploiement des conseillers en protection de l’enfance pour aider le personnel des missions, saluant par ailleurs le leadership dont fait preuve le Secrétaire général pour combattre l’exploitation et les atteintes sexuelles.  Elle a estimé que l’initiative de ce dernier, visant à obtenir des certificats de formation en la matière pour le personnel des missions, est un pas dans la bonne direction. 

Après s’être attardée sur l’importance du Cadre d’orientation stratégique concernant le rôle de la police dans les opérations internationales de maintien de la paix, Mme Adamson a abordé la question du séquençage et de la priorisation des mandats.  Elle a encouragé le Secrétariat à élaborer des méthodologies « robustes et objectives » pour mesurer et contrôler la performance des missions et collecter des données pour améliorer leur planification et évaluation.  Elle a également estimé que le mandat des missions doit être étayé par une analyse appropriée des conflits.  Les opérations de paix doivent être dotées de mandats clairs, cohérents et réalistes, avec une importante composante des droits de l’homme, ainsi que de dispositifs de transition entre différentes opérations ou organisations, et des stratégies de sortie qui doivent être envisagés le plus tôt possible pour que le processus se déroule sans heurt, a-t-elle estimé.

Constatant par ailleurs que la constitution et le déploiement rapide des forces présentent des défis, la représentante de l’UE a salué les approches novatrices en matière de génération de forces, comme les plans de rotation et les « engagements intelligents », ainsi que les engagements pris par les États Membres lors des Réunions des ministres de la défense sur le maintien de la paix des Nations Unies de Londres (2016) et de Vancouver (2017), entre autres.  Elle a aussi cité la coopération triangulaire et l’importance de tirer davantage parti des complémentarités et de renforcer la synergie des efforts.  La représentante a par ailleurs appelé à engager des efforts de réforme sur le plan de la gestion afin d’améliorer l’appui logistique, l’approvisionnement et les ressources humaines des missions.

Pour ce qui est du renforcement du partenariat de l’ONU et de l’UE en matière de maintien de la paix et de gestion de crise, Mme Adamson a cité le format trilatéral établit avec l’Union africaine ainsi que l’amélioration de l’appui de l’UE à la Force conjointe du G5 Sahel.  L’UE continue en outre de plaider pour une meilleure définition du rôle des organisations régionales au sein des interventions menées par l’ONU.

M. MAURO VIEIRA (Brésil) a jugé crucial que le « Rapport Cruz » sur la sécurité des Casques bleus soit discuté et traduit en plan d’action.  La question des pertes en vies humaines parmi les Casques bleus ne peut pas être isolée car elle est liée à l’environnement politique de chaque mission et aux décisions politiques consacrées dans les mandats.  Cette question va au-delà des aspects opérationnels sur lesquels nous avons tendance à nous concentrer et les discussions sur le « Rapport Cruz » devraient nous permettre d’avoir une conversation ouverte, a plaidé le représentant. 

Il s’est félicité de ce que le Rapport mette l’accent sur l’adéquation des ressources, des équipements et de la formation des Casques bleus, particulièrement, une formation aux menaces spécifiques.  Il a aussi salué le fait que le Rapport mette l’accent sur la nécessité d’améliorer l’appui médical et de renforcer la coopération et la collaboration entre tous les contingents d’un même terrain.

Le travail du Comité spécial doit être, a estimé le représentant, de s’assurer que les opérations contribuent véritablement à une paix durable.  Le maintien de la paix n’est pas une fin en soi.  Il doit s’inscrire dans des stratégies de stabilisation qui requièrent une diplomatie active et peut-être un large éventail d’efforts de consolidation de la paix.  Le Brésil défend une approche intégrée des mandats visant la stabilisation, le dialogue, la réconciliation et le développement, au-delà de l’aspect purement militaire. 

Le travail du Comité spécial doit aussi faire en sorte, a poursuivi le représentant, que les troupes aient des moyens et des ressources adéquats.  Il est essentiel que les pays fournisseurs de contingents et de police participent à la prise de décisions sur le déploiement d’une mission.  Le dialogue entre ces pays et le Conseil de sécurité est de la plus haute importance, a insisté le représentant.  S’agissant de la protection des civils, le représentant a souligné qu’elle doit comprendre des initiatives liées à l’alerte rapide, à la gestion des crises, à la médiation, à la reconstruction des infrastructures, à la promotion des activités économiques et à la création de programmes soucieux de l’égalité entre les sexes.

M. WU HAITAO (Chine) a dit attendre avec intérêt les réformes du Secrétaire général sur le pilier « paix et sécurité ».  Après avoir rappelé les principes fondamentaux du maintien de la paix, le représentant a surtout jugé primordial d’aider les pays hôtes à faire régner la stabilité, promouvoir des solutions politiques et créer un environnement propice à la paix.  Les mandats des missions doivent être clairs, réalistes et ciblés, a ajouté le représentant qui a aussi souligné l’importance de renforcer le partenariat entre le Secrétariat, le Conseil de sécurité, les États Membres, les pays fournisseurs de contingents et de police et les pays hôtes.  Il est essentiel d’écouter les pays contributeurs de contingents et de police et les pays hôtes.  Il faut aider le continent africain à régler les problèmes africains avec des solutions africaines.  Il faut appuyer la réforme des secteurs de la sécurité menée par l’Afrique, contribuer à l’amélioration des systèmes d’alerte rapide et de l’accès à des équipements adéquats et à des formations ciblées.  Le représentant a rappelé que 2 600 Casques bleus chinois sont déployés dans 10 théâtres d’opérations.

Mme MARÍA EMMA MEJÍA VÉLEZ (Colombie) s’est inquiétée du bilan sans précédent de Casques bleus tués sur le terrain en 2017, évoquant le sort des 71 victimes parmi le personnel de maintien de la paix de l’ONU.  Elle a estimé que ces pertes en vies humaines, de même que parmi les civils, devaient inciter à redoubler d’efforts pour faire avancer le processus de réforme des piliers « paix et sécurité » initié par le Secrétaire général.  Elle a ensuite rappelé que la Colombie a déployé, dès 2006, des effectifs de police à la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH).  La Colombie a aussi initié son processus de contribution en personnel à la Mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), à la Force intérimaire au Liban (FINUL) et au Bureau intégré pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS).  Pour la représentante, la participation aux opérations de maintien de la paix doit être considérée, par les États Membres, comme une responsabilité inéluctable.

Mme Mejía Vélez a par ailleurs appelé à agir face au « déficit chronique » de femmes dans les opérations de maintien de la paix, pointant notamment le fait que ces dernières ne représentent que 4,7% des experts militaires, 3,2% des effectifs militaires et 16,9% des agents de police.  Elle a aussi appelé à privilégier l’expérience acquise sur le terrain afin d’obtenir de meilleurs résultats en tenant compte de la situation propre à chaque cas de figure.  Il n’y a pas de formule magique applicable en toutes circonstances, a-t-elle souligné.

M. MARTÍN GARCÍA MORITÁN (Argentine) a souhaité que la réforme des opérations proposée par le Secrétaire général tienne compte de l’avis des États Membres et des personnels onusiens pétris d’expérience.  Il a critiqué la tendance du Conseil de sécurité à créer des opérations partout, même là où elles n’ont pas leur place.  Il a rappelé que ces opérations doivent respecter des principes clairs comme l’utilisation de la force seulement en cas de légitime défense.  Il a ensuite salué la signature du Pacte volontaire sur la prévention et la lutte contre l’exploitation et les atteintes sexuelles par 84 États Membres.  Il a salué le travail de l’hôpital argentin en Haïti, qui prouve qu’il est possible d’élargir le travail des opérations au service des communautés sans saper l’efficacité.  La protection des civils ne doit pas seulement se lire sous un prisme militaire.  Elle doit s’appuyer sur une approche globale qui tienne compte des aspects politiques et communautaires.  Il a aussi insisté sur l’importance de consulter les pays fournisseurs de contingents et d’unités de police avant de prendre des décisions sur le mandat des missions. 

M. LUIS HOMERO BERMÚDEZ ÁLVAREZ (Uruguay) a rappelé le déploiement de soldats de son pays en République démocratique du Congo et s’est montré préoccupé par l’augmentation du nombre de victimes parmi les Casques bleus.  Il a donc estimé que les recommandations du « Rapport Cruz » forment une bonne base de discussions.  S’il a reconnu que les attentes des États Membres sont différentes s’agissant de la protection des civils, il a aussi reconnu qu’il faut faire plus à la lumière des « échecs graves ».  Il faut lancer des poursuites judiciaires et établir les responsabilités, a dit M. Bermúdez qui n’a pas oublié de souligner l’importance de la coopération entre le Secrétariat, le Conseil de sécurité et les États Membres, dont les pays fournisseurs de contingents et de police.

M. ALEXANDER A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a prévenu que la création de plateformes alternatives pour contourner le Comité spécial est « contreproductive ».  Ignorer les décisions du Comité spécial ou les mettre en œuvre de manière parcellaire est tout simplement « inacceptable », a martelé le représentant.  Peu importe la manière dont les réformes des opérations sont menées, la clef est de privilégier l’approche politique pour résoudre les conflits et de respecter les principes de la Charte, a-t-il argué, ajoutant qu’une interprétation « souple » de ces principes est « inacceptable ».  On ne saurait voir des soldats de la paix se transformer en forces d’agression et en véritables combattants sous prétexte de protéger la population, s’est-il expliqué.  On ne saurait recourir à la force contre un État hôte alors que c’est lui qui doit d’abord et avant tout protéger sa population.  Pour garantir le succès des opérations, il faut une coopération quotidienne entre les soldats de la paix avec les autorités nationales.  Les mandats dits « robustes » ne doivent pas être la norme et, lorsqu’ils sont indispensables, ils doivent tenir compte des réalités du terrain pour éviter que les soldats de la paix ne deviennent eux-mêmes parties au conflit.  La sécurité des populations et des soldats de la paix dépend de bons équipements techniques et d’une meilleure formation des personnels, a estimé le représentant qui a indiqué que son pays forme ces personnels depuis l’année 2000.

M. MOHAMED OMAR MOHAMED GAD (Égypte) a insisté sur le fait que les opérations sont là pour promouvoir des solutions politiques aux conflits.  Mesures temporaires, il faut leur assurer des stratégies de sortie de conflit dès les premières étapes de l’élaboration des mandats.  La sécurité des Casques bleus dépend, a insisté le représentant, de la recherche de solutions politiques aux conflits grâce à un dialogue avec toutes les parties.  Le représentant a jugé essentiel que toutes les décisions liées aux mandats aient d’abord l’assentiment des pays contributeurs de troupes et de police et respectent les principes d’impartialité et de non-recours à la force sauf en cas de légitime défense.  Toute tentative visant à élargir la portée d’un mandat sans l’assentiment du pays hôte ne peut que mettre en péril la crédibilité de l’ONU et saper l’efficacité des missions.  Pour le représentant, le recours à la force doit avoir une explication logique et rester une mesure de dernier recours. Le représentant a tenu à souligner l’importance des effectifs de police.   

Les lacunes systémiques liées au manque de clarté des mandats, à des ressources inadéquates et au manque d’intérêt pour des solutions politiques favorables à une paix durable sont bien connues, a tranché M. SYED AKBARUDDIN (Inde).  Nous devons, a proposé le représentant, examiner les limites de ces « grandes missions de stabilisation » et nous demander s’il y a d’autres modèles prévoyant un investissement politique à tous les niveaux et des approches non sécuritaires plus efficaces.  N’oublions pas, a dit le représentant, que « la politique est le meilleur multiplicateur de force ». 

Grand contributeur de troupes, l’Inde, a dit M. Akbaruddin, a indiqué que le succès des opérations ne doit pas se juger à l’aune de la capacité des soldats de la paix à se protéger mais plutôt de la capacité de la mission à maintenir la paix par des solutions politiques et des réponses intégrées.  Les soldats de la paix ne sauraient se substituer aux efforts pour régler un conflit, lesquels exigent un engagement politique soutenu de la part du leadership de l’ONU et non des troupes.  Le représentant a reconnu la nécessité de déployer rapidement des troupes.  Mais, a-t-il dit, la clarté des mandats et l’adéquation des ressources pour des opérations offensives dans un scénario en mutation rapide sont difficiles à réaliser.  Il faut, a-t-il dit, une bonne connaissance du terrain, des instruments technologiques modernes et surtout, l’institutionnalisation des consultations entre le Conseil de sécurité et les pays contributeurs dont les contingents ont une bonne appréhension de la situation. 

M. TAKESHI AKAHORI (Japon) a déclaré que les opérations de maintien de la paix des Nations Unies font face à de nombreux défis, y compris la formation et l’entraînement des Casques bleus, et le maintien de la sûreté et la sécurité du personnel.  Ces défis ne peuvent être relevés par un seul acteur, a-t-il observé, en soulignant que le rôle du Comité est à cet égard crucial.  Le Japon, a souligné M. Akahori, met l’accent depuis longtemps sur la nécessité de prioriser l’amélioration des capacités des opérations de maintien de la paix, qui est essentielle pour préparer le déploiement de la mission sur le terrain.  « Sans locaux ni infrastructures, une mission ne peut garantir la sûreté de son personnel », a-t-il insisté.  Les capacités médicales sont également indispensables pour assurer la sûreté et la sécurité, a ensuite plaidé le représentant.  Le Japon, a-t-il indiqué, a soutenu l’amélioration du génie militaire dans le cadre du Projet de partenariat triangulaire, auquel Tokyo contribuera cette année encore à hauteur de 40 millions de dollars.  Jusqu’à présent, 170 futurs Casques bleus ont été entraînés et formés au maniement d’équipements de génie et à la gestion des projets.  Mon gouvernement, a ajouté M. Akahori, a également fourni une assistance à des capacités médicales des Nations Unies dans le domaine des soins d’urgence.

Mme MALEEHA LODHI (Pakistan) a rappelé que son pays vient de perdre un Casque bleu en République démocratique du Congo, « notre première victime de 2018 ».  Les mandats du Conseil de sécurité lorsqu’ils sont basés sur des considérations politiques, compliquent davantage la situation sur le terrain et accroissent inutilement les risques, a prévenu la représentante.  L’année dernière, a-t-elle souligné, le Comité a décidé qu’il avait atteint la limite de ses demandes de consultations triangulaires entre le Secrétariat, le Conseil de sécurité et les États Membres dont les pays contributeurs de troupes.  Le Pakistan et le Royaume-Uni ont donc pris l’initiative d’organiser des discussions informelles au sein du Comité spécial et établi une liste de recommandations et de bonnes pratiques.  Pendant cette session, le Comité examinera cette liste pour lui donner une forme concrète car le temps est venu de se mettre d’accord sur des moyens concrets d’aller de l’avant.

Les fondamentaux du maintien de la paix doivent être préservés même s’il faut s’adapter aux réalités changeantes.  Brouiller les lignes entre maintien et imposition de la paix aurait un impact sur la neutralité des Casques bleus et les rendrait encore plus vulnérables aux attaques.  « Les opérations de maintien ne sont pas l’outil approprié pour des opérations militaires contre le terrorisme », a, par exemple, insisté la représentante, et la réforme n’implique en aucun cas un changement des principes fondamentaux du maintien de la paix.  

Quand nous voyons des missions « installées » sans aucune stratégie de sortie, dans des environnements qui se détériorent, il est temps, a estimé la représentante, de repenser les besoins et les instruments.  Elle a insisté sur la primauté des solutions politiques et l’appel du Secrétaire général en ce sens.  Quand des vies sont en danger, ce sont les besoins qui doivent influencer les décisions et non des intérêts bureaucratiques étroits.  Le manque de ressources adéquates a un lien direct avec la non-exécution des mandats et nous devrions parler de renforcement des capacités au lieu de coupes budgétaires.  

M. TEODORO LOPEZ LOCSIN JR (Philippines) a fait des recommandations.  Pour lui, il faut investir davantage dans les solutions politiques aux conflits lesquelles doivent être soutenues par les opérations de maintien de la paix.  Les pays contributeurs des troupes doivent être avisés des capacités opérationnelles et logistiques nécessaires à la réussite d’une opération.  Le représentant a aussi reconnu la protection « non armée » des civils comme faisant partie des solutions politiques.  Quant à la coopération triangulaire entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les pays contributeurs de troupes, il a soutenu l’appel à des consultations durables basées sur les mécanismes existants.  S’agissant de la coopération régionale, il a salué les contributions croissantes des arrangements régionaux en particulier l’ASEAN et l’Union africaine et, enfin, il a insisté sur le fait que la société civile est un acteur de la promotion d’une paix durable.

Si nous comptons continuer à demander aux Casques bleus de travailler dans des environnements de plus en plus complexes et difficiles, alors nous leur devons de travailler aussi dur que possible pour réformer le système, a estimé Mme ELAINE MARIE FRENCH (États-Unis).  L’évidence est là: la vie des soldats de la paix dépend de notre faculté collective à instaurer une « culture de la performance » dans le maintien de la paix de l’ONU.  La représentante a donc appelé le Comité spécial à prendre des mesures ambitieuses pour institutionnaliser cette culture dans laquelle seules les troupes les plus performantes seraient déployées et où la sous-performance ne serait jamais tolérée.  Les États-Unis, a insisté la représentante, comptent mettre en place un système qui exige responsabilité et performance.  Si des forces ne peuvent ou ne veulent pas remplir leur mandat, le système de génération des forces que le Comité spécial a mis en place, doit être enclenché pour trouver d’autres contributeurs.  Nous devons, a-t-elle poursuivi, faire en sorte que le Système de préparation des moyens de maintien de la paix soit opérationnel et que les décisions sur la formation, le déploiement, la réhabilitation et le rapatriement se fondent sur la performance.

La déléguée a exhorté le Département des opérations de maintien de la paix à fonder ses décisions sur des données relatives à la performance lorsqu’il s’agit de choisir les troupes à déployer.  De telles données aideront d’ailleurs les pays qui fournissent des formations et des équipements à mieux canaliser leur aide.  Les États -Unis, qui ont déjà investi plus d’un milliard de dollars pour préparer les troupes et les unités de police des opérations de l’ONU, continueront de partager le fardeau et de promouvoir des réformes qui permettraient un meilleur retour sur investissement.  La représentante a conclu en prônant une plus forte participation des femmes aux opérations.

M. ROLANDO CASTRO CÓRDOBA (Costa Rica) a rappelé que son pays a déposé les armes il y a plus de 69 ans pour se consacrer résolument au développement.  Il a salué le succès des trois opérations menées dans la région d’Amérique latine et des Caraïbes et a salué les efforts de réforme du pilier « paix et sécurité ».  Reconnaissant les défis énormes de ce pilier qui est aussi lié au développement durable, le représentant a estimé que les opérations doivent placer la personne au cœur de leur mandat et mettre l’accent sur la prévention des conflits.  Les mandats doivent correspondre aux réalités du terrain.   

Mme RAZIYE BILGE KOÇYIĞIT GRBA (Turquie) a dit qu’un cadre stratégique cohérent et des mandats clairs disposant des ressources adéquates sont la clef du succès des opérations de maintien de la paix.  Toute mesure sur l’échange de renseignements doit s’appuyer sur les principes de la Charte.  La représentante a insisté sur la coopération entre l’ONU et les organisations régionales et salué les mesures pour renforcer les relations avec l’Union africaine.  Elle a exigé un équilibre géographique dans le vivier des contributeurs de troupes.  Il faut également éliminer les obstacles à la participation des femmes, a-t-elle conclu. 

Mme IRINA MORENO GONZÁLEZ (Équateur) a rappelé que les opérations de maintien de la paix doivent s’appuyer sur les normes et principes de la Charte.  Elle a salué le Pacte volontaire sur la prévention et la lutte contre l’exploitation et les atteintes sexuelles auquel son pays a souscrit.  Elle a d’ailleurs indiqué que trois observatrices militaires équatoriennes ont été déployées l’an dernier, « une preuve supplémentaire de l’engagement de mon pays pour les idéaux de paix et de sécurité ».  L’Équateur entend également continuer d’assurer une formation spécifique à ses troupes.

M. HENRY ALFREDO SUÁREZ MORENO (Venezuela) a dit que la création d’une opération devait être précédée d’une analyse approfondie des conditions du déploiement.  Le représentant a appelé à une adéquation entre les troupes et les mandats, à une démarche cohérente et concertée et au respect des principes de souveraineté des pays hôtes.  Il a aussi rappelé les normes d’utilisation des drones et a insisté sur le fait que l’État hôte reste le premier responsable de la protection de sa population.  Les opérations ne sauraient être utilisées pour renverser les gouvernements et s’ingérer dans les affaires intérieures des pays, a-t-il prévenu. 

M. HARTIND ASRIN (Indonésie) a jugé essentiel de s’occuper de la disponibilité des capacités et des ressources lorsque l’on passe d’une opération de maintien de la paix à une mission politique spéciale.  Le Comité spécial, a-t-il poursuivi, doit vraiment se concentrer sur la sécurité et le bien-être des Casques bleus.  Il faut faire en sorte que ces derniers soient non seulement bien équipés et bien entraînés mais qu’ils aient aussi les compétences requises.  Après avoir insisté sur la politique de tolérance zéro face à l’exploitation et aux abus sexuels, le représentant a appelé le Comité spécial à étudier les moyens d’améliorer le soutien logistique et opérationnel aux opérations de maintien de la paix.  Il a annoncé qu’en collaboration avec l’Éthiopie et le Département de l'appui aux missions, son pays organise ce mercredi une table ronde sur les moyens de régler le problème des capacités des opérations de maintien de la paix.

M. NONTAWAT CHANDRTRI (Thaïlande) a plaidé pour des mandats réalistes, adaptés au contexte, flexibles, et bénéficiant de ressources adéquates.  Il faut également identifier des méthodes appropriées de suivi et d’évaluation de chaque opération.  La Thaïlande, a-t-il dit, accorde également du prix au respect du concept de « pérennisation de la paix ».  Le développement durable et la diplomatie préventive sont donc la clef, car ils créent une fondation qui peut mieux prévenir la résurgence d’un conflit.

Le représentant a plaidé pour que l’on équipe les soldats de la paix de capacités, connaissances et attitudes nécessaires à leur mission.  Il a insisté sur la nécessité de réduire le fossé entre ce qui leur est demandé et ce qu’ils sont en mesure de faire.  En outre, une meilleure performance des opérations passe par un partenariat fort entre le Conseil de sécurité, les contributeurs de troupes et d’unités de police, les organisations régionales et sous-régionales et le Secrétariat.  Le représentant a aussi mentionné la nécessité de consulter les pays hôtes. 

Pour la Thaïlande, il est important de tenir compte du rôle des femmes en tant qu’agents de changement, notamment dans le contexte de la consolidation de la paix et de la résolution des conflits.  Elles doivent jouer un plus grand rôle dans les processus de négociations et de médiation. 

Mme HMWAY HMWAY KHYNE (Myanmar) a dit que face aux défis croissants de la paix et de la sécurité internationales, le rôle des Nations Unies devait être renforcé et amélioré.  La nécessité urgente de renouveler l’efficacité des mécanismes multilatéraux pour prévenir, gérer et mettre fin aux conflits dans ce monde en constante mutation exige des réponses novatrices, a ajouté la représentante.  L’amélioration de l’échange d’informations sur les questions opérationnelles et stratégiques et la promotion de la coordination entre le Secrétariat et les pays contributeurs de troupes et de police vont de pair avec la prise en compte de l’avis de toutes les parties tout au long du cycle de vie des missions, a-t-elle poursuivi.  Mme Khyne a ajouté que le bon déploiement des opérations et la sécurité du personnel dépendent de la qualité des formations mais aussi du soutien financier et logistique.  La représentante a insisté sur la recherche de solutions politiques aux conflits prolongés et le renforcement de la présence des femmes dans les missions. 

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a estimé que les opérations de maintien de la paix ne sont pas la panacée.  Elles sont un outil de soutien aux processus politiques.  Il faut donc mettre l’accent sur une approche préventive, traiter des causes profondes des conflits et savoir que les opérations de paix des Nations Unies doivent avoir un objectif politique et non militaire.  Lorsqu’il crée une mission, le Conseil de sécurité doit s’assurer des ressources nécessaires, élaborer un mandat adapté au contexte spécifique et tout mettre en œuvre pour garantir la sécurité du personnel.  Les opérations doivent avoir des moyens technologies modernes de communication et d’information.

Le représentant a insisté sur des mandats plus réalistes, mieux adaptés et plus souples, et a rappelé l’importance fondamentale des consultations entre les pays fournisseurs de contingents et de policiers et ceux qui rédigent les mandats.  Il est revenu sur le rôle croissant des organisations régionales, en particulier l’Union africaine.  Il a rappelé que le rapport HIPPO préconise la mise en place d’un mécanisme durable, prévisible et souple de financement des opérations de paix de l’Union africaine.  Le représentant a rappelé l’importance de la perspective genre dans les opérations de maintien de la paix, rappelant que 17% des Casques bleus fournis par son pays étaient des femmes, un des taux les plus élevés parmi les pays fournisseurs de contingents.

M. YURIY VITRENKO (Ukraine) a souligné l’importance qu’il y a à ce que les opérations de maintien de la paix soient dotées des capacités nécessaires.  Il a souhaité que le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale assurent un suivi adéquat du Communiqué adopté à l’issue de la Conférence des ministres de la défense de Vancouver, estimant qu’il est encore possible d’améliorer l’exécution des mandats des missions.  Il a affirmé que le dialogue entre le Conseil, le Secrétariat et les pays contributeurs de troupes doit être « porté à un autre niveau » en cas de création ou de renouvellement d’un mandat.  Les activités du Groupe de travail du Conseil sur les opérations de maintien de la paix doivent être transparentes, a-t-il poursuivi.  Il a exigé que les missions soient dotées de mandats clairs, cohérents, réalistes et séquencés, respectant les principes fondamentaux du maintien de la paix et appuyant la recherche de solutions politiques aux conflits.  L’impartialité du personnel est l’un des principes clefs, a-t-il insisté.  Il a également exhorté le Conseil à faire en sorte que les opérations soient dotées des outils technologiques les plus modernes, avant de plaider pour le renforcement des capacités de renseignement.  Il a en outre souhaité que toute décision de retrait d’éléments habilitants soit pesée avec rigueur, à la lumière notamment des risques.  Enfin, le délégué a dit la fierté de son pays d’avoir fait partie de la « success story » de la Mission de l’ONU au Libéria.

M. JORGE SKINNER-KLEÉ ARENALES (Guatemala) a souligné l’importance du Comité spécial qui est « le seul cadre d’évaluation des politiques en matière de maintien de la paix » au sein de l’ONU.  Il est indéniable que l’on peut améliorer l’efficacité des opérations, a-t-il concédé, ajoutant que la « vulnérabilité des soldats de la paix » doit être analysée et pas seulement par le Conseil de sécurité, car « ce sont bien les policiers et militaires des pays contributeurs de troupes qui payent de leur vie ».  Il a salué le « Rapport Cruz » sur la question, même si son pays ne souscrit pas forcément à l’usage de la force qui doit rester une mesure de dernier recours.  Le représentant a appelé le Conseil de sécurité à tenir dûment compte de l’avis du pays hôte d’une opération et des pays contributeurs de troupes, rappelant la nécessité de respecter strictement les principes de la Charte.

M. MOUNZER MOUNZER (République arabe syrienne) a affirmé que la Charte n’a pas défini la notion de maintien de la paix même si aujourd’hui les opérations jouent un rôle fondamental pour la paix et la sécurité internationales.  Mais ces opérations ne sauraient se substituer à une solution politique viable aux conflits.  Plusieurs opérations ont actuellement un mandat de protéger les civils, a noté le représentant, en mettant en garde contre tout empiètement sur les responsabilités des autorités nationales.  L’aspect « protection des civils » ne saurait être utilisé comme outil d’ingérence dans les affaires intérieures des États.  Le représentant a d’ailleurs jugé utile que l’on s’entende sur une définition juridique de ce concept.  Il n’a pas manqué de rappeler que l’occupation israélienne est à l’origine de trois opérations qui grèvent aujourd’hui le budget de l’ONU.  Le représentant en a profité pour demander aux Nations Unies d’obtenir d’Israël qu’il cesse d’appuyer les organisations terroristes dans la région.

M. YARON WAX (Israël) a rappelé que le maintien de la paix est une mission dangereuse, et que la sécurité des Casques bleus et du personnel civil est de la plus grande importance.  Il a invité les États Membres à réagir au « Rapport Cruz », « un rapport qui démontre que nous n’avons pas été à la hauteur ».  Tous les personnels des opérations doivent être dotés des mêmes équipements et formations avant leur déploiement.  Les technologies sont essentielles pour assurer les succès des opérations mais elles coûtent cher, a reconnu le représentant qui a souligné que son pays a mis son expertise et ses équipements au service des opérations.  Il n’a pas oublié d’appeler à une lutte renforcer contre l’exploitation et les atteintes sexuelles, car elles sapent la confiance des populations.  Il a aussi plaidé pour une plus grande participation des femmes aux opérations, avant de dénoncer « les propos non fondés » de la Syrie.

Mme ANNE GUEGUEN (France) a déclaré qu'en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, la France s’est investie dans l'amélioration de l'efficacité du maintien de la paix et de son impact sur le terrain.  « Nous devons être ambitieux en matière de protection des civils et de performance », a-t-elle ajouté.  Elle a appelé à des approches « exigeantes mais novatrices » et a appuyé les recommandations du « Rapport Cruz ».  Elle a jugé essentiel d'assurer une haute qualité du commandement et des équipes intermédiaires qui travaillent avec les populations locales.  Le moral des troupes, a-t-elle dit, est tout aussi essentiel.  Il faut les doter des équipements adaptés aux théâtres des opérations et des technologies nouvelles et novatrices.  La France, a ajouté la déléguée, soutient le développement de nouveaux mécanismes de génération des forces.  De telles actions marquent une étape décisive vers le renforcement des capacités.  Insistant sur la solidarité en matière de formation, elle a indiqué que les troupes françaises entraînent chaque année quelque 29 000 militaires africains.

Droit de réponse

Le représentant de la Syrie a rappelé que la présence d’Israël dans le Golan n’est pas « une invention ».  Citant un rapport de l’ONU et des informations publiées dans les journaux américains, il a confirmé que l’armée israélienne a créé une unité spéciale de soutien aux groupes terroristes, notamment le Front el-Nosra.  Israël, a insisté le représentant, fournit directement des sommes d’argent dans la zone de séparation, une présence qu’un ancien Ministre israélien de la défense d’Israël a lui-même reconnue, a dit le représentant.       

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