Dix-septième session
1re & 2e séances – matin & après-midi
DH/5387

Instance permanente: 370 millions d’autochtones comptant pour 15% des plus pauvres de la planète revendiquent leurs droits collectifs sur leurs terres, territoires et ressources

L’Instance permanente sur les questions autochtones a ouvert, ce matin, sa dix-septième session, sur le thème « Droits collectifs des peuples autochtones sur leurs terres, leurs territoires et leurs ressources », en présence de plus de 1 000 participants et du Président bolivien, M. Evo Morales Ayma, et comme le veut la tradition, après les mots de bienvenue du Chef de la nation onondaga, Tadodaho Sid Hill, de la tribu originelle de New York.

Selon la Banque mondiale, le monde compte aujourd’hui 370 millions d’autochtones, soit seulement 5% de la population mondiale mais 15% des plus pauvres.  Les peuples autochtones perdent les terres et les ressources dont ils dépendent pour vivre, a alerté le Président de l’Assemblée générale.  Ces peuples sont dépossédés; leurs terres et leurs ressources se dégradent autour d’eux, soit à cause des activités humaines, soit à cause des changements climatiques, a ajouté M. Miroslav Lajčák.

La protection des droits collectifs sur les terres, les territoires et les ressources sont des revendications majeures du mouvement international des peuples autochtones, a souligné la Présidente de l’Instance permanente.  Mme Mariam Wallet Aboubkrine s’est enorgueillie de ce que « la collectivité » des droits offre une vision très différente des courants dominants qui reposent sur la propriété individuelle et la privatisation.

L’avancement de ces droits, a-t-elle fait valoir, est bénéfique au reste du monde, en ce qu’il participe à la lutte contre des problèmes tels que les changements climatiques et la perte de la biodiversité.  Nous avons beaucoup à apprendre de la compréhension approfondie et de la profonde connexion qu’ont les peuples autochtones avec la Terre, a reconnu la Vice-Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), Mme Inga Rhonda King. 

La communauté internationale s’ouvre de plus en plus aux peuples autochtones: c’est la bonne chose à faire parce que ces peuples ont le droit de participer à la prise de décisions à tous les niveaux, pour pouvoir déterminer leur propre développement, et c’est la chose la plus intelligente à faire parce que ces peuples sont riches de connaissances traditionnelles, de modes de vie durables et d’une vision holistique qui bénéficient à tous, a ajouté le Sous-Secrétaire général au développement économique, M. Elliot Harris.  Après la Déclaration des Nations Unies en 2007, et la Conférence mondiale en 2014, le système des Nations Unies, a-t-il rappelé, a lancé en 2015 un plan d’action à l’échelle du système des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qui identifie des mesures concrètes pour la mise en œuvre de la Déclaration.

Réélue ce matin par acclamation à la Présidence de l’Instance, Mme Mariam Wallet Aboubakrine a dénoncé le fait que seuls quelques pays aient pris des mesures pour défendre les droits collectifs des peuples autochtones et que l’application des lois soit souvent insuffisante, « voire inexistante ».  « Tant que nos droits sur nos terres, territoires et ressources ne seront pas reconnus et défendus, nous risquons d’être « les laissés-pour-compte » du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a mis en garde la Présidente de l’Instance.

Président du seul pays à avoir transposé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans son droit national, M. Evo Morales Ayma, de la Bolivie, a fustigé les politiques d’accumulation des richesses qui ne respectent pas la Terre nourricière.  « La Terre ne saurait être une marchandise du capitalisme », a souligné M. Evo Morales Ayma, premier autochtone à avoir été élu à la tête d’un État.

Le Président bolivien a appelé à une lutte renforcée contre le capitalisme, l’impérialisme et l’interventionnisme, sans oublier de s’ériger contre le « lexique international » qui parle de « questions autochtones » alors qu’il s’agit de « droits des peuples autochtones ». 

La session s’est ouverte au rythme d’une guimbarde jouée par « Saina » Ekaterina Savvinova, de la République de Sakha, en Fédération de Russie, qui a également chanté des chants traditionnels iakoutes.

L’Instance a poursuivi ses travaux avec une table ronde sur les activités menées dans ses six domaines d’action, à savoir la santé, l’éducation, les droits de l’homme, le développement socioéconomique, l’environnement et les 5 000 cultures.  Au cours des discussions, la situation des 7 000 langues autochtones s’est rapidement imposée à l’approche de la célébration, en 2019, de l’Année internationale qui leur sera consacrée.  L’UNESCO a rappelé qu’elle est en train de préparer un plan d’action pour l’Année internationale. 

Créée en 2000, l’Instance, qui est composée de 16 experts indépendants, a élu par acclamation Mmes Anne Nuorgam, Tarcila Rivera Zea et Zhang Xiaoan ainsi que M. Dimitrii Kharakka-Zaitsev à ses vice-présidences.  Les fonctions de Rapporteur ont été confiées à M. Brian Keane.

L’Instance poursuivra ses travaux demain, mardi 17 avril, à partir de 10 heures.

INSTANCE PERMANENTE SUR LES QUESTIONS AUTOCHTONES

Déclarations liminaires

M. MIROSLAV LAJČÁK, Président de l’Assemblée générale, s’est félicité des nombreuses initiatives en faveur des peuples autochtones qui ont été lancées dans cette même salle.  Le Président a en effet rappelé qu’il y a 11 ans, l'Assemblée a ancré fermement les questions autochtones dans l'ordre du jour international.  Elle a adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et, trois ans plus tard, en 2014, elle s’est réunie pour la première Conférence mondiale sur ces peuples.  Cela a été un grand pas en avant mais les discussions ont confirmé que nous avions un long chemin à parcourir, a reconnu le Président qui a précisé « pas seulement dans notre travail, pour réaliser les droits des communautés autochtones mais aussi dans la mise en place de partenariats plus solides entre ces communautés et les Nations Unies.

L’année dernière, s’est-il réjoui, l’Assemblée a fait un autre pas en avant en décidant, après deux ans de discussions, de créer un nouvel espace pour des auditions interactives qui devraient permettre d’éliminer les obstacles à la participation des peuples autochtones aux travaux des Nations Unies.  Le Président s’est dit honoré de conduire les premières auditions dès demain.

Alors que nous ouvrons la dix-septième session de l’Instance permanente « n’oublions pas que les Nations Unies sont là pour les peuples, dont les peuples autochtones », a-t-il insisté, dans une intervention axée sur quatre observations.  Tout en reconnaissant que les mesures prises par l’Assemblée générale jusqu'à présent ont donné de bons résultats, il a appelé à plus d’ambition.  Il a tenu à émettre, dans une deuxième observation, une mise en garde car les progrès récents ne doivent pas cacher les faits, des faits sombres qui doivent être vus et entendus de tous.  Le monde compte aujourd’hui 370 millions d’autochtones, soit seulement 5% de la population mondiale mais 15% des plus pauvres du monde, a souligné le Président, en citant les chiffres de la Banque mondiale.  La pauvreté n’est pas le seul défi.  Les droits des peuples autochtones sont bafoués.  Ils n’ont pas toujours accès à un logement décent et à des écoles, ils sont exclus et marginalisés des systèmes qui devraient les protéger, ils font face à la violence et même à la mort - juste pour avoir revendiqué leurs droits fondamentaux.  

Les peuples autochtones perdent de surcroît les terres et les ressources dont ils dépendent pour vivre.  C’est pourquoi, dans une troisième observation, le Président a voulu que l’on concentre notre attention sur les terres, les territoires et les ressources autochtones.  « Les peuples autochtones sont dépossédés », a-t-il insisté.  Leurs terres et leurs ressources se dégradent autour d’eux, soit à cause des activités humaines, soit à cause des changements climatiques.  Le Président a fait écho à l’appel de l’activiste Autumn Peltier qui a parlé au Forum mondial de l’eau, en mars dernier.

Nous ne pouvons plus parler de terres autochtones comme si elles étaient comme les autres terres, a prévenu le Président.  Nous devons mieux comprendre leur importance pour les communautés auxquelles elles appartiennent.  Ce sont leurs moyens de subsistance.  Elles représentent la spiritualité, la famille, bref la survie.  Le Président a tout de même vu des signes encourageants et perceptibles au niveau national.  Ces dernières années, de nombreux États ont renforcé leur interaction avec les peuples autochtones.  De nouvelles lois et politiques ont été adoptées.  Il a appelé à une Instance permanente qui aille au-delà des mots et qui se concentre non pas sur la politique ou les positions, mais sur les gens.

La Vice-Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), Mme INGA RHONDA KING (Saint-Vincent-et-les Grenadines), a rappelé que la réunion d’aujourd’hui coïncide avec la troisième année de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  La majeure partie des 17 objectifs et cibles du Programme 2030 s’applique aux peuples autochtones et est conforme à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.  Le thème de cette année, a poursuivi la Vice-Présidente, nous rappelle que partout dans le monde, les peuples autochtones luttent pour leur droit à gérer et exploiter leurs terres, territoires et ressources.  En juillet prochain, les questions autochtones resteront au cœur du Forum politique de haut niveau pour le développement durable puisque le thème choisi est « Transformation vers des sociétés durables et résilientes ».  Nous avons beaucoup à apprendre de la compréhension approfondie et de la profonde connexion qu’ont les peuples autochtones avec la Terre, a souligné la Vice-Présidente.  Elle a d’ailleurs encouragé ces peuples à informer l’ECOSOC de leurs défis et préoccupations pour promouvoir une approche plus cohérente et plus coordonnée de la réponse du système des Nations Unies.  « Si les droits collectifs des peuples autochtones à leurs terres ne sont pas respectés, alors c’est l’avenir même de ces peuples qui est en péril », a-t-elle averti.  « Nous devons tenir notre promesse de ne laisser personne de côté. »

M. EVO MORALES AYMA, Président de la Bolivie, s’est félicité de ce que les peuples autochtones puissent enfin participer aux travaux des Nations Unies et contribuer à la défense de la planète.  Il est revenu sur l’invasion européenne de 1492, une lutte difficile livrée par ses ancêtres pour défendre ce continent que l’on appelle désormais « Amérique ». Pour célébrer le cinq centième anniversaire de la résistance populaire des peuples d’Amérique, la Bolivie a organisé, avec Rigoberta Menchú, une vaste campagne pour raconter l’histoire du mouvement social le plus important au monde: le mouvement de lutte autochtone pour l’égalité.  Le mouvement a ensuite repris, il y a 200 ans, pour appuyer les luttes d’indépendance, mais aujourd’hui, a souligné le Président, la responsabilité des peuples autochtones est encore plus grande, après que, pendant cinq siècles, « nous ayons mené des luttes de résistance pour récupérer le pouvoir de nous gouverner nous-mêmes ».

M. Morales Ayma a indiqué que grâce à son « Pacte d’unité », la Bolivie est en train de se libérer du joug extérieur.  Mais pour réussir ce travail, il faut identifier « les ennemis de l’intérieur et de l’extérieur ».  La libération économique et culturelle est une révolution nécessaire pour changer la donne en Bolivie.  Le Président a insisté sur l’importance « fondamentale » de l’unité de tous et pas uniquement celle des peuples autochtones, même s’il n’a pas oublié les nombreuses « humiliations » dont des langues réduites au rang de « dialectes », des peuples à celui d’« ethnies », « alors que nous sommes des nationalités ».

L’avenir du peuple autochtone et la vie même sur terre sont en danger, a prévenu le Président, en dénonçant les politiques d’accumulation des richesses qui ne respectent pas la Terre nourricière.  La Terre, s’est-il énervé, ne saurait être une marchandise du capitalisme, d’où l’urgence de changer les politiques capitalistes pour garantir la survie des peuples de la planète.

Pour le Président de la Bolivie, il ne s’agit pas d’inventer la roue mais tout simplement de se souvenir de la manière dont les ancêtres autochtones ont su vivre sans « capitalisme de saccages et de pillages ».  Il a appelé à la lutte contre le capitalisme, l’impérialisme et l’interventionnisme, pointant la course aux armements qui, a-t-il affirmé, mène droit au génocide.  Il a aussi accusé « certains États » de fabriquer des problèmes pour justifier une intervention et mettre la main sur les ressources naturelles.  Il a appelé les peuples autochtones à s’unir avec les autres groupes sociaux pour assurer la survie de la Terre.

M. Morales Ayma a aussi dénoncé l’expression « questions autochtones », faisant observer que l’on ne parle pas ici de questions mais de droits des peuples autochtones.  Le Président a voulu que l’on revoie les termes problématiques du « lexique international ».  La lutte, a-t-il poursuivi, ne se limite pas aux peuples autochtones.  Elle doit prendre en compte tous les peuples.  Le Président a souligné que l’expérience des autochtones peut être utile aux Nations Unies.  Il s’est enorgueilli de ce que la Bolivie ait été le premier pays à ratifier la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.  Après avoir dénoncé les politiques d’extermination menées contre certaines communautés autochtones, M. Morales Ayma a évoqué les nombreuses avancées de la Bolivie.  Ce qui était impossible sous le joug colonial, est devenu possible en quelques années.  « Lorsqu’on ne se soumet ni au joug colonial, ni au joug des États-Unis, ni au joug de la Banque mondiale, il est vraiment possible de faire avancer les choses. »

Mme MARIAM WALLET ABOUBAKRINE, Présidente de l’Instance permanente sur les questions autochtones, a indiqué que la protection des droits collectifs des peuples autochtones sur les terres, les territoires et les ressources sont des revendications majeures du mouvement international des peuples autochtones.  Ces droits, qui sont inscrits dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, font partie de « notre droit » à l’autodétermination, a prévenu la Présidente.

Elle a expliqué que la collectivité des droits sur les terres, territoires et ressources est une tradition des peuples autochtones, de leur histoire et de leur patrimoine.  Cette vision est très différente des courants dominants, qui reposent sur la propriété individuelle et la privatisation.

Il est de plus en plus largement admis, a constaté la Présidente, que l’avancement des droits des peuples autochtones sur leurs terres, leurs territoires et les ressources, au-delà de contribuer à leur bien-être, est également bénéfique au reste du monde, en ce qu’il participe à lutter contre des problèmes tels que les changements climatiques et la perte de la biodiversité.  Des études ont notamment démontré que lorsque les droits des peuples autochtones sur les forêts sont respectés, le taux de déforestation est faible, ce qui atténue les effets des changements climatiques à moindre coût.  En outre, les terres gérées par les peuples autochtones abritent 80% de ce qui reste de la diversité biologique terrestre, a souligné la Présidente.

Mme Aboubakrine a déploré que seuls quelques pays aient reconnu ou pris des mesures pour défendre les droits collectifs des peuples autochtones sur les terres, territoires et ressources.  Les autres ne reconnaissent pas encore ces droits et les appliquent encore moins.  Même dans les pays où ces droits sont reconnus, l’application des lois est insuffisante voire inexistante et d’autres éléments de la législation sont même contraires à ces droits.  Les procédures requises, telles que la délimitation des terres et l’attribution des titres de propriété ne sont pas mises en œuvre et la garantie des droits est absente.

Dans le même temps, les défenseurs des droits des peuples autochtones deviennent des cibles lorsqu’ils élèvent la voix et font valoir leurs droits contre les expropriations et l’industrie extractive qui opère trop souvent sans le consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones.  Cela se produit lorsque les États ou les acteurs non étatiques convoitent les terres et les ressources des peuples autochtones pour des projets de développement agressifs ou des activités destructrices, en violation des normes nationales et internationales.

« Nos terres et nos ressources ne sont pas de simples biens à nos yeux, elles sont notre vie », a conclu la Présidente.  Tant que nos droits sur nos terres, territoires et ressources ne seront pas reconnus et défendus, nous risquons fort d’être les laissés-pour-compte des objectifs de développement durable, avec le danger pour le monde de perdre la bataille des changements climatiques et de la protection de l’environnement.

Qu’il s’agisse de l’atténuation des effets des changements climatiques ou de la préservation de notre patrimoine commun, les peuples autochtones, a souligné, M. ELLIOTT HARRIS, Sous-Secrétaire général au développement économique et Économiste en chef, sont à l’avant-garde des réponses aux défis environnementaux fondées sur les principes de durabilité, le respect de la Terre nourricière et l’approche d’un développement centré sur l’homme.  Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 fait d’ailleurs une référence explicite à ces peuples autochtones.  Il souligne aussi les principes qu’ils ne cessent de défendre à savoir l’accès à l’eau potable, la durabilité et la réduction des inégalités.  La communauté internationale s’ouvre aussi de plus en plus aux peuples autochtones: « c’est la bonne chose à faire et c’est la chose la plus intelligente que l’on puisse faire ».

C’est une bonne chose, s’est expliqué le Sous-Secrétaire général, parce que les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise de décisions à tous les niveaux, pour pouvoir déterminer leur propre développement.  C’est la chose la plus intelligente parce que les peuples autochtones sont riches de connaissances traditionnelles, de modes de vie durables et d’une vision holistique qui bénéficient à tous.  « Nous devons les écouter », a insisté le Sous-Secrétaire général. 

Après la Déclaration des Nations Unies en 2007, et la Conférence mondiale en 2014, le système des Nations Unies a lancé en 2015 un plan d’action à l’échelle du système des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qui identifie des mesures concrètes pour la mise en œuvre de la Déclaration.  Cette mise en œuvre est « essentielle » au niveau des pays si l’on veut faire de la Déclaration une réalité pour les peuples autochtones qui sont probablement ceux qui pourraient être « laissés de côté », a prévenu le Sous-Secrétaire général qui a salué l’Instance permanente comme « espace unique » de dialogue et de coopération pour les États Membres et les peuples autochtones.

Mise en œuvre des recommandations formulées lors de la seizième session de l’Instance

Le Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, M. BASKUT TUNCAK, s’est inquiété de l’impact des produits chimiques toxiques sur les territoires autochtones.  Ces communautés, qui sont toujours du mauvais côté de la barrière, subissent constamment la violation de leur droit à la vie, a-t-il dénoncé, parlant du taux élevé de déformations congénitales et autres maladies liées à la pollution chimique.  Il a aussi pointé un doigt accusateur sur les pays qui continuent de produire des pesticides, pourtant interdits, pour les exporter vers des pays où la législation est plus faible et où leur utilisation affecte « de manière disproportionnée » les communautés autochtones.

Le Rapporteur a fait observer que les situations les plus problématiques sont liées aux produits qui se trouvent dans les chaînes internationales de distribution.  Des centaines, voire des milliers de substances toxiques échappent à toute réglementation grâce aux traités internationaux dont il faut assurer une meilleure cohésion.  Le Rapporteur a aussi demandé des mécanismes d’établissement des responsabilités.  Il a appelé l’Instance à mettre au point un régime international plus ambitieux en matière de gestion de produits toxiques et dangereux et à envisager la création d’un cadre législatif robuste pour appuyer le respect des droits des peuples autochtones.

Touchant à une autre question, l’International Indian Treaty Council a réclamé un mécanisme sur le rapatriement des restes humains, des objets culturels et des biens sacrés appartenant aux peuples autochtones, tandis que NSW Aborigial Land Council a plaidé pour la création d’un groupe chargé d’examiner la situation des femmes autochtones en détention, de combattre la violence à l’encontre de ces femmes et de mettre sur pied des programmes spéciaux à l’intention de celles qui souffrent de manière disproportionnée des inégalités économiques et de la violence sexiste.

Le Guatemala a insisté sur l’importance des données, à la suite de quoi le Rapporteur de l’Instance, M. BRIAN KEANU, a reconnu l’importance qu’il y a à évaluer l’impact et la portée des programmes et projets en faveur des communautés autochtones, grâce à des indicateurs correctement calibrés.

Activités menées dans les six domaines d’action de l’Instance permanente en relation avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, à savoir la santé, l’éducation, les droits de l’homme, le développement socioéconomique, l’environnement et la culture.

Mme AYSA MUKABENOVA, membre de l’Instance, est revenue sur la décision de proclamer 2019 l’Année internationale des langues autochtones pour attirer l’attention sur les langues en voie de disparition de ce patrimoine linguistique.  Elle a passé en revue les différentes étapes bureaucratiques qui ont abouti à cette proclamation.  La connaissance de ces langues en voie de disparation exige des efforts constants, a-t-elle prévenu, souhaitant des propositions concrètes pour la sensibilisation de l’opinion publique et la promotion de l’Année internationale.  Outre les violations de leurs droits de l’homme, les torts faits à leurs langues, à leurs cultures et donc à l’estime de soi, plongent les peuples autochtones souffrent d’une « dépression mentale ».

C’est l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) qui a été chargée d’élaborer le plan d’action de l’Année internationale, a rappelé sa représentante, Mme IRMGARDA KASINKAITE-BUDDEBERG.  Le plan d’action met l’accent sur le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la « centralité » des peuples autochtones, la promotion des instruments internationaux normatifs et de la diversité, l’ouverture à l’approche holistique, la participation multipartite assurée à tous les niveaux et, enfin, la synergie entre les différents cadres internationaux de développement.  L’UNESCO propose de créer un comité directeur pour assurer le suivi de la mise en œuvre du plan d’action, au sein duquel les groupes autochtones seront représentés de manière équitable.

D’une manière générale, le plan d’action vise en premier lieu à attirer l’attention sur les menaces qui pèsent sur les langues autochtones et sur les objectifs visant à renforcer le dialogue interculturel et la continuité culturelle et linguistique.  Les parties prenantes sont appelées à fournir un appui à la revitalisation et à la protection des langues autochtones et à promouvoir les valeurs qu’elles véhiculent dans un contexte socioculturel, économique et politique plus large.  L’UNESCO organisera une manifestation parallèle le 18 avril pour pousser la réflexion sur les principaux éléments du plan, tandis que le Comité directeur tiendra sa première réunion le 19 avril.

« Notre identité n’est pas distincte des danses et des langues de nos ancêtres », a déclaré le Ministre des affaires étrangères de la Bolivie.  « Retrouver notre langue autochtone, c’est retrouver notre langue du cœur, notre matrice de vie et de spiritualité et le système des connaissances qui nous a été transmis par nos ancêtres.  Retrouver notre langue, c’est retrouver notre santé et notre vitalité ».

Le transfert du savoir culturel aux jeunes générations est essentiel pour la survie de notre peuple et la protection de la biodiversité », a renchéri le Chef Wilton Littlechild, Coalition des droits de l’homme pour les peuples autochtones, qui a voulu que le respect de la spiritualité soit le principe directeur du plan d’action de l’UNESCO.  À son tour, M. Jens Dahl, expert de l’Instance, a souligné que pour sauver une langue, il faut qu’elle soit parlée à la maison et que les locuteurs se l’approprient.  Il a recommandé à l’UNESCO de recenser les nombreux chercheurs et linguistes autochtones impliqués dans la protection de leurs langues.  Il faut également garder à l’esprit les problèmes réels rencontrés sur le terrain, a renchéri M. Alexey Tsykarev, un autre expert de l’Instance qui s’est préoccupé de la transmission difficile des langues d’une génération à une autre.  Cette Année, a-t-il dit, devrait être l’occasion de mettre en place des initiatives pratiques à tous les niveaux.

L’Inuit Circumpolar Council a indiqué que bien que l’inuit soit considéré comme l’une des langues autochtones les plus fortes du Canada et que 70% des Inuits de Nunavut l’identifient comme leur langue maternelle, le nombre des locuteurs diminue toutefois de 20% chaque année.  Il a notamment dénoncé le fait que 40% des enseignants dans les écoles de Nunavut sont uniquement anglophones et viennent du sud du pays.  Les besoins des enfants inuits ne sont pas pris en compte dans la majorité des systèmes d’enseignement du Canada, a-t-il accusé.  L’inuit est « la langue unificatrice » de Nunavut qui mérite des ressources pour son éclosion.  Le Canada, représenté par une délégation inuite, a plaidé pour que l’inuit soit reconnu au même titre que le français ou l’anglais dans tout le pays.  D’ici à la soixante-quinzième session de l’Assemblée générale au plus tard, la voix des gouvernements autochtones doit être entendue dans toutes les réunions de l’ONU.

Beaucoup d’intervenants ont attirer l’attention sur certaines initiatives prises pour éviter la déperdition des langues autochtones.  La Fédération de Russie a parlé de bandes dessinées, avant que l’Association des peuples autochtones du nord, de la Sibérie et de l’extrême-orient de la Fédération de Russie n’évoque la tenue d’un congrès des enseignants en langue autochtones.  Mais ce qui est primordial, a-t-elle souligné, c’est d’inciter les peuples autochtones à parler leur langue, chez eux, avec leurs enfants.

Le Parlement sami de la Norvège a dit travailler, avec les Samediggis de Suède et de Finlande, à l’élaboration d’une terminologie et de normes communes pour éviter que la langue samie n’évolue de manière différente dans chacun de ces trois pays.  Mais le financement de ce projet fait défaut, a-t-il prévenu.  Le Guatemala a parlé des programmes pédagogiques en langue maya, tandis que le Mexique a appelé au renforcement des capacités créatrices des communautés autochtones, ainsi qu’à la création de contenus numériques en langues autochtones.  Il faut permettre aux peuples autochtones de s’épanouir en tant que tels, a souligné la Nouvelle-Zélande qui a indiqué que le maori est une langue officielle néozélandaise depuis 1986.

L’Indigenous Peoples of Africa Coordinating Committee a souligné que le continent africain compte plus de 1 000 langues autochtones, pourtant « marginalisées ».  Il a averti que cela pourra accélérer leur disparition au cours de ce siècle.  La revitalisation de l’amazigh en Algérie et au Maroc doit être considérée comme une initiative « exemplaire » pour toutes les autres langues autochtones du continent.  Le Congrès mondial amazigh a en profité pour dénoncer « la propagande » des organes officiels qui veulent faire croire que les langues autochtones seraient des obstacles au développement.  « Assurer la domination d’une langue sur une autre est un acte raciste contre lequel il ne faut jamais arrêter de lutter », a souligné le Congrès qui a dénoncé la minorisation de certaines langues jugées suspectes pour le simple fait que leurs locuteurs cherchent à revendiquer leurs droits.

La situation des défenseurs des droits de l’homme autochtones s’est également imposée au cours de ce dialogue interactif, la Ministre de la culture et de la démocratie de la Suède, au nom des États nordiques, s’alarmant de ce que plus de 300 de ces défenseurs aient été tués en 2017 et que le niveau d’impunité demeure « inacceptable ».  L’Organización de Pueblos Indigenas de la Amazonia Colombiana a réclamé un programme pour assurer la survie des dirigeants autochtones de Colombie, signalant que 37 d’entre eux ont été assassinés en 2017.  Elle s’est notamment inquiétée de la remilitarisation des zones libérées par les FARC et a appelé l’Instance à accorder la priorité à cette question.

« Les États ne respectent ni les terres ni les droits des peuples autochtones », s’est impatientée la Coordinadora de Organizaciones Indígenas de la Cuenca Amazónica.  Quand nous défendons nos droits, nous sommes poursuivis par ceux qui prétendent protéger la « Pachamama » mais qui promeuvent en fait la culture du soja ou les barrages hydroélectriques.  « Nous sommes poursuivis et parfois emprisonnés, simplement pour avoir tenté de protéger nos terres », s’est indignée l’organisation, avant d’annoncer la tenue prochaine d’une grande réunion des peuples d’Amazone pour approfondir ces questions et d’inviter l’Instance à y participer.

Le dialogue a également été ponctué par les interventions de différentes organisations internationales et agences de l’ONU, à l’instar de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) qui a parlé des négociations en cours sur un instrument juridique relatif à la protection des ressources génétiques, du savoir et des expressions culturelles traditionnelles.  L’Organisation panaméricaine de la santé a dit travailler à la promotion de l’accouchement traditionnel et avoir créé une bibliothèque virtuelle sur les soins traditionnels, tandis que le Secrétariat de la Convention des Nations Unies sur la biodiversité a parlé d’un plan d’action sur l’utilisation coutumière de la biodiversité.  Des directives sont aussi envisagées pour promouvoir le savoir traditionnel et des ateliers sont organisés pour aider les pays à élaborer des plans d’action.  L’adoption d’un projet de décision relatif à un programme de travail sur le savoir traditionnel est également prévue, de même qu’un sommet sur la nature et la culture.

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