Session de 2018,
37e & 38e séances plénières – matin & après-midi
ECOSOC/6931

ECOSOC: La session humanitaire se penche sur le sort des enfants en temps de conflit armé et sur les réponses face aux risques de catastrophes naturelles

« Il y a un proverbe africain qui dit qu’un enfant, c’est mon enfant, que les enfants, ce sont nos enfants », a déclaré le Vice-Président de Conseil économique et social (ECOSOC), M. Jerry Matthews Matjila, à l’entame de la deuxième journée de la session 2018 de son segment humanitaire, qui a vu la tenue de deux discussions de haut niveau. 

Lors de la première, intitulée « Remédier aux conséquences des conflits armés sur les enfants: renforcer les actions afin de répondre à leurs besoins », les intervenants ont fait part des mesures qu’ils ont prises en ce sens et présenté des propositions pour répondre aux besoins des quelque 150 millions d’enfants qui vivent actuellement dans une zone de conflit. 

Mme Mari Maklek, réfugiée sud-soudanaise et fondatrice de « Stand for education », a ainsi mis l’accent sur l’importance primordiale de l’éducation, qui est cependant, selon les termes de Mme Yasmine Sherif, Directrice de « Education cannot wait », « le parent pauvre de la réponse humanitaire globale ».  En effet, les investissements dans l’éducation ne représentant que 3% de celle-ci. 

Le Directeur des opérations du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour les régions du Proche et Moyen-Orient, M. Robert Mardini, a, lui, réclamé l’application du droit international.  Il a rappelé que les enfants enrôlés dans des groupes armés et qui sont accusés de crimes doivent être traités « comme victimes de violations et pas comme auteurs de violations ». 

« Le CICR fait son possible pour veiller à ce que les enfants ne soient pas séparés de leurs parents », a-t-il déclaré.  Un point de vue partagé par Mme Henrietta Fore, Directrice exécutive de l’UNICEF, qui a évoqué la distribution de bracelets aux enfants du Soudan du Sud qui se retrouvent déplacés et isolés, en vue de les réunir un jour avec leur famille.  « Être séparé de sa famille est une expérience terrifiante pour un enfant », a-t-elle fait valoir. 

La seconde discussion de haut niveau, intitulée « Relever les défis, les risques et les impacts des phénomènes météorologiques extrêmes et des changements climatiques sur les plus vulnérables », a vu, elle, la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, Mme Ursula Mueller, rappeler que 2017 a été l’année la plus chaude et que 19 millions de personnes sont nouvellement déplacées à cause de phénomènes climatiques.

« Les pays doivent apprendre à vivre avec la certitude de l’incertitude, un facteur à incorporer dans les budgets publics et dans les programmes de développement durable », a réagi M. Satyendra Prasad, le représentant des Fidji, pays très vulnérable aux changements climatiques.  Il a en même temps reconnu que cela peut s’avérer difficile pour les pays en développement compte tenu de leurs ressources limitées.

D’où l’intérêt de dégager des ressources pour rendre les pays plus résilients, a renchéri M. Ronald Jackson, Directeur exécutif de l’Agence de gestion d’urgence des catastrophes dans les Caraïbes, en plaidant en faveur d’une forme d’annulation de la dette des pays de sa région.  Il venait notamment apporter la perspective des Caraïbes après les ouragans de 2017.

Autre moyen de mobiliser des ressources, l’assurance climatique, même si elle n’est qu’une réponse en dernier recours pour gérer des évènements à grande échelle peu fréquents.  C’est ce qu’a expliqué M. Mohamed Béavogui, Directeur général de la Capacité africaine de gestion des risques, en précisant que ce genre d’assurance a l’avantage de pouvoir mobiliser des sommes dans de brefs délais, ce qui est difficile actuellement pour le secteur humanitaire.

L’expert a mis l’accent sur le système de solidarité mis en place en général en Afrique depuis 2012, pour faire face à la variabilité climatique sur ce continent.  Comme les phénomènes climatiques ne frappent pas le continent partout et au même moment, la diversification des risques de par le continent africain peut être, à ses yeux, un moyen efficace de faire face à la variabilité climatique. 

L’ECOSOC poursuivra et achèvera les travaux de sa session humanitaire demain, jeudi 21 juin, à partir de 10 heures. 

DISCUSSION DE HAUT NIVEAU « REMÉDIER AUX CONSÉQUENCES DES CONFLITS ARMÉS SUR LES ENFANTS: RENFORCER LES ACTIONS AFIN DE RÉPONDRE À LEURS BESOINS »

« Il y a un proverbe africain qui dit qu’un enfant, c’est mon enfant, les enfants, ce sont nos enfants », a déclaré le Vice-Président de l’ECOSOC, M. Jerry Matthews Matjila, à l’entame de cette discussion.  « Les enfants au Yémen sont nos enfants.  Les enfants en Syrie sont nos enfants. »

C’est dans cet esprit que les intervenants de cette discussion, animée par le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Mark Lowcock, ont fait part de leurs actions et propositions pour répondre aux besoins des quelque 150 millions d’enfants qui vivent dans une zone de conflit. 

Mme MARI MAKLEK, Réfugiée sud-soudanaise et fondatrice de « Stand for education », a indiqué qu’elle est née au cours de la deuxième guerre civile qu’a connue le Soudan au milieu des années 80.  « J’ai eu une belle vie d’enfant, aux côtés des miens jusqu’à ce que la guerre éclate.  Les choses ont alors changé et nous avons dû faire nos valises parce que notre pays ne voulait plus de nous ».  Elle a détaillé l’odyssée qui l’a conduite, avec sa mère et ses sœurs, en Égypte, où elle a vécu quatre ans, jusqu’à Newark, dans le New Jersey, après que sa famille a gagné une loterie.  À Newark, nous avons dû faire face à des discriminations comme en Égypte certaines personnes nous demandant de rentrer chez nous, a—t-elle dit.  Je suis devenue mannequin en Californie et, dès lors, j’ai voulu braquer les projecteurs sur le sort des réfugiés parce que j’en suis une, a-t-elle déclaré.  « Je ne veux néanmoins pas être perçue comme une victime. »

Mme HENRIETTA FORE, Directrice exécutive de l’UNICEF, a rappelé qu’il y a environ 10 millions d’enfants déplacés dans le monde.  Certains sont mutilés et utilisés comme boucliers humains, tous sont vulnérables, a-t-elle dit.  « Les conflits détruisent l’avenir des enfants. » Dans le Kasaï en République démocratique du Congo (RDC), 850 000 enfants sont déplacés, tandis qu’au Yémen, 1,8 million d’enfants souffrent de malnutrition aigüe, a-t-elle rappelé.  « Nous devons agir maintenant parce qu’une génération d’enfants est en danger. »  Mme Fore a prôné une tolérance zéro s’agissant des violations commises contre les enfants et réclamé un accès humanitaire sans entrave dans les zones de conflit. 

M. ROBERT MARDINI, Directeur des opérations du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour les régions du Proche et Moyen-Orient, a déclaré qu’en 2016 plus de 8 000 enfants ont été tués dans des zones de conflit.  Les enfants ont par ailleurs deux fois plus de risques de mourir avant l’âge de 5 ans, en raison d’un accès insuffisant à des soins, a-t-il dit.  « L’élément positif, c’est qu’il y a un cadre juridique de protection pour les enfants, mais la mauvaise nouvelle c’est qu’il n’est pas assez appliqué. »  Il a dénoncé le fait que les enfants soient souvent pris pour cibles, avant de souligner la gravité des problèmes psychologiques que ces enfants auront plus tard dans leur vie en raison de ces traumatismes.  Leur développement cérébral sera affecté.  Interrogé par M. Lowcock, il a indiqué que le CICR fait son possible pour veiller à ce que les enfants ne soient pas séparés de leurs parents.  « Il est crucial de conserver ces liens. »

Mme YASMINE SHERIF, Directrice de « Education cannot wait », a dit que le premier défi dans la réponse à apporter aux besoins des enfants est la durée des conflits, qui est de sept ans en moyenne.  En Afghanistan, le conflit dure depuis 40 ans et touche plusieurs générations.  Les enfants sont déplacés en moyenne de 10 à 12 ans, et pendant ce temps-là l’accès à l’éducation doit être garanti, a-t-elle dit.  « Seuls 49% d’enfants de réfugiés sont scolarisés en école primaire. »  Un autre défi est l’inapplication du droit international.  Tout conflit armé entraîne une crise de protection et se caractérise par des violations graves de ce droit. 

Elle a insisté sur la nécessité d’investir dans l’éducation, indiquant par exemple qu’une fille au Soudan du Sud a plus de risques de mourir en couches que d’être scolarisée.  « Les investissements dans l’éducation sont les parents pauvres de la réponse humanitaire globale, puisqu’ils ne représentent que 3% de celle-ci », a-t-elle affirmé.  Elle a également déploré l’ampleur du fossé qui existe entre acteurs humanitaires et acteurs du développement dans la réponse aux crises, alors que ceux-ci devraient coopérer étroitement.  Les enfants rohingya qui traversent la frontière avec le Bangladesh doivent être scolarisés immédiatement, a-t-elle intimé, en affichant sa volonté de jeter un pont entre acteurs de l’éducation et acteurs humanitaires. 

Dans un second temps, et à la demande de M. Lowcock, les quatre panélistes ont évoqué les actions qu’ils ont entreprises pour répondre aux besoins des enfants en période de conflit.  Mme Maklek a ainsi indiqué que son organisation a aidé à la construction d’écoles au Soudan du Sud, les classes se tenant souvent sous un arbre.  Ce sont les communautés locales qui ont construit, brique par brique, ces écoles qui sont désormais pour elles une source de fierté.  Elle a aussi mentionné un programme spécifique pour les filles, appelé « Stand up for girls », afin d’aider des filles mariées très tôt au Soudan du Sud à recevoir une éducation. 

Mme Fore a, elle, souligné l’efficacité des mécanismes de réaction rapide onusiens.  En Iraq, 1,3 million d’enfants ont reçu une aide, dont 785 000 au Soudan du Sud.  Grâce à la Banque mondiale, nous avons procédé à des transferts en liquide à des familles au Yémen.  Elle a aussi évoqué la distribution de bracelets aux enfants déplacés isolés au Soudan du Sud afin de les identifier et de les réunir un jour avec leur famille.  « Être séparé de sa famille est une expérience terrifiante pour un enfant. »

M. Mardini a, lui, indiqué que le CICR sensibilise des groupes armés afin qu’ils n’enrôlent pas des enfants.  « Soyons francs, cela marche et parfois cela ne marche pas. »  Le CICR a également appris à des écoliers du Sud-Liban à se protéger en cas d’attaques. 

Mme Sherif a déclaré que son organisation poursuit les objectifs suivants en matière d’éducation des enfants: inspirer des engagements politiques, catalyser les financements, fédérer les acteurs sur le terrain et combler le fossé entre efforts de développement et humanitaires.  Elle a souligné certains éléments positifs comme les 2,9 milliards de dollars promis lors du dernier Sommet du G7 pour l’éducation des enfants, notamment des filles.  L’Union européenne devrait aussi augmenter de 10% son aide pour l’éducation des enfants. 

Évoqué par plusieurs délégations telles que la Suisse, l’Espagne et l’Afrique du Sud dans leurs questions, le respect du droit international, s’agissant notamment des écoles et des hôpitaux, a été au cœur de la discussion interactive qui a suivi les présentations des panélistes. 

M. Mardini a rappelé que les écoles sont protégées par le droit international, en particulier par des résolutions du Conseil de sécurité.  Les enfants sont protégés en toutes circonstances par le droit, a-t-il dit.  Il a en outre rappelé que les enfants enrôlés dans des groupes et qui sont accusés de crimes doivent être traités « comme victimes de violations et pas comme auteurs de violations ».  Leur emprisonnement doit être envisagé en dernier recours.  Il a également déploré le déni des responsabilités par les parties combattantes s’agissant de la protection des enfants et des écoles, alors que le droit en la matière n’a jamais été aussi protecteur. 

« Il est crucial de combler le fossé entre engagements rhétoriques et actions sur le terrain », a rebondi Mme Sherif, en exhortant le Conseil à faire appliquer ses résolutions.  Mme Fore a, elle, insisté sur la protection des hôpitaux, de plus en plus souvent pris pour cibles par les parties belligérantes.  « Les écoles et hôpitaux doivent retrouver leur caractère sacré », a renchéri M. Mardini.

Même son de cloche du côté du Vice-Président Matjila qui a relaté avec émotion son passé de réfugié sollicitant dans les années 70 la protection d’un autre pays que le sien, l’Afrique du Sud, avant de détenir, aujourd’hui, pas moins de six passeports.  « Je suis devenu un combattant de la liberté au sein du parti de Nelson Mandela et j’ai vécu dans la forêt pendant des années. »  Lorsque j’étais combattant, j’avais pour instruction de ne jamais attaquer un enfant blanc, un civil blanc ou une école blanche, a-t-il dit, en déplorant que cela ne soit plus le cas aujourd’hui dans les pratiques de guerre.  Il a enfin rappelé que les enfants réfugiés doivent pouvoir passer un coup de téléphone à leur famille, en particulier leur mère, « que ce soit à la frontière du Bangladesh ou à la frontière du Mexique ». 

COMMENT MIEUX PROFILER LES RISQUES LIÉS AUX CATASTROPHES NATURELLES POUR ANTICIPER LES RÉPONSES À Y APPORTER EN AMONT ET RENFORCER LES CAPACITÉS NATIONALES AU COEUR DES DÉBATS À L’ECOSOC

La deuxième table ronde interactive du segment humanitaire de l’ECOSOC, qui a eu lieu cet après-midi, avait pour thème « Relever les défis, les risques et les impacts des phénomènes météorologiques extrêmes et des changements climatiques sur les plus vulnérables ».

Modérée par Mme URSULA MUELLER, la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, ce débat a été l’occasion d’envisager les moyens dont dispose le système humanitaire pour mieux répondre aux phénomènes météorologiques extrêmes, sur la base des expériences récentes et des leçons tirées de la saison El Niño 2015-2016 et de la saison des ouragans en 2017.  Rappelant que 2017 était l’année la plus chaude et que 19 millions de personnes sont nouvellement déplacées à cause de phénomènes climatiques, elle a affirmé que les impacts climatiques érodent les progrès en termes de développement durable.  Mme Mueller a en même temps relevé que le secteur humanitaire devient de plus en plus performant, prenant pour preuve que l’action humanitaire a permis de sauver de nombreuses vies pendant la saison des ouragans 2017 dans l’Atlantique, même si l’épisode El Niño 2015-2016 a été l’un des plus forts, poussant 23 pays à demander une assistance humanitaire.

Si Mme Mueller a fait valoir que la feuille de route pour l’action du Secrétaire général et les nouvelles procédures normalisées d’alerte précoce avaient permis de changer la donne, elle a estimé qu’il fallait faire davantage encore.  « Une tendance claire se dégage, à savoir que l’architecture actuelle du financement humanitaire ne favorise pas les actions d’alerte précoce et flexibles. »  À la lumière de ce constat, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) travaille sur une démarche plus anticipative, plus participative et plus collective en vue de faciliter l’action rapide, a-t-elle expliqué, ajoutant que le secteur privé peut prendre part à ces efforts en allouant des fonds au Fonds central pour les interventions d’urgence (CERF). 

La première intervenante, Mme LISA GODDARD, Directrice de l’Institut international de recherche sur le climat et la société de Columbia University, a éclairé les participants sur la notion de « variabilité climatique actuelle », alors même que les risques climatiques ont toujours existé.  Elle a reconnu que les modèles météorologiques ne sont pas parfaits et qu’il y aura toujours de l’incertitude dans les prévisions climatiques.  L’experte a prévenu qu’il faudrait apprendre à gérer sur le long terme la nouvelle donne que représente la variabilité climatique avec laquelle a été aux prises le secteur humanitaire.  Générer des prévisions climatiques de la manière la plus objective possible est essentiel pour pousser les bailleurs de fonds à investir dans les systèmes d’alerte rapide et dans la résilience des infrastructures et structures, a-t-elle ajouté en prônant par conséquent le renforcement des capacités de collecte et de traitements de données climatiques au niveau local. 

Rejoignant cet avis, le représentant de l’Allemagne a constaté la réticence des bailleurs de fonds à investir dans des actions préventives et a regretté la tendance actuelle à attendre que « la catastrophe se matérialise ».  « Il faut saisir la fenêtre d’opportunité qui s’ouvre entre la prévision et la catastrophe », a-t-il martelé.  « Concrètement, au niveau des Nations Unies, c’est là que le CERF doit rentrer en jeu pour financer des actions précoces », a-t-il poursuivi en demandant aussi que le système humanitaire soit amélioré.

M. SATYENDRA PRASAD, Représentant permanent des Fidji auprès des Nations Unies, a décrit l’impact climatique dans son pays.  La nouveauté pour lui est l’élément d’imprévisibilité face à la multiplication des phénomènes climatiques comme les ouragans, les cyclones ou encore les sècheresses qui peuvent désormais arriver à tout moment.  Les pays doivent apprendre à vivre avec « la certitude de l’incertitude », un facteur à incorporer dans les budgets publics et dans les programmes de développement durable, a-t-il conseillé non sans reconnaître que cela peut s’avérer difficile dans les pays en développement compte tenu de leurs ressources limitées.

Pour ce qui est de la capacité de réponse face aux catastrophes naturelles, M. Prasad a regretté une approche trop compartimentée et qui manque de coordination.  Pour un gouvernement comme le sien, les instruments de réponse doivent être bien définis à l’avance pour ne pas avoir à réfléchir à « comment faire une fois que la catastrophe climatique a frappé ».

Apportant la perspective des Caraïbes après la saison 2017 des ouragans, M. RONALD JACKSON, Directeur exécutif de l’Agence de gestion d’urgence des catastrophes dans les Caraïbes, qui intervenait par visioconférence, a partagé avec les membres de l’ECOSOC les enseignements clefs tirés depuis lors.  Il a souligné le niveau d’exposition et de vulnérabilité de la région des Caraïbes et a plaidé pour une forme d’annulation de leur dette en vue de dégager des ressources pour rendre les systèmes et les sociétés des Caraïbes plus résilientes.  Il faut transformer le secteur public et le leadership local, a-t-il plaidé, et coordonner les différentes opportunités de financement pour le relèvement de ces sociétés. 

L’expérience de la région du Sahel a été exposée par M. IBRAHIM LUMUMBA IDI-ISSA, Vice-Secrétaire exécutif du Comité permanent interétats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILLS).  Il a dit que « le CILLS est en soi une réponse de ses 13 États membres sahéliens pour essayer de lutter contre la désertification et l’insécurité alimentaire au Sahel ».  Mis en place il y a 45 ans, cet organisme a répondu à l’exigence d’une réponse fédérée de la région alors même que ces pays n’ont pas les mêmes conditions agro-écologiques.  Ses membres sont passés de 6 à 13 parce que la dégradation écologique s’est élargie au niveau de la région, a-t-il expliqué.  Le CILLS a mené des actions pour atténuer l’impact des grandes catastrophes naturelles et préparer les communautés rurales à faire face à ces phénomènes.

De plus, le Mouvement « Agir », qui existe depuis 2012, cherche à appliquer des normes de mise en œuvre de la résilience au plan local, a encore expliqué M. Lumumba Idi-Issa qui a également mis l’accent sur la nature transfrontalière des mécanismes de concertation pour une meilleure gestion des ressources naturelles et de meilleurs investissements.  Un centre régional spécialisé dans l’insécurité alimentaire a également été mis en place à Niamey.  Ce centre a développé des systèmes d’alerte rapide pour pouvoir prédire « la face que prendra la saison humide » et ajuster la maîtrise de l’eau en fonction.  Ces meilleures pratiques sont disséminées par le biais d’organisations non gouvernementales nationales et locales qui les appliquent au niveau local. 

M. MOHAMED BÉAVOGUI, Directeur général de la Capacité africaine de gestion des risques, est, lui aussi, venu témoigner des leçons tirées en Afrique depuis la mise en place en 2012 de son organisme qui vise à mieux répondre à la variabilité climatique en Afrique.  La diversification des risques de par le continent africain peut être, à ses yeux, un moyen efficace de faire face à la variabilité climatique, « parce que les phénomènes climatiques ne frappent pas le continent partout et au même moment ».  Voilà pourquoi le facteur solidarité est intéressant pour mutualiser les risques notamment par le biais d’un marché d’assurances climatiques qui permettent de transférer les risques des gouvernements vers les marchés.  En 2014, une telle assurance a été mise en place par la Capacité africaine de gestion des risques, grâce à un emprunt à taux zéro de l’Allemagne et du Royaume-Uni pour la capitaliser.  Depuis le lancement de cette activité, huit pays africains ont souscrit à une assurance climatique à hauteur de 56 millions de dollars de prime, dont les risques ont été transférés vers les marchés à hauteur de 400 millions de dollars.  Il y a un désir de plus en plus important du secteur privé et du secteur public de participer à ce marché nouvellement créé, a constaté le paneliste qui reconnaît toutefois que de tels programmes d’assurance nécessitent un cadre pluridisciplinaire et des partenariats. 

Un tel mécanisme peut être durable sur le plan financier, mais le rôle des donateurs est capital au départ, a-t-il souligné.  Il espère que d’autres pays y participeront.  Il a aussi précisé que l’assurance climatique est une réponse en dernier recours qui vise à gérer des évènements à grande échelle peu fréquents.  En outre, elle permet de recevoir des sommes dans de brefs délais, ce qui est difficile actuellement pour le secteur humanitaire.  En effet, la mutualisation des risques permet de réduire les coûts et de diversifier les risques.  Ce type d’assurance doit faire partie d’un tout, a estimé l’intervenant pour lequel il ne s’agit que de l’un des échelons d’un ensemble de mesures de réponse aux catastrophes naturelles comme la protection sociale ou encore le financement des plans de contingence.  De plus, il est conscient du fait que les pays doivent disposer des ressources nécessaires pour pouvoir payer les primes de l’assurance climatique.  L’enseignement majeur reste, à ses yeux, l’importance des partenariats et de la cohérence des actions, ainsi que l’exigence de renforcer les capacités au niveau local. 

La seule certitude de Mme OSNAT LUBRANI, Coordinatrice résidente du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) à Fidji, bureau qui couvre 10 petits États insulaires en développement (PEID) du Pacifique, c’est qu’il y aura une catastrophe au moins une fois par an dans les pays où elle travaille.  Elle a appelé à reconnaître que l’impact des catastrophes climatiques est plus fort sur les PEID que sur les grands pays, citant le cas des Tonga qui a vu 38% de son PIB partir en fumée.  Elle est persuadée que ces pays veulent et doivent désormais intégrer ces risques dans leurs politiques de développement. 

Mme Lubrani, qui copréside également l’équipe humanitaire présente sur le terrain, en collaboration avec sa collègue de l’OCHA, a l’impression que leur travail est désormais plus apprécié par les gouvernements.  Elle a imputé cela au fait que l’ONU y agit de manière très locale.  Le cadre de résilience du Pacifique est un cadre régional, a-t-elle fait remarquer en indiquant vouloir l’opérationnaliser au niveau local, sachant que la reconstruction prend du temps et suppose une coordination entre les différents partenaires au-delà des ressources disponibles.  Pour elle le succès des actions humanitaires passe par le renforcement de la gouvernance et des capacités nationales de manière à être mieux préparés.

 

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