8408e séance – après-midi
CS/13597

Conseil de sécurité: « déficit de confiance et de dialogue » au Burundi, selon l’Envoyé spécial de l’ONU

La situation au Burundi demeure fragile, en raison notamment de l’absence de dialogue politique inclusif, mais du fait aussi des difficultés humanitaires, économiques et financières, et de menaces sécuritaires, a, cet après-midi, déclaré l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour ce pays, M. Michel Kafando, devant le Conseil de sécurité. 

Venu présenter le dernier rapport en date du Secrétaire général de l’ONU sur la situation au Burundi –et le premier depuis le 25 janvier 2018–, le haut fonctionnaire a en effet constaté que les derniers mois avaient été marqués par des « tensions qui secouent la classe politique » et témoignent d’un « déficit de confiance et de dialogue » entre le pouvoir et les partis d’opposition.

Il en a voulu pour preuve l’absence du Gouvernement, du parti majoritaire et de ses alliés lors de la tenue, au cours des dernières semaines, de la cinquième session du dialogue interburundais, absence regrettée par plusieurs membres du Conseil, de la Suède au Pérou, en passant par les Pays-Bas et les États-Unis.

Pourtant, la déclaration faite en juin par le Président burundais Pierre Nkurunziza, selon laquelle il ne briguerait pas un nouveau mandat, semblait pouvoir aider « à apaiser les tensions politiques et à inciter les parties à parvenir à un consensus alors que les préparatifs des élections législatives de 2020 ont commencé », a fait observer le Secrétaire général dans son rapport. 

L’absence du Gouvernement à la cinquième session du dialogue interburundais fait suite à un autre développement politique, à savoir le rejet, par le Ministre de l’intérieur de la demande d’enregistrement du parti Front national pour la liberté (FNL) Amizero y’Abarundi, dirigé par le leader de l’opposition Agathon Rwasa, au motif d’une « violation de certaines dispositions de la loi sur les partis politiques ».  Quant à la plateforme des partis de l’opposition extérieure CNARED, elle a lancé, le 9 novembre, un appel à l’Union africaine et à l’ONU à prendre en main le processus du dialogue interburundais, pour éviter notamment le recours aux armes, « prôné par certains membres de 1’opposition ». 

Exprimant son désaccord « avec l’ensemble » du rapport du Secrétaire général, le représentant du Burundi a, pour sa part, fait état d’un climat « détendu et serein » dans son pays, estimant qu’il existe un « fossé béant » avec la réalité sur le terrain.  Il a tenu à rappeler « les gestes concrets de bonne volonté allant dans le sens de l’apaisement général » de son gouvernement, à commencer par la décision du Chef de l’État de ne pas se représenter en 2020, « alors qu’il en avait le droit », et la libération de plus de 2 000 prisonniers, dont « les insurgés de 2015 ».

La tenue des futures élections législatives et présidentielle est une affaire interne au Burundi, a estimé la Fédération de Russie, pour qui la communauté internationale ne devrait pas s’en mêler, d’autant que le Président Nkurunziza en fonctions a assuré ne pas vouloir briguer un autre mandat.  Partisan de solutions africaines aux questions africaines, la délégation a mis en garde contre les « dangers » posés par le fait de faire porter l’échec du processus politique à une seule partie.  « L’ONU et les partenaires européens ne devraient pas couvrir l’opposition », a-t-il tranché.  Selon M. Kafando, l’Union européenne a renouvelé pour un an les sanctions à l’encontre de responsables et d’officiers burundais, pour « violations graves des droits de l’homme, ainsi que pour obstruction à la démocratie et aux efforts de paix en cours ».

En réponse aux préoccupations de l’Envoyé spécial et certains membres du Conseil au sujet de la liberté d’expression, le représentant burundais a affirmé que son pays jouit d’une « bonne tradition » en ce domaine et d’une société civile « très active », comme le démontre, selon lui, la hausse du nombre de médias dans le pays, passé de 94 en 2015 à 122 en 2018, ainsi que la reconnaissance par le Gouvernement de 100 associations à but non lucratif depuis janvier 2016, portant le nombre total au Burundi à 6 500.

Si plusieurs intervenants ont considéré que la « situation sécuritaire » était relativement calme dans le pays, le Président de la « Configuration Burundi » de la Commission de consolidation de la paix, M. Jürg Lauber, a fait état d’un contexte socioéconomique préoccupant.  Il a cependant noté que le Gouvernement avait lancé, en août dernier, un plan de développement pour la décennie 2018-2027, dont l’objectif est de transformer structurellement l’économie du Burundi pour obtenir une croissance forte, durable et inclusive à même de garantir un emploi décent pour tous.

C’est cependant en partie « en raison la détérioration continue de la situation socioéconomique du pays », que près de 1,7 million de personnes sont aujourd’hui menacées par l’insécurité alimentaire, sur fond de retour de 52 260 réfugiés au Burundi au cours de la période à l’examen.  Au vu des besoins criants, le Royaume-Uni a regretté la suspension, le 27 septembre dernier, de toutes les activités des organisations non gouvernementales internationales présentes au Burundi pour une période de trois mois. 

Autre motif de préoccupation invoqué par certains: la situation des droits de l’homme, alors que le Gouvernement burundais n’a toujours pas repris sa coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, a relevé l’Envoyé spécial, en dénonçant des arrestations arbitraires, des disparitions forcées, des actes d’intimidation, et des discours de haine, notamment contre des acteurs de l’opposition. 

Après avoir affirmé que son Gouvernement avait établi des « commissions d’enquête judiciaire », le représentant burundais a reconnu que le pilier des droits de l’homme restait « le maillon faible » de la coopération entre son pays et l’ONU.  Selon lui, les « relations conflictuelles et tendues » avec le Haut-Commissariat sont « contreproductives » pour les deux parties. 

Néanmoins, sur la base des éléments qu’il a portés aujourd’hui à l’attention de ses membres, le représentant burundais a appelé le Conseil de sécurité à avoir « le courage de retirer le Burundi de son ordre du jour », en prévenant que le maintien de « réunions intempestives sur la base d’une résolution obsolète » risquait de devenir un « facteur de déstabilisation » pour son pays.  Si la Chine et la Fédération de Russie ont abondé en ce sens, la France, en revanche, a estimé que le suivi par le Conseil de la situation au Burundi était justifié par les violations des droits de l’homme et l’importance de l’échéance électorale de 2020, deux questions qui « exigent une attention particulière ».

LA SITUATION AU BURUNDI (S/2018/1028)                              

Déclarations

M. MICHEL KAFANDO, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Burundi, a présenté la situation au Burundi pour la période allant du 10 août au 30 octobre 2018, marquée par des tensions qui secouent la classe politique et témoignent d’un déficit de confiance et de dialogue entre le pouvoir et les partis d’opposition.  « La situation politique a été dominée, au plan interne, par quatre faits majeurs », a-t-il relevé.  Tout d’abord, le rejet, par le Ministre de l’intérieur –invoquant la violation de certaines dispositions de la loi sur les partis politiques–, de la demande d’enregistrement du parti Front national pour la liberté/Amizero y’Abarundi, dirigé par le leader de l’opposition Agathon Rwasa.  Ensuite, a poursuivi le haut fonctionnaire, il y eu l’appel lancé à l’Union africaine et à l’ONU, le 9 novembre, par la plateforme des partis de l’opposition extérieure CNARED (Conseil national pour le respect de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi et la restauration de l’état de droit), leur demandant de prendre en main le processus du dialogue interburundais, pour éviter notamment le recours aux armes prôné par certains membres de 1’opposition.  Autre développement: le renouvellement, jusqu’en octobre 2019, de mesures restrictives adoptées par l’Union européenne à l’encontre d’un certain nombre de responsables gouvernementaux et d’officiers burundais, pour « violations graves des droits de l’homme, ainsi que pour obstruction à la démocratie et aux efforts de paix en cours », a précisé l’Envoyé spécial.  Enfin, dernier élément, le renouvellement, jusqu’en 2022, par l’Assemblée nationale burundaise, du mandat de la Commission Vérité et réconciliation, avec comme principale mission d’examiner les actes de violence commis de 1985 à 2008.

Plus fondamentalement, la situation politique a été largement dominée ces dernières semaines par la tenue de la cinquième session du dialogue interburundais sans, « malheureusement », la présence du Gouvernement, du parti majoritaire et de ses alliés, a regretté M. Kafando.  Les participants ont adopté leur feuille de route, rejetant ainsi de facto celle du Gouvernement adoptée en août, notamment pour l’absence de consultations préalables à son adoption.  « Sur la base d’une synthèse des différentes propositions, le facilitateur, Benjamin Mkapa, ancien Président de la Tanzanie, a soumis au Médiateur le rapport final du processus de dialogue qu’il a mené », a relaté l’Envoyé spécial.  Selon lui également, la situation sécuritaire au Burundi est restée « relativement calme » pendant la période à l’examen.  Cependant, début novembre, les médias ont fait état de combats meurtriers à Uvira, en République Démocratique du Congo (RDC), qui ont opposé les Forces de défense nationale du Burundi à un groupe de rebelles armés, Red Tabara, et qui auraient fait de nombreux morts. 

Dans son rapport, le Secrétaire général relève que la situation des droits de l’homme au Burundi reste préoccupante et rappelle que le Gouvernement n’a toujours pas repris la coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.  Les violations des droits de l’homme et autres abus, tels que les arrestations arbitraires, disparitions forcées, et autres actes d’intimidation, persistent, tout comme les discours de haine, notamment contre des acteurs de l’opposition.  « L’espace démocratique, sauf pour certains partis alliés au gouvernement, reste restreint », a constaté M. Kafando.  S’agissant du dernier rapport de la Commission d’enquête sur le Burundi, le Secrétaire général déplore les propos inacceptables des représentants du Gouvernement burundais contre ce rapport et ses auteurs.

« La situation humanitaire demeure préoccupante », a poursuivi l’Envoyé spécial.  En effet, on estime à près de 1,7 million le nombre de personnes menacées par l’insécurité alimentaire, s’est-il alarmé, en réitérant les préoccupations du Secrétaire général devant la détérioration continue de la situation socioéconomique du pays et face à l’insécurité alimentaire qui affecte de nombreux Burundais.  Dans son rapport, le Secrétaire général se réjouit des démarches entreprises par le Gouvernement et des ONG internationales pour relancer leur coopération.  Par ailleurs, de janvier à octobre 2018, près de 52 260 réfugiés sont retournés au Burundi, dans le cadre du programme de rapatriement volontaire, notamment depuis la Tanzanie.  Il resterait encore un peu plus de 380 000 Burundais dans la région, dont 227 510 en Tanzanie.  Dans ce contexte, « le Secrétaire général encourage le Gouvernement à poursuivre sa collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), à garantir le caractère volontaire du rapatriement et un retour dans la dignité, et à assurer la réinsertion des personnes concernées dans leurs communautés d’origine ou d’accueil », a expliqué le haut fonctionnaire.

« Il ressort donc que la situation au Burundi demeure fragile, en raison notamment de l’absence de dialogue politique inclusif, mais du fait aussi des difficultés humanitaires, économiques et financières, et des menaces sécuritaires », a résumé l’Envoyé spécial.  Après plus de trois ans d’efforts inlassables, à travers le processus de dialogue interburundais, il faut que l’ONU, l’Union africaine, la sous-région et les partenaires du Burundi réévaluent les voies et moyens pour aider le pays à sortir de la crise politique actuelle, a-t-il préconisé.  Aussi le Secrétaire général se félicite-t-il, a dit M. Kafando, de la tenue projetée d’un « sommet ordinaire » de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), et espère que la question burundaise y sera examinée.  En fonction des conclusions et surtout des recommandations qui en émaneront, la CAE, l’ONU, et l’Union africaine devront procéder à une réévaluation de leurs engagements pour aider le Burundi à sortir définitivement de la crise, surtout dans la perspective des élections de 2020, a-t-il conclu.

M. JÜRG LAUBER, Président de la « Configuration Burundi » de la Commission de consolidation de la paix, qui s’est rendu au Burundi du 5 au 9 novembre, a fait le point sur sa visite pendant laquelle il s’est essentiellement concentré sur la coopération socioéconomique, et concrètement sur le nouveau plan national de développement (NDP).  Il a également eu l’occasion d’aborder les questions relatives à la situation politique au lendemain de la cinquième session du dialogue facilité par la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), et au retour des réfugiés.

Après avoir cité les hauts fonctionnaires qu’il a rencontrés lors de cette visite, notamment le second Vice-Président du Burundi et le Ministre des affaires étrangères, M. Lauber a indiqué que sa réunion avec le Président Pierre Nkurunziza n’a pas pu avoir lieu à cause d’un empêchement de dernière minute. 

Pendant sa visite au Burundi, plusieurs interlocuteurs lui ont assuré que la situation sécuritaire dans le pays restait calme et stable.  L’annonce faite par le Président Nkurunziza pour dire qu’il ne se présenterait pas aux élections de 2020 a été l’un des développements les plus significatifs depuis la dernière visite de M. Lauber en mars 2018.  Il a d’ailleurs espéré que cette annonce contribuera à atténuer les tensions entre acteurs politiques à l’approche des élections de 2020.

La question du soutien de l’ONU lors des élections de 2020 au Burundi a été évoquée avec le Ministre des affaires étrangères, qui a indiqué à M. Lauber que les préparatifs électoraux ont d’ores et déjà commencé et que la communauté internationale pourrait jouer un rôle pour encourager l’opposition en exil qui n’était pas impliquée dans le coup de mai 2015 à rentrer au Burundi et à participer à ces élections.  La feuille de route de Kayanza, signée en août 2018 par certains leaders de partis politiques n’a cependant pas été signée par tous, comme l’ont signalé à M. Lauber des acteurs de la société civile et de partis d’opposition, ce qui soulève à leur avis le risque que les élections de 2020 ne soient pas inclusives.  Ils ont émis l’espoir que la Commission électorale nationale indépendante sera réellement impartiale.

Un grand nombre d’interlocuteurs de M. Lauber ont regretté que le Gouvernement n’ait pas participé à la cinquième et dernière session du dialogue interburundais facilité par la CAE, qui a eu lieu à Arusha en octobre.  Cette absence a été justifiée par le Gouvernement et certains partis politiques. 

Sa récente visite, a expliqué M. Lauber, lui a permis de poursuivre le dialogue socioéconomique avec le Gouvernement et les partenaires internationaux du Burundi, un dialogue qu’il avait initié, il y a deux ans, avec le Coordonnateur résident des Nations Unies.  Rappelant que le Gouvernement a lancé, en août dernier, un plan de développement pour la période 2018-2027, il a expliqué que l’objectif de ce plan est de transformer structurellement l’économie du Burundi pour obtenir une croissance forte, durable et inclusive permettant d’assurer un emploi décent pour tous et d’améliorer le bien-être de la population. 

« Pendant les 10 années à venir, ce document sera un texte de référence pour les partenaires de développement du Burundi », a estimé M. Lauber qui a encouragé le Gouvernement et les donateurs à s’en servir comme point de départ de leurs discussions sur la coopération en matière de développement.  À cet égard, il a rappelé la table ronde organisée par le Gouvernement le 6 novembre dernier pour lui présenter, ainsi qu’au Coordonnateur résident, ce nouveau plan national de développement en présence de ses auteurs.  De plus, le Président de la « Configuration Burundi » a tenu deux réunions avec les donateurs bilatéraux et multilatéraux au sujet de ce plan.  Une feuille de route pour sa mise en œuvre est en cours de préparation par le Gouvernement.

S’agissant de l’interruption récente du travail de certaines organisations non gouvernementales au Burundi, le Gouvernement a informé M. Lauber que 25 ONG internationales s’étaient déjà adaptées à la nouvelle règlementation en place et seront en mesure de reprendre leurs activités sous peu, alors que 60 autres sont actuellement toujours à l’examen par les autorités respectives et devraient reprendre leur travail bientôt.

Sur le dossier du retour des réfugiés, M. Lauber a indiqué que depuis août 2017, 52 000 d’entre eux avaient bénéficié d’une assistance du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et d’autres partenaires pour faciliter leur retour volontaire au Burundi.  Le Fonds de la consolidation de la paix soutient ces efforts mais reste « sévèrement sous-financé », a regretté le Président de la « Configuration Burundi ».

En conclusion, M. Lauber a constaté que les élections 2020 sont déjà au cœur de l’attention politique au Burundi et qu’il sera crucial qu’elles soient libres, inclusives, démocratiques et pacifiques et que leurs résultats jouissent de la légitimité à la fois à l’intérieur du pays et sur le plan international.

Il ne faut cependant pas que ces élections fassent perdre de vue le développement socioéconomique du pays, a-t-il poursuivi soulignant à nouveau le potentiel du nouveau plan de développement national.  Enfin, M. Lauber a encouragé le Gouvernement et ses partenaires onusiens à travailler de manière constructive et pratique, dans un contexte de confiance mutuelle, en vue d’assurer le respect des droits de l’homme, de finaliser rapidement le mémorandum d’accord entre le Gouvernement du Burundi et le HCR.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a regretté que les autorités burundaises n’aient pas participé à la cinquième session du dialogue interburundais, à la fin du mois d’octobre.  L’annonce de la suspension pour trois mois des ONG étrangères a également suscité « notre incompréhension », a avoué le représentant qui a relevé la dégradation de la situation des droits de l’homme, y compris le rôle croissant de la milice des Imbonerakure, et celle de la situation humanitaire, avec 3,6 millions de Burundais dans le besoin, les déplacés et les réfugiés.  La « main tendue aux autorités burundaises pour leur demander d’aller de l’avant », le représentant a jugé qu’il faut se concentrer sur les élections de 2020.  Il a encouragé les autorités du pays à reprendre le dialogue politique, à assurer à tous les partis politiques un accès équitable et juste au scrutin et à respecter les libertés fondamentales, en particulier la liberté d’opinion et d’expression.  Il les a aussi engagées à coopérer pleinement avec les mécanismes indépendants du Conseil des droits de l’homme et avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. 

Nous devons, a estimé le représentant, nous concerter avec la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et l’Union africaine, en associant « bien sûr » le Burundi, pour l’aider à organiser des élections justes, libres et transparentes en 2020.  « Le dossier ne doit pas sortir de l’agenda du Conseil de sécurité », a jugé le représentant car les violations des droits de l’homme et l’importance de l’échéance de 2020 nécessitent une attention particulière.  Il a promis de suivre ce que diront les chefs d’État et de gouvernement de la CAE à la fin du mois et d’écouter « avec beaucoup d’intérêt » ce que dira le Facilitateur au Conseil, au mois de décembre. 

M. DMITRY A.  POLYANSKIY (Fédération de Russie) a jugé que la ligne adoptée par l’Envoyé spécial restait équilibrée.  Il a également affirmé que la situation politique au Burundi est calme, comme le montre la tenue sans incidents du référendum le 17 mai dernier.  De son point de vue, la question de la tenue des futures élections législatives et présidentielle est une affaire interne au Burundi, et la communauté internationale ne devrait pas s’en mêler, d’autant que le Président Pierre Nkurunziza a assuré ne pas briguer un autre mandat.  Le représentant a également déclaré que faire porter l’échec du processus politique à une seule partie est « dangereux ».  L’ONU et les partenaires européens ne devraient pas couvrir l’opposition, a-t-il ajouté, rappelant la position de principe de la Fédération de Russie, à savoir que les questions africaines doivent être résolues par les Africains, avec des solutions africaines.

S’exprimant sur la situation des droits de l’homme, le délégué a pris note desdites « violations des droits de l’homme » au Burundi.  La Russie constate que le rapport du Secrétaire général reprend des éléments du rapport du Haut-Commissaire aux droits de l’homme, qui lui-même contient des « ambiguïtés ».  Il se base sur des allégations, sans preuves, portées par l’opposition, souvent basée à l’étranger.  « On ne peut pas dire que ce sont là des éléments impartiaux », a déclaré le représentant.  Enfin, le délégué a déclaré que sa délégation « n’acceptera pas d’ingérence dans les affaires internes du Burundi ».  Selon lui, « la situation qui prévaut au Burundi ne mérite pas que ce pays reste inscrit à l’ordre du jour du Conseil de sécurité ».  Cela nuit au contraire au processus politique, a-t-il assuré. 

M. VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a exprimé l’espoir que la feuille de route issue de la cinquième session du dialogue interburundais, qui s’est tenue en octobre, permettra de réaliser des progrès vers la paix et la réconciliation au Burundi.  Il a reconnu les efforts déployés par la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et le Représentant spécial de l’Union africaine afin d’assurer la mise en œuvre de l’Accord d’Arusha.  La situation sécuritaire continue de s’améliorer depuis la tenue, dans le calme, du référendum du 17 mai, avec la participation de tous les partis politiques. 

Le délégué s’est félicité de la nomination de nouveaux membres de la Commission électorale, et appelé les parties prenantes à mettre en place les conditions nécessaires à la tenue d’élections pacifiques en 2020.  Il a souhaité que le lancement, par le Gouvernement, du plan national de développement bénéficie à l’ensemble de la population burundaise.  Après avoir souligné le retour volontaire de plus de 52 000 réfugiés, il a encouragé le Gouvernement, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) à poursuivre leurs efforts afin d’assurer le retour « volontaire, sûr et digne » des milliers de réfugiés toujours présents dans les pays voisins. 

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a félicité le Facilitateur de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) pour son action en faveur d’un dialogue interburundais inclusif.  Elle a néanmoins regretté que le Gouvernement burundais se soit abstenu de participer au cinquième cycle qui s’est tenu du 25 au 29 octobre dernier.  La conclusion évidente, a constaté la représentante, est qu’il n’y aura toujours pas de feuille de route pour les élections de 2020 ni de réponses aux questions liées au retour de l’opposition extérieure et à la sauvegarde des acquis de l’Accord d’Arusha. 

La représentante s’est aussi dite préoccupée par la situation concernant la sécurité, le contexte socioéconomique et les droits de l’homme.  Elle a dénoncé le climat de répression, les disparitions, les tortures et les arrestations arbitraires.  « Ces violations doivent cesser et ne sauraient rester impunies », a-t-elle dit.  Elle a en revanche assuré que son pays maintient son ferme engagement comme partenaire du développement au Burundi.  « La porte du dialogue reste ouverte afin de dissiper les malentendus et de rétablir la confiance », a-t-elle ajouté, mentionnant la suspension soudaine des ONG internationales, ce qui porte un sérieux coup d’arrêt aux activités de développement du pays.  Enfin, Mme Van Haaren a dit attendre de la CAE, qui évaluera la situation au Burundi à la fin du mois, un leadership et des orientations pour poursuivre le dialogue.  Elle a salué l’offre de M. Benjamin Mkapa d’informer le Conseil des résultats de l’évaluation.  Le dialogue inclusif, a-t-elle souligné, reste l’unique voie pérenne vers le renforcement de la confiance nécessaire à des élections libres, équitables et apaisées en 2020. 

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) s’est félicité des efforts déployés par la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et son facilitateur pour revitaliser le dialogue interburundais, regrettant que le gouvernement ait décidé de ne pas prendre part au cinquième tour de négociations.  « Il va sans dire que seul un processus politique inclusif peut garantir une solution viable et acceptée de tous », a estimé le représentant.  En outre, il s’est dit préoccupé des informations faisant état de violences politiques et de violations persistantes des droits de l’homme au Burundi, exhortant les autorités à améliorer la bonne gouvernance, à élargir l’espace démocratique et à garantir la liberté des médias à l’approche des élections prévues en 2020.  La délégation a également encouragé le Gouvernement à prendre des mesures sérieuses pour rétablir la coopération avec les mécanismes internationaux des droits de l’homme.  L’impasse politique actuelle a un impact négatif sur la situation économique et humanitaire, a relevé le délégué, qui s’est donc félicité du lancement du plan national de développement pour le Burundi, lequel peut contribuer au développement socioéconomique du pays.

Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a expliqué que la déclaration du Président du Burundi, Pierre Nkurunziza, en date du 7 juin 2018, avait soulevé l’espoir que le dialogue interburundais reprendrait, avec la participation de toutes les parties prenantes.  Elle s’est toutefois déclarée préoccupée de constater le manque de progrès à cet égard, avant de plaider en faveur de la revitalisation de ce dialogue.  Toutes les parties burundaises doivent continuer à faire preuve d’esprit de compromis afin de garantir une paix durable après 2020, a encouragé la représentante.  Pour le Gouvernement, a-t-elle précisé, cela signifie un engagement sincère avec la communauté internationale pour faire la lumière sur le plan retenu en vue d’établir un environnement propice à la tenue d’une élection présidentielle en 2020, et mettre en œuvre les engagements pris en vertu de l’Accord d’Arusha.  Le Conseil de sécurité devra selon Mme Sélassié, réfléchir à de nouvelles options pour se réengager en faveur du Burundi, en coopération avec la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et l’Union africaine. 

M. TIEMOKO MORIKO (Côte d’Ivoire) a déclaré soutenir les efforts déployés par M. Kafando en vue de garantir l’inclusivité du dialogue interburundais.  Sa délégation regrette toutefois que le Gouvernement du Burundi et certains acteurs politiques aient été absents des cinquièmes pourparlers d’Arusha en Tanzanie, qui se sont tenus du 24 au 28 octobre dernier.  La Côte d’Ivoire exhorte toutes les parties à reprendre leur place dans le processus politique et à créer les conditions du retour définitif à la stabilité. 

Concernant la situation des droits de l’homme au Burundi, le représentant a invité les autorités burundaises à faire la lumière sur les allégations de violations des droits de l’homme.  Elle les engage à coopérer avec la Commission d’enquête sur le Burundi créée par le Conseil des droits de l’homme.  Elle appelle enfin la communauté internationale et les donateurs à accroître leurs contributions au financement du Plan de réponse humanitaire 2018 pour le Burundi. 

M. VICTOR MANUEL ELÉ ELA (Guinée Équatoriale) a salué le processus politique en cours au Burundi qui a permis la signature de la Feuille de Route de Kayansa en vue de tenir des élections générales en 2020, ainsi que la nomination des membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI).  Il a appelé le Gouvernement et tous les acteurs à renforcer le dialogue, avant de réaffirmer l’appui de son pays à tout effort visant à parvenir à une solution politique du conflit.  Le respect des dispositions et principes de l’Accord d’Arusha, reconnu dans la nouvelle Constitution, ainsi que les recommandations des négociateurs et l’approbation du dialogue interburundais par le référendum du 17 mai 2018, telles sont les bases et les garanties du processus électoral et post-électoral, a-t-il dit. 

Le représentant a noté les progrès enregistrés dans la mise en œuvre de l’accord tripartite Burundi-Tanzanie-Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), qui a permis le retour volontaire de réfugiés de Tanzanie, du Kenya, d’Ouganda et de RDC.  Dans cet esprit, le représentant a encouragé les autorités à prendre les mesures nécessaires de lutte contre l’impunité pour que les auteurs de graves violations des droits humains et du droit humanitaire soient présentés à la justice.  Enfin, il a salué la décision du Président Pierre Nkurunziza de ne pas se représenter en 2020 ainsi que l’engagement du Gouvernement à financer la tenue du scrutin, deux annonces qui témoignent d’une volonté de renforcer la démocratie, le retour à la paix, à la sécurité et à la stabilité. 

M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a noté avec satisfaction les récents progrès enregistrés au Burundi, notamment le Forum politique du 3 août dernier à Kayanza et la nomination des membres de la Commission électorale indépendante nationale.  L’adoption de la Feuille de route de Kayanza 2018 est un indicateur positif de l’engagement des autorités et des autres acteurs politiques, a ajouté le représentant, se félicitant par ailleurs de l’annonce du Président Nkurunziza de ne pas briguer un autre mandat. 

Cependant, le représentant a regretté que le dialogue interburundais n’ait pas fait beaucoup de progrès.  Il a appelé les acteurs à reprendre le processus afin de garantir une paix durable.  Le Kazakhstan souligne en outre l’importance des efforts de l’Union africaine et de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) pour faciliter ce processus.  Il appelle également la communauté internationale à se pencher sur la question des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur du Burundi. 

M. BADER ABDULLAH N.  M. ALMUNAYEKH (Koweït) a déclaré que le Burundi vivait une situation politique « exceptionnellement calme et bien meilleure qu’en 2015 ».  Il a souhaité que ce calme perdure jusqu’en 2020, quand des élections ouvertes, crédibles, inclusives et transparentes devront se tenir.  À ce titre, la délégation salue les efforts de l’Union africaine en vue de parvenir à ces élections, dans le plein respect de la Constitution du pays, a dit le représentant.  Il a également souligné que les conditions de sécurité s’améliorent au Burundi, en dépit de « quelques activités de groupes armés ».  Il est à espérer que le prochain sommet des Chefs d’État de la région permettra que ce calme perdure et que la situation sécuritaire se stabilise.  Par ailleurs, le nombre de personnes vivant une situation humanitaire précaire a diminué, comme le montre le grand nombre de réfugiés retournés au Burundi, s’est-il félicité. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a déclaré observer avec préoccupation les perspectives du dialogue interburundais, des représentants du Gouvernement l’ayant considéré obsolète au regard de la nouvelle Constitution et ayant dès lors décidé de ne pas participer à sa dernière session.  Pour le Pérou, a-t-il souligné, un processus inclusif de dialogue est indispensable pour améliorer la situation politique et construire une paix durable au Burundi.  À cet égard, le représentant s’est félicité que l’ensemble des forces politiques du pays aient contribué à l’élaboration et à la mise en œuvre de la « feuille de route » signée à Kayanza pour l’organisation des élections générales de 2020.  De même, il a considéré important d’accélérer le dialogue entre le Gouvernement et le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme afin que celui-ci puisse reprendre ses activités au Burundi, où ont été enregistrées d’inquiétantes plaintes pour des violations des droits de l’homme. 

Dans le même temps, le délégué a salué les efforts déployés par le Gouvernement pour renforcer l’économie du pays, au travers du Plan national de développement, en vue d’atteindre les objectifs de développement durable.  À ses yeux, il est crucial que la communauté internationale appuie ce plan, lequel vise à promouvoir le développement dans les zones rurales du Burundi.  Le représentant a également souligné le travail de l’ambassadeur Jürg Lauber à la tête de la « Configuration Burundi » de la Commission de consolidation de la paix.  Il a enfin souhaité que le Conseil de sécurité suive avec attention les développements dans le pays et que les organisations régionales et les pays voisins accompagnent le Burundi afin que puissent s’y tenir des élections crédibles, transparentes et inclusives en 2020. 

M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) a déclaré être du même avis que le Secrétaire général et certains membres du Conseil de sécurité lorsqu’ils disent que le processus d’Arusha est le seul moyen de résoudre la crise actuelle.  La crédibilité des élections à venir en 2020 est un moyen de ramener la paix dans le pays.  Pour cette raison, le processus de paix doit reprendre et se poursuivre, a dit le représentant, espérant que le prochain sommet des Chefs d’État de la région permettra de parvenir à cet objectif.  Le représentant a également déploré la suspension des organisations non-gouvernementales étrangères.  Elles apportaient une aide humanitaire aux populations civiles, a rappelé le représentant, appelant le Gouvernement à autoriser leur enregistrement.  Enfin, compte tenu du fait que la violation des droits de l’homme est souvent la cause des conflits, ces questions doivent être traitées au sein du Conseil de sécurité, a-t-il conclu, plaidant ainsi pour que le Burundi reste à l’ordre du jour du Conseil de sécurité. 

M. JONATHAN R.  COHEN (États-Unis) s’est dit déçu de l’absence du Gouvernement burundais lors du cinquième tour de négociations du dialogue national, au prétexte d’une cérémonie donnée en l’honneur de « héros burundais ».  Il a estimé que participer à ce dialogue aurait été la meilleure manière de rendre hommage à de tels héros.  La situation au Burundi montre selon lui qu’il faut que les garants de l’Accord d’Arusha renouvellent leurs efforts.  Le représentant s’est ensuite dit préoccupé des violations de droits de l’homme constatées au cours de la période à l’examen, de même que de la restriction de l’espace démocratique et de la liberté des médias.  M. Cohen a également lancé aux autorités burundaises un appel à coopérer avec les mécanismes des droits de l’homme et avec la Commission d’enquête, dont le mandat a été prorogé d’un an. 

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a estimé que le dialogue inclusif entre toutes les parties prenantes restait l’unique voie vers la paix et la stabilité au Burundi, prônant pour cela des mesures de confiance.  Il a jugé important de poursuivre les progrès faits dans le cadre du dialogue interburundais, et de s’assurer que les femmes soient présentes dans ce dialogue.  Le représentant a ajouté que les réalisations de l’Accord d’Arusha étaient fondamentales pour la paix, la sécurité et la stabilité au Burundi et la région, de même que les efforts régionaux.  Regrettant la décision du Président Mkapa de quitter son poste de facilitateur, il a dit attendre ses recommandations sur la voie à suivre y compris la feuille de route pour les élections.  De plus, « les efforts de médiation des États d’Afrique de l’Est doivent continuer ». 

Le délégué a réitéré la nécessité de signer un mémorandum d’accord pour que les observateurs de l’Union africaine puissent travailler efficacement et atteindre leurs objectifs.  De même, l’attention, le soutien et l’engagement de la communauté internationale sont essentiels, a-t-il dit en invitant à soutenir le plan national de développement.  Il a aussi souhaité que les efforts de la « Configuration Burundi » de la Commission de la consolidation de la paix reçoivent le soutien total du Conseil de sécurité, arguant que la Commission offre une plateforme unique pour avoir une compréhension commune de la situation politique et socioéconomique.

Le représentant a appelé en outre le Gouvernement du Burundi à coopérer avec tous les mécanismes des droits de l’homme des Nations Unies, en se félicitant notamment de la présence du Haut-Commissariat aux droits de l’homme pour mener une évaluation objective de la situation des droits de l’homme et du renforcement de capacité.  Il est aussi important de continuer le processus pour le retour des ONG internationales, a estimé le représentant qui a demandé au Conseil de sécurité d’encourager un vrai dialogue national inclusif, d’assurer le respect des droits de l’homme et la fin des violences, et de promouvoir l’ouverture de l’espace politique au Burundi.  Seuls des progrès sur tous ces fronts permettront d’organiser des élections pacifiques et crédibles en 2020 et d’instaurer la stabilité, la paix et la prospérité à long terme, a-t-il conclu. 

M. HAITAO WU (Chine) a noté que la situation actuelle au Burundi est « essentiellement calme ».  Le Gouvernement a mis en œuvre l’Accord d’Arusha pour promouvoir la paix et la réconciliation nationale, a-t-il relevé en soulignant aussi que les réfugiés reviennent, qu’une vingtaine de partis politique ont signé un mémorandum pour la tenue d’élections en 2020 et que les membres de la Commission électorale nationale indépendante ont été désignés. 

La Chine estime que ces évolutions montrent clairement que le Gouvernement et le peuple burundais ont les capacités nationales de régler leurs propres problèmes.  La communauté internationale devrait pleinement respecter la souveraineté du Burundi, y compris ses choix électoraux, a dit le représentant chinois.

Il a également déclaré que le Conseil de sécurité devrait entendre la voix du Burundi et tenir compte de la situation sur le terrain.  Le Conseil de sécurité devrait retirer le Burundi de son ordre du jour, a-t-il ajouté, avant de demander que la coopération internationale soit rétablie avec le Burundi.  La Chine continuera pour sa part à jouer un rôle positif pour la paix et le développement au Burundi, comme en témoigne l’assistance, y compris humanitaire, qu’elle apporte à ce pays, a assuré le représentant. 

M. ALBERT SHINGIRO (Burundi) a d’emblée exprimé son désaccord « avec l’ensemble » du contenu du rapport du Secrétaire général sur la situation au Burundi.  « Il y a en effet un fossé béant entre ce rapport et la situation réelle qui prévaut sur le terrain », a-t-il affirmé, revenant sur les derniers développements dans le pays depuis le 9 août 2018.

Sur le plan politique, M. Shingiro a déclaré que les préparatifs des élections de 2020 se poursuivaient « normalement », dans un climat « détendu et serein ».  La feuille de route de Kayanza pour la tenue d’élections apaisées en 2020 et la Commission électorale nationale indépendante sont « déjà en place », s’est notamment enorgueilli l’Ambassadeur, précisant que les Burundais mobilisaient à l’heure actuelle les ressources nécessaires pour financer eux-mêmes le scrutin, signe, selon lui, de la volonté du pays de « s’approprier entièrement ce processus qui est le sien ».  Il a affirmé que tout serait mis en œuvre pour créer un environnement propice à la bonne tenue des élections et pour en garantir le caractère démocratique, crédible et ouvert.  Dans cette perspective, M. Shingiro a estimé que son gouvernement avait multiplié, depuis le début de l’année, « les gestes concrets de bonne volonté allant dans le sens de l’apaisement général », à commencer par la décision du chef de l’État de ne pas se représenter en 2020, « alors qu’il en avait le droit », et la libération de plus de 2 000 prisonniers, dont « les insurgés de 2015 ».

Le représentant a en outre affirmé que la culture du dialogue était désormais bien « ancrée dans le quotidien des Burundais ».  Il a ainsi précisé que le processus de dialogue interburundais qui se déroulait jusqu’à la fin du mois dernier à Arusha était officiellement clos.  « Je saisis cette occasion pour rappeler à ce Conseil, à toutes fins utiles, que la mission principale de l’Envoyé spécial du Secrétaire général était d’accompagner ce processus de dialogue qui vient d’être clôturé ce 29 octobre 2018 », a-t-il insisté.  M. Shingiro a ensuite encouragé les acteurs politiques non impliqués dans le « putsch manqué » du 13 mai 2015 qui seraient encore en exil à rentrer au Burundi pour participer au scrutin de 2020.  Celui-ci ouvrira selon lui « un nouveau chapitre glorieux » de l’histoire du pays et tournera définitivement « la page sombre » de 2015.

Sur le plan sécuritaire, le représentant a affirmé que la situation du Burundi était « calme, stable et entièrement maîtrisée », un constat selon lui largement partagé par toutes les organisations régionales et sous-régionales ayant récemment visité le pays pour s’enquérir de sa « situation réelle ».  « La crise de 2015 est terminée », a-t-il insisté, appelant les partenaires « encore hésitants » à avoir « le courage » d’accepter ce « retour à la normalité ».  M. Shingiro a en outre affirmé que son pays jouissait d’une « bonne tradition de liberté d’expression » et d’une société civile « très active ». 

S’agissant du retour des réfugiés, le représentant a indiqué que 250 000 d’entre eux étaient revenus au Burundi depuis 2016, dont 55 495 depuis l’accord tripartite conclu en août 2017 entre son pays, la Tanzanie et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).  M. Shingiro a estimé que le retour volontaire des Burundais en provenance de la Tanzanie, du Kenya, de l’Ouganda et de la République démocratique du Congo (RDC) se poursuivait à un rythme moyen de plus de 1 000 retours par semaine.  Dans ce cadre, il a appelé les pays d’accueil « qui tiennent en otages nos compatriotes en exil en érigeant des obstacles artificiels à leur retour volontaire » à veiller à ce que les camps de réfugiés sur leur territoire conservent un caractère civil, conformément à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.  « Le HCR doit veiller à ce que les camps de réfugiés ne soient pas transformés de force en camps d’entrainement militaire ou paramilitaire », a-t-il insisté.

S’agissant du respect des droits de l’homme, M. Shingiro a souligné que son gouvernement avait mis sur pied des commissions d’enquête judiciaire pour faire la lumière sur les allégations de violation des droits de l’homme depuis le début de l’insurrection.  Il a toutefois estimé que la promotion des droits de l’homme restait « un processus long, ardu et parfois parsemé d’embûches ».  À ses yeux, il s’agit d’un « idéal à atteindre » qu’aucun pays n’est parvenu jusqu’ici à réaliser, après plus de 100 ans de démocratie.  « Pour le Burundi, qui vient de passer à peine 13 ans de démocratie, le chemin est encore long, mais la volonté de bien faire est là et palpable », a-t-il assuré. 

Toutefois, le représentant a estimé que le pilier des droits de l’homme restait « le maillon faible » de la coopération entre son pays et l’ONU.  M. Shingiro a ainsi pointé du doigt les « relations conflictuelles et tendues » entre le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à Genève et le Burundi comme étant « contreproductives » pour les deux parties.  « Les pressions disproportionnées basées sur des rapports politiquement orientés n’ont jamais contribué à la promotion des droits de l’homme nulle part au monde », a-t-il martelé.

Aux vues de la situation dans le pays, M. Shingiro a appelé le Conseil de sécurité à avoir « le courage de retirer le Burundi de son agenda ».  Dans le cas contraire, le représentant a jugé que le maintien de réunions « intempestives » sur le Burundi sur la base d’une résolution « obsolète » risquait de devenir un « facteur de déstabilisation » pour le pays.  « L’histoire retiendra que mon pays a été maintenu à l’agenda du Conseil injustement pour satisfaire des intérêts étrangers », a-t-il mis en garde.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.