8397e séance – après-midi
CS/13574

RDC: au Conseil de sécurité, la Représentante spéciale plaide pour un « terrain de jeu politique juste » à l’approche des élections du 23 décembre

En République démocratique du Congo (RDC), à neuf jours du début de la campagne officielle et à moins de six semaines des élections présidentielles et législatives, prévues le 23 décembre, les parties prenantes restent résolument engagées en faveur de ce processus, malgré des divisions persistantes à propos de l’usage de la machine à voter et de la fiabilité du fichier électoral, a déclaré, cet après-midi au Conseil de sécurité, la Représentante spéciale du Secrétaire général pour la République démocratique du Congo (RDC), Mme Leila Zerrougui.

« Il est d’une importance capitale que les candidats disposent d’un accès égal à l’espace politique pendant la campagne, et que les restrictions imposées aux manifestations pacifiques soient levées », a insisté la Représentante spéciale.  Des progrès supplémentaires dans la mise en œuvre de mesures de renforcement de la confiance sont donc nécessaires, a-t-elle assuré, en recommandant de garantir jusqu’au 23 décembre « un terrain de jeu politique juste ».

Les principaux candidats de l’opposition à l’élection présidentielle se sont entendus, dimanche à Genève, sur une candidature unique, celle de M. Martin Fayulu, qui les représentera dans le cadre d’une nouvelle coalition dénommée Lamuka (« Réveille-toi », en lingala) », a annoncé la haute fonctionnaire.  Mme Zerrougui a souligné que le choix de M. Fayulu comme candidat commun de l’opposition suscitait toutefois de vives contestations parmi les militants de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) et de l’Union pour la Nation congolaise (UNC).  Face à ces contestations, les leaders de l'UDPS et de l'UNC ont annoncé leur retrait de l’accord signé la veille, a-t-elle ajouté.

Quant au Front commun pour le Congo, il vient de présenter l’équipe de campagne de son candidat, M. Emmanuel Ramazani Shadary, dont le programme devrait être dévoilé le 15 novembre, a annoncé Mme Zerrougui.  Forte d’un versement de 322,2 millions de dollars par le Gouvernement, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a annoncé la formation d’environ 600 000 personnels électoraux chargés d’assurer le bon déroulement des opérations de vote dans 75 563 bureaux, répartis sur 23 000 sites à travers le pays.

Toutefois, malgré la tenue récente d’un Forum pour la paix et la réconciliation à l’initiative de la Plateforme des confessions religieuses, l’opposition se plaint du rétrécissement de l’espace politique dans le pays, a constaté la Représentante spéciale.  Elle fait état de l’impossibilité de tenir des réunions sur l’ensemble du territoire et de l’accès inéquitable aux médias publics.  Elle condamne également ce qu’elle considère comme « l’usage présumé des ressources de l’État au profit du Front commun pour le Congo », a relaté Mme Zerrougui.

Prenant la parole par visioconférence depuis Kinshasa, Mme Joséphine Mbela, de l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ), a mis en cause la non application de l’Accord de la Saint-Sylvestre, en particulier des mesures de décrispation politique, qui seraient restées, d’après elle, lettre morte.  Elle en a voulu pour preuve le fait que 54 prisonniers politiques seraient toujours emprisonnés, quatre radios de l’opposition fermées, et des dirigeants de l’opposition toujours en exil, sans compter la poursuite des arrestations ou des appréhensions de militants.

De la Suède à l’Éthiopie, en passant par le Royaume-Uni et les Pays-Bas, les membres du Conseil n’ont pas manqué d’encourager Kinshasa à mettre en œuvre les mesures de renforcement de la confiance, conformément au cinquième volet de l’Accord signé le 31 décembre 2016.  Le représentant congolais a assuré que son gouvernement s’était efforcé de répondre à ces exigences, notamment en relâchant tous les prisonniers « dits politiques », à l’exception de deux individus, incarcérés pour des infractions de droit commun. 

« Par ailleurs, avec 601 partis politiques, 476 stations de radio, 210 chaînes de télévision et 445 titres de presse écrite, la RDC bat tous les records en termes de liberté d’expression, même si tout n’est pas parfait comme d’ailleurs nulle part au monde », s’est enorgueilli le délégué.  Et si certaines manifestations ont été interdites, a-t-il ajouté, cela n’était nullement dans le but d’étouffer la liberté d’expression, mais plutôt afin d’éviter des troubles à l’ordre public lorsque ces rassemblements présentaient le risque de dégénérer en « désordre ».

Alors que la campagne pour ces élections commence dans 10 jours seulement, la France a rappelé que l’Accord de la Saint-Sylvestre de 2016 prévoit la levée de l’interdiction générale de manifester.  Si, par ailleurs, cette délégation a dit respecter la décision du Gouvernement congolais d’organiser les élections « sans aide extérieure », plusieurs autres, dont la Suède, l’Éthiopie ou les Pays-Bas lui ont rappelé que la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO) restait disposée à prêter un soutien logistique à l’organisation des scrutins de décembre, « en cas de besoin ».

La MONUSCO, qui est dans l’est du pays la cible d’attaques perpétrées par les miliciens des Forces démocratiques alliées et des Maï-Maï, lesquels s’en prennent également aux Forces armées congolaises et aux civils, s’est alarmée Mme Zerrougui.  Or, ces violences aggravent l’épidémie d’Ebola déclarée en RDC le 1er août dernier, en provoquant les déplacements de population dans la partie orientale du pays, et au-delà.  Dès lors, les opérations armées de ces groupes non-étatiques posent un réel « risque d’interférence » avec le processus électoral, notamment au Tanganyika, et dans les Kivus, a-t-elle prévenu, rejointe sur ce point par le représentant congolais.

LA SITUATION CONCERNANT LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Déclarations

À neuf jours du début de la campagne officielle et à moins de six semaines de la date des élections présidentielle et législatives congolaises, Mme LEILA ZERROUGUI, Représentante spéciale du Secrétaire général pour la République démocratique du Congo (RDC), a déclaré qu’en dépit de la persistance de divisions sur l’usage de la machine à voter et la fiabilité du fichier électoral, toutes les parties prenantes restent résolument engagées en faveur de ce processus.  « Les principaux candidats de l’opposition à l’élection présidentielle se sont entendus dimanche à Genève sur une candidature unique.  À l’issue d’un conclave de trois jours facilité par la Fondation Kofi Annan, ils ont désigné M. Martin Fayulu pour les représenter dans le cadre d’une nouvelle coalition dénommée Lamuka (« Réveille-toi », en « lingala) », a annoncé la haute fonctionnaire.  La coalition a annoncé la prochaine organisation d’un meeting à Kinshasa pour présenter le candidat commun de l’opposition, son programme et l’état-major de la campagne, a-t-elle précisé.  Le choix de M. Fayulu comme candidat de l’opposition est toutefois vivement contesté parmi les militants de l’UDPS et de l’UNC, dont les dirigeants ont annoncé leur retrait de l’accord signé la veille, a observé Mme Zerrougui. 

Pour sa part, le Front commun pour le Congo vient de présenter l’équipe qui soutiendra la campagne de son candidat, M. Emmanuel Ramazani Shadary, dont le programme devrait être dévoilé le 15 novembre.  Le 31 octobre, le Président Joseph Kabila a présidé une réunion interministérielle d’évaluation du processus électoral à laquelle la MONUSCO a été invitée à participer.  Forte d’un versement de 322,2 millions de dollars par le Gouvernement, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a annoncé la formation d’environ 600 000 membres du personnel électoral pour assurer le bon déroulement des opérations dans 75 563 bureaux de vote, répartis sur 23 000 sites.  Parallèlement à des milliers d’observateurs de la société civile congolaise, une mission d’observation électorale de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) sera déployée.

Mais, malgré la tenue récente d’un Forum pour la paix et la réconciliation par la Plateforme des confessions religieuses, l’opposition se plaint du rétrécissement de l’espace politique.  Elle se plaint « notamment de l’impossibilité de tenir des réunions sur l’ensemble du territoire et de l’accès non équitable aux médias publics ».  Elle condamne également ce qu’elle considère comme « l’usage présumé des ressources de l’État au profit du Front commun pour le Congo », a expliqué Mme Zerrougui. 

Après avoir indiqué qu’elle poursuivrait sa mission de bons offices, la Représentante spéciale a fait état des défis qui se posent dans le pays, à commencer par la situation au cours des derniers mois à Beni, où les civils, les Forces armées de la RDC (FARDC) et la MONUSCO sont visés par des attaques perpétrées par les Forces démocratiques alliées et les Maï-Maï, au moment où la communauté internationale est mobilisée par la lutte contre l’épidémie d’Ebola dans la même région.  Par ailleurs, il existe un réel risque d’interférence des groupes armés dans le processus électoral dans des zones spécifiques de l’est de la RDC, notamment au Tanganyika, dans le Sud-Kivu et dans les secteurs des Grand et Petit Nord du Nord-Kivu.  Enfin, la MONUSCO surveille de près la situation dans les Kassaï, à la suite du retour forcé de migrants congolais en provenance d’Angola.  Compte tenu du rythme des retours, de la capacité limitée d’accueil des personnes de retour, et des difficultés auxquelles elles font face une fois rentrées, il existe un risque de tensions ethniques dans certaines zones de la province, a mis en garde Mme Zerrougui. 

« Dans ce contexte changeant, nous devons collectivement veiller à ce que ces élections attendues depuis longtemps soient crédibles », a-t-elle exhorté.  « Il est d’une importance capitale que les candidats disposent d’un accès égal à l’espace politique pendant la campagne, et que les restrictions imposées aux manifestations pacifiques soient levées », a prévenu la Représentante spéciale.  Elle a espéré des progrès supplémentaires dans la mise en œuvre de mesures de renforcement de la confiance et recommandé de garantir jusqu’au 23 décembre « un terrain de jeu politique juste », afin de renforcer de manière significative la crédibilité du processus et de contribuer à la stabilité postélectorale.

Mme JOSÉPHINE MBELA, de l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ), a fait état d’une « situation politique tendue », résultat de la non-application de l’Accord de la Saint-Sylvestre.  Elle en a donné pour preuve que 54 prisonniers politiques sont restés emprisonnés; que quatre radios de l’opposition sont fermées; et que des dirigeants de l’opposition sont toujours en exil, y compris M. Moïse Katumbi.  Mme Mbela a ensuite exprimé ses préoccupations quant à la situation des droits de l’homme en dénonçant notamment les violences sexuelles, les rétrécissements des libertés publiques, l’instrumentalisation de la justice, ainsi que l’impunité des hauts responsables des services de sécurité et des agents des forces de l’ordre.  Trois militants de l’opposition ont été arrêtés il y a trois jours, tandis que 17 membres du Mouvement citoyen ont été appréhendés pour avoir encouragé les gens à lutter contre la corruption, a encore énuméré Mme Mbela.

Pour ce qui est de la participation des femmes au processus électoral, elle a regretté qu’elles soient moins nombreuses que prévu à être inscrites sur la liste électorale:  seulement 12% des femmes sont inscrites, au lieu des 30% de représentation minimale des femmes dans les institutions publiques selon la loi.  Mme Mbela a aussi reconnu que travailler pour défendre les droits de l’homme est dangereux pour les femmes.  « Je me suis engagée en dépit des risques pour le bien-être de la population », a-t-elle témoigné. 

L’ACAJ, a poursuivi la responsable, recommande au Gouvernement des « mesures de décrispation politique » notamment par la libération des prisonniers d’opinion, la lutte contre l’impunité des responsables des services de sécurité, ou encore la promotion du leadership féminin.  À la CENI, elle recommande de trouver un consensus sur l’utilisation des machines à voter.  Concernant la MONUSCO, la militante a suggéré de multiplier les patrouilles pour prévenir les attaques des groupes armés.  Enfin, s’adressant au Conseil de sécurité, la représentante de l’ACAJ lui a demandé de rester mobiliser pour la protection des civils, en particulier à Beni, et pour la mise en œuvre de l’Accord de la Saint-Sylvestre. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a déclaré que la RDC est à un moment crucial de son histoire: La France est convaincue qu’il existe aujourd’hui une opportunité historique avec les élections du 23 décembre pour un transfert démocratique et pacifique du pouvoir.  Des progrès ont été faits en ce sens, notamment ceux déployés par la CENI, a reconnu le représentant, ajoutant cependant que ces avancées techniques n’auront de sens que si tous les candidats sont convaincus de pouvoir concourir librement et si le peuple congolais a confiance que son vote sera pris en compte.  Pour cela, la confiance dans le processus est clef, a estimé M. Delattre qui a prôné un dialogue entre toutes les parties pour répondre aux questions techniques posées.

Alors que la campagne pour ces élections commence dans 10 jours seulement, la France rappelle que l’Accord de la Saint-Sylvestre de 2016 prévoit la levée de l’interdiction générale de manifester.  Elle espère sincèrement que le Gouvernement, comme les candidats de l’opposition, honoreront cet Accord, pour le bien du peuple congolais.  La France respecte par ailleurs la décision du Gouvernement congolais d’organiser les élections sans aide extérieure, a dit le représentant avant d’indiquer toutefois que la France reste disposée, à travers la MONUSCO, à apporter un appui à l’organisation de ces élections, « si le Gouvernement congolais en faisait la demande ».

Mme NIKKI R.  HALEY (États-Unis) s’est adressée aux citoyens congolais à l’approche des élections dans leur pays, résumant leurs désirs communs de sécurité et de liberté.  « Il y a des voix qui disent aux Congolais que la démocratie n’est pas le moyen de combler leurs espoirs.  Elles veulent que vous croyiez qu’un gouvernement représentatif est trop risqué et trop inefficace.  Elles vous demandent de continuer à faire confiance à un gouvernement qui n’assume pas ses responsabilités devant vous », a noté Mme Haley.  « Ces voix sont fausses », a-t-elle tranché, avant d’affirmer qu’en dépit de sa perfectibilité, « la démocratie en vaut la peine ». 

Un processus démocratique est en cours en RDC, lequel a débuté avec l’Accord de la Saint-Sylvestre, a poursuivi Mme Haley.  Elle a rappelé que ce processus avait été renforcé par un calendrier électoral et un processus clair pour les élections du 23 décembre 2018.  Ce processus, a-t-elle continué, a pris de l’élan avec l’engagement pris par le président Kabila à ne pas se présenter à ces élections.  « Maintenant, la démocratie au Congo est sur le point de passer le test le plus important.  C’est une opportunité historique », selon Mme Haley.  Notant que le gouvernement congolais a clairement indiqué qu’il organiserait des élections le 23 décembre et qu’il le ferait sans l’aide de la communauté internationale, elle a dit respecter son droit souverain de prendre cette décision, en soulignant ses conséquences énormes pour le peuple congolais.  Mais elle a mis en garde qu’il n’y aurait aucune excuse pour tout échec ou retard éventuels.  « Il ne reste plus, pour les dirigeants de la RDC, qu’à manifester leur volonté de suivre la voie démocratique qui leur a été donnée », a-t-elle conclu.

M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée-Équatoriale) a salué les efforts du Gouvernement congolais à lutter contre l’épidémie d’Ebola.  Le représentant a dit que la stabilité en RDC est importante pour la stabilité de toute la région, y compris en Guinée-Équatoriale.  Le processus électoral a connu des progrès réels, a-t-il noté en saluant notamment les mesures de décrispation politique et le versement par le Gouvernement d’une somme importante à la CENI pour la bonne organisation des élections.  « Il faut renforcer ce processus pour que tous les citoyens puissent exercer leur droit de vote.  Il faut continuer à œuvrer pour que les activités politiques s’organisent dans la paix et que le processus électoral se déroule normalement. »

Les machines à voter et la décrispation politique sont également très importantes, a réitéré le représentant pour qui le succès du processus électoral dépend des mesures prises pour garantir la stabilité du pays.  Il a également rappelé l’engagement du Président Joseph Kabila à respecter la Constitution du pays et à garantir le financement par le Gouvernement du processus électoral.  C’est la preuve du dévouement du Président pour son pays, a estimé M. Mbengono. 

La situation sécuritaire dans le Beni mérite notre attention, a continué le délégué: « il faut prendre des mesures pour protéger les civils, avec le soutien de la MONUSCO ».  Il a appelé les groupes armés à cesser les attaques et demandé aux autorités d’assurer la reddition de la justice, afin que les responsables des violations soient jugés.  Il faut également mettre un terme aux exploitations illégales des ressources naturelles congolaises, a ajouté le représentant qui y voit une source d’instabilité du pays.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a salué les efforts du Gouvernement de la RDC et de la CENI pour respecter le calendrier électoral et organiser des élections transparentes, libres, crédibles et ouvertes le 23 décembre prochain.  Dans le cadre du scrutin, le représentant a appelé à respecter pleinement le droit des citoyens congolais à la liberté d’association, ainsi que la liberté de la presse. 

En outre, le représentant a souligné l’importance pour l’ensemble des acteurs politiques de respecter les termes de l’Accord politique du 31 décembre 2016 et de prendre, à cette fin, des mesures visant à instaurer un climat de confiance.  Il a également exhorté la classe politique à coopérer avec le Gouvernement et la CENI pour régler toutes les questions d’ordre logistique liées à l’utilisation des machines à voter, dans le but de garantir le bon déroulement du scrutin.

Par ailleurs, le représentant s’est dit préoccupé par la dégradation de la situation sécuritaire dans l’est du pays, ainsi que par l’épidémie d’Ebola.  Il a condamné les récentes attaques contre des civils et des membres du personnel de santé, perpétrées par des groupes armés dans le territoire de Beni et la province de l’Ituri.  Il a conclu en appelant la communauté internationale et les organisation régionales et sous-régionales à suivre de près le déroulement du scrutin et la période post-électorale, afin d’appuyer le mieux possible la construction d’une paix durable en RDC.

M. IBRAHIMA TOURE (Côte d’Ivoire) a salué la CENI pour la bonne tenue du processus électoral qui entrera dans une phase cruciale avec l’ouverture de la campagne officielle le 22 novembre 2018.  Il a donc appelé tous les acteurs politiques congolais à créer un environnement favorable à la tenue d’élections libres, transparentes et crédibles le 23 décembre 2018.  À la veille de ce coup d’envoi, la situation sanitaire dans l’est de la RDC, marquée par la persistance de l’épidémie d’Ebola, demeure un sujet de préoccupation.  En effet, le contexte de campagne électorale qui entraînera d’importants mouvements et rassemblements de population, fait craindre des risques élevés de propagation de la maladie. 

La délégation ivoirienne a donc appelé les autorités sanitaires nationales et internationales à la vigilance, en vue du renforcement des mesures préventives pendant cette période électorale.  Le représentant s’est par ailleurs félicité de la mission conjointe d’évaluation de la situation sur le terrain, effectuée en RDC le 5 novembre dernier par le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix et par le Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). 

M. OLOF SKOOG (Suède) s’est concentré sur trois aspects importants de la préparation des élections, à savoir une confiance renforcée, un espace démocratique et un appui international.  Le désaccord sur les machines à voter et la liste électorale, ainsi que l’incertitude sur la livraison à temps des équipements électoraux, ont préoccupé le représentant.  Il a recommandé à la Commission nationale électorale indépendante (CENI) et aux autres parties prenantes de la société civile de sensibiliser le public sur le processus électoral, notamment sur les machines à voter, soulignant que c’est particulièrement important en dehors de Kinshasa. 

Le représentant a poursuivi en relevant que les restrictions de l’espace public continuent d’entraver les perspectives d’élections crédibles.  L’Accord du 1er janvier et les mesures de renforcement de la confiance doivent être pleinement mis en œuvre par toutes les parties, a-t-il exigé, en ajoutant que les candidats doivent avoir les mêmes possibilités de faire campagne.  En outre, les observateurs des élections de la société civile doivent être autorisés à mener leurs travaux sans interférence.  Le représentant a recommandé la participation pleine et égale des femmes, ce qui nécessite des informations claires sur les droits de vote et l’inscription sur la liste électorale.  Il a également demandé de traiter le problème de la violence, notamment sexuelle et sexiste, et d’autres violations des droits de l’homme.

Le délégué a appelé l’ONU et la MONUSCO à continuer d’aider le Gouvernement et la CENI avant, pendant et après les élections.  L’assistance technique et les bons offices du Représentant spécial du Secrétaire général sont essentiels, estime la Suède pour qui la MONUSCO devrait rester prête à soutenir les préparations logistiques des élections.  Le représentant a encore plaidé pour la sécurité du personnel de l’ONU, des observateurs internationaux, des Casques bleus et des experts travaillant en RDC, en soulignant que le Gouvernement porte la responsabilité première non seulement de protection de ces personnels mais aussi de justice à l’encontre des auteurs des violations.  Il a rappelé à cet égard que les attaques contre les Casques bleus, le personnel de l’ONU et les experts sont des infractions passibles de sanctions en vertu du droit congolais. 

Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a rappelé que les membres du Conseil de sécurité avaient eu l’occasion, durant leur visite récente en RDC, de s’entretenir avec la CENI et le Président Joseph Kabila sur le futur scrutin.  Dans ce contexte, la représentante a estimé qu’il convenait de soutenir pleinement les efforts que déploie le Gouvernement de la RDC pour s’en tenir au calendrier électoral prévu, dans le respect des engagements pris lors de l’Accord de la Saint Sylvestre, Accord qu’il a appelé à mettre en œuvre dans son intégralité.

La représentante a, en outre, appelé le Gouvernement et l’opposition à travailler de concert pour prendre des mesures visant à instaurer un climat de confiance.  Elle a précisé que le Gouvernement devait prendre l’initiative sur cette question.  Dans cette perspective, la déléguée bolivienne a condamné les appels à la mobilisation susceptibles d’entraîner des violences.

Elle a appuyé les efforts de la CENI qui visent à mobiliser les partis politiques autour de la formation d’observateurs à l’utilisation des machines à voter.  Elle a salué l’appui du processus électoral que fournissent la MONUSCO, le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC) et l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs.  En outre, la représentante a appelé le Conseil à imposer des sanctions à l’encontre des réseaux criminels qui font obstacle au contrôle par le Gouvernement de la RDC des ressources naturelles du pays, y compris les groupes armés et les « facilitateurs commerciaux et financiers ».  Le Conseil doit enquêter sur les entreprises qui alimentent ces réseaux criminels en RDC, a-t-elle ajouté. 

Pour la paix et la stabilité en RDC, a dit Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie), le peuple congolais doit pourvoir exercer son droit démocratique et choisir ses dirigeants pendant les élections inclusives et transparentes prévues le 23 décembre 2018.  « Nous espérons que toutes les parties prenantes nationales et les politiciens respecteront l’intérêt du peuple et s’abstiendront de faire des déclarations incendiaires », a ajouté la représentante.  Dans ce contexte, elle a réitéré l’appel de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) qui a souligné l’importance de la mise en œuvre des mesures de renforcement de la confiance par le Gouvernement. 

La représentante a aussi encouragé la CENI à tirer parti de la volonté de l’ONU de fournir un soutien technique et logistique au bon déroulement des élections du 23 décembre.  Le soutien de la MONUSCO dans la gestion des entrepôts, ainsi que l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies et de procédures de formation pour 440 000 membres du personnel électoral, en plus de la participation des femmes, mérite d’être salué, a estimé la déléguée qui avant de terminer, s’est félicitée de la visite du Directeur général de l’OMS et du Secrétaire général adjoint, M. Jean-Pierre Lacroix, dans l’épicentre de l’épidémie d’Ebola, pour rencontrer les travailleurs sanitaires, les représentants de la société civile, les Casques bleus et les autorités locales.  Cette visite envoie un message clair sur la gravité de l’épidémie et le défi sécuritaire, a-t-elle estimé. 

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a identifié le renforcement de la confiance entre tous les acteurs politiques et sociaux congolais comme une condition préalable et propice à un processus électoral crédible.  Il s’est ensuite déclaré préoccupé des informations nombreuses à faire état en RDC de restrictions à la liberté d’expression et à la liberté de réunion, ainsi que de violations de la liberté de la presse.  Sa délégation a donc encouragé le Gouvernement à poursuivre le dialogue, à pleinement mettre en œuvre l’Accord de la Saint-Sylvestre, à veiller à l’égalité des chances pour toutes les parties prenantes au processus électoral et à ouvrir l’espace public.

L’Accord de la Saint-Sylvestre, a rappelé le représentant, fait également mention de la remise en liberté de tous les prisonniers politiques restants, dont des militants d’organisations de la société civile et de défense des droits de l’homme.  Il a en outre appelé les organisations régionales et sous-régionales pertinentes, ainsi que les États voisins, à continuer d’apporter un soutien cohérent et efficace au processus politique en RDC. 

M. DIDAR TEMENOV (Kazakhstan) a noté les progrès du Gouvernement de la RDC sur le plan politique, avec la préparation d’élections dans des conditions « claires et transparentes », impliquant les femmes et respectant les échéances du calendrier électoral.  Louant la volonté du Gouvernement congolais d’assumer entièrement leur organisation, il s’est félicité que soient octroyés à la CENI les moyens de transport nécessaires pour le déploiement en temps et en heure du matériel électoral à travers le pays.  Notant également la nature pacifique des récentes manifestations autorisées par le Gouvernement à Kinshasa, il a appelé toutes les parties à continuer à dialoguer de manière tolérante et constructive.  Il a aussi encouragé les autorités à travailler de façon coordonnée avec la MONUSCO pour assurer la sécurité nécessaire durant chaque phase des élections.

Au-delà de ces élections, le représentant a appelé les autorités à traiter les causes profondes du conflit, en soutenant le travail de la communauté internationale et des partenaires régionaux.  Inquiet de l’activité de groupes armés dans l’est du pays posant un risque important pour les populations civiles, il a condamné les attaques sur ces derniers, y compris les rapts d’enfants, et considéré comme crucial le renforcement des capacités des FARDC, les Forces armées du pays.  Concernant l’Ebola, il a constaté que les mesures collectives pour contenir l’épidémie fonctionnaient, mais que les conditions demeuraient dangereuses, ce qui l’a conduit à demander à la communauté internationale de maintenir son aide efficace.

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a salué les avancées dans la mise en œuvre du calendrier électoral, marquée notamment par la distribution du matériel et la formation du personnel des bureaux de vote, avant de rappeler au Gouvernement de la RDC que la MONUSCO reste disposée à contribuer au soutien logistique.  Elle a noté les défis qui subsistent, tels que le manque de confiance et la restriction de l’espace politique, et exhorté les partis à faire campagne de manière constructive. 

Mme van Haaren a souligné la nécessité d’ouvrir davantage encore l’espace politique.  Elle a appelé les autorités à lever l’interdiction totale de manifester et à respecter la liberté d’expression, avant de demander la libération des 130 prisonniers politiques.  « Il est essentiel de renforcer la confiance et de trouver un consensus entre les partis politiques et la CENI. »

Enfin, la déléguée a insisté sur la tâche colossale qui attend le vainqueur, lequel devra faire face aux défis qui subsistent en RDC, en particulier sécuritaire.  Les attentats perpétrés dans la région de Béni sont inacceptables et menacent la lutte déjà incertaine contre l’épidémie d’Ebola, a-t-elle dit.  « Pour éliminer durablement les racines du conflit et de l’instabilité en RDC, il est indispensable qu’une passation de pouvoir démocratique fasse suite à des élections crédibles, pacifiques et transparentes. »

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a pris note du fait que les préparatifs électoraux en RDC se déroulent conformément au calendrier fixé, ainsi que de la publication de la liste finale des candidats, lesquels devront souscrire à un code de conduite.  Il a appelé les parties prenantes à renoncer à mener des campagnes négatives, et à ne pas déstabiliser la situation en raison des divisions que suscite l’utilisation de machines à voter.  Les préparatifs logistiques sont déjà en cours pour les élections de décembre, et nous respectons la décision du Gouvernement congolais de s’en occuper sans le soutien de la communauté internationale, a déclaré le représentant. 

La délégation russe a, cependant, appelé à ne pas négliger les possibilités logistiques offerte par la MONUSCO.  Le rôle de la Mission dans le processus électoral, a précisé le représentant, doit rester confiné aux limites que lui impose son mandat.  Il a, en conclusion, encouragé les pays signataires à pleinement mettre en œuvre dans l’est du pays l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région.

M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) a relevé que la RDC est à la croisée des chemins: les élections de décembre 2018 pourraient être la première occasion d’un transfert démocratique du pouvoir dans le pays.  Une RDC stable est une source de prospérité et de stabilité non seulement pour le pays mais aussi pour le monde, a estimé le représentant qui a salué les efforts du Gouvernement congolais en matière de liste électorale et la non-présentation de M. Kabila à la présidentielle.  Il a appelé tous les acteurs du pays à veiller à ce que le droit civil et politique des électeurs soit respecté. 

Tous les partis politiques doivent pouvoir se réunir pacifiquement, a-t-il ajouté tout en reconnaissant qu’il était inquiet des dernières arrestations parmi les manifestants opposés au Gouvernement.  Le délégué a demandé à M. Kabila de respecter ses promesses et aux partis politiques de faire des manifestations pacifiques.  Le Gouvernement, les partis politiques et la CENI doivent dialoguer pacifiquement, y compris sur la question des machines à voter et la liste électorale, a-t-il recommandé.  Le représentant a encore demandé aux acteurs de répondre aux attentes de la société civile, encourageant notamment la CENI à mettre en œuvre les différentes recommandations sur l’utilisation des machines à voter afin de renforcer la confiance des électeurs.  « La population a beaucoup à gagner dans ces élections », a-t-il conclu en appelant à mettre de côté les ambitions politiques. 

M. BADER ABDULLAH N. M. ALMUNAYEKH (Koweït) a déclaré qu’à la veille des élections présidentielle et législatives, l’accent doit être mis sur la mise en œuvre des mesures de confiance prévues par l’Accord de la Saint-Sylvestre.  La question des machines à voter continue également de poser un défi de taille, que le Gouvernement devra surmonter avec l’accord de toutes les parties prenantes, a souhaité la délégation.  S’il a salué l’engagement pris par Kinshasa à organiser les élections par ses propres moyens, le représentant s’est en revanche déclaré alarmé de la situation dans l’est de la RDC, où 10,5 millions de personnes dépendent de l’aide humanitaire.  Il a également pris la mesure de l’étendue de l’épidémie d’Ebola, qui provoque des déplacements de population, y compris dans les pays voisins, en espérant que les efforts en cours permettraient de l’endiguer. 

M. MA ZHAOXU (Chine) a salué les efforts du Gouvernement congolais et de la CENI dans la préparation des élections.  Le représentant a également salué « l’approche congolaise » des élections.  Pour le délégué chinois, néanmoins, les défis de la sécurité et de l’épidémie d’Ebola doivent être résolus dans le respect de la souveraineté de la RDC.  La priorité consiste à veiller au déroulement sans heurts des élections, a dit le représentant à l’intention non seulement de la communauté internationale mais aussi des parties prenantes congolaises. 

Tous les acteurs du pays doivent résoudre les différends de manière pacifique, a-t-il réitéré.  Les acteurs régionaux et internationaux doivent également agir en respectant la souveraineté de la RDC.  S’agissant de la lutte contre l’épidémie d’Ebola, le représentant a demandé à la communauté internationale de répondre activement à l’appel à l’aide humanitaire de la RDC.  La Chine contribue dans ce domaine, avec la communauté internationale, a fait valoir le délégué.

M. IGNACE GATA MAVITA WA LUFUTA (République démocratique du Congo) a affirmé qu’à « plus ou moins un mois et demi de la date prévue pour l’élection présidentielle du 23 décembre 2018 », et conformément au calendrier électoral, « les préparatifs se déroulent bien ».  Il a précisé que toutes les activités qui devaient être entreprises avant l’avènement de la date tant attendue ont été accomplies.  Parmi celles-ci, la CENI a procédé au recrutement des 511 901 agents électoraux, à la sensibilisation et à la formation des électeurs à l’usage de la machine à voter et à l’application du Code de bonne conduite.  Elle a également déployé le matériel électoral dans tout le pays et accompli les opérations d’accréditation des témoins, observateurs et journalistes, entre autres.

S’agissant du financement, « tout se passe aussi correctement que prévu et conformément au plan de décaissement établi. » Plus de 72% des sommes budgétisées ont déjà été décaissées et le Gouvernement s’emploie à mettre à disposition de la CENI les moyens requis pour les étapes critiques restantes, dont le montant restant à décaisser est évalué à 122 millions de dollars.

Sur le plan sécuritaire, des éléments supplémentaires de la police ont été recrutés et formés et seront bientôt déployés suivant le plan de sécurisation en cours d’élaboration.  Une partie de ces éléments sera affectée à la sécurisation des candidats à l’élection présidentielle.  Par ailleurs, concernant la gestion du contentieux électoral, les juridictions d’appels ont été installées dans les 26 provinces, tandis que les magistrats chargés d’y siéger ont été recrutés et formés, a encore assuré le représentant. 

Abordant les sujets de préoccupations, M. Gata Mavita Wa Lufuta a dit être convaincu que les échanges que les membres du Conseil de sécurité ont eu avec la CENI, lors de leur visite le mois dernier en RDC, avaient permis de « dissiper toutes les appréhensions ».  « En effet, quand on se trouve face à 35 016 candidats, pour trois élections combinées qui se déroulent en une seule fois, la machine à voter est le mode le plus facile à utiliser par rapport au registre de 54 pages reproduisant les photos des candidats », a déclaré le représentant.

Concernant les mesures de confiance et la restriction de l’espace politique, le Gouvernement a pris une série de mesures pour répondre aux exigences de l’Accord politique du 31 décembre 2016, a poursuivi le délégué en indiquant qu’il avait libéré des prisonniers « dits politiques », à l’exception de deux personnes encore détenues non pour des raisons politiques, mais pour des infractions de droit commun.  Par ailleurs, avec 601 partis politiques, 476 stations de radio, 210 chaînes de télévision et 445 titres de presse écrite, la RDC bat tous les records en termes de liberté d’expression, même si tout n’est pas parfait comme d’ailleurs nulle part au monde, a-t-il encore affirmé. 

Dans ce contexte, la délégation ne partage pas l’avis selon lequel aucun progrès n’a été fait dans l’application des mesures de confiance.  Il estime aussi, s’agissant des manifestations publiques à Kananga dans le Kasaï central et à Kinshasa, que si certaines ont été interdites, cela n’était nullement dans le but d’étouffer la liberté d’expression, mais plutôt pour éviter des troubles à l’ordre public lorsqu’il était établi qu’elles pouvaient dégénérer et provoquer des « désordres ». 

Concluant son intervention, M. Gata Mavita Wa Lufuta a déclaré que, si la situation sécuritaire semble relativement calme sur l’ensemble du pays, celles qui prévalent à Béni et à Butembo dans le Nord-Kivu demeurent préoccupantes, suite aux attaques répétées des rebelles et notamment des Forces démocratiques alliées - Armée nationale de libération de l’Ouganda.  Cette situation « peut avoir un impact négatif sur le déroulement des élections dans cette partie du pays et sur la riposte contre l’épidémie du virus Ebola », a-t-il prévenu. 

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