8314e séance – après-midi
CS/13428

Conseil de sécurité: le financement des opérations de paix de l’Union africaine, au cœur de son partenariat « stratégique » avec l’ONU

Au lendemain de la seconde Conférence annuelle ONU-Union africaine (UA), qui s’est tenue le 9 juillet à Addis-Abeba en Éthiopie, le Conseil de sécurité a, cet après-midi, organisé une réunion pour faire le point sur l’état de son partenariat avec cette organisation régionale à la tête de plusieurs opérations et initiatives de paix sur le continent africain, et qui est devenue, selon le Secrétaire général, le « partenaire stratégique le plus important de l’ONU ».

Ni l’une, ni l’autre de ces deux organisations ne peuvent à elles seules faire face à l’ensemble des défis à la paix et à la sécurité qui se posent en Afrique, a résumé la Représentante spéciale du Secrétaire général et Chef du Bureau des Nations Unies auprès de l’Union africaine (BNUUA), Mme Sahle-Work Zewde Zerefa.  « Par conséquent, le partenariat ne représente pas un choix, mais bien une nécessité », alors que les organisations sous-régionales sont par définition aux avant-postes des conflits potentiels.

Venue présenter le dernier rapport en date du Secrétaire général sur le renforcement du partenariat entre l’ONU et l’UA sur les questions de paix et de sécurité en Afrique, Mme Zewde Zerefa a vigoureusement plaidé pour une coopération plus étroite, déjà à l’œuvre par la multiplication des visites conjointes de hauts fonctionnaires et des réunions d’information, rapports et déclarations communs.

Lors de la deuxième Conférence annuelle ONU-UA, le Secrétaire général et le Président de la Commission de l’UA se sont d’ailleurs entendus pour systématiser les communiqués conjoints à chaque fois que possible, a-t-elle dit.  « Il a été essentiel d’instaurer la confiance, et je crois que nous avons fait d’énormes progrès à cet égard au cours de l’année écoulée », s’est félicitée la Représentante spéciale, tout en soulignant que davantage d’analyses et évaluations conjointes sont nécessaires, et que les indicateurs d’alerte rapide devraient être alignés.

Mme Zewde Zerefa a également plaidé pour que le Conseil de sécurité autorise un financement durable et prévisible, au cas par cas, des opérations de paix de l’UA, saluant à cet égard les progrès accomplis dans l’opérationnalisation du Fonds de paix de l’UA.  Renchérissant, M. Smaїl Chergui, le Commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine, a rappelé à quel point un tel financement était nécessaire.

En 2015, a-t-il précisé, l’Assemblée des chefs d’État et de gouvernement de l’UA a décidé de financer les coûts de ces opérations de paix à hauteur de 25%. Pour y parvenir, l’année suivante, l’Assemblée a décidé de doter le Fonds pour la paix consacré au continent d’un montant de 400 millions de dollars, qui sera versé par tranches jusqu’à 2021.  À l’heure actuelle, a-t-il précisé, les États membres ont déjà contribué à hauteur de 45,7 millions sur 65, témoignant de leur détermination à jouer leur rôle en faveur de la sécurité du continent.

« Nous espérons donc que cela incitera le Conseil de sécurité à faire des progrès dans son évaluation des contributions aux opérations de paix sous le leadership de l’UA », a déclaré M. Chergui qui a rappelé l’importance d’appuyer les efforts de paix en cours dans différentes situations de conflit et post-conflit, notamment en République centrafricaine, en République démocratique du Congo (RDC), dans la région des Grands Lacs, en Guinée-Bissau, au Mali et au Sahel, au Soudan du Sud et en Somalie.

Plusieurs membres du Conseil ont misé sur la douzième réunion consultative conjointe annuelle entre les membres du Conseil de sécurité et ceux du Conseil de paix et de sécurité de l’UA, prévue demain, pour aborder les défis de sécurité les plus urgents en Afrique.  Parmi eux, la Guinée équatoriale, qui s’exprimait aussi au nom des autres membres africains du Conseil que sont la Côte d’Ivoire et l’Éthiopie.

Dans ce contexte, le groupe qu’ils forment, le « A3 », espère de l’ONU, et en particulier du Conseil de sécurité, un engagement financier à la hauteur de celui déjà consenti par les États membres de l’UA, la mobilisation de 45,7 millions de dollars par les États africains cette année représentant « le niveau le plus élevé jamais atteint pour le Fonds pour la paix depuis sa création en 1993 ».

Les États-Unis en revanche se sont déclarés opposés au principe d’une contribution accrue de l’ONU aux opérations de paix de l’UA, tant que les « normes » de l’Organisation ne sont pas pleinement appliquées au sein des forces africaines.  Car dans le cas contraire, « la crédibilité » des Nations Unies serait « mise à mal », a mis en garde le représentant américain.  Il s’est toutefois félicité de la mise en place d’un mécanisme de mesure de la performance et de reddition de comptes par l’Union africaine.

COOPÉRATION ENTRE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES ET LES ORGANISATIONS RÉGIONALES ET SOUS-RÉGIONALES AUX FINS DU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES: UNION AFRICAINE (S/2018/678)

Déclarations

Mme SAHLE-WORK ZEWDE ZEREFA, Représentante spéciale du Secrétaire général et Chef du Bureau des Nations Unies auprès de l’Union africaine (BNUUA), a relevé que cette réunion du Conseil de sécurité avait eu lieu à une époque de coopération sans précédent entre l’ONU et l’Union africaine (UA), estimant que cette dernière est le partenaire stratégique le plus important de l’ONU, comme l’a dit le Secrétaire général au Conseil de paix et de sécurité de l’UA la semaine dernière.  Elle a expliqué que les deux organisations avaient donné la priorité à un partenariat stratégique basé sur le respect mutuel, des valeurs communes et des avantages comparatifs.  Les manifestations conjointes entre les deux organisations, comme la deuxième Conférence annuelle ONU-UA, qui a eu lieu la semaine dernière à Addis-Abeba, non seulement illustrent l’importance de ce partenariat mais offrent également une opportunité de discuter des moyens pour le renforcer encore davantage.

Dans le cadre de la présentation du rapport du Secrétaire général, Mme Zewde Zerefa a insisté sur le fait que ni l’ONU, ni l’UA ne peuvent à elles seules faire face à l’ensemble des défis à la paix et à la sécurité en Afrique.  « Par conséquent le partenariat entre nos deux organisations ne représente pas un choix mais bien une nécessité. »  Dans la foulée, elle a souligné le rôle des organisations sous-régionales qui sont souvent les premières à détecter les signes annonciateurs de conflits potentiels.

La Représentante spéciale a également insisté sur la nécessité de reconnaître l’impératif d’une collaboration encore plus étroite avec l’UA, même s’il y a déjà eu beaucoup de progrès dans ce domaine avec des interactions et collaborations plus fréquentes, constructives et collégiales à tous les niveaux, depuis le Secrétaire général et le Président de la Commission de l’UA jusqu’aux secrétaires généraux adjoints et commissaires de l’UA, en passant par les fonctionnaires des deux organisations.  Elle a précisé que cette collaboration devenait aussi la norme dans les missions de terrain, où les représentants spéciaux et les envoyés spéciaux des deux organisations travaillent plus étroitement ensemble et informent conjointement le Conseil de sécurité et le Conseil de paix et de sécurité de l’UA avec une fréquence croissante.  Mme Zewde Zerefa a également souligné la tendance accrue en faveur des missions conjointes sur le terrain, citant à titre d’exemple celle qui a été menée récemment par la Vice-Secrétaire générale de l’ONU et des hauts responsables de l’UA au Niger, au Tchad et au Soudan du Sud, ou encore la visite conjointe du Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix et du Commissaire à la paix et à la sécurité de l’UA en République centrafricaine et au Soudan, en avril dernier.

Pour la Représentante spéciale, le recours de plus en plus fréquent à des missions conjointes, des réunions d’information conjointes, des rapports et des déclarations conjointes illustre les progrès accomplis vers une compréhension commune des problèmes de paix et de sécurité et une approche commune pour les résoudre.  Lors de la deuxième Conférence annuelle ONU-UA, la semaine dernière, le Secrétaire général et le Président de la Commission de l’UA se sont d’ailleurs entendus pour rendre systématiques les communiqués conjoints à chaque fois que cela est possible.  « Il a été essentiel d’instaurer la confiance, et je crois que nous avons fait d’énormes progrès à cet égard au cours de l’année écoulée », a déclaré la Représentante spéciale.

Elle a également souligné l’importance de la prévention des conflits, en réagissant rapidement et de manière décisive, en collaboration avec les acteurs nationaux, y compris la société civile et les organisations sous-régionales, pour faire face aux signes précurseurs de conflit, tout en s’assurant d’une appropriation africaine de ce processus.  Cela signifie qu’il faut plus d’analyses et d’évaluations conjointes et qu’il faut aligner les indicateurs d’alerte rapide. En ce qui concerne le maintien de la paix, elle a repris les conclusions du Secrétaire général selon lesquelles il faut le repenser à travers une nouvelle initiative d’action.  Le Secrétaire général avait notamment souligné la semaine dernière à Addis-Abeba que les conflits au Mali, en République centrafricaine, en RDC et au Soudan du Sud, avec des processus de paix bloqués, une multiplicité d’acteurs, des actes tragiques de violence et un nombre croissant de victimes parmi les soldats de la paix, montrent que le modèle actuel n’est plus adapté aux défis contemporains.  Une redéfinition du partage des tâches a déjà été proposée par le Secrétaire général afin de miser davantage sur la coopération avec les organisations régionales et de clarifier les mandats des opérations de paix.

Enfin, la Représentante spéciale a plaidé pour que le Conseil de sécurité autorise un financement durable et prévisible, au cas par cas, des opérations de paix de l’UA.  Elle y voit un moyen pour le Conseil de sécurité d’exercer sa responsabilité première de maintien de la paix et de la sécurité mondiales à travers une collaboration efficace avec les organismes régionaux, conformément au Chapitre VIII de la Charte.  Dans ce contexte, Mme Zewde Zerefa a salué les progrès accomplis dans l’opérationnalisation du Fonds pour la paix de l’UA.

M. SMAЇL CHERGUI, Commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine, a rappelé que la deuxième Conférence annuelle UA-ONU, qui s’est déroulée le 9 juillet à Addis-Abeba, avait réaffirmé l’importance du partenariat entre les deux organisations et la signification des réponses multilatérales aux défis de sécurité qui se posent au niveau international.  Il est donc essentiel, selon lui, de maintenir l’élan actuel, qui trouvera à se concrétiser dans les efforts de paix dans différentes situations de conflit et post-conflit, notamment en République centrafricaine, en République démocratique du Congo (RDC), dans la région des Grands Lacs, en Guinée-Bissau, au Mali et au Sahel, au Soudan du Sud et en Somalie, entre autres.

Cependant, en dépit des progrès accomplis jusqu’à présent, des défis continuent de se poser, particulièrement s’agissant de la relation entre le Conseil de paix et de sécurité de l’UA et le Conseil de sécurité, où il est nécessaire de redoubler d’efforts pour parvenir à davantage de cohérence et de coordination s’agissant des crises en cours sur le continent, a analysé le haut fonctionnaire.   « Il faudrait notamment s’appuyer sur les récents gains obtenus au Soudan du Sud pour faire pression sur les parties pour qu’elles respectent et mettent en œuvrent les accords qu’elles ont signés.  En RDC, une attention doit être accordée aux défis auxquels font face les élections générales prévues le 23 décembre 2018, conformément à l’Accord de la Saint-Sylvestre de décembre 2016. Et en Somalie, la mobilisation des ressources pour permettre à l’AMISOM de s’acquitter de son mandat, qui consiste notamment à assurer le transfert progressif de responsabilités aux forces de sécurité somaliennes et à renforcer les capacités nationales, demeure une tâche cruciale, sous peine d’essuyer un revers », a mis en garde M. Chergui.

Après avoir exprimé sa reconnaissance au Conseil pour avoir approuvé l’Initiative africaine de paix et de réconciliation comme principal cadre de règlement politique pour la République centrafricaine, le Commissaire a attiré l’attention sur la situation dans le Sahel, et notamment au Mali, qui a des conséquences régionales, en particulier au Burkina Faso et au Niger voisins.  Dans ce contexte, marqué aussi par des heurts entre éleveurs et agriculteurs, un soutien vigoureux de l’ONU est indispensable pour hâter l’opérationnalisation de la Force conjointe du G5 Sahel.  Pour sa part, l’UA envisage de réviser sa Stratégie pour le Sahel, conformément à la décision adoptée par son Conseil de paix et de sécurité lors de sa récente réunion en marge du Sommet de l’UA à Nouakchott, en Mauritanie. 

Le haut fonctionnaire a ensuite rappelé à quel point un financement prévisible et durable est nécessaire dans le cadre des contributions de l’ONU aux opérations de paix dirigées par l’Union africaine.   En 2015, l’Assemblée des chefs d’État et de gouvernement de l’UA a décidé d’en financer les coûts à hauteur de 25%.  Pour réaliser cet objectif, en 2016, l’Assemblée a décidé de doter le Fonds pour la paix consacré au continent d’un montant de 400 millions de dollars, qui sera versé par tranches jusqu’à 2021, a expliqué le Commissaire.  À l’heure actuelle, a-t-il précisé, les États membres ont déjà contribué à hauteur de 47 millions, sur 65, témoignant de leur détermination à jouer leur rôle en faveur de la sécurité du continent.  « Nous espérons donc que cela incitera le Conseil de sécurité à faire des progrès dans son évaluation des contributions aux opérations de paix sous le leadership de l’UA », a souligné M. Chergui

M.  ANNIKA SÖDER (Suède) a déclaré que son pays demeure un fervent soutien du renforcement du partenariat stratégique entre les Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales en Afrique, dans la mesure où les défis sécuritaires émergents sont de plus en plus étroitement liés entre eux et exigent une réponse collective.  Or, les acteurs régionaux, qui ont une compréhension intime de la situation sur le terrain, et sont naturellement investis dans la résolution de crises dans les pays limitrophes, peuvent déployer des opérations de maintien de la paix et intervenir dans des environnements dans lesquels l’ONU, souvent, ne peut pas.  C’est la raison pour laquelle le représentant a salué le nouvel élan pris par le renforcement des partenariats entre l’Organisation et l’UA, qui s’inscrit dans le cadre plus large de nos discussions en cours sur l’action en faveur du maintien de la paix.

Après s’être félicité de la tenue de la seconde Conférence annuelle UA-ONU au siège de l’Union africaine (UA), la semaine dernière à Addis-Abeba en Éthiopie, le représentant a rappelé qu’hier, la Ministre des affaires étrangères de la Suède, Mme Margot Wallström, conjointement avec la Haute-Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Federica Mogherini, et le Président de la Somalie, M. Mohamed Abdullahi Mohamed, avaient organisé le Forum du partenariat sur la Somalie, dans le cadre duquel l’UA a joué un rôle important.  M. Skoog s’est dit convaincu que la réunion conjointe demain entre le Conseil de sécurité et le Conseil de paix et de sécurité de l’UA serait une contribution de plus au renforcement des liens entre l’ONU et l’UA.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale), qui s’exprimait au nom des membres africains du Conseil de sécurité (Côte d’Ivoire, Guinée équatoriale et Éthiopie), les « A3 », a jugé encourageant que l’association stratégique entre l’ONU et l’UA progresse.  Il a misé sur la réunion qui se tiendra demain -la douzième réunion consultative conjointe annuelle entre les membres du Conseil de sécurité de l’ONU et ceux du Conseil de paix et de sécurité de l’UA- pour aborder les défis de sécurité les plus urgents en Afrique, en particulier concernant le Soudan du Sud et la RDC.  Il a souhaité un niveau de coopération plus élevé avec notamment des visites communes sur le terrain, le développement de méthodes partagées pour l’analyse et l’échange régulier de renseignement, ainsi que des systèmes communs de planification, d’évaluation et d’information.  Il a également salué la coopération renforcée entre les secrétariats des deux organisations, ainsi que l’engagement commun au sein des forces interarmées.  « Nous remercions le Secrétaire général d’avoir donné la plus grande priorité à l’association avec l’UA dans sa proposition de réforme du pilier paix et sécurité », a ajouté le représentant en l’assurant des efforts des « A3 » pour la mise en œuvre de ladite réforme.

Le délégué a recommandé d’améliorer l’association opérationnelle entre l’ONU et l’UA dans les domaines de la prévention et de la médiation des conflits, du maintien et de la consolidation de la paix.  Il faut soutenir en particulier les opérations d’appui à la paix de l’UA, a-t-il précisé en rappelant les termes de la résolution 2378 (2017).  De telles opérations autorisées par le Conseil de sécurité pourraient être financées par des contributions de l’ONU, au cas par cas, a-t-il suggéré en soulignant que l’UA avait elle-même avancé dans la mise en route du Fonds pour la paix.  Il a salué en particulier le fait que la Conférence au sommet de l’UA ait soutenu l’instrument relatif à la structure renforcée de gouvernance et de gestion du Fonds pour la paix, souhaitant que cet instrument soit opérationnel le plus rapidement possible.  Il a également souligné d’autres progrès, notamment dans la mise en place d’un dispositif de contrôle du respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme ainsi que des normes de déontologie et de discipline applicables aux opérations de paix dirigées par l’Union africaine.

Les « A3 » se félicitent du niveau d’engagement démontré par les États membres de l’UA dans la recherche de l’autosuffisance de celle-ci pour arriver à financer à hauteur de 25% le coût des opérations de paix et de sécurité.   Ils soulignent que la mobilisation de 45,7 millions de dollars par les États africains cette année est le niveau le plus élevé jamais atteint pour le Fonds pour la paix depuis sa création en 1993.  Les pays « A3 » espèrent un engagement similaire de la part de l’ONU, et particulièrement des membres du Conseil de sécurité, a-t-il dit.  Avant de conclure, le représentant a souligné les liens entre l’Agenda 2063 et le Programme 2030, rappelant que l’appui au développement économique et social de l’Afrique ne peut que contribuer à résoudre de nombreux conflits sur le continent.  Le développement nécessite lui aussi une coopération renforcée, a-t-il précisé en prônant également des initiatives visant à faire participer les femmes au processus de paix et de sécurité en Afrique.

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a axé son intervention sur trois domaines, le premier étant la coopération concrète entre l’UA et l’ONU.  Elle s’est félicitée du nombre croissant d’exposés conjoints par les représentants spéciaux du Secrétaire général de l’ONU et les envoyés de l’UA. Pour sa délégation, davantage de concertation entre les deux organisations serait bienvenues dans le domaine de l’analyse, de même que s’agissant des alertes précoces, de la planification et des processus de prise de décisions, et pour la systématisation de déclarations conjointes.  La représentante a ensuite mis l’accent sur la complémentarité entre les deux organisations, affirmant que tout devait être fait pour que l’ONU et l’UA envisagent le maintien de la paix et la résolution de conflits dans une perspective de renforcement mutuel.  Sur ce point, la capacité de l’UA à agir plus rapidement que l’ONU sur le terrain devrait être facilitée, tandis que les processus politiques lancés par l’Union africaine devraient bénéficier du soutien sans faille de ce Conseil.

Le troisième point soulevé par Mme Gregoire Van Haaren est le financement.  Elle a en effet rappelé l’importance d’apporter un soutien financier aux opérations de maintien de la paix déployées par l’UA avec l’accord du Conseil, comme le reconnaît la résolution 2320 (2018).  Pour y parvenir, elle a jugé nécessaire que les deux organisations discutent de nouveaux modes de financement. La représentante s’est dite encouragée par les efforts déployés en ce sens, comme par exemple en ce qui concerne le Fond pour la paix de l’UA. 

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a jugé important d’approfondir l’intégration des activités relatives au maintien et à la consolidation de la paix, et de renforcer le dialogue et les mécanismes de coopération dans le cadre commun de l’ONU et de l’UA.  Il a salué la signature du cadre de mise en œuvre de l’Agenda 2063 et du Programme 2030, avant de se féliciter aussi que les deux organisations aient lancé les préparatifs d’un mémorandum d’accord pour améliorer les capacités en matière de lutte contre le terrorisme et la prévention de l’extrémisme violent.  Un exemple de coopération réside dans les opérations conjointes, a poursuivi le représentant en soulignant que ce sont des outils face aux obstacles et menaces comme le terrorisme et les crises humanitaires.  Il a cité à cet égard la région du lac Tchad où l’ONU et l’UA sont unies pour combattre Boko Haram.  Outre ce genre d’opérations, la Bolivie soutient les initiatives des organisations sous-régionales, comme celles de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), notamment celles chargées d’identifier les causes profondes des conflits au Mali et dans la région du Sahel.  Le représentant a noté le niveau croissant d’association stratégique entre le Conseil de sécurité des Nations Unies et le Conseil de paix et de sécurité de l’UA, qui ne doit que se renforcer.

Toutes les expériences ne sont toutefois pas positives, a tempéré M. Llorentty Solíz en mentionnant le processus politique que mène l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) en tant que médiateur pour le Soudan du Sud.  Il a regretté que le Conseil de sécurité ait ignoré la demande de l’IGAD sur la non-imposition de sanctions ciblées ni d’embargo sur les armes, au moment précis où avance le dialogue.  Le représentant a été d’avis qu’il fallait préserver l’architecture régionale et sous-régionale pour la solution de conflits en Afrique.  Il faut tenir compte de la vision africaine et de ses recommandations, a-t-il prôné, faisant valoir que ce sont elles qui connaissent la réalité sur le terrain.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït)a estimé que la coopération entre les organisations régionales et internationale est indispensable pour la paix et la sécurité internationales.  La relation entre le Koweït et l’Afrique remonte à bien plus loin que la mise en place de relations diplomatiques, a expliqué le représentant. Sa politique étrangère se fonde sur la notion qu’il ne peut y avoir de paix sans développement et vice versa.  C’est dans cet esprit que le Koweït a alloué 10 milliards de dollars au développement de 51 pays africains, a dit le représentant en assurant vouloir continuer à œuvrer en ce sens à travers son statut d’observateur auprès de l’UA.

Le délégué a estimé que les outils et mécanismes de l’ONU et de l’UA pourraient être améliorés grâce à la coopération entre les deux organisations, en misant sur les synergies et avantages comparatifs et en investissant dans des missions et déclarations communes et l’harmonisation des calendriers.  Le Koweït tient à mettre l’accent sur l’importance des mécanismes d’alerte rapide en Afrique.  Il espère en outre qu’il sera possible de progresser sur la question du financement des opérations de paix de l’UA par des ressources prévisibles et souples.  Le Koweït est également en faveur de l’opérationnalisation du Fonds pour la paix.  Le représentant a conclu en se félicitant de la coopération entre le Conseil de sécurité et le Conseil de paix et de sécurité de l’UA.

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a décrit un « continent africain fait de promesses, à la croissance vigoureuse », et un « continent jeune ».  Il a déploré les échecs de plusieurs gouvernements africains à répondre aux aspirations des populations plus jeunes, qui auront des conséquences politiques et économiques préjudiciables, selon lui.  Ceci dit, il a loué l’Union africaine comme un « chef de file » de ces gouvernements et a évoqué des intérêts conjoints des États-Unis et de l’UA.

Louant les liens développés entre la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, ainsi que les engagements pris par l’Union africaine de contribuer à 25% des opérations de paix qu’elle mène,

Le représentant s’est tout de même opposé à une contribution accrue de l’ONU aux opérations de paix de l’UA, tant que les normes de l’Organisation ne sont pas pleinement appliquées au sein de la force africaine.  Car dans le cas contraire, « la crédibilité » des Nations Unies serait « mise à mal », a-t-il insisté.  Le délégué a cependant reconnu les efforts de l’UA en matière de politique, de déontologie, de discipline, ainsi que ses efforts en matière de formation des civils.  Il l’a appelée à continuer ses efforts, et applaudi la mise en place d’un mécanisme de mesure de la performance et de reddition de comptes.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a partagé le point de vue du Secrétaire général sur l’importance de la coopération non seulement entre l’ONU et l’UA, mais aussi avec les organismes sous-régionaux, le but étant d’utiliser les avantages comparatifs des différentes organisations.  Il a pris note de l’intensification des efforts de l’UA et des organisations sous-régionales pour parvenir à une architecture continentale de prévention et de maintien de la paix, « une démarche africaine qui doit être appuyée par la communauté internationale ».  En effet, pour la Russie, le règlement des conflits africains doit se faire en premier lieu par l’Afrique.  Le Conseil de sécurité, en tant que premier responsable de la paix et la sécurité internationales, doit soutenir ces efforts africains à travers une coopération accrue avec l’UA.  Cela suppose des rapports réguliers au Conseil de sécurité, a prôné le représentant en appelant à agir au cas par cas.  Il ne fait pas de doute pour lui que les acteurs régionaux comprennent mieux que quiconque la situation sur le terrain.

Le délégué a souhaité plus de prévisibilité et de souplesse dans le financement des opérations de paix de l’UA, à condition que cela se fasse dans le cadre des procédures en vigueur à l’ONU.  Il est évident, à ses yeux, que le renforcement de la coopération entre les deux organisations va entraîner plus de responsabilités pour les acteurs régionaux, des responsabilités qu’ils doivent être prêts à assumer.  Pour sa part, la Russie accorde une attention particulière à la formation de soldats de la paix africains sur ses bases et dans ses centres de formation, notamment dans le domaine de la lutte contre le terrorisme.

Malgré les efforts déployés en matière de consolidation et de maintien de la paix, M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a reconnu la difficulté pour les pays d’Afrique de lutter contre des adversaires non étatiques de nature transnationale, qui tirent parti des faiblesses structurelles spécifiques au terrain, comme la pauvreté, les changements climatiques et la fragilité des institutions.  Dans cette logique, il a pleinement soutenu une coopération renforcée entre l’Union africaine et les Nations Unies.

Concernant le maintien de la paix, il s’est référé à la résolution 2320 (2016) du Conseil de sécurité sur un financement plus prévisible des opérations de paix de l’UA, et a cité en exemple la Force conjointe du G5 Sahel et la Force multinationale mixte qui luttent contre Boko Haram.  Insistant sur le rôle de l’Union africaine au Mali et au Sahel, ainsi qu’au Togo, il a souligné que pour une paix et un développement durables, l’UA et l’ONU devaient travailler main dans la main.  Le représentant a également souhaité que des réformes soient engagées pour resserrer les partenariats entre les deux organisations.

M. YAO SHAOJUN (Chine) a noté que le partenariat ONU-UA avait connu des progrès considérables au cours de l’année écoulée.  Le renforcement constant de ce partenariat est d’une importance capitale pour la paix et la sécurité en Afrique, a-t-il estimé.  La Chine est favorable aux recommandations du Secrétaire général sur ce partenariat et est d’avis qu’il faut l’optimiser, ce qui passe, selon le représentant, par le respect de l’appropriation et des initiatives africaines par l’ONU.  Dans ce contexte, la Chine demande que les missions de paix de l’UA puissent compter sur des financements et des ressources humaines adéquats.  La Chine encourage également toute action pour appuyer l’Afrique dans sa lutte contre les causes profondes des conflits, a ajouté le représentant en citant notamment le besoin d’assistance accrue de la part de la communauté internationale pour soutenir le développement socioéconomique du continent. 

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a exprimé un soutien enthousiaste pour le partenariat, notant que ces dernières années, l’Union africaine a pris en charge des responsabilités de plus en plus importantes en matière de promotion de la paix et de la sécurité, à la fois en résolvant des crises et en faisant travailler ensemble plusieurs organisations sous-régionales.  Reconnaissant la nécessité d’un financement plus flexible et prévisible des opérations de paix de l’Union africaine ou de celles mandatées par le Conseil de sécurité, il s’est dit prêt à débattre des sources possibles de ce financement, y compris en prélevant sur les contributions au budget de l’ONU.

Il a cependant noté que les troupes de l’Union africaine devraient « se plier en totalité aux règles de l’Organisation et à ses standards » en termes de qualité des troupes, d’entraînement et d’équipement, ainsi qu’en termes de responsabilité, de conduite et de discipline.  Pour la Pologne, le soutien des Nations Unies à l’Union africaine est d’une importance capitale, et le dialogue régulier entre les deux entités, un instrument essentiel pour approfondir le partenariat.  Il s’est déclaré favorable à la multiplication de missions communes sur le terrain, et en faveur d’une prochaine visite commune en RDC ces prochaines semaines pour parvenir à une solution politique au conflit.

M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) a qualifié l’Union africaine de partenaire crucial pour les Nations Unies, de par sa position unique, et y a vu une entité mieux à même de travailler sur de nombreux dossiers.  Il a encouragé les deux organisations à combiner leur expertise pour déployer leurs ressources de manière plus efficace.  « Les opérations de paix de l’Union africaine peuvent jouer un rôle très important sur le long terme », a insisté le représentant, en invoquant les valeurs de prévisibilité et de durabilité, qui sont essentielles pour continuer cet excellent travail.

Citant la résolution 2320 (2016), il a dit attendre avec impatience de constater des progrès dans le partenariat.  Il a rappelé que des normes solides devaient être respectées par les deux organisations, notamment dans le cadre des atteintes sexuelles.  Il a appelé à un financement au cas par cas des opérations de paix de l’UA.  En l’occurrence, il a invité l’Union africaine à s’appuyer sur des financements non traditionnels pour la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), considérant un apport des Nations Unies « impossible sur le court terme ».  Le représentant a conclu en se déclarant en faveur d’interactions plus poussées entre l’UA et l’ONU, pour répondre aux défis, maximiser l’impact des actions et les rendre davantage complémentaires.

M. ANTOINE IGNACE MICHON (France) a soutenu que le partenariat entre l’ONU et l’Union africaine revêtait « une importance stratégique », que la France était « résolument engagée à le soutenir », et qu’il était complémentaire avec celui tissé entre l’Union européenne et l’Union africaine.  Se félicitant des progrès du partenariat entre l’Organisation et l’Union africaine depuis plus d’un an, il a rappelé la nécessité, du point de vue de la France, de l’« appropriation par l’Afrique des questions de sécurité du continent africain, notamment via la montée en puissance des opérations africaines de paix, que la France soutient fermement et au plus haut niveau politique ».

M. Michon a mis en avant la promotion du concept d’opérations africaines d’imposition de la paix mandatées par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, puis par le Conseil de sécurité.  Il a ajouté qu’elles pourraient être déployées plus rapidement pour mener des actions d’imposition de la paix ou de lutte contre le terrorisme que les opérations de maintien de la paix de l’ONU ne sont pas autorisées à mener.  Considérant la question du financement comme centrale pour la montée en puissance des opérations de paix africaines, M. Michon a souligné « la nécessité d’avancer de façon concrète vers leur financement prévisible et durable », et évoqué, pour ce faire, la revitalisation du Fonds pour la paix, ainsi que l’engagement pris par l’Union africaine de financer 25% des opérations de paix.

Tout en saluant la coopération renforcée entre l’ONU et l’UA, M. YERLIK ALI (Kazakhstan) a estimé que davantage de travail était nécessaire pour développer les modalités d’une analyse, d’une planification et d’une évaluation conjointes, ainsi que pour mieux faire rapport aux différentes instances intergouvernementales.  L’ONU et l’UA, a-t-il préconisé, devraient revoir leurs processus administratifs internes, leurs politiques et procédures respectives, et parvenir à des synergies communes.  Le représentant a ensuite souligné que, sans le soutien financier nécessaire, la capacité des opérations de paix menées par l’Union africaine ne serait pas à la hauteur des attentes.  Aussi, sa délégation a-t-elle appelé le Conseil de sécurité à envisager des mesures concrètes en vue d’élaborer un mécanisme viable et prévisible pour un financement conjoint des opérations de paix de l’UA.  Les quatre options de financement identifiées par le Secrétaire général dans son rapport de l’an dernier devraient être examinées pour des résultats optimaux, au-delà du recours aux contributions volontaires à des fonds d’affectation, a estimé le délégué.

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