8357e séance – matin
CS/13513

Le Conseil de sécurité débat de la reconfiguration de la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei

Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix, a détaillé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, les recommandations du Secrétaire général visant à modifier le mandat de la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA) pour l’adapter « aux réalités actuelles du terrain ».  Si la plupart des délégations ont approuvé ces recommandations, celle du Soudan les a rejetées.

Comme l’indique le Secrétaire général dans sa lettre* adressée au Conseil en date du 23 août, le contexte a sensiblement évolué depuis le déploiement de la Force intérimaire.  Mes recommandations visent à remodeler la Force intérimaire pour la mettre au service du nouvel élan vers un règlement politique de la question d’Abyei et des autres litiges frontaliers qui opposent le Soudan et le Soudan du Sud, écrit le Secrétaire général.

M. Lacroix et l’Envoyé spécial pour le Soudan et le Soudan du Sud, M. Nickolay Haysom, qui s’est également s’exprimé, ont tenu à souligner les développements positifs qui se sont produits récemment entre les deux pays, en particulier la facilitation par le Soudan des pourparlers entre parties sud-soudanaises ayant abouti au récent Accord revitalisé de la résolution de la crise au Soudan du Sud.

Les deux hauts fonctionnaires n’ont néanmoins pas fait mystère de l’inégalité des progrès accomplis par les deux pays en vue du règlement de leurs questions frontalières, même si M. Haysom a estimé qu’il y a « de bonnes raisons de croire que la réticence des parties sera surmontée ».

Le Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière, crucial, qui doit offrir aux parties une zone tampon provisoire sur leur frontière commune, n’est ainsi pas encore pleinement opérationnel.  Le but de cette zone est de leur permettre de négocier pacifiquement les zones contestées.

« Nous ne pouvons appuyer un Mécanisme sous-utilisé et qui n’appuie pas le processus politique en vue d’aboutir à un statut définitif d’Abyei », a déclaré le délégué des États-Unis, tandis que son homologue de la Suède a estimé que « sept ans après la création de la Mission, nous ne sommes toujours pas proches d’une solution politique ».

Le délégué du Soudan du Sud a expliqué que les deux pays n’ont pas pu se voir régulièrement, « notamment parce que la région était jusqu’à présent focalisée sur l’Accord de paix sud-soudanais », tandis que son homologue du Soudan a insisté sur la stabilité sécuritaire à Abyei, grâce aux efforts des deux Gouvernements, avec le soutien de la FISNUA.

Saluée comme « l’une des meilleures missions de paix » de l’ONU par le Koweït, la FISNUA verrait, aux termes de la réforme proposée par le Secrétariat, ses effectifs militaires concentrés le long des frontières d’Abyei, pour prévenir toute incursion armée.  Trois unités de police supplémentaires seraient par ailleurs déployées.  Le plafond actuel de 4 500 membres en tenue ne sera pas modifié, a ajouté M. Lacroix. 

Si les délégations de la Bolivie, du Kazakhstan et de la France ont approuvé les recommandations du Secrétaire général, le représentant de l’Éthiopie a trouvé « difficile de soutenir la proposition de déployer des forces de police aux dépens des plafonds autorisés de personnels militaires ».  Il est prématuré de réduire l’effectif de la composante militaire dans la zone, a-t-il mis en garde.

De son côté, le délégué des États-Unis a estimé que ces recommandations sont « un bon point de départ même si elles ne vont pas assez pas loin ».  S’il a reconnu que la FISNUA fonctionne efficacement, il a invité à avoir une réflexion critique sur son mandat, en tenant compte de ressources financières par définition rares.

Enfin, si le représentant sud-soudanais a estimé que les aménagements prévus au mandat de la FISNUA permettront de renforcer la paix, le délégué du Soudan les a rejetés comme contraires aux arrangements sécuritaires en date de 2011.  « Il revient au Gouvernement du Soudan d’approuver le déploiement de la FISNUA », a-t-il tranché.

*S/2018/778

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD (S/2018/778)

Déclarations

M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a fait le point sur l’appui fourni par la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA) au Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière et sur les progrès faits par le Soudan et le Soudan du Sud dans la mise en œuvre des critères visés par la résolution 2412 (2018).  S’agissant du premier critère –la facilitation de la liberté de déplacements– les deux pays ont chargé leurs équipes d’agents de surveillance basés dans le quartier général du Mécanisme à Kadugli de fournir les autorisations, a-t-il dit, ajoutant que toutes les patrouilles de la FISNUA ont ainsi été approuvées sans délais depuis avril. 

En ce qui concerne la création de couloirs de passage de la frontière, ce qui correspond à deux autres des critères précités, M. Lacroix a indiqué que les progrès dépendent des efforts de sensibilisation à mener par les parties auprès des communautés vivant dans cette zone.  De tels efforts sont en effet nécessaires pour dissiper les préoccupations de ces communautés, en soulignant auprès d’elles que le marquage des couloirs de passage de la frontière et les opérations du Mécanisme ne préjugent en rien de l’actuel ou futur statut juridique de la frontière, a-t-il dit.  M. Lacroix a indiqué, concernant le Comité commun de démarcation, que les parties n’ont pas été en mesure d’avancer les discussions sur le document de démarcation de la frontière, qui doit guider l’opération de démarcation. 

Malgré les progrès inégaux en vue de remplir les critères visés, les derniers mois ont vu des développements positifs entre les deux pays, a-t-il dit, en citant les efforts du Soudan visant à faciliter les pourparlers entre parties sud-soudanaises à Khartoum.  À cette aune, M. Lacroix a exhorté le Conseil à considérer les recommandations pour la reconfiguration de la Force avancées par le Secrétaire général afin d’adapter la FISNUA aux réalités du terrain. 

Les opérations du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière se sont intensifiées l’année dernière et ont enregistré un élan positif, en raison de la posture proactive de la Force et du Conseil, a-t-il poursuivi.  Ce Mécanisme étant un élément essentiel de la normalisation des relations entre les deux pays, M. Lacroix a préconisé un modeste réajustement du mandat de la Force concernant ce Mécanisme, mais avec les mêmes ressources financières.  Cela permettrait à la Force de mieux appuyer les efforts menés par l’Union africaine pour la démarcation, y compris s’agissant des efforts de sensibilisation précités. 

Dans la zone d’Abyei, M. Lacroix a indiqué que la composante militaire de la Mission concentrerait ses déploiements le long des frontières de ladite zone afin de prévenir toute incursion armée.  Eu égard à l’augmentation des activités criminelles dans la zone, le Secrétaire général recommande par ailleurs le déploiement de trois unités de police supplémentaires afin d’assurer le maintien de l’ordre et de promouvoir la réconciliation entre les communautés locales, sans modifier l’effectif total du personnel en uniforme fixé à 4 500 membres. 

« Des consultations approfondies ont eu lieu entre le Secrétariat, les parties et l’Union africaine afin d’aboutir à ces recommandations dans le but de s’adapter à la situation sur le terrain, en réduisant notamment les troupes dans la zone, en faisant en sorte que la police assure des tâches de maintien de l’ordre et en promouvant des progrès s’agissant du mécanisme de surveillance de la frontière. » Un engagement accru de ce Conseil auprès des parties est nécessaire, pour s’accorder sur un mandat de la FISNUA qui serve les intérêts des parties et des communautés de la zone frontalière, a déclaré le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix. 

En conclusion, M. Lacroix a jugé impératif que les missions de paix s’adaptent aux réalités sur le terrain et œuvrent à une solution politique et estimé que l’appui de la FISNUA doit être reconfiguré afin que les parties aboutissent à des progrès tangibles.  C’est le but des recommandations du Secrétaire général, a-t-il conclu. 

M. NICKOLAY HAYSOM, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Soudan et le Soudan du Sud, a fait le point sur les négociations entre le Soudan et le Soudan du Sud au sujet du statut final d’Abyei, dont l’issue rendra possible « un retrait en temps opportun » de la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA) de la zone.  La guerre civile au Soudan du Sud, qui a démarré en 2013 et s’est intensifiée en 2016, a relégué la question d’Abyei au second plan, a-t-il relevé.  « Néanmoins, nous sommes maintenant convaincus qu’il y a de bonnes raisons de croire que la réticence des parties sera surmontée », s’est félicité le haut fonctionnaire, qui a fait état d’un changement de paradigme remarquable de la part des États membres de la Corne de l’Afrique pour engager les discussions avec leurs voisins.  C’est tout particulièrement vrai de l’Éthiopie et de l’Érythrée, dont le rapprochement a libéré une volonté de chercher des solutions politiques aux différends entre nations autrefois rivales. 

Les efforts de Khartoum pour négocier un accord entre les parties concurrentes dans la guerre civile au Soudan du Sud sont le meilleur exemple de ce changement, selon M. Haysom.  Le Soudan, a-t-il noté, insiste pour dire qu’il agît dans l’intérêt de la paix dans la région et l’établissement de relations de bon voisinage avec le Soudan du Sud.  Ses efforts ont été publiquement salués par Djouba et les autres parties signataires de l’Accord revitalisé de la résolution de la crise au Soudan du Sud (R-ARCISS).  Il n’y a aucun doute que la médiation réussie sur les questions en suspens dans l’accord de paix de l’IGAD par le Soudan a contribué à faire baisser les tensions entre Djouba et Khartoum.  Une partie de l’accord concerne l’établissement d’une coopération concrète entre les deux pays. 

« J’ai encouragé les Gouvernements du Soudan du Sud et du Soudan à élargir leur coopération dans le secteur pétrolier afin d’intensifier les engagements dans d’autres domaines de profits mutuels », a ajouté M. Haysom.  Il semble aussi que la réduction de l’intensité des conflits internes dans les deux pays, en particulier au Soudan du Sud, pourrait permettre une solution à cette question ainsi qu’à d’autres points couverts par leurs accords de coopération signés en 2012. 

La nouvelle donne a en effet permis à des personnalités éminentes concernées par Abyei, comme l’ancien Ministre des affaires étrangères, M. Francis Deng, de lancer une série de discussions informelles à Khartoum.  Leur but est d’ébaucher une feuille de route qui pourrait donner une nouvelle jeunesse à la coopération entre Ngok Dinka et Misseriya et offrir des perspectives pour les discussions sur le statut final d’Abyei.  C’est la première fois depuis 2012, lorsque les deux Présidents ont pris la responsabilité de régler la question d’Abyei, qu’il est possible pour les membres de groupe de pression sur Abyei dans les deux pays de mener des discussions directes sur cette question sensible.

Cette ambiance plus positive entre les deux pays a encouragé le Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’Union africaine à inviter les deux ministres des affaires étrangères des deux États pour une discussion sur Abyei la semaine prochaine.  Cette réunion devrait avoir lieu en marge de la session extraordinaire du Mécanisme conjoint pour les questions politiques et la sécurité.  « J’ai personnellement parlé avec les deux ministres séparément pour évaluer leur volonté de parler sur cette question et confirmer que le moment choisi pour une telle discussion était approprié.  Ils se sont montrés partants tout en étant clairs sur le fait qu’ils ne promettent pas un résultat positif », a indiqué M. Haysom.  Mais hier, les deux Gouvernements ont décliné l’offre de discuter la question d’Abyei en marge de la réunion du Mécanisme les 22 et 23 septembre car les deux ministres seront à New York, a poursuivi le haut fonctionnaire.  « Je reste optimiste et espère que leur rencontre aura lieu », a encore indiqué M. Haysom pour qui le fait de mettre la question du statut final d’Abyei sur l’agenda est déjà un point positif.

Concernant la proposition du Secrétaire général sur la FISNUA, il a confirmé que la disposition sur la dimension politique de la mission de la Force lui permettra de mieux gérer les relations intercommunautaires dans la zone d’Abyei et dans les zones frontalières adjacentes, en attendant une solution finale.  « Je peux confirmer que le Soudan et le Soudan du Sud reconnaissent que la FISNUA a contribué incontestablement au maintien de la paix et de la stabilité dans la zone y compris à travers le dialogue intercommunautaire et que cela a évité le retour au conflit à Abyei et, conséquemment, entre les deux pays », a dit le haut fonctionnaire en conclusion.

M. TAYE ATSKE SÉLASSIÉ (Éthiopie) s’est félicité de constater que la situation sécuritaire à Abyei est restée généralement calme au cours de la période considérée, Abyei étant devenu un centre commercial vibrant entre le Soudan et le Soudan du Sud, et une zone où de nombreuses communautés se sont réfugiées.  Le représentant a imputé cette stabilisation à la FISNUA, dont le travail au cours des six dernières années a permis de créer un environnement pacifique dans la zone d’Abyei.  Sans la présence de cette Mission onusienne, a-t-il mis en garde, existe un risque de résurgence des violences intercommunautaires.  Si le Soudan et le Soudan du Sud ont fait des progrès significatifs vers l’opérationnalisation du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière, il reste toutefois à mettre en œuvre l’Accord du 20 juin 2011 concernant les arrangements provisoires pour l’administration et la sécurité de la zone d’Abyei, a fait observer le délégué.  Il a mentionné à cet égard l’échec à établir les institutions intérimaires qui étaient supposées être mises en place en attendant la résolution définitive de la question d’Abyei. 

À la lumière de ces réalités, une reconfiguration du mandat de la FISNUA est envisageable, en vue d’améliorer ses capacités à prêter assistance aux parties pour mettre pleinement en œuvre les accords agréés, ce qui était, a rappelé M. Sélassié, la « raison d’être » même de la Force au moment de son déploiement.  Dans ce contexte, il a rappelé l’attachement de sa délégation au Mécanisme conjoint, qui doit faire l’objet d’une opérationnalisation complète, comme le recommande le Secrétaire général.  Cependant, la délégation éthiopienne n’a pas jugé nécessaire de transférer des troupes présentes dans la zone d’Abyei au Mécanisme conjoint pour rendre ce dernier complètement opérationnel: « Réduire le nombre de troupes aurait des conséquences sérieuses.  Simultanément, nous trouvons difficile de soutenir la proposition de déployer des forces de police aux dépens des plafonds autorisés de personnels militaires.  Il y a certes un mérite particulier à déployer des policiers, en particulier en l’absence de la force de police d’Abyei, mais nous considérons qu’il est prématuré de réduire l’effectif de la composante militaire dans la zone, en l’absence de la pleine mise en œuvre des accords de 2012. »  Le représentant éthiopien s’est ensuite prononcé en faveur du renforcement de la composante civile, et a repris à son compte l’appel du Secrétaire général aux bailleurs de fonds internationaux à financer des projets locaux axés sur la réconciliation et le développement. 

M. BADER ABDULLAH N. M. ALMUNAYEKH (Koweït) a pris note des propositions du Secrétaire général dans sa lettre du 20 août, et reconnu l’importance du rôle joué par la FISNUA, qu’il a qualifiée de « l’une des meilleures missions de maintien de la paix des Nations Unies ».  Il s’est également félicité de l’amélioration des relations entre le Soudan et le Soudan du Sud.  S’agissant du mandat de la Force, il a estimé qu’il devait tenir compte de l’évolution de la situation depuis l’an dernier. 

M. GBOLIÉ DESIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a noté avec regret le peu de progrès réalisés dans la mise en œuvre de accords de coopération de 2012 entre le Soudan et le Soudan du Sud.  Dans l’attente du règlement final du statut de la zone, il a appelé à mettre en place des institutions communes.  Il a aussi souhaité que les dirigeants soudanais et sud-soudanais accordent une attention diligente à la zone d’Abyei, « au regard de son importance ».  Il s’est ensuite félicité des efforts consentis par la FISNUA afin de garantir la sécurité et la stabilité dans la zone.  Toutefois, s’est-il inquiété, la situation instable pourrait se détériorer en l’absence de règlement politique viable sur le statut final de la zone d’Abyei.

S’agissant de la mise en œuvre de la résolution 2412 (2018), le représentant s’est réjoui du maintien, par les Gouvernements soudanais et sud-soudanais, de l’autorisation des patrouilles aériennes et terrestres de la FISNUA, et de la reprise des discussions sur les questions relatives à la démarcation de la frontière commune.  Il a cependant regretté les faibles avancées enregistrées en ce qui concerne la finalisation de l’accord sur les trois bases d’opérations restantes du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière, et la tenue des réunions du Mécanisme pour les questions politiques et de sécurité.  Il a souhaité que la FISNUA continue de soutenir le Mécanisme et a encouragé les autorités des deux pays à fournir davantage d’efforts en vue de la mise en œuvre des différents accords et des mesures prescrites par la résolution 2412 (2018).

Le délégué a par ailleurs jugé important que le mandat de la FISNUA soit adapté afin de refléter l’évolution de la situation sur le terrain et en vue d’améliorer son efficience en matière de protection des populations.  Il s’est réjoui des clarifications apportées par le Secrétaire général sur l’articulation des rôles que joueront le Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’UA et le bureau de son Envoyé spécial.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a noté, malgré la stabilité de la situation sécuritaire, que les progrès sont encore insuffisants concernant le statut définitif d’Abyei.  En conséquent, le délégué a appuyé la recommandation du Secrétaire général visant à renforcer le rôle de la Mission dans le règlement des questions frontalières et aboutir à un statut définitif pour Abyei.  Il a souligné le rôle important de la composante police de la FISNUA tout en l’encourageant à poursuivre ses négociations avec les parties en vue d’établir des comités de protection communautaires.  Malgré certains délais s’agissant de l’opérationnalisation du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière, le délégué a noté les efforts sérieux accomplis par ces deux pays dans ce but.  « Un tel Mécanisme est crucial pour maintenir la stabilité à Abyei et prévenir tout affrontement le long de la frontière entre le Soudan et le Soudan du Sud. »

Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a appuyé l’évaluation du Secrétaire général pour qui « la FISNUA est l’une des opérations de maintien de la paix dont le bilan est le plus positif.  Cette réussite est rendue possible par l’engagement et le dévouement du personnel de la Force, et par l’appui fourni par le Gouvernement éthiopien ».  Aussi, a-t-elle soutenu la proposition de reconfigurer le mandat de la Mission pour qu’elle puisse continuer à aider les parties à mettre en œuvre les accords en suspens.  La représentante a préconisé d’œuvrer à l’atténuation des tensions sur le marché commun d’Amiet, qui est devenu le symbole le plus visible de l’engagement pris par les Ngok Dinka et les Misseriya en faveur de la paix et de la réconciliation.  Ce marché, a-t-elle noté, a donné un nouveau souffle aux relations et au commerce entre les communautés dans l’ensemble de la région.  La Bolivie s’est donc déclarée favorable à la prorogation du mandat de la FISNUA, a déclaré la représentante, qui a cependant souhaité être informée au préalable des vues du Soudan et du Soudan du Sud, et des pays contributeurs de troupes. 

M. ANTOINE IGNACE MICHON (France) a rappelé que le Conseil de sécurité avait fixé des objectifs précis aux parties concernant la démarcation de la frontière et a constaté que les progrès accomplis en la matière ne sont pas à la hauteur des attentes.  Il a reconnu que des progrès existent, notant en particulier la délivrance des autorisations nécessaires pour les patrouilles de la FISNUA.  Mais, a-t-il estimé, le bilan est globalement décevant, notamment s’agissant de la mise en place des bases d’opérations du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière ou encore de l’ouverture des couloirs de passage à la frontière.  Tout en ayant conscience du fait que la saison des pluies rend le travail difficile, il a encouragé fortement les parties à faire plus et plus vite pour avancer sur la démarcation des frontières.

Dans ce contexte, a poursuivi le représentant, les recommandations formulées par le Secrétaire général sont d’autant plus importantes.  Il a notamment salué le choix de renforcer la posture politique de la FISNUA, notant que le statu quo politique mène à l’impasse, tout en précisant qu’il ne s’agit en aucun cas de se substituer à l’action du Groupe de haut niveau de l’Union africaine.  Parmi les autres aspects essentiels à ses yeux dans la perspective d’une évolution de la Mission, le délégué a cité la montée en puissance des composantes civile et policière de la Mission, ainsi que le redéploiement et la réduction globale de la composante militaire.  Il a aussi appelé la FISNUA à soutenir les initiatives locales qui sont utiles pour le processus politique tout en jugeant important d’encourager l’équipe de pays de l’ONU à développer des projets axés sur la réconciliation et le développement.

M.  CARL ORRENIUS SKAU (Suède) s’est félicité de la stabilité de la situation sécuritaire à Abyei, même si celle-ci demeure « imprévisible ». La présence continue de la FISNUA demeure cruciale, a-t-il dit.  « Sept ans après la création de la Mission, nous ne sommes toujours pas proches d’une solution politique », a-t-il déploré.  « L’impasse ne peut pas durer indéfiniment et nous devons intensifier nos efforts pour aller de l’avant. » Il a souligné le rôle crucial de la FISNUA pour la normalisation des relations entre les deux pays et appuyé la recommandation du Secrétaire général visant à renforcer son rôle d’appui au processus politique en vue d’aboutir à un statut définitif d’Abyei.  Le délégué a salué l’importance d’une pleine opérationnalisation du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière.  Enfin, il a salué le travail de la FISNUA s’agissant de la violence relative au genre et des droits des enfants. 

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a fait part de sa déception face au peu de progrès dans la démarcation de la frontière et du fait que peu de mesures prévues dans la résolution 2412 (2018) aient été mises en œuvre.  Elle a dit attendre notamment la tenue de la réunion du Mécanisme conjoint pour les questions politiques et la sécurité qui devrait insuffler une nouvelle dynamique dans le cadre des efforts visant une solution durable pour la région d’Abyei.

Pour les Pays-Bas, la stabilité dans la région doit rester l’objectif premier, c’est pourquoi le pays soutient les propositions contenues dans le rapport du Secrétaire général, notamment celle qui prescrit de « créer un espace politique comme prochaine étape ».  Pour les Pays-Bas, l’ajout d’une composante civile à la FISNUA pourrait contribuer à atteindre cet objectif. 

Mme Grégoire Van Haaren a également insisté sur l’importance de l’état de droit et de la responsabilisation.  Il est donc important, au vu de la montée de la criminalité, de renforcer les capacités des communautés locales en matière d’état de droit.  Pour y parvenir, la représentante a souscrit à la proposition du Secrétaire général d’augmenter le nombre de policiers de la Mission et notamment les femmes policiers.

M. JOANNA WRONECKA (Pologne) a estimé que l’absence d’autorités officielles effectives à Abyei a eu pour conséquence une application des lois pour le moins limitée et une gouvernance faible.  La délégation a ensuite rappelé que la responsabilité première dans l’application des accords conclus en 2011 et 2012 incombe au Soudan et au Soudan du Sud.  La Pologne estime donc que le Conseil de sécurité devrait rester uni dans son soutien aux deux Gouvernements pour les aider à établir dans les meilleurs délais le Mécanisme conjoint et à rechercher une solution politique à leur différend.  La délégation a jugé que la proposition de reconfigurer les tâches de la Mission devrait être prise en concertation avec les deux pays concernés, ainsi qu’avec l’Union africaine. 

M. WU HAITAO (Chine) a noté la stabilité de la zone d’Abyei et estimé que l’Accord de paix revitalisé signé le 12 septembre pour la fin du conflit au Soudan du Sud est un autre élément positif.  La volonté des dirigeants du Soudan et du Soudan du Sud doit être respectée concernant le statut définitif de la zone d’Abyei, a-t-il dit, en appelant de ses vœux la prise de « mesures pragmatiques ».  Le délégué a loué le travail accompli par l’Union africaine pour la réconciliation entre les deux pays, ainsi que l’appui fourni par la FINSUA pour l’opérationnalisation du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière.  Évoquant les recommandations du Secrétaire général s’agissant du mandat de la FISNUA, il a jugé crucial de prendre en compte les positions du Soudan, du Soudan du Sud et des pays contributeurs de troupes.  Enfin, le délégué a souligné l’importance d’apporter « des solutions africaines à des défis africains ».

M. PAUL DUCLOS (Pérou) a jugé impératif de réactiver le processus politique et de combler le vide gouvernemental et administratif à Abyei.  Il a misé sur un rôle plus actif pour la FISNUA et sur sa coordination avec la Commission et le Groupe de haut niveau de l’Union africaine, en vue de parvenir à une consolidation de la paix.  La FISNUA, a-t-il estimé, doit pouvoir aider à résoudre les controverses relatives aux frontières.  Il a souligné à cet égard l’importance du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière pour maintenir des relations stables entre le Soudan et le Soudan du Sud.  Il a aussi espéré que la FISNUA aiderait à renforcer les institutions, celles-ci devant garantir la gouvernance, l’état de droit et l’ordre public à Abyei.

Mme AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) s’est félicitée des progrès enregistrés dans la mise en œuvre du mandat de la FISNUA, qui est un instrument important pour stabiliser la zone d’Abyei.  Elle s’est toutefois dite préoccupée des tensions et conflits internes récurrents, qui rendent plus que jamais nécessaire pour les deux parties de mettre en œuvre les mesures prévues par des accords de coopération signés en 2012 et relatifs à la gestion des frontières et de la sécurité.  Dans ce contexte, le Conseil de sécurité devrait jouer un rôle constructif à l’appui des efforts déployés par la FISNUA pour remplir son mandat, a estimé le représentant, qui a, en conclusion, apporté son soutien à l’idée que la Mission puisse jouer un rôle encore plus actif dans la recherche d’une solution politique.

M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) a salué les deux pays pour avoir cessé d’entraver les déplacements de la FISNUA, en particulier les patrouilles aériennes, tout en les exhortant à régler les questions en suspens.  Le délégué a notamment jugé cruciaux les efforts de sensibilisation des communautés vivant dans la zone.  Il a appuyé les recommandations du Secrétaire général s’agissant de l’adaptation du mandat de la Force, soulignant la nécessité de réduire « à terme » la composante militaire de la FISNUA et de concentrer ses effectifs le long des frontières de la zone d’Abyei.  Notant que le service de police d’Abyei tarde à être mis en place, il a appuyé le déploiement de trois unités de police supplémentaires tel que préconisé par le Secrétaire général, afin de lutter contre la criminalité dans la zone.  Enfin, le représentant a souligné la nécessité de faire en sorte que la Mission soit dotée des ressources nécessaires. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) s’est félicité de la baisse récente des tensions entre « les deux Soudan », et des efforts déployés par l’UA et l’IGAD dans la normalisation des relations intersoudanaises.  Il a également jugé positives les réunions régulières qui se tiennent entre les communautés ngok dinka et misseriya, dans le cadre d’un effort de réconciliation.  Malheureusement, les dispositions des accords de 2011 et 2012 ne sont toujours pas mises en œuvre, a regretté le délégué, tout en saluant les progrès réalisés vers l’opérationnalisation du Mécanisme conjoint par les parties.

Concernant la FISNUA, le représentant a rappelé que sa délégation avait appuyé le renouvellement du mandat précédent, et qu’elle était favorable à une prorogation supplémentaire.  Conscient des entraves au processus politique entre Khartoum et Djouba, il a estimé que la Force joue un rôle important en prêtant assistance aux deux capitales pour stabiliser la situation dans la zone d’Abyei.  Au moment de reconfigurer le mandat de la Force, « il faudra respecter les règles fondamentales du maintien de la paix », a préconisé le représentant de la Fédération de Russie, pour qui il est aussi nécessaire de tenir compte des vues des deux pays concernés et des pays fournisseurs de contingents. 

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a souligné la nécessité de reconfigurer la FISNUA pour l’adapter aux réalités du terrain.  « Les recommandations du Secrétaire général sont un bon point de départ même si elles ne vont pas assez pas loin. » Le délégué a, en particulier, estimé que la composante militaire de la Mission ne se justifiait plus.  Il a ensuite déploré le manque de progrès en vue de l’opérationnalisation du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière, avant d’exhorter les parties à œuvrer pour remplir les critères de la résolution 2412 (2018).  « Nous ne pouvons appuyer un Mécanisme sous-utilisé et qui n’appuie pas le processus politique en vue d’aboutir à un statut définitif d’Abyei. »

Le représentant a aussi plaidé pour l’augmentation de la composante policière de la FISNUA lors de la reconfiguration de la Mission, tout en soulignant l’importance d’une composante civile pour créer un espace politique propice à un règlement définitif.  Si la FISNUA fonctionne efficacement, nous devons avoir une réflexion critique sur son mandat, en tenant compte de ressources financières par définition rares, a poursuivi le délégué des États-Unis.  Il doit y avoir une stratégie de sortie, y compris pour les missions qui ont montré leur efficacité, a-t-il conclu. 

M. AKUEI BONA MALWAL (Soudan du Sud) a salué la lettre du Secrétaire général relative à la reconfiguration du mandat de la FISNUA.  Ses recommandations ont été bien accueillies par les Ngok Dinka, a-t-il dit : les neuf Chefferies ngok dinka ont transmis hier une lettre à cet effet au Conseil de sécurité.  Le représentant a néanmoins exprimé des inquiétudes au sujet de la proposition qui préconise que la FISNUA soutienne l’idée d’une force de police non armée spécialisée dans les migrations des Misseriya.  Il a craint qu’une telle mesure vienne, sur le long terme, légitimiser l’installation illégale sur certaines terres appartenant aux Dinka, ce qui freinerait le retour des déplacés ngok dinka vers leurs terres légitimes. 

En ce qui concerne les rencontres entre le Soudan et le Soudan du Sud, le délégué a expliqué que les deux pays n’ont pu se voir régulièrement, notamment parce que la région était jusqu’à présent focalisée sur l’Accord de paix sud-soudanais.  La réunion du Mécanisme conjoint pour les questions politiques et la sécurité est prévue samedi prochain, 22 septembre, à Addis-Abeba, a-t-il annoncé.

Il a ensuite rappelé la disposition de la résolution 2416 (2018) du Conseil de sécurité, qui demandait que « le Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’Union africaine informe le Conseil de sécurité des progrès faits par les parties dans la mise en œuvre de mesures pour appliquer l’Accord concernant les arrangements provisoires pour l’administration et la sécurité de la zone d’Abyei et pour parvenir à un règlement politique sur le statut d’Abyei ».  Étant donné que les deux parties n’ont pu se rencontrer régulièrement, il a proposé qu’elles fassent, ensemble ou séparément, des comptes rendus au Conseil de sécurité.  Il a enfin relevé que si la paix a prévalu à Abyei au cours des récentes années, c’est aussi parce que la FISNUA a bien rempli sa mission. Il a estimé que les aménagements prévus au mandat de celle-ci permettront de renforcer la paix entre les deux parties et entre les communautés d’Abyei.  De ce fait, maintenir la force de la FISNUA tout en la renforçant d’éléments de police semble être une décision prudente et sage du Conseil de sécurité, a-t-il conclu.

M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan) a tenu à rappeler la situation qui a permis la conclusion de l’Accord du 30 juillet 2011 entre les Gouvernements soudanais et sud-soudanais concernant le Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière et le respect du principe de l’autodétermination par le peuple sud-soudanais.  Selon lui, la stabilité sécuritaire qui prévaut désormais à Abyei est le résultat direct des efforts déployés par les Gouvernements soudanais et sud-soudanais, avec le soutien de la FISNUA.  En attendant la pleine mise en œuvre des accords en suspens, le représentant a fait observer qu’Abyei fait « partie intégrante » du territoire soudanais.

Le délégué du Soudan a ensuite rejeté les recommandations du Secrétaire général, qu’il a jugées contraires aux arrangements sécuritaires datés de 2011.  Le représentant a également fait valoir qu’il revenait au Gouvernement du Soudan d’approuver le déploiement de la FISNUA, et que cet accord ne serait pas modifié sans l’accord de Khartoum.  Il a par ailleurs appelé le Soudan du Sud à coopérer avec Khartoum et l’UA pour hâter l’établissement des arrangements provisoires pour l’administration et la sécurité de la zone d’Abyei. Le délégué a enfin souligné la nécessité d’examiner la situation d’Abyei dans le cadre d’une approche tenant compte des avis des deux pays et de l’évolution de la situation sur le terrain.  Cela lui a paru d’autant plus justifié que son gouvernement a accueilli, le 12 septembre 2018, les parties au conflit au Soudan du Sud pour la signature de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit au Soudan du Sud (R-ARCSS).

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