8355e séance – matin
CS/13509

Syrie: un Conseil de sécurité circonspect salue l’accord russo-turc d’hier sur Edleb tout en réitérant les appels pour un processus politique ouvert

L’accord conclu hier à Sotchi entre la Russie et la Turquie pour créer une zone démilitarisée à Edleb a été salué, ce matin, par le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Mark Lowcock, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, et la majorité des membres du Conseil de sécurité réunis pour examiner la situation politique et humanitaire en Syrie.  L’accord est censé faciliter le retrait des groupes terroristes et éviter une catastrophe humanitaire en cas d’offensive armée.

L’Envoyé spécial s’est félicité de ce progrès apporté par la diplomatie: cela permet d’aborder les défis posés par les groupes terroristes tout en protégeant trois millions de civils, dont un million d’enfants.  M. Lowcock, qui est aussi Coordonnateur des secours d’urgence, a fait remarquer qu’« une escalade militaire dans la région aurait pu conduire à la pire tragédie humanitaire du XXIe siècle ».

La plupart des orateurs ont insisté sur l’importance d’un processus politique ouvert pour une sortie de crise en Syrie, avec une première étape urgente: la mise sur pied d’un comité constitutionnel.  Ils ont également présenté leurs condoléances à la Fédération de Russie qui a perdu 15 soldats, hier, lorsqu’un de ses avions de chasse a été abattu, par erreur, par l’artillerie syrienne qui visait en fait l’aviation israélienne, celle-ci ayant procédé à des raids en Syrie.

L’accord sur une zone démilitarisée large de 15 à 20 Km a été élaboré en se basant sur les zones de désescalade prévues par l’accord d’Astana, a expliqué la Turquie.  L’accord prévoit, entre autres, que les armes lourdes soient retirées de la zone d’ici au 10 octobre et que tous les groupes terroristes s’en retirent d’ici au 15 octobre.  De plus, la Russie va s’atteler à empêcher toute opération militaire à Edleb, tandis que les deux signataires vont mener des patrouilles conjointes sur les deux frontières de la zone démilitarisée.  Les deux pays ont décidé de poursuivre leur lutte contre le terrorisme en Syrie, y compris contre les « Unités de protection du peuple kurde du Parti de l’Union démocratique », a précisé le représentant turc.

Pour la Russie, ce document démontre que la Syrie et les garants d’Astana font leur possible pour éviter des souffrances aux civils d’Edleb.  Le représentant russe a ainsi promis que ces efforts se poursuivront, « quels que soient les propos envieux ou empreints de jalousie de certaines délégations ».  Cet accord, a remarqué le délégué de l’Iran, est dans la droite ligne de la détermination exprimée à Téhéran par les Chefs d’État russe, turc et iranien qui ont dit vouloir continuer d’éliminer tous les terroristes tout en tenant compte de l’aspect humanitaire.

M. Lowcock a tout de même mis en garde contre l’utilisation de la force pour démilitariser, car cela poserait un risque pour les civils alors que la démilitarisation a précisément pour but de les protéger.  Il a également recommandé que la distinction entre civils et combattants soit faite dans le respect du droit international et avec des normes claires, notamment en ce qui concerne les femmes et les enfants qui font partie des familles des combattants ou sont considérés comme des proches de ceux-ci.

Toujours au sujet des civils, le Secrétaire général adjoint a indiqué que le Gouvernement syrien lui a fait part de sa préoccupation face au sous-financement de la réponse humanitaire cette année.  Il a dit avoir assuré que les choses pourraient s’améliorer si les missions d’évaluation et l’accès humanitaire des agences s’intensifiaient, y compris pour le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).  « Pourquoi y a-t-il toujours des problèmes d’accès? », a d’ailleurs demandé la représentante du Royaume-Uni.  De son côté, le délégué russe a commenté le rapport du Secrétaire général sur le volet humanitaire en critiquant « un document qui ne donne pas d’informations sur les efforts humanitaires dans les zones qui ne sont pas sous contrôle gouvernemental », parlant même d’un « humanisme sélectif ». 

Pour le plus long terme, des orateurs, dont la Chine, ont appelé la communauté internationale à soutenir les efforts de reconstruction de la Syrie, ce à quoi le délégué des États-Unis a réagi en disant qu’« ils n’obtiendront aucune aide pour reconstruire, certainement pas de nous ».  Il a dit « ne pas imaginer qu’un autre gouvernement puisse expliquer à son peuple pourquoi il enverrait de l’aide au régime barbare d’Assad. »  Même avertissement de la part des Pays-Bas: « Il n’y aura pas d’aide pour la reconstruction de la Syrie tant qu’il n’y aura pas une transition politique durable, et tant que la menace d’une offensive massive planera sur Edleb. »

Au sujet du processus politique, l’Envoyé spécial a envoyé un message aux garants d’Astana: « ils ne doivent pas chercher à s’immiscer dans les questions qu’il m’appartient de résoudre ».  Il leur a reproché de vouloir saper les dispositions de la résolution 2254 (2015) et les 12 principes du processus de Genève endossés pourtant par le Sommet de Sotchi.  « Ma ligne directrice est la résolution 2254 qui donne mandat à l’ONU pour faciliter le processus politique », a-t-il expliqué.  « N’utilisez pas le Conseil de sécurité pour faire pression sur les garants du processus d’Astana qui ont du reste fait plus que quiconque pour la résolution de la crise en Syrie », a retorqué le délégué russe avant d’indiquer que le « trio d’Astana » entend lancer un processus politique.

Au sujet de la création d’un comité constitutionnel syrien, l’Envoyé spécial a dit que les listes du Gouvernement et de l’opposition ont été agréées et qu’il reste maintenant à s’entendre sur la « troisième liste du milieu », celle qui inclue la société civile et que l’ONU pourrait soutenir, pour offrir une crédibilité et une légitimité internationales.  M. de Mistura s’est dit pourtant déçu que la troisième liste pour laquelle il a une responsabilité particulière ait fait l’objet d’interrogations.  C’est à l’ONU et au processus de Genève de faciliter et de finaliser la voie à suivre, a-t-il lancé, alors que pour la France, la solution politique ne saurait se résumer à l’élaboration d’une nouvelle constitution.  Le délégué de ce pays a évoqué d’autres éléments comme la tenue d’élections libres et transparentes, ainsi que la mise en place d’un environnement sûr et neutre, garanti par des mesures de confiance, « qui seul permettra de conférer à l’ensemble du processus une crédibilité suffisante ».

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (S/2018/845)

Déclarations

M. STAFFAN DE MISTURA, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a commencé par relater les derniers développements concernant Edleb.  Hier, le Président russe, M. Vladimir Putin, et son homologue de la Turquie, M. Erdoğan, se sont mis d’accord pour créer une zone démilitarisée dans la zone de désescalade à Edleb.  Le Gouvernement de la Syrie a salué cet accord et a confirmé sa pleine coordination avec la Fédération de Russie.  M. de Mistura s’est félicité de ce progrès de la diplomatie pour aborder les défis posés par les groupes terroristes figurant à la liste du Conseil de sécurité tout en protégeant 3 millions de civils dont un million d’enfants.

« Je remercie les Présidents Putin et Erdoğan pour leur engagement personnel », a-t-il dit en saluant aussi le fort engagement international au sujet des dangers d’une offensive généralisée à Edleb, ainsi que l’appel de la société civile syrienne.  M. de Mistura a en effet reçu une lettre de 13 000 femmes d’Edleb demandant la protection et la sécurité pour leurs familles. 

L’Envoyé spécial a espéré la mise en œuvre rapide de cet accord dans le plein respect du droit international humanitaire, avec un accès humanitaire durable dans le respect de la souveraineté, l’indépendance et l’unité et l’intégrité territoriale de la Syrie, et avec une préférence pour le dialogue pour faire face à une situation complexe.

Hier également, alors que la crise à Edleb a été évitée, il a constaté une inquiétante escalade.  La nuit dernière, un avion militaire russe a été abattu, causant la mort de 15 soldats qui étaient à bord.  Le Ministère russe de la défense a déclaré que l’avion avait été accidentellement abattu par le tir d’un avion de chasse du Gouvernement syrien qui répondait à un autre avion de chasse israélien menant une attaque sur la côte.  La Russie a accusé Israël de provocation, mais ce dernier a déclaré que ses avions avaient ciblé des bateaux chargés d’armements qui se dirigeaient au Liban et menaçaient ainsi la sécurité d’Israël; Israël a rejeté la responsabilité sur le Gouvernement syrien de l’incident.  « J’appelle toutes les parties à s’abstenir d’actions militaires qui pourraient faire empirer une situation déjà complexe », a lancé M. de Mistura. 

Il s’est toutefois réjoui, aujourd’hui, de la désescalade dans la majeure partie d’une région: Edleb.  Avec maintenant cet accord, il n’y a pas de raison de ne pas avancer rapidement dans le processus politique, selon lui.  Les Syriens, a-t-il remarqué, se tournent vers l’ONU pour faciliter le processus politique qui les aidera à sortir de la guerre et envisager un avenir meilleur, un avenir qu’ils détermineront de façon indépendante et démocratique.  Cela demande un vrai dialogue et de véritables négociations, un processus crédible et inclusif.  « Ma ligne directrice est la résolution 2254 (2015) qui donne mandat à l’ONU pour faciliter le processus politique.  J’ai toujours cherché les voies et moyens créatifs pour mettre en œuvre la résolution 2254 à la lumière de nombreuses évolutions politiques et militaires mais toujours pour assurer que le processus politique soit crédible et traite les questions qui divisent les Syriens », a expliqué M. de Mistura.

L’Envoyé spécial a rappelé que le Secrétaire général l’avait dépêché au Sommet de Sotchi et que, sur la base des consultations, l’ONU avait des raisons d’espérer que Sotchi pourrait contribuer à accélérer le processus de Genève.  Le résultat du Sommet constitue une partie importante dans le cadre d’un processus politique plus large.  Les termes finaux du comité constitutionnel devraient être finalisés par l’ONU à Genève, a-t-il dit en soulignant son travail minutieux pour faciliter la création dudit comité.  À cet égard, il a dit avoir consulté l’Iran, la Russie et la Turquie, les membres du « Small Group » et d’autres parties prenantes.  Il a aussi été disponible pour entendre les Syriens, le Gouvernement, toute l’opposition et d’autres encore, à l’intérieur et à l’extérieur de la Syrie.

De ces consultations est sortie une formule de participation acceptée par tous: un tiers des délégués devrait venir du Gouvernement, un tiers de l’opposition et le dernier tiers serait constitué d’experts syriens, de la société civile, d’indépendants, de dirigeants tribaux et de femmes.  Chaque groupe serait composé de 50 personnes dont 15 pourraient jouer un rôle spécifique dans l’élaboration du projet de réforme constitutionnelle.  L’Envoyé spécial y a vu une bonne formule pour lancer un processus crédible et inclusif, sur la base de laquelle, trois listes ont émergé: la liste de la délégation gouvernementale avec le soutien de la Russie et de l’Iran; la liste de la délégation de l’opposition soutenue par la Turquie et d’autres États; et la « troisième liste du milieu », qui correspond aux critères de la résolution 2254 et de Sotchi.  M. de Mistura a expliqué que l’ONU pourrait soutenir cette liste, en termes de crédibilité et de légitimité internationales.

De plus, après avoir consulté les garants d’Astana, des suggestions et des options ont été présentées s’agissant du mandat, de la présidence, de la conduite, et de la prise de décisions, afin d’offrir un minimum de points de procédures qui permettraient aux Syriens de se réunir efficacement, et de faire des progrès dans un processus mené par les Syriens et facilité par l’ONU.  « Au début de ce mois, a rappelé l’Envoyé spécial, je disais que nous étions à un moment de vérité », car toutes les opportunités sont réunies pour aborder tous les problèmes.  Qui plus est, une réunion a été organisée les 10 et 11 septembre à Genève pour aller de l’avant.  Les listes du Gouvernement et de l’opposition n’ont pas été contestées.  « Ceci est important. »

M. de Mistura s’est dit pourtant déçu que la troisième liste pour laquelle il a une responsabilité particulière ait fait l’objet d’interrogations.  « On m’a reproché de manquer de la crédibilité et de la légitimité nécessaires pour faciliter le processus », a regretté l’Envoyé spécial.  En outre, d’autres questions sont laissées en suspens comme le règlement intérieur.  Les garants d’Astana, a rapporté M. de Mistura, proposent de continuer les discussions techniques sur la troisième liste avant une autre réunion à Genève en octobre, ce qui ne lui pose pas de problème.  Toutefois, il estime que la troisième liste doit être équilibrée et crédible pour tous les Syriens de tous bords et pour la communauté internationale.  C’est à l’ONU et au processus de Genève de faciliter et de finaliser la voie à suivre, a-t-il lancé en soulignant l’urgence.

« Mon message aux garants d’Astana est clair: ils ne doivent pas chercher à s’immiscer dans les questions qu’il m’appartient de résoudre, que ce soit les listes ou les règles de procédures, ou encore moins la substance du processus, au-delà de ce que dit la résolution 2254 et les 12 principes du processus de Genève endossés par le Sommet de Sotchi. »

Si tout le monde soutient les efforts menés par l’ONU et reconnaît la nécessité d’un processus équilibré et crédible, et des règles de procédures sensibles, nous pouvons aller de l’avant très rapidement, a promis M. de Mistura qui a souhaité voir fixée une date à laquelle la Déclaration finale de Sotchi entrera en vigueur par le lancement du comité constitutionnel.  L’Envoyé spécial compte engager tout le monde, y compris les acteurs internationaux, et toutes les parties syriennes, à commencer par le Gouvernement syrien dont l’implication est importante, si l’on veut que le comité constitutionnel commence son travail.  L’Envoyé spécial a aussi promis de consulter l’opposition et un large éventail des « voix syriennes. »  Il est nécessaire de voir les Syriens commencer à se parler.

À un moment où l’on s’efforce de se concentrer sur les réfugiés et sur la réhabilitation, n’oublions pas que sans processus politique significatif et irréversible et sans véritables mesures sur le terrain, la confiance requise ne se développera pas, a ajouté l’Envoyé spécial qui a rappelé au Conseil la nécessité d’actions concrètes pour libérer les détenus, les personnes enlevées, la remise des dépouilles et l’identification des personnes manquantes.  En outre, l’ONU doit se préparer à des élections présidentielle et parlementaires supervisées par l’ONU avec la participation de tous les Syriens, conformément à la résolution 2254.

Les funérailles la semaine dernière de Kofi Annan, premier Envoyé pour la Syrie, ont été l’occasion pour M. de Mistura de rappeler quelques principes fondamentaux soulignés par l’ancien Secrétaire général: une solution politique et non militaire, un processus de médiation unique mené par l’ONU, fondé sur l’inclusion et le consentement, et soutenu par un Conseil de sécurité soudé.  Il a esquissé la première sortie de crise -le plan en six points, le Communique de Genève-, mais il a dit ne pas pouvoir faire avancer les choses si le Conseil n’est pas uni. 

Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. MARK LOWCOCK, a rappelé qu’il s’est rendu à Damas il y a trois semaines pour discuter avec le Gouvernement syrien.  Dans l’ensemble du pays, a-t-il témoigné, la situation est plus calme qu’elle ne l’était lors de sa dernière visite en janvier dernier, même si les besoins humanitaires restent importants.  Il a indiqué que le Gouvernement lui a fait part de sa préoccupation face au sous-financement de la réponse humanitaire cette année.  Il leur a rétorqué que les choses pourraient s’améliorer si les missions d’évaluation et l’accès humanitaire des agences s’intensifiaient, y compris pour le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

M. Lowcock a salué l’annonce faite, hier à Sotchi, par la Fédération de Russie et la Turquie concernant une zone tampon à Edleb.  Il a expliqué qu’une escalade militaire dans la région aurait pu conduire à la pire tragédie humanitaire du XXIsiècle: plus de deux millions de personnes auraient pu être déplacées.  « Si l’accord d’hier est respecté, cela empêchera la catastrophe que nous redoutions. »  Il a toutefois attiré l’attention sur le fait que la démilitarisation, pour être effective, doit être mise en œuvre par toutes les parties.  Il a aussi mis en garde contre l’utilisation de la force pour démilitariser, ce qui poserait un risque pour les civils alors que la démilitarisation a précisément pour but de les protéger.

Le Secrétaire général adjoint a souhaité que les civils soient libres de se déplacer et qu’ils reçoivent le soutien nécessaire partout où ils veulent se rendre.  M. Lowcock a également recommandé que la distinction entre civils et combattants soit faite dans le respect du droit international et avec des normes claires, afin d’assurer un traitement humain et pour que des mesures de protection et d’assistance soient appliquées aux civils, notamment les femmes et les enfants qui font partie des familles ou sont considérés comme des proches des combattants.  Que ce soit dans la zone de désescalade ou en dehors, a-t-il résumé, le droit international humanitaire reste en vigueur. 

Sur le plan humanitaire, l’ONU et d’autres organisations humanitaires continuent d’apporter leur assistance à partir de la frontière avec la Turquie, dans le respect des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, ce qui permet ainsi de soutenir près de deux millions de personnes chaque mois dans le nord-ouest de la Syrie.  Rien que cette semaine, plus de 260 000 personnes recevront de la nourriture et des articles non alimentaires, tandis que 60 000 recevront des tentes à Edleb.  Dans la crainte de l’escalade militaire, de la nourriture pour 350 000 personnes et des articles non alimentaires pour 400 000 personnes sont prépositionnés à Edleb.  Des articles d’aide sont également prêts au déploiement à Homs, Alep et à Lattaquié.

Dans d’autres zones du pays, la situation humanitaire reste difficile, a poursuivi M. Lowcock.  À Roukban, à la frontière avec la Jordanie, l’ONU coopère avec le Croissant-Rouge syrien et l’Organisation se tient prête à apporter une assistance humanitaire dans le cadre de convois interinstitutions.  Mais les organisations sont dans l’attente d’un accord du Gouvernement syrien, ainsi que des garanties de la part de la Syrie, de la Fédération de Russie, des forces de la coalition internationale, de la Jordanie et des garanties écrites des groupes armés non étatiques. 

Dans le nord de la Syrie, quelque 153 000 personnes ont pu retourner à Raqqa depuis octobre dernier, même si les conditions de vie n’y sont pas appropriées du fait des engins explosifs et des risques de contamination.  Depuis le début de l’année, des efforts sont entrepris pour renforcer les actions de déminage, y compris des actions d’éducation destinées aux populations.  À Deïr el-Zor, l’attention est maintenant focalisée sur la dernière enclave de Daech en Syrie.  La zone est habitée par environ 20 000 civils et des tracts y sont jetés par avion, invitant les populations à se déplacer avant le début de l’offensive.

Le Secrétaire général adjoint a terminé son exposé en revenant sur l’accord d’hier concernant Edleb.  Selon lui, les populations qui vivent dans cette province doivent désormais se demander « s’il s’agit d’une suspension d’exécution ou du début d’un répit, le premier petit éclat de lumière au bout du tunnel le plus sombre ».

M. JAMES JEFFREY (États-Unis) s’est dit d’emblée attristé par les tragiques pertes de vies humaines causées par la destruction de l’avion russe hier.  « Cet incident regrettable nous rappelle la nécessité de trouver une solution permanente, pacifique et politique au conflit, conformément à la résolution 2254 du Conseil de sécurité », a-t-il déclaré.  Pour trois millions de Syriens, a-t-il poursuivi, Edleb est le dernier espoir d’échapper au « régime de terreur » de Bashar Al-Assad.  Beaucoup de ces gens, 1,4 million pour être exact, ont déjà fui leur maison auparavant.  Comme l’a déclaré le Président Donald Trump, « Bashar Al-Assad de Syrie ne doit pas attaquer imprudemment Edleb », car il n’y a pas de solution militaire à ce conflit, a mis en garde le représentant.  La Russie veut que le monde croie que « tout reviendra à la normale » à l’issue d’une campagne militaire.  C’est pourquoi ils demandent, selon M. Jeffrey, « les trois R »: la Reconnaissance du régime; l’argent de la Reconstruction; et la pression exercée sur les pays voisins pour qu’ils renvoient les Réfugiés chez eux avant que les conditions de sécurité ne le permettent.

« Mais Assad et les hommes de main qui ont déclenché ces atrocités ne seront jamais les bienvenus dans le monde des nations civilisées », a tranché la délégation américaine.  « Ils n’obtiendront aucune aide pour reconstruire, certainement pas de nous.  Je ne peux imaginer qu’un autre gouvernement puisse expliquer à son peuple pourquoi il enverrait de l’aide au régime barbare d’Assad. »  Pour le représentant, il n’y aura pas de stabilité en Syrie tant que l’Iran et les forces qui agissent pour son compte seront stationnés dans le pays.  « Ces combattants sont responsables de certaines des violences les plus flagrantes perpétrées lors de cette guerre.  Ils ont dirigé la campagne du régime visant à affamer et à l’abandon.  Et maintenant, ils sont à la porte d’Israël.  C’est inacceptable. »  Si la Russie souhaite ramener la paix en Syrie, elle doit s’assurer que l’Iran et ses milices quittent la Syrie une fois pour toutes, a exigé la délégation.

Rappelant que la Russie et la Turquie ont convenu, hier, de stabiliser la situation à Edleb, le représentant a appelé toutes les parties à s’engager dans un cessez-le-feu durable et à prendre des mesures immédiates pour faire progresser le processus de paix à Genève.  Là encore, la seule solution est une solution politique véritable et inclusive.  La semaine dernière, les États-Unis ont rencontré l’Envoyé spécial, M. Staffan de Mistura, pour déterminer comment faire avancer le processus politique à Genève.  « Cela doit être notre objectif. »  M. de Mistura, « à notre avis », devrait immédiatement aller de l’avant, comme il l’a indiqué, avec la convocation d’un comité constitutionnel, conformément à son mandat.  Le représentant a rappelé que les discussions sur la création de ce comité ont démarré en janvier.  Au début du processus, a-t-il souligné, la Russie avait dit qu’elle était pleinement d’accord avec cette idée et avait promis que ce comité appuierait pleinement le processus de l’ONU à Genève.  Aussi, l’ONU devrait fixer une date pour la première réunion de ce comité et aller de l’avant avec la création d’une nouvelle constitution, a suggéré le délégué qui a aussi dit attendre une mise à jour de ces progrès d’ici au 31 octobre.  Le représentant a demandé instamment aux autres partenaires du Conseil de sécurité d’appuyer une telle approche.

M. OLOF SKOOG, au nom de la Suède et du Koweït, s’est dit encouragé par les déclarations faites après la rencontre d’hier à Sotchi, lui donnant l’espoir que la Russie et la Turquie œuvreront rapidement en faveur du respect d’une cessation des hostilités à Edleb.  Cela est nécessaire pour que les efforts visant à séparer les groupes terroristes désignés en tant que tels par le Conseil des groupes d’opposition soient couronnés de succès, a-t-il déclaré. 

Le Koweït et la Suède ont exhorté de manière constante les garants d’Astana à mettre en œuvre leur accord pour une zone de désescalade à Edleb, a poursuivi le délégué.  Il a assuré que les deux pays continueront d’exhorter la Syrie et ses alliés à prévenir une escalade à Edleb, à garantir un accès humanitaire sans entrave et à respecter le droit international.  Le délégué a jugé urgent le bon avancement du processus politique et apporté son plein soutien au mandat de l’ONU en vue de créer un comité constitutionnel.  « Nous encourageons l’Envoyé spécial à réunir ce comité le plus tôt possible. »  Enfin, il a rappelé que la responsabilité d’éviter une catastrophe à Edleb est toujours entre les mains de la Syrie et des garants d’Astana. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a mentionné les efforts déployés par la France pour éviter la catastrophe que causerait une offensive sur la région d’Edleb, parlant notamment de la réunion quadripartite qui a eu lieu vendredi dernier entre les conseillers diplomatiques de la Turquie, de la Russie, de l’Allemagne et de la France, en vue de trouver des axes de convergence entre le Small Group et le groupe d’Astana.  Selon lui, la Turquie s’est largement mobilisée pour apporter des solutions concrètes.  Il a aussi pris note de l’accord annoncé hier par les Présidents Erdoğan et Putin concernant la mise en place d’une zone démilitarisée.  Il a souligné que la protection des civils doit être une priorité absolue pour l’ensemble des parties prenantes, engageant par ailleurs à respecter les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution, dans toute lutte contre le terrorisme.

« C’est tout l’avenir de la Syrie qui se joue maintenant », a déclaré M. Delattre qui a fait savoir que la France ne tolérera pas de nouvel usage d’armes chimiques et se tient prête à réagir.  Pour le délégué, éviter l’escalade à Edleb est d’autant plus nécessaire qu’une solution politique négociée, crédible et acceptable par tous existe.  Les discussions de la semaine dernière à Genève doivent permettre la création à brève échéance d’un comité constitutionnel, « premier jalon du processus politique que la communauté internationale a endossé ».  Mais, a-t-il déploré, les garants d’Astana ont encore émis des réserves sur la composition du comité constitutionnel tel qu’établi par l’Envoyé spécial.

Pour la France, il est temps que l’Envoyé spécial fasse avancer le processus en mettant en place dans les meilleurs délais ledit comité et en prévoyant une date rapprochée pour le lancement de ses travaux.  Les participants au congrès de Sotchi se sont engagés à ce que l’Envoyé spécial, dans le cadre du processus de Genève, ait la responsabilité de la composition de ce comité.

La solution politique ne saurait cependant se résumer à l’élaboration d’une nouvelle constitution, a poursuivi le délégué, qui a appelé à discuter dès à présent de beaucoup d’autres éléments, notamment les modalités d’adoption du nouveau texte constitutionnel, la tenue d’élections libres et transparentes, ainsi que la mise en place d’un environnement sûr et neutre, garanti par des mesures de confiance, « qui seul permettra de conférer à l’ensemble du processus une crédibilité suffisante ».  Il a aussi rappelé les éléments de la feuille de route qu’il a présentés la semaine dernière et qui reposent sur un engagement résolu en faveur d’une cessation des hostilités à Edleb, la poursuite du processus politique et l’appui collectif au lancement des travaux du comité constitutionnel et, enfin, le rassemblement des membres du Conseil autour d’un agenda politique « constructif » en vue d’une résolution pacifique et concertée du conflit.  La reconstruction de la Syrie n’est envisageable que sur cette base, a-t-il affirmé.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée-Équatoriale) a salué l’accord de désescalade signé hier entre les Présidents Putin et Erdoğan.  L’objectif, a-t-il souligné, est notamment de distinguer les forces gouvernementales de celles des groupes armés.  Il a noté que cet accord aiderait à éviter l’offensive du Gouvernement syrien sur Edleb.  Désormais, il faut renforcer le cessez-le-feu et améliorer la situation humanitaire, a ajouté le représentant.  Concernant le processus politique, en particulier la création d’un comité constitutionnel, il a demandé aux garants d’Astana de ne pas faire obstacle aux propositions de l’Envoyé spécial.  Enfin, s’agissant de l’accès humanitaire, il a souligné l’importance cruciale de l’assistance internationale pour les populations civiles. 

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) s’est félicité du travail accompli par les garants du processus d’Astana, se félicitant du mémorandum d’accord sur la stabilisation de la zone d’Edleb en Syrie, signé le 17 septembre, à Sotchi, par les ministres de la défense russe et turc: « Nous soutenons la création d’une zone-tampon démilitarisée dans la province d’Edleb pour séparer les forces gouvernementales des combattants rebelles qui se trouvent sur place.  Nous saluons la décision majeure de la Turquie et de la Russie de faire entrer en vigueur la zone démilitarisée d’ici au 15 octobre. »

Le représentant a cependant estimé qu’un « paradigme régional innovant » est nécessaire pour soutenir à la fois les processus de Genève et d’Astana, en vue de faire respecter le cessez-le-feu et de promouvoir le processus de paix.  Sa délégation est préoccupée, a-t-il dit, par la sûreté et la protection des civils dans la province de Deïr el-Zor, où les combats ont entraîné le déplacement de plus de 20 000 personnes depuis juillet dernier.  À la lumière de la situation sur le terrain ces derniers jours en Syrie, le Kazakhstan a estimé que les conditions pour un « changement qualitatif » étaient réunies: l’« élimination définitive » des terroristes du pays, le début d’un processus politique, le redressement économique et le retour des réfugiés dans leurs foyers. 

M. DÉSIRÉ WULFRAN G. IPO (Côte d’Ivoire) a mis en garde contre les conséquences humanitaires sans précédent d’une éventuelle offensive des forces armées syriennes sur Edleb, car cela pourrait provoquer un nouvel exode massif.  La Côte d’Ivoire exhorte donc les parties au conflit à la retenue et à prendre les mesures nécessaires afin de garantir un accès sûr, durable et sans entrave pour la fourniture de l’assistance humanitaire.  Il s’agit d’éviter une nouvelle tragédie comme celles ayant eu lieu dans la Ghouta orientale, à Alep et à Homs. 

Le représentant a en outre exhorté toutes les parties, y compris les États, la société civile et les organismes des Nations Unies, à coopérer pleinement avec le Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes, ainsi que dans le cadre des poursuites à l’encontre des personnes responsables de crimes les plus graves en Syrie.  Enfin, la Côte d’ivoire exhorte toutes les parties à soutenir l’Envoyé spécial dans sa quête d’une solution politique durable au conflit syrien. 

M. MA ZHAOXU (Chine) a présenté les condoléances de la Chine à la délégation russe après la mort des membres de l’équipage d’un avion militaire russe, hier, en Syrie.  Il a invité toutes les parties ayant une influence en Syrie à mettre tout en œuvre pour une paix durable dans le pays, et la communauté internationale à lutter contre le terrorisme en Syrie.  Une solution politique reste la plus appropriée, a-t-il, dit invitant ainsi la communauté internationale à soutenir l’initiative de l’ONU et le processus d’Astana, afin de parvenir à une solution politique inclusive, qui tienne dûment compte des intérêts des populations syriennes. 

Le représentant s’est dit par ailleurs préoccupé par la situation humanitaire en Syrie, tout en saluant les efforts gouvernementaux dans le cadre de la reconstruction.  Il a appelé la communauté internationale à soutenir ces efforts, notamment pour le déminage, afin de favoriser le retour des réfugiés.  Et d’ajouter que les efforts humanitaires dans le pays se doivent d’être neutres et apolitiques.  Il a rappelé que la Chine a apporté sa contribution à l’assistance humanitaire au cours des dernière années, promettant que son pays continuerait d’aider la Syrie et ses voisins selon ses capacités. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a axé son intervention sur les aspects internes et externes du conflit.  Concernant l’aspect interne, les choses se normalisent, a-t-elle constaté en évoquant les élections locales tenues dimanche dernier, même si tout le monde ne pouvait pas y participer.  Comme il n’y a pas de solution militaire, nous devons toujours chercher un cadre pour un accord politique entre les Syriens sur une période de transition conformément à la résolution 2254 (2015).  Les Syriens doivent négocier entre eux et c’est la raison pour laquelle nous avons besoin de ranimer le processus politique de Genève, a-t-elle dit en requérant la participation de toutes les parties au conflit, en particulier les autorités syriennes, de bonne foi et sans conditions préalables.

Pour ce qui de la dimension externe de la crise, la représentante a déclaré que toute action prise par quiconque, mais en particulier par les garants d’Astana, même contre les terroristes, ne peut justifier les attaques aveugles contre des civils innocents et les infrastructures civiles, y compris les établissements de santé.  La Russie, la Turquie et l’Iran jouent un rôle particulier à ce sujet, a-t-elle dit en s’inquiétant, à cet égard, de l’escalade des hostilités dans la province d’Edleb.  « Nous sommes aussi profondément préoccupés par la grave situation des plus vulnérables victimes du conflit en particulier les enfants, les femmes, les membres des minorités religieuses ainsi que les personnes déplacées. »  La représentante a appelé à laisser un accès libre et sûr pour l’aide humanitaire, dont l’évacuation médicale volontaire qui devrait être supervisée par l’ONU.  Elle a aussi appelé la Russie, la Turquie et l’Iran à prendre les mesures nécessaires pour assurer l’arrêt des combats et la protection du peuple syrien. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a présenté les condoléances de sa délégation à la Fédération de Russie après la mort des membres de l’équipage d’un avion militaire russe hier en Syrie.  Il a condamné le terrorisme en Syrie et a appelé la communauté internationale à s’assurer que les groupes terroristes soient neutralisés.  Pour le Pérou, le respect de l’intégrité du territoire syrien ne doit pas justifier des actes susceptibles d’affecter les civils. 

Le représentant a ensuite salué l’annonce de la création d’une zone tampon à Edleb afin de séparer les terroristes des autres groupes armés.  Il a invité toutes les parties à protéger la population et à promouvoir un processus politique en Syrie.  Pour le Pérou, il faut mettre en place au plus vite un comité constitutionnel qui comprend des femmes.  Il est aussi important de procéder à la libération des prisonniers et de remettre les dépouilles des combattants décédés aux familles.  « Une paix durable en Syrie passe par le retour des déplacés », a conclu le délégué. 

M. MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a souligné les risques humanitaires liés à une potentielle offensive militaire sur Edleb, appuyant l’appel du Secrétaire général à éviter à tout prix ce scénario « cauchemardesque ».  L’Éthiopie reconnaît toutefois le besoin de combattre les terroristes inscrits sur la liste de l’ONU par le biais d’une coopération et d’une coordination internationale renforcées, tout en trouvant des solutions pour protéger les civils d’Edleb.  Dans ce contexte, elle souhaiterait voir la diplomatie prévaloir.

Son représentant a salué la réunion de Sotchi entre les Présidents russe et turque qui a débouché sur un accord pour mettre en place des zones démilitarisées, sachant que cet accord devrait garantir aussi la protection des civils d’Edleb.  Il a exhorté les garants d’Astana à continuer de travailler ensemble pour trouver une solution durable qui « devrait avoir le soutien de tous les pays qui ont une influence sur les acteurs locaux en Syrie ».  Toutefois, il a appelé à ne pas perdre de vue que le règlement de la crise syrienne passe par un processus politique piloté par les Syriens et facilité par les Nations Unies, même s’il est justifié de se concentrer sur la situation urgente d’Edleb.  Il a appelé toutes les parties syriennes, les garants d’Astana ainsi que tous les autres pays exerçant une influence en Syrie à soutenir les efforts de l’Envoyé spécial en vue de finaliser la mise en place du comité constitutionnel, ce qui est essentiel pour pouvoir relancer les pourparlers politiques intrasyriens.

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a appelé à tout faire pour éviter une offensive générale, reconnaissant que l’accord russo-turque sur une zone démilitarisée autour d’Edleb semble être un pas dans cette direction.  Plaidant pour une désescalade de la situation à Edleb en vue d’éviter à tout prix une catastrophe humanitaire, elle a rappelé qu’une partie des 2,9 millions de civils vivant sur place ont d’ores et déjà pris la fuite au cours des derniers jours.  Saluant l’accord sur une zone démilitarisée de 15 à 20 Km, elle a néanmoins soulevé la question de savoir ce qui risque de se passer d’ici au 15 octobre, date d’entrée en vigueur de cet accord: La Russie et la Turquie seront-elles en mesure de garantir qu’il n’y aura pas de déplacements forcés de civils; l’accès humanitaire sera-t-il possible?, a-t-elle demandé, attendant des clarifications sur ces points de la délégation russe.

À son avis, on ne peut parler de processus politique crédible qu’une fois qu’un comité constitutionnel crédible et inclusif sera constitué.  De plus, il faut permettre à l’Envoyé spécial de compiler la « troisième liste », sans avoir à négocier avec des États.  « Quel est le calendrier; à quel moment le processus de prise de décisions passera des garants d’Astana au comité constitutionnel; qui décidera de son mandat; ce comité travaillera-t-il sur la réforme de la Constitution actuelle ou sur la rédaction d’une nouvelle constitution? »

Sur le plan humanitaire, elle a exigé un accès sans entrave, à la fois transfrontalier et à travers les lignes de démarcation.  Saluant au passage le plan d’action des Nations Unies, elle a martelé que les civils de la région d’Edleb doivent être protégés et leurs besoins couverts.  Elle a également reproché au régime syrien d’empêcher l’ONU de faire des évaluations indépendantes et d’assurer la coordination de l’aide humanitaire, alors même que ce sont là les conditions d’un financement de l’aide basé sur les besoins.  Réitérant aussi le scepticisme de son pays face au concept des « couloirs humanitaires » proposé par la Russie, elle a exigé un processus d’évacuation clair et encadré par les Nations Unies, avec un accès garanti à des abris corrects assurant des conditions d’hygiène, de sécurité, de santé et d’alimentation acceptables.  En conclusion, elle a affirmé à nouveau qu’il n’y aura pas d’aide pour la reconstruction de la Syrie tant qu’il n’y aura pas une transition politique durable, et tant que la menace d’une offensive massive planera sur Edleb. 

Pour Mme KAREN PIERCE(Royaume-Uni), « il n’y a plus de superlatif pour décrire la situation en Syrie ».  Elle a souhaité que l’accord signé hier entre la Turquie et la Russie soit mis en œuvre, exhortant cette dernière, qui est membre permanent du Conseil de sécurité, à agir.  La Russie, a-t-elle poursuivi, doit exercer son influence sur les autorités syriennes, faute de quoi les crimes commis par le Gouvernement syrien pourraient être attribués à la Russie.  Les trois millions d’habitants d’Edleb et les 18 millions de Syriens se demandent pourquoi l’accord ne pouvait pas être mis en œuvre immédiatement, a-t-elle noté. 

Concernant le processus politique, la représentante a apporté son appui et sa confiance à l’Envoyé spécial pour constituer la « troisième liste ».  Pour ce qui est de la situation humanitaire, elle a demandé au représentant de la Syrie « pourquoi il y a toujours des problèmes d’accès? »  La politique de la terre brulée est réelle, a-t-elle constaté.  « Que fait le Gouvernement syrien pour remédier à la situation? »  Elle a aussi rappelé l’annonce du Royaume-Uni qu’il apportera une aide de 40 millions de dollars pour Edleb.

Plus globalement, la représentante a estimé que les perspectives d’une guerre entre les États sont réelles en Syrie, prenant l’exemple des missiles qui sont tirés à partir du territoire syrien contre Israël.  Ce sont des mauvais calculs, a-t-elle averti tout en précisant qu’il s’agit d’une sonnette d’alarme pour l’Iran et le Hezbollah.  Mettre un terme au carnage et au conflit en Syrie serait le meilleur hommage qu’on puisse offrir à Kofi Annan, a-t-elle dit en conclusion.

Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a noté que, dans la partie sud-est de la Syrie, les activités militaires se sont réduites grâce au fait que le Gouvernement a récupéré le territoire des mains des groupes armés.  Elle a néanmoins appelé les parties à respecter le droit international et en particulier le droit international humanitaire, afin de garantir la protection des civils, des hôpitaux, des centres éducatifs, ainsi que du personnel humanitaire.  Elle a plaidé pour que les restes explosifs de guerre soient nettoyés dans toute la Syrie de façon urgente.  La représentante a insisté sur la protection à offrir aux 2,1 millions de personnes de la province d’Edleb qui sont dans le besoin, dont 1,4 million de déplacés.

La Bolivie rejette le terrorisme, a-t-elle dit en faisant référence à la violence dans la province d’Edleb.  Tous les efforts de lutte contre les groupes terroristes visés par le Conseil de sécurité ou les groupes armés, pour les séparer de la population civile, doivent prendre en compte la nécessité de protéger les civils, conformément au droit international.  La représentante a salué les initiatives de la Russie, de l’Iran et de la Turquie comme garants du cessez-le-feu et pour promouvoir un régime de stabilité, avant de plaider pour le renforcement des accords d’Astana.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a remercié toutes les délégations ayant présenté leurs condoléances à la sienne à la suite de l’incident d’hier en Syrie.  Une réunion a eu lieu hier à Sotchi et un mémorandum a été signé entre son pays et la Turquie.  Cet accord vise à établir une zone démilitarisée à Edleb afin de parvenir à une cessation durable des hostilités.  Pour la Russie, ce document laisse voir que la Syrie et les garants d’Astana œuvrent pour éviter des souffrances pour les civils d’Edleb.  Il a promis que ce travail se poursuivra, « quels que soient les propos envieux ou empreints de jalousie de certaines délégations ».  Il a aussi assuré que des efforts vont s’intensifier pour la création d’un comité constitutionnel, tout en invitant « les uns et les autres à s’abstenir de toute ingérence qui nuirait au règlement de la crise syrienne ».

Il s’est par la suite adressé directement à l’Envoyé spécial pour la Syrie, lui conseillant de ne point utiliser le Conseil pour faire pression sur les garants du processus d’Astana qui ont du reste « fait plus que quiconque pour la résolution de la crise en Syrie ».  Pour la Fédération de Russie, ceux qui veulent respecter la volonté des Syriens devraient s’abstenir de saper les efforts du « trio d’Astana » qui entend lancer un processus politique.

Le représentant a aussi parlé de la situation humanitaire en Syrie.  Il s’est dit indigné de voir la politisation de l’aide humanitaire et de la reconstruction.  Commentant le rapport du Secrétaire général sur le volet humanitaire, il a dénoncé « un document qui ne donne pas d’informations sur les efforts humanitaires dans les zones qui ne sont pas sous contrôle gouvernemental » comme celles qui sont sous influence de la coalition internationale ou des groupes armés.  « Pas un mot sur Raqqa qui fut dévastée par la coalition », a-t-il objecté en parlant d’un « humanisme sélectif ».  Il n’a pas manqué de critiquer des opérations humanitaires transfrontières dont l’impact a été surestimé.  Pour lui, ces opérations qui portent atteinte à la souveraineté territoriale de la Syrie ne sont pas transparentes et il faut y mettre un terme.

De même, a-t-il ajouté, les sanctions unilatérales n’affectent pas le régime comme vous le dites, mais bien les civils.  Il a ensuite évoqué le retour de déplacés et réfugiés, saluant pour l’occasion les mesures prises par les autorités syriennes dans le but de reconstruire le pays et fournir de l’aide aux gens qui retournent chez eux.  Il a parlé des quelque 1 935 interventions humanitaires de la Fédération de Russie en Syrie et des médecins russes qui soignent plus de 93 000 Syriens.

M. Nebenzia a souligné que, malgré une tendance générale à la stabilisation de la situation sécuritaire en Syrie, des combattants continuent de pilonner les positions gouvernementales, faisant des victimes civiles.  Ces combattants continuent également d’envoyer des drones sur la base russe d’Hmeimim.  Il a par ailleurs affirmé qu’à l’intérieur de la zone de désescalade d’Edleb, des combattants et des Casques blancs tournent des vidéos de scènes évoquant une attaque chimique.  Le Front el-Nosra aurait même transmis des barils de chlore à d’autres groupes terroristes.  Pour la Fédération de Russie, il est clair que ces combattants continuent d’avoir des soutiens extérieurs, mais il a promis que « ceux qui aident les terroristes en Syrie se rendront bientôt compte qu’ils ont eu tort de le faire ». 

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a condamné l’agression israélienne d’hier soir contre la Syrie.  L’Armée syrienne est en mesure de purifier le territoire des terroristes, a-t-il assuré.  Le représentant a demandé au Conseil de sécurité d’assumer sa responsabilité en exigeant qu’Israël rende compte de ses crimes en Syrie et ailleurs.  Il a regretté que les deux exposés de MM. de Mistura et Lowcock n’aient évoqué le « rôle subversif » d’Israël en Syrie et le rôle des groupes terroristes dans son pays.  Il a jugé inexcusable qu’ils aient oublié les actes terroristes en Syrie.  « Israël a attaqué le Syrie deux fois cette semaine mais on semble fermer les yeux sur ces attaques », a déploré le délégué en accusant certains membres du Conseil de continuer de nier les informations qui leurs sont communiquées. 

Le représentant a ensuite rapporté à son homologue français des propos qu’auraient tenus l’ancien Ministre des affaires étrangères de la France, M. Rolland Dumas, et d’autres fonctionnaires britanniques.  M. Dumas, a paraphrasé le délégué syrien, a refusé de participer avec « le Royaume-Uni qui avait préparé depuis longtemps l’invasion de la Syrie avant même le ‘‘Printemps arabe’’ ».  « Mais ça, c’était une autre France », a enchaîné le représentant: « c’était la France de Mitterrand, la France de Dominique de Villepin, la France de Rolland Dumas. »

« Pour préserver la vie des Syriens, tous les acteurs doivent travailler avec le Gouvernement syrien et non avec les groupes terroristes quels que soient leurs noms: EIIL, Daesh », a poursuivi le délégué.  Tous ces groupes armés en Syrie ne sont que des groupes terroristes dont les noms ont été génétiquement modifiés, a-t-il ajouté en se demandant pourquoi le Gouvernement français continue de fournir des soutiens à ces groupes qui ont pourtant perpétré des attaques au Bataclan et à Nice.  À son homologue des Pays-Bas, il a demandé si les actes de son gouvernement ne sont pas contraires à son devoir de préserver la sécurité internationale, faisant référence à des divergences entre le procureur et le gouvernement sur des informations concernant la présence de groupes terroristes aux Pays-Bas.

Avant de terminer, le représentant a dit que le Gouvernement syrien respecte son engagement concernant le comité constitutionnel.  Il a salué l’accord signé hier entre la Russie et la Turquie, qui est le fruit de consultations intenses menée par la Russie auprès du Gouvernement syrien.  Il a assuré que la Syrie continuera la guerre contre le terrorisme jusqu’à la victoire finale, soit par la guerre soit par un accord politique, avant de préciser que l’accord d’hier est assorti de délais et qu’il fait partie des accords précédents sur la zone de désescalade.  Cet accord respecte la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie. 

À la représentante du Royaume-Uni, il a indiqué qu’il n’y a pas de représentant du « régime syrien » au Conseil de sécurité, et qu’il répondra à ses interpellations quand elle s’adressera au représentant de l’État syrien.

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a rappelé que le Président Recep Tayyip Erdoğan avait indiqué qu’« Edleb est la dernière sortie avant le péage » et que « si la communauté internationale échoue à agir maintenant, des civils innocents, mais également le monde entier en payeront le prix ».  C’est fort de cette déclaration que les présidents russe et turc se sont rencontrés hier à Sotchi.  Ce Sommet, a-t-il expliqué, fut l’expression de la détermination pour arriver à une solution pacifique dans la perspective d’un désastre humanitaire majeur à Edleb.  L’accord de Sotchi s’est construit sur l’arrangement d’Astana sur les zones de désescalade.  Cet accord prévoit la création d’une zone démilitarisée et les deux parties qui vont continuer à travailler sur les détails de l’accord.

Pour le moment, on en retient ceci: les armes lourdes doivent être retirées de la zone démilitarisée d’ici au 10 octobre; tous les groupes terroristes doivent s’en retirer d’ici au 15 octobre; les postes d’observation turcs seront renforcés; la Fédération de Russie va prendre toutes les mesures pour empêcher toute opération militaire à Edleb; la Turquie et la Fédération de Russie vont mener des patrouilles conjointes sur les deux frontières de la zone démilitarisée.  En plus de cela, le Centre de coordination entre les garants d’Astana va être renforcé afin de consolider le régime de cessez-le-feu, tandis que des mesures additionnelles seront prises afin d’assurer la libre circulation des personnes et des biens. 

Le représentant a assuré que la Turquie et la Fédération de Russie ont décidé de poursuivre leur lutte contre le terrorisme en Syrie, y compris le combat contre les « Unités de protection du peuple kurde du Parti de l’Union démocratique » (PYD/YPG) qui, a-t-il affirmé, entend saper l’intégrité territoriale de la Syrie et représente une « menace directe à la sécurité nationale de la Turquie ». 

Sur la plan politique, la Turquie appelle à l’accélération des efforts pour l’établissement d’un comité constitutionnel crédible et ouvert.  Le pays plaide également pour des élections libres et justes en Syrie, sous la supervision des Nations Unies.  Enfin, le représentant a souhaité qu’il soit tenu compte des légitimes aspirations des populations syriennes.

M. GHOLAMALI KHOSHROO (République islamique d’Iran) a salué l’accord entre la Fédération de Russie et la Turquie sur la création d’une zone tampon à Edleb.  Il a expliqué que cet accord découle des principes et de l’esprit du processus d’Astana visant la création de zones de désescalade afin de réduire le risque de faire des victimes civiles dans la lutte contre le terrorisme.  Pour l’Iran, la lutte contre le terrorisme à Edleb fait partie intégrante de la mission de restauration de la paix et de la stabilité en Syrie.  Une mission qui ne doit pas affecter les civils, a-t-il insisté.  L’accord entre la Turquie et la Fédération de Russie est une étape dans ce sens, en droite ligne de la détermination exprimée à Téhéran par les Chefs d’État de ces deux pays et de l’Iran quand ils ont dit vouloir continuer d’éliminer tous les terroristes tout en tenant compte de l’aspect humanitaire. 

L’Iran souhaite en outre que les conditions soient réunies pour un retour sûr et volontaire des réfugiés et déplacés syriens, assurant que cela conduirait à un cessez-le-feu et à un dialogue national, tout en accélérant le processus de réconciliation.  « L’avenir de la Syrie est exclusivement entre les mains des Syriens », a précisé M. Khoshroo en appelant à l’établissement d’un comité constitutionnel.  Il a affirmé que son pays soutient la Syrie dans sa lutte contre les terroristes et qu’il veut également jouer un rôle constructif pour l’avènement de la paix et de la prospérité en Syrie.  Le représentant a terminé son propos en disant que « les allégations de la délégation des États-Unis visent tout simplement à couvrir l’échec des politiques de ce pays en Syrie ».

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