Soixante-treizième session,
33e & 34e séances – matin & après-midi
AG/SHC/4243

Troisième Commission: Paysans, personnes LGBTI, travailleurs exposés à des substances toxiques et reconnaissance d’un droit à un environnement sain

Les discussions entre la Troisième Commission, chargée des affaires sociales, humanitaires et des droits de l’homme, et les titulaires de mandats de procédures spéciales ont aujourd’hui reflété la variété des droits de l’homme, puisqu’il a été question aussi bien du droit à un environnement sain ou de l’incidence de la gestion des produits dangereux que des droits des paysans, des exécutions sommaires et arbitraires, de la protection de la communauté LGBTI et de la promotion de la justice et de la vérité.

Il est temps que les Nations Unies reconnaissent le droit fondamental à un environnement sain, a plaidé M. David Boyd, Rapporteur spécial sur la question des obligations relatives aux droits de l’homme se rapportant aux moyens de bénéficier d’un environnement sûr, propre, sain et durable, qui a déploré que les sociétés humaines soient la cause de dégradations environnementales sans précédent partout sur la planète.  Pour lui, ce droit réunit tous les critères établis par l’Assemblée générale régissant la proclamation de droits additionnels.  Sa reconnaissance au niveau mondial aurait un impact positif direct sur les performances environnementales ainsi que sur la qualité de vie des populations les plus vulnérables.

Ces propos, le Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, M. Baskut Tuncak, a dit les reprendre à son compte.  Dans la droite ligne du discours de son collègue, il a présenté une série de statistiques alarmantes, notamment le fait que, chaque année, plus de deux millions de travailleurs meurent de maladies professionnelles, dont plus de la moitié uniquement du fait d’une exposition à des substances toxiques.  Il a déploré que la pollution soit la plus grande source de décès prématurés dans les pays en développement, devant le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme réunis.  Il s’est également alarmé que les pédiatres décrivent aujourd’hui des enfants nés « pré-pollués » en raison de leur exposition précoce à un cocktail de substances toxiques et s’est élevé contre le comportement scandaleux de certains États et entreprises qui déploient des « efforts inimaginables pour nier » les effets sur la santé des expositions.

C’est à propos d’autres travailleurs –les paysans- qu’est intervenu M. Ruddy José Flores Monterrey, Rapporteur-Président du Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur une déclaration des Nations Unies relative aux droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales.  Il a plaidé en faveur de ladite Déclaration, adoptée en septembre par le Conseil des droits de l’homme.  Protéger les droits des personnes qui vivent et travaillent dans les zones rurales, c’est protéger la principale source de nourriture dans le monde, mais également la biodiversité dont dépendent les systèmes alimentaires ainsi que les emplois et les moyens de subsistance de millions de familles, et enfin promouvoir la durabilité environnementale, la résilience et l’adaptation aux changements climatiques, a-t-il insisté.  Rappelant en outre que les paysans et les travailleurs en zones rurales constituent les groupes les plus vulnérables, notamment les femmes et les filles, il a estimé qu’ils méritaient « le soutien de la communauté internationale », ajoutant que cette Déclaration le leur apporte.  Il reste que, si Cuba a annoncé qu’il présenterait un projet de résolution visant à faire adopter la déclaration par l’Assemblée générale, l’Union européenne a fait savoir que certaines dispositions lui causaient toujours problème.

« Sauver des vies n’est pas un crime ».  C’est ce qu’a fait valoir la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Mme Agnès Callamard, qui s’est penchée sur les pratiques d’aide humanitaire et de sauvetage de par le monde.  « Le droit de ne pas être arbitrairement privé de la vie est un droit fondamental et universellement reconnu, applicable à tout moment et en toutes circonstances », a-t-elle rappelé.  Ceci s’applique aussi en période de conflit armé et dans d’autres situations d’urgence, quand le droit international humanitaire impose clairement de protéger les acteurs humanitaires non seulement contre les attaques, mais aussi contre l’entrave à l’accès aux populations dans le besoin.  Mme Callamard a rappelé à ce propos que les États devaient prendre des mesures pour prévenir les menaces prévisibles à la vie, et ce, « sans aucune forme de discrimination ».

De discriminations, et aussi de violences, il a été beaucoup question avec l’Expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, M. Victor Madrigal-Borloz.  « Les personnes transsexuelles et de genre divers sont victimes de violence et de discrimination dès leur plus jeune âge », a-t-il déploré en dénonçant en particulier les dommages causés par la « transphobie » de par le monde.  On ne peut d’ailleurs prendre pleinement conscience de l’ampleur du phénomène, faute de données appropriées, a-t-il expliqué.  Il a insisté sur l’urgence de protéger la vie des personnes transsexuelles et de genre divers par des mesures « qui ne peuvent être différées ».  À l’exception de l’Afrique du Sud, seuls des pays occidentaux et latino-américains ont échangé avec le Rapporteur spécial.

Enfin, le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, M. Fabian Salvioli, est revenu sur des questions de justice transitionnelle, de prévention et de maintien de la paix.  Il a déploré que les jeunes soient exclus des discussions et des processus de justice transitionnelle alors même que les marginaliser ne pouvait que nuire à la consolidation de la paix et rendre inefficace la lutte contre l’extrémisme violent.  Il a également insisté sur la nécessité de faciliter une approche plus systématique de la question des femmes, de la paix et de la sécurité, alors que, de son côté, le Conseil de sécurité tenait son débat annuel sur le sujet.

Demain, vendredi 26 octobre à partir de 10 heures, la Troisième Commission entendra encore trois titulaires de mandats de procédures spéciales dans le cadre de l’examen de la protection et la promotion des droits de l’homme, avant de poursuivre sa discussion générale sur le même thème.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

Déclaration liminaire

M. FABIAN SALVIOLI, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, a expliqué que son premier rapport en tant que titulaire de ce mandat -M. Salvioli a pris ses fonctions en mai dernier- identifiait quatre axes de coopération prioritaires pour la collaboration qu’il entend établir avec l’Assemblée générale, en considérant certaines des tâches accomplies à la fois par l’Assemblée générale et par le Conseil de sécurité.

Le premier de ces axes concerne la justice transitionnelle, la prévention et le maintien de la paix, en tenant compte des résolutions jumelles de l’Assemblée générale 70/262 et du Conseil de sécurité –2282 (2016)- concernant l’architecture de consolidation de la paix, a précisé M. Salvioli, affirmant vouloir travailler sur la conceptualisation et la portée, du point de vue des droits de l’homme et de l’identification des bonnes pratiques, du rétablissement de la confiance et de la réconciliation.  Il a également proposé d’étudier l’inclusion des mesures de justice transitionnelle dans le contexte de la prévention, en suivant avec intérêt la notion de « mesures de justice transitionnelle complètes », préconisée par le Conseil de sécurité.

Le deuxième axe consiste à insister sur l’importance qu’il y a à tirer parti de la capacité créatrice des jeunes pour la justice transitionnelle, en tenant compte du fait que la génération actuelle de jeunes est la plus nombreuse de l’histoire, a poursuivi le Rapporteur spécial.  Déplorant que ces jeunes soient souvent exclus des discussions et des processus de justice transitionnelle, il a averti que les marginaliser ne pouvait que nuire à la consolidation de la paix et rendre inefficace la lutte contre l’extrémisme violent.  Il s’est aussi dit inquiet du manque d’informations de base que les jeunes ont des événements passés dans leur propre pays, au cours desquels de graves violations des droits de l’homme et du droit humanitaire ont été perpétrées.  Or, a-t-il souligné, la transmission de la mémoire joue un rôle fondamental dans la rupture des cycles de violence.

Le troisième axe de travail concerne l’accentuation de la perspective de genre dans les initiatives de justice transitionnelle.  À cette fin, M. Salvioli a dit vouloir utiliser l’Enquête mondiale sur la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité et travailler avec le Groupe informel d’experts sur les femmes, la paix et la sécurité.  Il entend ainsi faciliter une approche plus systématique de la question des femmes, de la paix et de la sécurité dans le travail même du Conseil de sécurité.  À ses yeux, un rôle actif, complet et directeur des femmes dans les processus de justice transitionnelle est non seulement important mais aussi nécessaire et essentiel pour que ces processus se déroulent avec succès.

Enfin, le quatrième axe de travail porte sur la relation entre les droits de l’homme et les objectifs du développement durable dans le contexte de la justice transitionnelle.  Le Conseil des droits de l’homme, a-t-il rappelé, a déjà souligné la nécessité de travailler dans cette perspective dans sa résolution 12/11 de 2009 et dans la note d’orientation du Secrétaire général de 2010 sur l’approche des Nations Unies en matière de justice transitionnelle de 2010.  Pour M. Salvioli, l’absence de résolution des problèmes entraînant des violations des droits économiques, sociaux et culturels peut empêcher de parvenir à des solutions durables et menacer les processus de justice transitionnelle.  De fait, a-t-il dit, une stratégie efficace pour parvenir à une paix durable consiste à traiter de manière exhaustive les causes sous-jacentes des conflits par le biais d’un ensemble de mesures de politique publique.  « L’universalité, l’interdépendance et l’indivisibilité des droits de l’homme doivent être présents dans la conception et l’exécution des programmes de justice transitionnelle », a-t-il souligné. 

Dialogue interactif

Dans le cadre du dialogue avec M. Fabian Salvioli, l’Argentine a présenté les mesures qu’elle a mises en œuvre afin d’approfondir et de consolider les politiques publiques en matière de droits de la personne, et notamment le Plan pour les droits de la personne lancé en 2017.  Elle a demandé au Rapporteur spécial d’indiquer les relations entre corruption et violation manifeste des droits de la personne dans les contextes de transition, et plus précisément quelles étaient les principales difficultés que représente la corruption dans ces contextes.

Les États-Unis ont dit appuyer les mécanismes de redevabilité judiciaire et non judiciaire, qui sont essentiels pour éviter la répétition des atrocités.  C’est pourquoi ils demandent qu’une solution politique du conflit syrien respectueuse des droits de l’homme soit trouvée pour que les responsables des violations soient traduits en justice.  Ils exhortent par ailleurs le Gouvernement du Myanmar à mettre en œuvre les recommandations de la Commission Annan et à créer les conditions du retour des réfugiés au Bangladesh.  Ils appuient la Cour pénale spéciale de la République centrafricaine pour mettre fin au cycle de violence, ainsi que les progrès réalisés par la Colombie en matière de droits de l’homme.  Les États-Unis demandent aussi au Gouvernement de Sri Lanka de continuer ses avancées dans le sens de la résolution 30/1 du Conseil des droits de l’homme.  Ils s’interrogent en fin sur les stratégies appliquées par les pays dont le Rapporteur spécial pourrait parler.

La Fédération de Russie a dénoncé les thèmes choisis par le Rapporteur spécial, estimant qu’ils étaient « intéressants mais sortent de son mandat et font double emploi avec d’autres institutions du système des Nations Unies ».  Ainsi a-t-elle mentionné, les questions de justice transitionnelle et de maintien de la paix sont, entre autres, de la responsabilité du Conseil de sécurité.

L’Union européenne est revenue sur la recommandation du Rapporteur spécial d’utiliser l’énergie créatrice des jeunes pour les processus de justice de transition.  Elle a demandé quelle démarche de cohésion pouvait être mise en place pour que les jeunes aient un rôle plus inclusif et par quelles méthodes des progrès pourraient être réalisés.  De plus, elle a noté que les voix des femmes étaient marginalisées, notamment dans la justice traditionnelle, et a donc demande comment le Rapporteur spécial envisageait d’appliquer la perspective de genre dans ses travaux.  L’Irlande a noté l’intention du Rapporteur spécial d’étudier la promotion de la réconciliation en comparant les pratiques et a demandé ce que les États peuvent faire pour l’aider. 

La Suisse a souligné la déconnexion en matière de justice transitionnelle entre ce qui est décidé à New York et sur le terrain.  Elle a voulu savoir, elle aussi, comment le Rapporteur comptait anticiper pour faire participer les jeunes, un groupe rarement inclus dans les processus de changement.  La Suisse a également évoqué le lien entre la justice transitionnelle et les atteintes aux droits économiques, sociaux et culturels souvent causes de profonds conflits et est le domaine de la justice transitionnelle le plus sous-développé, et invité le Rapporteur à explorer cette question dans le cadre du Programme 2030. 

La République arabe syrienne a rejeté en bloc les affirmations des États-Unis à son propos et appelé ce pays à mettre fin à ses « opérations criminelles », contre les civils en Syrie, dans le cadre de l’Alliance internationale. 

Réponses

Dans ses réponses, M. FABIAN SALVIOLI a insisté sur le devoir de mémoire dans les plans nationaux établis dans le cadre de la justice transitionnelle.  Le Rapporteur spécial a ensuite estimé que la corruption, en tant que violation des droits de la personne et ce qu’elle représente pour les institutions de l’État, nuisait de façon transversale aux droits dans leur ensemble.  « Il est important de voir que le Conseil des droits de l’homme a commencé à se pencher sur son impact sur l’administration de la justice », a-t-il fait observer.  Il a cité, à cet égard, les procédures mises en place par le Guatemala, les qualifiant d’exemples de bonnes pratiques.  Il a dit avoir l’intention d’approfondir cet aspect, l’année prochaine, dans le cadre des questions thématiques. 

M. Salvioli a dit partager l’avis de certaines délégations s’agissant de la responsabilisation et tout ce qui relève des commissions de vérité.  Celles-ci sont fondamentales, a-t-il insisté.  S’agissant des stratégies de justice transitionnelle, les procédures suivies à cet égard ne sont pas « forcément linéaires » et connaissent parfois des « rebondissements ».  Là aussi, il faut s’inspirer des bonnes pratiques, mais le Rapporteur spécial a dit ne pas vouloir sélectionner un processus en particulier, estimant que chaque État avait ses particularités.  Il a toutefois proposé d’offrir son assistance technique aux États qui le souhaitent. 

M. Salvioli a tenu, en outre, à rassurer la Troisième Commission sur son mandat, soulignant n’avoir nullement l’intention de se pencher sur des questions qui relèvent d’autres organes.  Cependant, a-t-il poursuivi, fonctionner de manière illogique n’est pas non plus productif et, dans certains cas, il est raisonnable de coopérer car certaines questions ne peuvent être dissociées. 

Enfin, revenant sur la participation des jeunes dans les processus de justice transitionnelle, le Rapporteur spécial a jugé cette approche fondamentale et a invité à adopter des approches holistiques.

Déclaration liminaire

M. VICTOR MADRIGAL-BORLOZ, Expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, a présenté son rapport en rappelant que, chaque jour, des personnes transsexuelles et de genre divers étaient victimes de violences à des niveaux offensants pour la conscience humaine.  Chaque jour, ces personnes sont massivement et de manière disproportionnée victimes de meurtres, de passages à tabac, de tortures et de mauvais traitements, de viols et d’autres abus sexuels, le tout résultant de la « transphobie », a souligné l’Expert indépendant.  Il a précisé que ces personnes étaient aussi fréquemment victimes de menaces, de coercition et de privation arbitraire de liberté, y compris d’incarcération forcée en établissement psychiatrique.

Observant qu’un projet non gouvernemental avait recensé 325 assassinats de personnes transsexuelles et de genre divers, l’an dernier, et que des sources similaires faisaient état de 2 609 meurtres depuis 2008, M. Madrigal-Borloz s’est dit certain que « ce n’est que la partie visible de l’iceberg, en raison du manque d’informations et de recueil de données appropriées ».  À ses yeux, ce manque de données appropriées est, en soi, le résultat de la transphobie et de la dévaluation de la vie des femmes et des hommes transsexuels.  Il s’ensuit que, dans la plupart des cas, il existe un lien entre ces violations et la responsabilité de l’État, a-t-il expliqué.

En règle générale, a poursuivi l’Expert indépendant, et à quelques exceptions près, les personnes transsexuelles et de genre divers sont victimes de violence et de discrimination dès leur plus jeune âge et sont prises dans une spirale d’exclusion et de marginalisation.  Elles sont souvent brimées à l’école, rejetées par leur famille, poussées dans la rue et se voient refuser l’accès à un emploi légal.  En conséquence, et pour survivre, elles doivent s’appuyer sur des économies informelles, y compris le travail du sexe, et faire face à une situation économique extrêmement difficile.  À cet égard, a-t-il noté, les personnes de couleur diverse et transsexuelles, les minorités ethniques, les migrants et les travailleurs du sexe sont particulièrement vulnérables.

Pour briser ces cycles de violence, il est impératif que la communauté des nations soit sensibilisée et résolue à s’acquitter de son devoir de protéger la vie des personnes transsexuelles et de genre divers, a fait valoir M. Madrigal-Borloz.  « Ces mesures ne peuvent être différées », a-t-il insisté, constatant toutefois que la grande majorité des personnes transsexuelles et de genre divers dans le monde n’ont pas accès à la reconnaissance du genre par l’État.  Elles vivent donc dans un vide juridique où la stigmatisation et les préjugés créent un climat qui encourage et récompense tacitement les actes de violence et de discrimination perpétrés à leur encontre.  La persécution est également facilitée par le recours à des lois ou règlements qui criminalisent les personnes en fonction de leur identité ou de leur expression, a-t-il déploré. 

Même lorsque les États reconnaissent l’identité de genre des personnes transsexuelles, ils imposent souvent des conditions abusives, telles que des diagnostics de santé mentale, des traitements et procédures forcés ou involontaires qui peuvent entraîner une douleur et une souffrance physique et mentale graves et permanentes, et à des souffrances qui violent le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a précisé l’Expert indépendant.  De même, a-t-il insisté, les exigences en matière de stérilisation violent l’intégrité physique, l’autodétermination et la dignité humaine des personnes transgenres.  Ils détruisent également les projets de vie, comme c’est le cas lorsque le divorce est demandé.  De plus, les enfants sont souvent exclus de la reconnaissance du genre, ce qui entraîne un risque accru de persécution, d’abus, de violence et de discrimination. 

Pourtant, les États ont le pouvoir de mettre fin aux épreuves auxquelles sont confrontées des personnes transsexuelles et de genre divers, a soutenu l’Expert indépendant.  Son rapport, a-t-il relevé, met en lumière les principales décisions d’organes internationaux et régionaux et les mesures efficaces prises par toutes les branches de l’État pour lutter contre la violence et la discrimination sur la base de l’identité de genre, y compris des mesures visant à garantir le respect de cette identité.  Ces mesures vont de la « dépathologisation » des identités transsexuelles à la reconnaissance juridique de l’identité de genre.  Elles incluent l’impératif immédiat d’éliminer les exigences abusives pour une telle reconnaissance, a-t-il conclu, encourageant les États à s’inspirer des développements positifs, aux niveaux mondial, régional et national, mis en évidence dans son rapport. 

Note sur la Dépathologisation

En juin 2018, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a publié sa nouvelle classification internationale des maladies (ICD-11), qui sera présentée à l’Assemblée mondiale de la santé pour adoption en juin 2019 et devrait entrer en application en 2022.  Dans ce cadre, ce que l’OMS appelle la « non-cohérence de genre » a été transférée de la liste des troubles mentaux à celle de la santé sexuelle.  « Bien qu’il soit désormais prouvé qu’il ne s’agit pas d’un trouble mental, et que la classifier ainsi peut entraîner une stigmatisation énorme pour les personnes trans, la transidentité implique des besoins en santé sexuelle qui peuvent être mieux pris en charge si elles restent dans cette seconde liste », expliquait l’OMS lors de la publication.

Dialogue interactif

Dans le cadre du dialogue avec M. Victor Madrigal-Borloz, le Costa Rica a insisté sur le fait que le genre était une composante de l’identité et que les personnes transgenres souffraient du déni de leurs droits et de discriminations.  Il a indiqué avoir éliminé les indications du sexe de naissance dans les documents d’identité pour éviter la stigmatisation.  L’Argentine a rappelé que le soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme était un moment fondamental pour se rappeler que nous sommes tous égaux en droit.  Elle a demandé quels étaient les obstacles les plus difficiles à surmonter pour la population transsexuelle.

Le Mexique, qui reconnaît le caractère constructif et équilibré du rapport de l’Expert indépendant, a appelé à se pencher sur les causes sous-jacentes à la discrimination et la violence et s’est élevé contre les discours de haine.  II a voulu savoir quelles étaient les expériences en matière de dépathologisation.  À cet égard, le Brésil a salué la dépathologisation du genre, qui représente une amélioration du traitement des personnes transsexuelles.  Il estime que les traitements imposés de chirurgie ou autres peuvent constituer des violations des droits de l’homme.

El Salvador a souligné l’existence dans le pays d’un département consacré à cette problématique.  Les défis sont nombreux mais « nous restons attachés aux droits fondamentaux et à l’identité » des personnes LGBTI, a ajouté El Salvador, pays qui appuie la diversité et insiste pour défendre la communauté LGTBI.  Pour l’Uruguay, il faut continuer à mener des campagnes de sensibilisation aux violences à l’encontre de la communauté LGTBI.  Il souhaite avoir plus d’indications de la part de l’Expert indépendant sur ses visites récentes.  Tout en renouvelant son engagement, la Colombie s’est dite favorable à la création d’un espace pour un dialogue constructif visant à surmonter les divergences sur ces questions.  Pour elle, la pleine jouissance des droits fondamentaux est une question transversale qui commence à la maison.

L’Union européenne a expliqué que les notions d’identité sexuelle variaient d’un pays à l’autre et s’est déclarée très préoccupée par les violences menées sur cette base.  Elle a reconnu l’importance de la dépathologisation des comportements transgenre par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).  Elle a enfin demandé quelles influences avaient les sociétés lorsqu’elles reconnaissaient la diversité dans les cultures.

Au nom d’un groupe de pays d’Europe du Nord, la Suède a expliqué que le droit à être reconnu en tant qu’être humain exceptionnel faisait partie des droits fondamentaux et que le genre faisait partie de l’identité.  Pour ce groupe, la violence transphobe existait partout.  Pour y faire face, l’égalité devant la loi est certes essentielle, mais il faut aussi que les lois soient appliquées.  La Suède a demandé quelles étaient les meilleures pratiques pour que les mesures légales et autres soient efficaces pour réduire la violence transphobe.  L’Islande s’est, pour sa part, félicitée d’être à la tête de l’indice d’acceptation sociale des LGTBI selon une étude menée, en 2017, par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et a expliqué qu’une loi sur la reconnaissance des LGTBI était en cours de rédaction dans le pays.  Elle a demandé à l’Expert indépendant de préciser ce qu’il considère comme étant les barrières structurelles les plus communes auxquelles fait face la communauté LGTBI.

La France a déploré que la vie des personnes LGTBI soit parfois menacée.  Après avoir salué la décision de l’Inde de dépénaliser les relations homosexuelles consenties, elle a demandé quelles stratégies étaient les plus efficaces pour élargir le mouvement de dépénalisation des relations homosexuelles consenties sans créer de réactions violentes dans les pays concernés.  L’Allemagne encourage les États à reconnaître l’identité de genre dans le contexte de l’identité et rappelle que les gouvernements ont l’obligation de respecter les droits de l’homme de toutes les personnes, y compris LGTBI.  Elle salue, elle aussi, la dépénalisation de l’homosexualité en Inde, comme à la Trinité-et-Tobago, mais déplore qu’un tiers de la population dans le monde continue à vivre dans des pays qui pénalisaient les personnes LGTBI.  Elle a enfin demandé comment les militants LGTBI pouvaient être mieux protégés et leur travail favorisé.

L’Espagne a salué les avancées en matière de « dépathologisation de ces communautés » et souligné les progrès accomplis par son pays en matière de droit d’accès de cette communauté à la reproduction assistée.  L’Irlande a mentionné la nouvelle loi adoptée dans le pays sur l’identité de genre, qui prévoit notamment un nouveau certificat de naissance reflétant ce changement.

Les Pays-Bas ont noté que la tendance n’était pas positive partout et qu’il était nécessaire de poursuivre les efforts.  Ils ont demandé comment la question de la reconnaissance de l’identité de genre était liée aux droits égaux sur la base de l’identité sexuelle.  La Belgique est convaincue qu’une attention particulière contribuerait à la lutte contre les violences à l’égard de la communauté LGBTI.  En Belgique, les violences fondées sur le genre sont interdites par la loi et une loi a été amendée pour permettre aux personnes transgenres de modifier leur identité de genre sans passer par un traitement médical.  La Belgique s’interroge en outre sur le rôle de la société civile.

Pour la Slovénie, les personnes transgenres font face à des violences car la diversité sexuelle reste stigmatisée du fait que les normes sont différentes selon les pays.  La question de l’identité de genre est souvent associée à la race ou la religion et ces associations contribuent encore plus à la marginalisation.  Elle a voulu savoir comment faire face à l’exclusion de ces personnes?

Le Royaume-Uni a rappelé que les droits fondamentaux étaient universels et devaient s’appliquer à tous.  Il s’est préoccupé du discours anti-droits de certains dirigeants et a demandé quelles étaient les méthodes recommandées pour examiner cela en vertu des discours de haine.

La Géorgie a condamné la discrimination de facto contre les populations LGBTI.  Elle suggère d’adopter des lois et décisions appropriées et d’assurer la participation de la société civile et des communautés concernées et appuie les recommandations sur l’élimination de la stigmatisation sociale associée à la diversité.  La Géorgie, qui attend le rapport et les recommandations de l’Expert indépendant à la suite de sa visite, a regretté qu’il n’ait pas eu l’occasion de se rendre dans les zones occupées pour évaluer la situation.  Elle aimerait savoir quel serait l’âge optimal pour un enfant pour changer son identité de genre?

L’Albanie a regretté qu’encore 70 pays criminalisent l’orientation sexuelle, estimant que de telles pratiques ne renforcent pas l’état de droit et ne font que légitimer la haine face à la différence.  L’Albanie est en train de mettre en place un plan d’action national pour les personnes LGBTI.

La Nouvelle-Zélande a dénoncé les violences physiques et psychologiques que subit la communauté LGTBI, dont elle juge le niveau très préoccupant.  Elle exhorte les États Membres à condamner tous les actes de violence.  L’Australie a souligné son attachement à cette question, qui est au « cœur de notre croyance profonde » pour les droits de toutes les personnes.  Elle reconnaît toutefois que, dans le pays, la population LGBTI est sujette à davantage de violences et compte réagir face à cette tendance.  Le Canada a dit pouvoir comprendre que le sujet puisse être sensible pour certains États, mais ces derniers n’en devraient pas moins combler les lacunes législatives ou autres dans le cadre de la reconnaissance du genre.  Le Canada a souhaité que l’Expert indépendant présente des exemples de campagnes d’éducation et de sensibilisation visant à changer les attitudes face à la diversité de genre qui ont été couronnées de succès.

Les États-Unis ont demandé quelles mesures pouvaient être adoptées pour débattre avec la Fédération de Russie des questions de violence et de disparitions forcées de personnes LGTBI.

Enfin, l’Afrique du Sud a souligné que la Constitution de son pays repose sur le respect de la dignité humaine et du respect de la diversité des personnes.  C’est aussi un pilier de sa politique nationale et internationale.  Elle a appelé à lutter contre la stigmatisation et a demandé davantage de précisions sur la position de l’Expert indépendant, s’agissant de la collecte des données ventilées par sexe.

Réponses

Dans ses réponses, M. VICTOR MADRIGAL-BORLOZ s’est dit « touché » par le débat qui l’encouragera à pousser la réflexion et la façon d’aborder la question dans le futur.  Il a relevé quatre préoccupations exprimées par les délégations relatives à son mandat, aux bonnes pratiques, à l’identité et au rôle de la société civile.  Il a observé une certaine souplesse s’agissant de la notion d’identité de genre et a salué l’Uruguay pour avoir adopté une législation dans ce domaine.

Quant aux nombreux défis, M. Madrigal-Borloz a rappelé qu’il les avait présentés devant le Conseil des droits de l’homme.  Il a notamment mentionné la pénalisation de la transidentité, parfois passible de la peine de mort.  Il existe « une relation inextricable entre la pénalisation et l’incapacité des États » à agir sur cette question, a estimé l’Expert indépendant, qui a noté un contexte délicat pour la mise en œuvre de stratégies particulières, relevant des considérations d’ordre politiques.  M. Madrigal-Borloz a salué, à cet égard, l’approche de son prédécesseur qui semble « procéder d’un certain mérite ».  À ses yeux, il faut identifier si les violences ou discriminations découlent du système judiciaire ou de politiques publiques.

S’agissant de la collecte des données soulevées par l’Afrique du Sud, M. Madrigal-Borloz a estimé pour l’heure qu’il est impossible d’envisager des collectes exhaustives dans ce domaine. 

Quant à la question du déni de l’existence des personnes LGBTI, l’Expert indépendant a rappelé avec vigueur que ces personnes existent bien dans le monde entier.  Tout déni revient à tourner le dos à des obligations internationales.  Quant à la question du dialogue, il a fait part de sa détermination -figurant d’ailleurs dans son mandat- à dialoguer avec toute personne prête à le faire.  Il a reconnu ne pas « avoir de mécanismes diplomatiques » mais a ajouté qu’il travaillait en fonction de ses moyens et s’est dit attaché à une écoute attentive.

S’agissant des pratiques optimales, l’Expert indépendant a invité les délégations à se référer à son rapport.  Il s’est inscrit en faveur d’une campagne d’éducation et exhorté à la protection des personnes transgenres, ce qui aura un impact direct sur leur espérance de vie.  L’espérance de vie d’une femme transgenre est de 35 ans, a-t-il fait observer.

M. Madrigal-Borloz a aussi insisté sur le rôle de la société civile qui figure parmi ses pratiques optimales, et la participation de la communauté LGBTI, car ce n’est qu’avec elle que l’on pourra « mieux comprendre la situation » de ses membres, ainsi que sur le devoir fondamental des États d’éviter toute régression à cet égard.

Pour finir, l’Expert indépendant a salué la Géorgie pour son « excellente collaboration » lors de sa visite dans ce pays, ainsi que les pays comme l’Uruguay, le Mozambique, l’Ukraine et Sri Lanka, dans lesquels il se rendra prochainement.

Déclaration liminaire

Mme AGNÈS CALLAMARD, Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a tout d’abord fait valoir que, comme l’est intitulé son rapport, « sauver des vies n’est pas un crime ».  En effet, a-t-elle noté, on trouve trace d’actions humanitaire prises par des particuliers ou des organisations depuis des centaines d’années.  Diverses convictions, croyances et cadres moraux ont façonné ce qui apparaît aujourd’hui sous le régime humanitaire moderne, a-t-elle relevé, ajoutant que de telles interventions étaient aussi nécessaires aujourd’hui qu’elles l’avaient été au cours de l’histoire de l’humanité, qu’il s’agisse d’assister les victimes de conflits, de venir en aide aux millions de personnes en mouvement ou d’offrir des services aux communautés laissées-pour-compte, isolées ou stigmatisées. 

De l’avis de la Rapporteuse spéciale, ces acteurs et les mesures de sauvetage qu’ils prennent aident également les États à s’acquitter de leurs obligations en matière de droits de l’homme.  À cet égard, a-t-elle souligné, le droit de ne pas être arbitrairement privé de la vie est un droit fondamental et universellement reconnu, applicable à tout moment et en toutes circonstances, y compris en période de conflit armé et dans d’autres situations d’urgence.  Les États doivent par conséquent s’abstenir de tout acte constitutif de privation arbitraire de la vie et prendre des mesures pour prévenir les menaces prévisibles à la vie émanant d’autorités de l’État ou d’acteurs privés.  « Ce droit suprême doit être maintenu sans aucune forme de discrimination », a insisté Mme Callamard.

De même, dans les situations de conflit armé, le droit international humanitaire impose clairement à toutes les parties de protéger les acteurs humanitaires non seulement contre les attaques, mais aussi contre le harcèlement, l’intimidation et l’entrave à l’accès aux populations dans le besoin, a poursuivi la Rapporteuse spéciale, ajoutant qu’aucune partie au conflit ne pouvait refuser arbitrairement son consentement à des offres de services humanitaires légitimes.  De plus, a-t-elle rappelé, en vertu du droit international des droits de l’homme, les États ont « l’obligation positive de rechercher et de faciliter l’action humanitaire et l’obligation négative de ne pas l’empêcher ».

Pour Mme Callamard, ces interventions vitales sont aujourd’hui menacées.  La « portée excessive » des mesures demandées par le Conseil de sécurité aux États Membres pour lutter contre le terrorisme ainsi que l’absence d’une définition du terrorisme à l’échelle mondiale ont eu pour conséquence qu’un large éventail d’actes humanitaires sont qualifiés de mesures de soutien au terrorisme.  D’autre part, pour protéger leurs pays de la migration irrégulière, les États dissuadent les services humanitaires pour les migrants aux frontières de mener des missions de sauvetage et d’assistance, violant ainsi leur obligation de prévenir, combattre et éliminer la privation arbitraire de la vie.  Enfin, a-t-elle observé, la fourniture de services humanitaires aux femmes et aux filles, ainsi qu’aux populations LGBTI, a également été criminalisée, découragée ou stigmatisée.

Parmi les recommandations contenues dans son rapport, Mme Callamard a cité la nécessité pour le Conseil de sécurité d’adopter des résolutions excluant expressément les actions humanitaires du champ de la lutte contre le terrorisme, y compris des sanctions.  De plus, les États devraient clairement et sans ambiguïté exempter les actions humanitaires de leurs lois et mesures antiterroristes, comme certains ont commencé à le faire.  Ils devraient également supprimer tous les obstacles à la fourniture de soins de santé complets en matière de sexualité et de procréation, y compris des services d’avortement médicalisé, et prendre toutes les mesures raisonnables pour permettre aux prestataires de soins de faire leur travail sans ingérence ni restriction indues, a-t-elle plaidé, exhortant chacun à mettre fin aux « inacceptables limitations imposées aux actes de solidarité, petits ou grands, organisés ou spontanés », car ils contribuent à rendre notre monde plus sûr.

Dialogue interactif

Dans le cadre du dialogue avec Mme Agnès Callamard, la Fédération de Russie a regretté que, pour « une énième fois » la Rapporteuse spéciale ait préféré se concentrer sur des thèmes « ne faisant pas partie de son mandat ».  Elle a également estimé que « beaucoup de parties du rapport étaient inventées et sans aucune justification juridique ».  En ce qui concerne la sécurité du personnel humanitaire, elle a expliqué que, sans douter du rôle essentiel des États dans leur protection, il ne fallait pas oublier que les travailleurs humanitaires devaient aussi respecter la souveraineté et les lois des pays dans lesquels ils opèrent.  Demandant, elle aussi, à la Rapporteuse spéciale de respecter les limites de son mandat, l’Arabie saoudite en a rejeté les recommandations.

La France a rappelé que les gouvernements avaient l’obligation de protéger le droit à la vie.  La France considère en ce sens que le respect du droit à la santé, y compris sexuelle et reproductive, doit être assuré en toutes circonstances.  Elle déplore donc toute entrave à la fourniture de services de santé sexuelle et reproductive tels que la contraception, le traitement du VIH/sida ou encore l’avortement, car ces entraves contribuent à augmenter le taux de décès évitables.  La France a demandé à la Rapporteuse spéciale quelles mesures elle préconisait pour que le droit des prestataires de santé sexuelle à exercer leurs fonctions sans intimidation puisse être mieux protégé.

La Nouvelle–Zélande a expliqué que 130 millions de personnes avaient besoin d’aide et de protection et s’est déclarée préoccupée du déni d’aide humanitaire.  Pour la Nouvelle-Zélande, les fournisseurs d’aide humanitaire ne devraient pas avoir à se retrouver face à un dilemme consistant à, soit diminuer leur offre de services soit voir leurs financements diminuer.  Elle s’est félicitée de l’adoption de la résolution du Conseil des droits de l’homme qui exhorte les États à faire en sorte que les lois sur la santé sexuelle et reproductive soient conformes aux droits de l’homme.  Elle a enfin demandé quels étaient les plus grands défis pour que les organisations humanitaires ne soient pas empêchées de fournir ces services qui sauvent des vies.

L’Australie a fait état de ces lois qui contiennent des sauvegardes pour protéger les acteurs humanitaires.  El Salvador a également fait état des mises en œuvre dans le pays pour protéger les groupes les plus vulnérables de la population et a expliqué son attachement à la jouissance des droits et libertés fondamentales.

Pour le Brésil, la migration ne devrait pas être considérée comme une menace ou un état d’urgence qui empêcherait les États d’appliquer le droit international, surtout lorsque les normes comme le droit à la vie est menacé.  Le Brésil rejette en outre la criminalisation des migrants réguliers et demande à la Rapporteuse spéciale de préciser quelles mesures pratiques les États peuvent prendre pour protéger les groupes fournissant ces services aux migrants. 

Le Mexique s’est attaché à l’importance de la pénalisation des féminicides et autres crimes liés au genre.  Il a demandé quelles étaient les mesures à prendre pour faire face au problème des violences faites aux femmes en situation vulnérable.

L’Islande est revenue sur l’assassinat du journaliste saoudien Khashoggi et a dit appuyer la demande d’une enquête indépendante.  Elle a demandé à la Rapporteuse spéciale ce qu’une telle enquête devrait faire.  L’Islande aimerait aussi savoir si la Rapporteuse spéciale a envisagé d’enquêter sur la situation au Yémen.  Les États-Unis ont, eux aussi, évoqué l’assassinat de Jamal Khashoggi et ont demandé une enquête impartiale.  Les États-Unis sont en outre préoccupés par le fait que les crimes extrajudiciaires sont des pratiques courantes dans de nombreux pays.  Ils ont demandé à la Rapporteuse spéciale comment les États pouvaient mettre mieux en œuvre les mécanismes pour éviter les récurrences de ces pratiques.

L’Iraq a défendu l’existence de la peine de mort dans le pays en expliquant qu’elle n’était appliquée que pour les crimes les plus graves, en vertu du droit souverain garanti par l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  En outre, il existe de nombreuses garanties pour protéger les droits avant d’appliquer la sentence en cas de condamnation à mort.

Pour la Suisse, assurer la sécurité de l’État est légitime mais lesdits États ne sauraient utiliser la lutte contre le terrorisme pour ne pas respecter leurs obligations vis à vis des droits de l’homme.  La Suisse exhorte les États à s’assurer que les activités des organisations humanitaires ne soient pas criminalisées et s’inquiète de ce que de nombreux acteurs humanitaires connaissent des difficultés du financement.

L’Union européenne a demandé à la Rapporteuse spéciale si elle pouvait indiquer ses priorités pour les mois à venir et les éventuelles visites prévues dans les pays.

Réponses

Dans ses réponses, Mme AGNÈS CALLAMARD a souligné que le point de départ dans le contexte de ses travaux est la victime.  La Rapporteuse spéciale met au cœur de son action la question relative à la protection des victimes, tout comme les programmes des Nations Unies.  Insistant sur le lien humanitaire, elle a invité les délégations à lire son rapport au côté des rapports précédents de ses prédécesseurs.  Si certains pensent qu’elle s’écarte de son mandat, celui-ci repose fermement sur les analyses et travaux de ses cinq prédécesseurs, a-t-elle insisté.  Si son rapport a accordé une grande importance à la dimension juridique, c’est que cet aspect se rattache au potentiel des exécutions arbitraires.

S’agissant des obstacles et défis, Mme Callamard a longuement évoqué les problèmes auxquels se heurtent les agents humanitaires.  D’abord, ces personnes sont ciblées sur le terrain par les parties au conflit.  Ensuite, sur le plan des normes, elle voit le monde avancer dans une direction « nocive », sous divers prétextes, tels que la lutte contre le terrorisme ou d’autres.  Il y a une « normalisation de la criminalisation » des personnes qui tentent de sauver les vies, a-t-elle dénoncé.

C’est pourquoi la Rapporteuse spéciale a exhorté la communauté internationale, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité à agir à cet égard.  Elle a expliqué qu’elle ne faisait ici que souligner la mise en œuvre du respect des obligations faites aux États et conformes au travail humanitaire.  Car, a-t-elle poursuivi, lorsque l’on empêche les travailleurs humanitaires d’accomplir leur tâche, les populations deviennent doublement victimes.  Cette dynamique complexe doit être prise en compte, a-t-elle insisté.  C’est pourquoi aussi Mme Callamard demande l’adoption de mesures claires.  Elle juge en effet qu’il faut impérativement progresser sur ces questions.

En réponses aux références faites au journaliste saoudien Jamal Khashoggi, la Rapporteuse spéciale a fait observer que dire que cet assassinat relève de la portée de son mandat n’est pas une « observation personnelle ».  Il s’agit là d’une « exécution arbitraire où des représentants d’un État sont impliqués », a-t-elle insisté.  « Je ne sais pas de qui il s’agit », a-t-elle ajouté, mais, au vu de la nature internationale du crime commis, de l’identité de la victime, du fait que plusieurs pays sont impliqués et que les assassinats de journalistes constituent une priorité majeure pour les États Membres, Mme Callamard a estimé qu’une « enquête internationale » permettrait d’avancer pour « refuser et rejeter » ce type d’exécution.  La Rapporteuse spéciale a suggéré, pour finir, la mise en place d’« un mandat pour passer en revue les éléments de preuve » collectés par la Turquie et l’Arabie saoudite.  À cette fin, elle a préconisé la constitution d’une équipe d’experts mandatée par la communauté internationale.

Déclaration liminaire

M. DAVID BOYD, Rapporteur spécial sur la question des obligations relatives aux droits de l’homme se rapportant aux moyens de bénéficier d’un environnement sûr, propre, sain et durable, a présenté un rapport dans lequel il explique pourquoi, à ses yeux, il est temps que les Nations Unies reconnaissent le droit fondamental à un environnement sûr, propre, sain et durable.

Déplorant que les sociétés humaines soient la cause de dégradations environnementales sans précèdent et que l’humanité ait excédé un nombre de limites essentielles à la vie humaine et à la planète Terre, le Rapporteur spécial a notamment rappelé que les taux de dioxyde de carbone dans l’air s’élevaient à des niveaux sans précédent, entraînant les changements climatiques, et que le taux d’extinction des espèces était 100 fois supérieur à la normale.

L’Organisation mondiale de la Santé attribue près d’un quart de la charge mondiale de la morbidité à « l’exposition à des risques environnementaux dans l’air que nous respirons, dans l’eau que nous buvons, dans la nourriture que nous mangeons et dans les bâtiments dans lesquels nous vivons », a ajouté M. Boyd, alors que ceci pourrait être évité grâce à des lois, des politiques et des programmes plus sévères.

En 2012, a expliqué M. Boyd, le Conseil des droits de l’homme a créé ce nouveau mandat, qui était alors d’Expert indépendant, et placé à sa tête M. John Knox, son prédécesseur.  En 2015, le mandat a été promu au niveau de Rapporteur spécial et encore étendu en 2018.  Il a, à ce propos, noté qu’à l’époque de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, les mots « changements climatiques », « diversité biologique » et « fardeau environnemental » n’existaient pas.  Et pourtant, aujourd’hui les systèmes écologiques, la diversité biologique et les conditions de la planète, « qui sont les fondations vitales de l’existence humaine » connaissent un stress sans précédent.  « Notre dépendance à un environnement sain ne fait plus débat » a-t-il constaté.

M. Boyd a expliqué que son prédécesseur et lui-même étaient d’accord pour dire qu’il y avait un manque dans le système international des droits de l’homme et qu’il était temps que les Nations Unies reconnaissent le droit fondamental des individus à vivre dans un environnement sûr, propre, sain et durable; ce droit réunissant tous les critères établis par l’Assemblée générale régissant la proclamation de droits additionnels.  Il a fait observer que si l’ONU n’avait pas encore reconnu ce droit, certains États Membres l’avaient déjà fait et qu’il était désormais inscrit dans la Constitution de plus de 100 pays.

Pour le Rapporteur spécial, le test ultime dans l’évaluation du droit à un environnement sain consiste à savoir si ce dernier contribue à des individus et des écosystèmes sains.  Il estime à cet égard que les preuves sont sans appel, comme le montrent de nombreuses études qui concluent que la reconnaissance de ce droit aurait un impact positif direct sur les performances environnementales ainsi que sur la qualité de vie des populations les plus vulnérables.

M. Boyd a ensuite énuméré quatre approches que l’Assemblée générale pourrait utiliser pour reconnaître le droit à un environnement sain.  La première consiste en un nouveau traité international, tel que le Pacte mondial introduit par la France, l’année dernière, et qui est en cours de discussion.  La seconde serait le développement d’un protocole additionnel à un traité déjà existant tel que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.  La troisième approche serait d’adopter un nouveau pacte international pour compléter le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  Enfin, l’Assemblée générale pourrait adopter une résolution se concentrant sur le droit à un environnement sain, comme elle l’a fait pour les droits à l’eau et à l’assainissement en 2010.

Dialogue interactif

Dans le cadre du dialogue avec M. David Boyd, le Costa Rica, qui s’est présenté comme un pays confronté à de grands défis en matière environnementale, a rappelé qu’il avait déjà reconnu au niveau constitutionnel le droit à un environnement sain et équilibré et avait en outre lancé, en septembre, une initiative qui vise à promouvoir l’égalité des sexes et des droits en accord avec l’environnement.  Dans ce cadre, il aimerait savoir quels sont les avantages de reconnaître le droit à un environnement sain.  La Suisse encourage le Rapporteur spécial à présenter une analyse de la mise en œuvre des législations nationales sur la question et aimerait des précisions sur l’analogie faite dans le rapport avec le droit à l’eau potable et à l’assainissement.

L’Union européenne prête une grande importance à la promotion de tous les droits de l’homme, notamment dans ses politiques environnementales.  Ses États membres participent activement à la protection de l’environnement et ont accédé à une convention qui exige des parties qu’elles fournissent des informations à l’examen de ce droit.  L’Union européenne est disposée à participer au débat en vue d’une reconnaissance universelle du droit à un environnement sain, mais estime qu’à court terme, s’engager sur la voie d’une déclaration juridiquement contraignante ne serait pas l’idéal.  Parmi les options proposées dans le rapport, quelle serait la plus réaliste?  La France a rappelé sa proposition de texte universel et général sur la protection de l’environnement et estime qu’il pourrait ouvrir la voie à un possible pacte mondial sur l’environnement.  Elle participera aux travaux en mettant un environnement sain au cœur de ses priorités.  Elle voudrait aussi savoir quelles sont les différences entre les pays ayant intégré le droit à un environnement sain dans leur droit interne et si un instrument juridiquement contraignant pourrait contribuer à une protection effective de ce droit.

La Slovénie a relevé que beaucoup de travail a été effectué par le mandat et s’est félicitée que le dernier rapport présente des principes cadres reflétant l’importance des droits de l’homme dans le contexte de l’environnement.  Elle aimerait que le Rapporteur spécial explique comment il compte s’appuyer sur le travail effectué à Genève et à New York et quelles sont les priorités de son mandat.

La Fédération de Russie a souligné qu’un environnement sain est important pour l’exercice d’une large gamme de droits de l’homme et qu’y porter atteinte constitue une entrave aux droits à la vie, à la santé, à l’eau, à la culture et au développement.  Mais, ajoute-t-elle, il faut aussi renforcer les obligations en matière de préservation de la nature, sur la base du développement durable.  La Fédération de Russie estime en outre que le mandat de M. Boyd doublonne avec de nombreux mécanismes et organismes des Nations Unies.  Elle pense qu’il faut faire montre de prudence au sujet du projet de déclaration mondiale et comprendre la différence entre le document proposé et ce qui existe déjà.

Réponses

Dans ses réponses, M. DAVID BOYD a souligné les avantages de la reconnaissance du droit à un environnement sain au sein de l’Assemblée générale.  Nous avons une expérience de plus de 40 ans et cela a permis la mise en place de législations robustes et de démontrer leur efficacité, notamment à travers une réduction des gaz à effet de serre, a-t-il plaidé.  Certes, il ne s’agit pas d’un droit de l’homme nouveau puisque le Portugal a été le premier pays à l’introduire dans sa Constitution, suivi de l’Espagne et par la suite de plusieurs autres pays.  Mais pour le Rapporteur spécial, reconnaître ce droit aura des incidences positives sur la vie quotidienne des populations.  Quant aux actuels accords multilatéraux, ils permettent de consolider et d’harmoniser les législations nationales et d’intégrer le concept des droits de l’homme à l’ensemble des accords liés à cette problématique.

S’agissant de l’avenir de son mandat, M. Boyd a indiqué qu’il entendait poursuivre sur la voie de son prédécesseur, notamment son action sur les procédures.  Il a précisé qu’il présenterait, en 2019, au Conseil des droits de l’homme un premier rapport consacré à la pollution de l’air.  Il compte aussi se pencher sur l’approche genre, identifier les bonnes pratiques et aborder la défense des défenseurs des droits de l’homme en matière de protection de l’environnement.

M. Boyd a enfin dit avoir noté, dans le cadre d’analyses et d’étude, que les États qui ont intégré le droit à un environnement sain dans leur Constitution avaient connu des avancées remarquables en matière d’environnement.  Il a rappelé qu’il avait consacré un livre à cette question, avant de conclure en qualifiant de de lacune l’absence d’un droit mondial à un environnement sain.

Déclaration liminaire

M. BASKUT TUNCAK, Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, a présenté un chiffre alarmant: plus de deux millions de travailleurs meurent chaque année de maladies professionnelles, dont près d’un million dû uniquement à l’exposition toxique.

L’exploitation des travailleurs peut revêtir des formes multiples, a expliqué le Rapporteur spécial, qui évoque cependant dans son rapport cette forme « particulièrement cruelle » qu’est l’exposition à des substances toxiques.  D’ici la fin de mon intervention liminaire -une dizaine de minutes- « environ 20 travailleurs seront morts prématurément à cause de ces expositions », a lancé M. Tuncak.

Les travailleurs ne sont toutefois pas les seuls à être exposés à des substances toxiques.  Aujourd’hui, une grande partie du monde se trouve « du mauvais côté, dans un fossé toxique », a expliqué le Rapporteur spécial.  L’exposition à la pollution est la plus grande source de décès prématurés dans les pays en développement, a-t-il ajouté, citant des estimations.  Elle tue plus de personnes que le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme réunis.  De fait, a encore fait observer le Rapporteur spécial, cette problématique demeure une crise de santé publique qui touche tous les pays, des plus riches aux moins industrialisés.

Les pédiatres décrivent aujourd’hui les enfants comme nés « pré-pollués » en raison de leur exposition très tôt à un cocktail de substances incontestablement toxiques, dont beaucoup ne seront démontrées que des années plus tard, a poursuivi M. Tuncak.  Or, cette « pandémie silencieuse » de maladies qui cause incapacités et décès prématurés est maintenant généralisée, en grande partie à cause de l’exposition des enfants pendant les périodes sensibles de leur développement.

Les maladies et les incapacités résultant de l’exposition à des substances toxiques sont cruelles, a poursuivi le Rapporteur spécial, citant les cancers ou encore la suffocation et les maladies respiratoires, sans parler des supplices psychologiques subis par la famille.  Il s’est élevé, à cet égard, contre le comportement scandaleux de certains États et entreprises, qui déploient des « efforts inimaginables pour nier » les effets sur la santé des expositions.  Parfois, dit-il, ils iront jusqu’à accuser les victimes elles-mêmes, d’avoir mal compris la notice qui parfois est libellée en langue étrangère.

Pour M. Tuncak, le plus odieux est qu’il existe presque toujours des alternatives pour prévenir ou minimiser les expositions.  Des solutions à ces abus et violations des droits de l’homme sont disponibles si les États décident de contraindre les entreprises à les adopter.

Malheureusement, au sein de la grande majorité des pays, les efforts déployés à cet égard sont manifestement insuffisants.  Le Rapporteur spécial a cité quelques cas illustrant ces faits portés à son attention ces dernières années.  Il a ainsi cité la vente de produits de consommation non testés en Corée, qui ont coûté la vie à des dizaines de nouveau-nés, de femmes enceintes et de personnes âgées.  En 2015, le nombre de décès reconnus était de 95, pour plus de 200 autres intoxiqués, mais les évaluations du nombre réel de victimes sont toujours en cours et, à ce jour, quelque 1 300 plaintes ont été enregistrées.

Le rapport mentionne également 40 000 décès prématurés, par an, dus à la pollution de l’air uniquement dans la ville de Londres et le combat d’une femme pour faire reconnaître que la pollution de l’air, qui dépasse de loin les exigences de l’Union européenne et les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a été derrière la cause du décès de sa fille de 9 ans.

Le Rapporteur spécial a également mentionné le sort tragique des familles Roms, Ashkali et égyptiennes au Kosovo, hébergées dans des camps des Nations Unies construits sur des terres toxiques entre 2009 et 2013.  Ces familles ont encore du mal à exercer leur droit à un recours effectif, a-t-il fait remarquer.  Aucun État Membre n’a contribué au fonds fiduciaire des Nations Unies créé il y a un an.

Pour M. Tuncak, ce ne sont là que quelques exemples parmi des dizaines, qui concernent des secteurs variés allant des industries extractives à la production de produits chimiques.

M. Tuncak a qualifié en conclusion de « formidable opportunité » les négociations mondiales en cours visant à élaborer le cadre mondial « post 2020 » pour les produits chimiques et les déchets toxiques.  Pour lui, c’est l’occasion de conclure un accord mondial fort pour améliorer la santé humaine en prévenant et en minimisant les expositions toxiques au niveau mondial.

Dialogue interactif

Dans le cadre du dialogue avec M. Baskut Tuncak, l’Union européenne s’est dite d’accord pour reconnaître la situation des travailleurs exposés aux produits et déchets dangereux.  Dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, l’objectif 8 vise à garantir un travail décent pour tous, a-t-elle rappelé, tout en se disant consciente des risques que les produits et déchets dangereux font courir à l’environnement et à la santé.  Se disant favorable à l’objectif du Rapporteur spécial de lancer un dialogue sur les obligations de toutes les parties, l’Union européenne lui a demandé ce qui pourrait être fait pour protéger les travailleurs de ces conditions de travail dangereuses.  Elle a aussi voulu avoir des exemples de bonnes pratiques s’agissant des recours en cas d’entraves aux droits de l’homme.

Le Japon a souhaité rectifier certains éléments du rapport de M. Tuncak concernant l’accident nucléaire de Fukushima-Dairi.  Le Rapporteur spécial n’a pas pris en compte les réponses du Japon s’agissant du risque radioactif persistant à Fukushima, a fait valoir la délégation, assurant que le pays continuait de fournir une aide au logement aux évacués, ces derniers étant libres de rentrer chez eux si telle est leur volonté.  Le Gouvernement ne force personne, a insisté la délégation.  Quant aux doses radioactives admissibles, il semble y avoir une incompréhension.  Le Gouvernement du Japon poursuit ses efforts pour atteindre l’objectif d’un millisievert.  Le Japon reproche au Rapporteur spécial d’avoir diffusé des informations incorrectes et porté atteinte à la réputation de Fukushima.

Réponses

Dans ses réponses, M. BASKUT TUNCAK a insisté sur l’importance d’informer les travailleurs sur les substances qu’ils manipulent: « ils doivent savoir à quelle substance ils sont exposés ».  Concernant les substances chimiques toxiques utilisées dans l’industrie, certaines ont été considérées comme sûres pour l’être humain, mais d’autres n’ont pas été testées à ce jour, alors que des travailleurs, y compris des femmes, continuent d’y être exposés.  S’agissant d’actions concrètes dans l’évaluation de ces substances, le Rapporteur spécial a salué l’action de certains pays de l’Union européenne qui ont entamé une telle évaluation.

Pour ce qui est de donner son consentement avant l’utilisation de certaines substances, M. Tuncak a répondu qu’il était difficile à un travailleur de condition modeste, dont l’unique besoin est de nourrir sa famille, de le refuser si on le lui demandait.  Quant au recours, la meilleure pratique consiste à établir un lien de cause à effet, a estimé le Rapporteur spécial.  À cet égard, le cas de l’amiante est riche en enseignements.

M. Tuncak a par ailleurs invité le Japon à appliquer scrupuleusement la recommandation de la Commission internationale de protection contre les radiations (CIPR), notamment pour protéger les femmes et enfants exposés aux radiations lors de la catastrophe de Fukushima.  Il a, pour finir, repris à son compte les appels à une reconnaissance universelle d’un environnement propre, sain et durable car lors de ses visites sur le terrain, « cela lui a semblé ne pas être un droit mais plutôt un privilège ».

Déclaration liminaire

M. RUDDY JOSÉ FLORES MONTERREY, Rapporteur-Président du Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur une déclaration des Nations Unies relative aux droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, a présenté le rapport de la cinquième session de son organe au Conseil des droits de l’homme.  Ce Groupe de travail, a-t-il précisé, a été constitué pour négocier, conclure et soumettre au Conseil un projet de « Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales ».

Au cours de la cinquième session, qui s’est tenue du 9 au 13 avril, la version révisée du projet de déclaration a été négociée dans un environnement constructif, inclusif et transparent, a-t-il indiqué, ajoutant que, dans une déclaration liminaire, la Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme avait souligné qu’il était urgent que le Groupe de travail achève ses travaux afin de répondre au manque de protection qui touche plus d’un milliard de personnes.  Soulignant que les petits agriculteurs fournissent une grande partie de la nourriture consommée localement (80% en Asie et en Afrique subsaharienne, alors que 80% de la population mondiale souffrant de la faim vit dans des zones rurales), elle a jugé que la seule façon de les inclure était de ne jamais les laisser pour compte, a rapporté M. Flores Monterrey en la remerciant.

Outre le résumé des discussions, le rapport contient en annexes les propositions spécifiques reçues dans les délais convenus, a indiqué M. Flores Monterrey.  Dans ses conclusions, le Groupe de travail a exprimé ses préoccupations concernant la situation des droits de l’homme des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales.  Il a reconnu leurs contributions à la lutte contre la faim, à la préservation et à l’amélioration de la biodiversité, soulignant la nécessité de respecter, promouvoir, protéger et réaliser leurs droits fondamentaux.  Les recommandations comprennent la présentation pour approbation du projet de déclaration à la trente-neuvième session du Conseil des droits de l’homme, tenue en septembre dernier, conformément au mandat du Groupe de travail, a précisé le Président-Rapporteur.

En vertu du mandat donné et sur la base des propositions de texte reçues et des dizaines de consultations informelles tenues avec toutes les parties intéressées, la présidence a distribué une version révisée du projet de déclaration aux missions permanentes en août.  Cette version révisée cherchait à intégrer les différents points de vue présentés, tout en maintenant l’objectif de la Déclaration de répondre au mandat confié.

Le Président-Rapporteur s’est félicité que, le 28 septembre, le Conseil des droits de l’homme ait adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, par sa résolution 39/12.  Cette adoption historique est, selon lui, la reconnaissance de six années de négociations constructives, inclusives et transparentes au sein du Groupe de travail intergouvernemental.  « C’est avant tout l’expression de la volonté internationale de promouvoir l’égalité des droits et la dignité des personnes et des communautés en situation de vulnérabilité, en particulier de celles qui nous fournissent de la nourriture dans le monde », a-t-il soutenu, ajoutant que, dans sa résolution, le Conseil des droits de l’homme recommandait à l’Assemblée générale d’adopter la Déclaration et invitait tous les gouvernements, organisations internationales et autres parties concernées à la diffuser et à en promouvoir le respect universel.

« Protéger les droits des personnes qui vivent et travaillent dans les zones rurales, c’est protéger la principale source de nourriture dans le monde, c’est protéger la biodiversité dont dépendent les systèmes alimentaires, c’est protéger les emplois et les moyens de subsistance de millions de familles, c’est promouvoir la durabilité environnementale, la résilience et l’adaptation aux changements climatiques, et surtout promouvoir l’égalité des droits », a-t-il conclu.

Dialogue interactif

Dans le cadre du dialogue avec M. Ruddy José Flores Monterrey, la Bolivie a souligné que les paysans étaient essentiels pour assurer la sécurité alimentaire, lutter contre les changements climatiques et protéger la biodiversité.  La Déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales est le produit de plusieurs années de travail et d’un consensus entre les États, les organisations intergouvernementales, les organisations non gouvernementales, la société civile et les institutions nationales des droits de l’homme, a-t-il souligné.  Pour la Bolivie, la Déclaration est peut-être une étape significative dans la reconnaissance de l’apport des paysans à l’humanité.  C’est aussi une excellente occasion de défendre l’égalité des droits.  La Bolivie présentera un projet de résolution portant sur cette Déclaration au cours de la session. 

Observant que 90% des personnes qui connaissent la pauvreté extrême vivent en zones rurales et que la majorité d’entre elles sont des paysans, Cuba a encouragé les différentes parties à contribuer au processus en faveur de la reconnaissance des droits des paysans.  Cuba salue l’adoption par le Conseil des droits de l’homme de la résolution 39/12, dont il est coauteur, et encourage les États Membres à apporter leur soutien à la Déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales.

L’Indonésie a indiqué qu’assurer les moyens de subsistance des paysans et des personnes vivant dans les zones rurales constituait une priorité nationale.  C’est pourquoi le pays s’est porté coauteur de la résolution sur ce thème adoptée l’an dernier au Conseil des droits de l’homme.  Le Gouvernement a aussi contribué au projet de déclaration à Genève, lequel est en phase avec ses législations et stratégies nationales.  L’Indonésie souligne, d’autre part, que sa Constitution dispose que les terres, les eaux et les ressources naturelles doivent relever de l’État et bénéficier aux populations.  En dépit de son appui à la Déclaration, l’Indonésie a dit vouloir examiner encore la définition des droits énoncés et la nature évolutive de certains éléments. 

L’Afrique du Sud a indiqué avoir mis en place de nombreux programmes et stratégies pour soutenir sa population paysanne et assurer la sécurité de l’emploi des personnes vivant en zones rurales.  Elle a par ailleurs reconnu que la question de la propriété foncière est essentielle pour le développement socioéconomique de tous les pays.  C’est pourquoi l’Afrique du Sud a pris en compte dans sa Constitution la question de l’appropriation des terres afin de rendre justice aux paysans qui ont contribué au développement économique du pays.  Elle appuie la Déclaration.

L’Union européenne s’est déclarée vivement préoccupée par les inégalités persistantes entre les zones rurales et urbaines.  Elle a aussi réaffirmé son attachement à respecter les droits de l’homme, quel que soit le lieu de résidence et de travail.  Le plein exercice des droits de l’homme pour les personnes en zones rurales constitue une priorité de son action, a-t-elle assuré.  Toutefois, elle estime que des problèmes persistent dans le texte de la Déclaration, notamment la création de nouveaux droits humains ou collectifs.  Dans ce contexte, l’Union européenne a demandé à M. Flores Monterrey quels seraient les meilleurs moyens de dialoguer avec les paysans et personnes vivant dans les zones rurales afin d’améliorer la productivité agricole et contribuer à la sécurité alimentaire.

Réponses

Dans ses réponses, M. RUDDY JOSÉ FLORES MONTERREY a expliqué que, dans la résolution 39/12 du Conseil des droits de l’homme, des « dispositions ont été prévues pour adapter la Déclaration au développement social et à l’ordre juridique national ».  Grâce à ce processus, on est parvenu à un document équilibré, a-t-il estimé, en voyant la preuve lors de l’adoption du texte par le Conseil des droits de l’homme.

Pour M. Flores Monterrey, les paysans et les travailleurs en zones rurales constituent les groupes les plus vulnérables, notamment les femmes et les filles.  Ils méritent le soutien de la communauté internationale et cette Déclaration le leur apporte, a-t-il insisté.  Il s’est félicité que le processus ait été ouvert, car cela a permis d’intégrer diverses propositions de pays et groupes régionaux à même de garantir que les différentes visions seraient compatibles.  Cette approche a été reconnue à Genève au moment de l’adoption du texte, a-t-il insisté.  La Déclaration marque une étape, a-t-il ajouté, avant d’appeler à sa mise en œuvre au niveau national.

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