Cinquante et unième session,
4e séance – matin
POP/1074

La Commission de la population et du développement se penche sur les défis de la migration interne pour l’urbanisation

Les défis des migrations internes pour l’urbanisation ont mobilisé, aujourd’hui, l’attention de la Commission de la population et du développement, au deuxième jour du débat général, qui a également été marqué par les préoccupations sur la situation des femmes migrantes.

La Commission a entamé hier les travaux de sa session 2018 sur le thème « Villes durables, mobilité humaine et migrations internationales ».

Les migrants internes représentent des défis qui exigent des villes qu’elles deviennent « intelligentes », a souligné le Nigéria, pays le plus peuplé d’Afrique où, d’ici à 2050, 70% de la population vivra dans les zones urbaines.

Confronté à un phénomène similaire, l’Inde, qui abrite un sixième de la population mondiale, où l’innovation et les nouvelles technologies sont au cœur du développement et où des « solutions intelligentes » sont appliquées à différents contextes, a dit miser sur un développement urbain inclusif et durable, comme en témoigne la création, autour des villes, de nouvelles zones bien planifiées et bien pourvues en services ou « zones vertes » pour accueillir une population en croissance rapide.

Cet afflux vers les villes est souvent porteur de nombreux défis qu’il est difficile de relever, à l’instar de la Mongolie où la densité de la population urbaine dans la capitale est telle que le taux de pollution compromet l’offre de services sociaux de qualité.

C’est le logement qui est « le grand défi des villes », a estimé la Ministre de la population du Niger, pays où le taux d’urbanisation avoisine les 22,5%.  La Ministre a reconnu que les conditions de vie en milieu urbain sont « très difficiles » avec des logements constitués essentiellement de l’autoconstruction par les ménages et des retards importants en matière d’infrastructures urbaines.

Le même tableau est visible en Sierra Leone où les déplacements forcés provoqués par le conflit des années 90 ont donné lieu à une augmentation constante du nombre de logements informels aux alentours des villes, une situation qui rend « intenable » l’offre des services sociaux et multiplie les victimes des coulées de boue et autres inondations: plus de 1 000 morts lors de la dernière catastrophe naturelle dans la capitale.

La Sierra Leone s’est dite préoccupée du sort des jeunes qui représentent 80% de la population et qui sont nombreux à partir à la recherche d’une meilleure vie ailleurs, sans pour autant être épargnés des dangers de l’expérience « effroyable » d’une traversée clandestine de la Méditerranée, en particulier pour les filles.

La Côte d’Ivoire a fait observer que sur son sol, la mobilité humaine touche de plus en plus de femmes, tant au niveau des migrations internes qu’internationales.  Les données montrent que 54,2% des immigrées préfèrent s’installer en milieu urbain, une situation qui crée des opportunités d’autonomisation économique mais qui les expose aussi à l’exploitation, la violence et la maltraitance.

Les femmes migrantes, a renchéri l’Afrique du Sud, sont souvent contraintes à travailler dans des conditions précaires et pâtissent en outre d’un manque d’accès aux services de santé sexuelle et reproductive, avec pour résultat un nombre important de grossesses non désirées.  L’Afrique du Sud a plaidé pour que les États intègrent des politiques de santé sexuelle et reproductive à leurs stratégies de gestion des migrations.

Le rapport du Secrétaire général note que les migrantes affichent un taux d’activité plus important que celui des femmes non migrantes: 72,7% contre 63,9%.  Dans certains secteurs, les migrantes représentent une part importante de la force de travail, notamment dans le secteur de l’emploi domestique où une travailleuse sur six dans le monde est une migrante.

Le débat a également été marqué par l’intervention du Japon qui doit, quant à lui, affronter un véritable déclin démographique.  La migration de remplacement n’est pas le premier choix mais, a reconnu le Japon, 48% de la baisse de la population a pu être résorbé en 2016 par l’augmentation du nombre d’étrangers dans le pays, lesquels étaient au nombre de 2,4 millions en 2017. 

Après le débat général, les délégations ont discuté des « villes portes d’entrée » des migrations internationales avec Mme Marie Price, professeure de géographie et des affaires internationales à la « George Washington University ».

La Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 11 avril, à partir de 10 heures.

MESURES POUR LA POURSUITE DE LA MISE EN ŒUVRE DU PROGRAMME D’ACTION DE LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LA POPULATION ET LE DÉVELOPPEMENT AUX NIVEAUX MONDIAL, RÉGIONAL ET NATIONAL

Débat général sur le thème « Villes durables, mobilité humaine et migrations internationales »

Mme AISSATA ISSA MAIGA AMADOU, Ministre de la population du Niger, a indiqué qu’avec le phénomène important de l’exode rural, l’extension de l’urbanisation a fortement contribué à la transformation sociale du pays, précisant que le Niger a un taux d’urbanisation d’environ 22,5% et que la population urbaine croît à peu près deux fois plus vite que la population rurale.  Le logement, « qui est le grand défi des villes », est constitué essentiellement de l’autoconstruction par les ménages, l’intervention des pouvoirs publics ayant surtout porté sur des opérations de lotissements souvent non viabilisés.  Le Niger, a reconnu la Ministre, connaît, par rapport aux autres pays de la sous-région, un retard important en matière d’infrastructures urbaines, ce qui rend les conditions de vie en milieu urbain « très difficiles ».  La Ministre a attiré l’attention sur les vastes programmes tels que « Niamey Nyala » qui ambitionnent de moderniser la ville de Niamey à l’horizon 2030.

La Ministre a ensuite affirmé que, dans son pays, les mouvements sont essentiellement des migrations saisonnières internes ou vers les pays voisins, y compris vers la Libye et l’Algérie.  Le fruit des mouvements migratoires des Nigériens représente un enjeu important de développement.  Les transferts provenant des migrants installés dans la sous-région contribuent de manière significative à la subsistance des familles et même aux investissements collectifs dans les communautés d’origine.  En période de crise alimentaire, ces transferts constituent généralement une stratégie d’adaptation vitale pour atténuer les risques de désertion des campagnes, l’insécurité alimentaire et la malnutrition. 

Le Niger se trouve en outre au « carrefour » d’une zone de transit clef dans un système complexe qui attire un nombre croissant de ressortissants de pays voisins qui s’exposent à la traversée périlleuse du désert d’Agadez pour se diriger vers le nord.  Le Niger a observé le flux important de ce phénomène lors de la crise libyenne, a rappelé la Ministre dont le pays s’est trouvé face à divers enchaînements malheureux dont un mouvement croissant de réfugiés, la traite des personnes et des trafics illicites de toute nature, en plus des problèmes sécuritaires. 

Mme TANMAYA LAL (Inde) a souligné que son pays, qui représente un sixième de la population mondiale, connaît aussi une urbanisation rapide.  Le Gouvernement accorde la priorité à la construction de villes durables, intelligentes et résilientes pour relever les défis d’une telle urbanisation.  Le « système municipal » renforcé a fait des villes, des entités plus inclusives et plus autonomes.  L’intégration est en effet la pierre angulaire des initiatives indiennes en matière de logement et de développement urbain.  Le Gouvernement a lancé la « Mission Atal pour le rajeunissement et la transformation urbaine (AMRUT) » qui se focalise sur le développement d’infrastructures urbaines de base avec des dispositions spéciales sur les personnes âgées et les personnes handicapées.  La « mission ville intelligente » a été lancée pour promouvoir un développement urbain inclusif et durable, en trouvant des « solutions intelligentes » pour des villes qui ont déjà les infrastructures mais qui devaient les réadapter.  Ont aussi été créées autour des villes de nouvelles zones bien planifiées et bien pourvues en services ou « zones vertes » pour accueillir une population en croissance rapide.  L’innovation et les nouvelles technologies sont au cœur du développement et des « solutions intelligentes » applicables à différents contextes, a conclu le représentant. 

Mme BAYARMAA NARANTUYA (Mongolie) a indiqué que les migrations internes et externes ont augmenté de manière notable dans son pays, provoquant une augmentation de 60% de la population urbaine, dont 70% dans la capitale.  La densité de la population y est telle que le taux de pollution compromet l’offre de services sociaux de qualité.  La Mongolie connaît aussi un taux élevé de chômage.  La représentante a assuré que son Gouvernement s’efforce d’améliorer son cadre législatif sur les migrations, dont la mise à jour de la légalisation sur les travailleurs étrangers. 

M. JOSEPH KOBENAN TANO (Côte d’Ivoire) a indiqué que malgré les avancées notables réalisées par son Gouvernement dans la prise en compte des questions de population, des défis restent à relever, citant notamment la transition démographique, la croissance très rapide de la population et le développement durable des villes.  La Côte d’Ivoire poursuit donc ses efforts pour réaliser la « révolution contraceptive », renforcer l’offre de soins aux populations, appuyer la scolarisation et faciliter l’insertion professionnelle des jeunes.

Le représentant a expliqué que la mobilité interne représente 74,5% des mouvements migratoires et touche 30% de la population totale.  Il a fait savoir que 57% des migrants internes s’installent dans les zones urbaines, notamment à Abidjan qui accueille 26,3% de cette population, et que dans l’ensemble, la proportion des femmes qui se déplacent (50,1%) est relativement plus élevée que celle des hommes (49,9%).

La Côte d’Ivoire compte aussi parmi les pays ayant la plus forte proportion d’immigrants, qui représente 10% de la population totale, a-t-il poursuivi.  Il a indiqué que si la majorité de cette population s’installe dans les zones rurales (54%), les femmes immigrées privilégient le milieu urbain (54,2%).  Le taux d’urbanisation est de 50,2%, a-t-il indiqué, et sera d’environ 60% en 2020 et 70% en 2050.  Face à ce mouvement, le Gouvernement a lancé en 2012 le programme de construction de 60 000 logements sociaux, accompagné d’actions liées à l’assainissement, à l’eau potable et à la protection de l’environnement.

Le délégué a fait remarquer que la mobilité humaine touche de plus en plus de femmes, tant au niveau des migrations internes (47,6% en 1998 et 50,1% en 2014) qu’internationales (41,8% en 1998 et 42,2% en 2014).  Cette situation crée des opportunités d’autonomisation économique mais peut aussi mener à l’exploitation, la violence et la maltraitance des femmes et des filles migrantes.  Pour remédier à cette situation, la Côte d’Ivoire a adopté deux plans d’action de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants ainsi qu’un Plan de lutte contre la traite des personnes.

Mme ELENA DOBRE (Roumanie) a énuméré les politiques et programmes de son gouvernement pour la population et le développement.  Ces mesures visent à améliorer la qualité de vie de tous les citoyens, promouvoir l’intégration sociale et la réduction de la pauvreté en assurant sans aucune discrimination l’accès de tous à la santé, l’éducation, la protection sociale, y compris les services sociaux et les minima sociaux.  S’agissant de la mobilité humaine et des migrations internationales, la Roumanie continue d’être essentiellement un pays d’émigration qui est la deuxième cause du déclin de la population.  En 2016, l’équilibre des migrations internationales était négatif.  Le nombre d’émigrés a dépassé celui des immigrés avec plus de 76 000 personnes.  Les hommes ont émigré à une proportion plus élevée que les femmes avec 55,4%.  Ils constituent aussi la majorité totale des immigrés avec un taux de 53,6%.  Quelque deux millions de Roumains travaillent à l’étranger et la mobilité professionnelle interne représente près de 10% de la population.

La stratégie nationale d’immigration 2015-2018 reconnaît que la migration est un processus à gérer et non un problème à régler.  Elle a pour objectif de promouvoir la migration légale, de renforcer le contrôle du droit de séjour des étrangers et d’améliorer le système national du droit d’asile, afin d’assurer la conformité des normes nationales, européennes et internationales.  Membre de l’Union européenne, la Roumanie participe activement à la recherche de solutions durables pour la protection et l’intégration sociale des étrangers.  La représentante a énuméré les efforts du Gouvernement pour promouvoir la migration légale dont la facilitation de l’accès des étrangers au territoire roumain pour autant qu’ils correspondent aux offres d’emploi, et à l’enseignement supérieur.  La Roumanie s’efforce aussi de faciliter l’entrée des investisseurs étrangers sur son sol. 

Étant donné que le Maroc devient de plus en plus un pays de destination, le Roi, a expliqué M. OMAR HILALE, a lancé l’Alliance sur la migration et le développement qui encourage la protection des droits fondamentaux des migrants sur la base de la responsabilité partagée et le renforcement de la coopération entre les États de l’espace euro-africain.  Cette initiative vise, entre autres, à mettre en place des mesures d’accompagnement en faveur des migrants pour leur permettre une intégration réussie et efficace, et une contribution à la vie sociale marocaine.  Le Maroc, a insisté le représentant, demeure en faveur de solutions qui tiennent compte de la dignité des migrants et de la nécessité de garantir leurs droits fondamentaux, de s’attaquer aux causes profondes de ce phénomène et de dépasser l’approche « purement sécuritaire ».  Dans ce cadre, le Maroc s’est doté depuis 2013 d’une nouvelle politique de migration qui prévoit l’intégration socioéconomique des migrants.  Le Maroc a lancé deux campagnes de régularisation des migrants durant lesquelles plus de 85% des demandes ont été acceptées.  Ces campagnes ont permis aux migrants de bénéficier d’un accès plein et entier aux services publics et à l’emploi et à titre d’exemple, 25 000 cartes de soins RAMED ont été distribuées. 

Le Gouvernement marocain a aussi entamé en parallèle un processus de régularisation des réfugiés placé sous le mandat du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).  Le pays vient aussi de se doter d’une loi sur la traite des êtres humains et élabore deux projets de loi sur la migration et l’asile.  Le représentant n’a pas manqué d’exprimer le vœu que les négociations intergouvernementales en cours sur le pacte mondial pour les migrations, qui devra être adopté en décembre prochain au Maroc, aboutira à un texte garantissant une bonne gouvernance des migrations et un espace favorisant l’intégration et le respect des droits des migrants et celui de la souveraineté des États Membres.

M. GÜVEN BEGEÇ (Turquie) a rappelé que son pays accueille 3,5 millions de réfugiés syriens dont 6.5% sont dans des centres temporaires et le reste dispersé au sein de la population.  Ces réfugiés ont accès à la santé, à l’éducation et au travail.  Le plus important est sans doute l’éducation car elle est essentielle pour les jeunes, a dit le représentant, en voyant dans ces jeunes, ceux qui bâtiront la nouvelle Syrie.  La Turquie a aussi prévu de créer 30 autres centres qui pourront accueillir plus d’un million de femmes et de filles car l’objectif est « de ne laisser personne de côté ». 

Mme ELHAM ABDALLA MOHAMED BABIKER (Soudan) a indiqué que son gouvernement s’emploie à adopter des politiques d’urbanisation et de gestion des flux migratoires.  Au Soudan, le nombre des habitants en zones urbaines était de 13,5 millions en 2015, et devrait atteindre les 21 millions en 2030 et 38 millions en 2050.  Les mouvements des biens et des personnes ont fait de Khartoum une importante métropole, dont la zone habitée est passée de 20 000 à plus de 80 000 hectares en 2018.  Le Gouvernement a créé un fonds pour la construction de logements au profit des familles pauvres mais le financement fait toujours défaut.  Néanmoins, des progrès notables ont été réalisés pour assurer la qualité des logements, le pourcentage des taudis étant passé de 60% en 1980 à moins de 20% en 2014.  Des progrès ont aussi été réalisés s’agissant de l’accès à l’eau potable et à l’électricité.  À Khartoum, 90% de la population a accès à l’assainissement contre un peu plus de 50% dans tout le pays.

Le Soudan, a poursuivi la représentant, est un pays d’origine, de transit et de destination de la migration irrégulière, n’échappant pas au fléau de la traite des personnes.  En 2005, le pays comptait 500 000 immigrés contre 2 millions en 2018, principalement de l’Érythrée, du Yémen et du Soudan du Sud.  Ces migrants pèsent sur l’économie et le Soudan doit trouver des solutions sans aucune aide de la communauté internationale.  Le nombre des émigrés soudanais est passé de 600 000 en 1990 a plus d’un million aujourd’hui.  Mais en raison des sanctions imposées au pays, les envois de fonds sont restés sporadiques.  Le pays attend la levée des sanctions pour mettre en place une politique « ciblée » des migrations.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a dit que le Gouvernement a réalisé des progrès substantiels dans la réalisation de ses engagements découlant de la Conférence internationale sur la population et le développement de 1994.  Ces réalisations ont été faites en particulier pour les femmes qui sont de véritables partenaires au développement.  Le Gouvernement cherche aussi à trouver l’équilibre entre la population et l’environnement et a lancé un plan d’action pour les femmes et les changements climatiques dont la stratégie repose sur la réduction de la concentration démographique dans les zones urbaines.  L’objectif est de faire en sorte que les populations n’aient pas à quitter leur lieu d’origine

M. ADIKALIE FODAY SUMAH (Sierra Leone) a indiqué qu’au rythme actuel, la population sierra-léonaise passera d’un peu plus de 7 millions à au moins 10 millions d’ici à 2026. Les jeunes représentent 80% de la population et nécessitent des investissements sociaux et économiques.  Le représentant s’est dit préoccupé que beaucoup de ces jeunes aient été contraints de quitter le pays à la recherche d’une meilleure vie ailleurs, sans pour autant être épargnés des dangers d’une traversée clandestine de la Méditerranée.  Le représentant a parlé d’une expérience « effroyable », en particulier pour les filles.  Compte tenu de cette situation, le débat sur l’élaboration du prochain plan de développement porte principalement sur la création d’emplois, l’accès à la santé sexuelle et reproductive, l’autonomisation des femmes et des filles et la promotion de l’économie rurale et agricole.

Par ailleurs, les déplacements forcés provoqués par le conflit des années 90 ont donné lieu à une augmentation constante du nombre de logements informels aux alentours des villes, une situation qui, a déploré le représentant, rend « intenable » l’offre des services sociaux.  Les coulées de boue et autres inondations ont déjà provoqué la mort de plus de 1 000 personnes dans la capitale.  L’Agence de protection de l’environnement s’efforce de répondre aux préoccupations environnementales dans et aux alentours des villes.

La Sierre Leone s’est par ailleurs fixé pour objectif de réduire de 16,8% à 5% la proportion de personnes vivant dans des logements informels dans la capitale et à faire passer de 16,7% à 2% le nombre de ménages dans les bidonvilles à Freetown.  Des objectifs ont aussi été établis pour l’accès à l’eau potable, la réduction de la pollution de l’air, la gestion des déchets et la création d’espaces verts.

M. DURUIHEOMA EZE (Nigéria) a déclaré qu’aucun gouvernement au monde ne peut relever seul les défis de l’urbanisation et de la migration.  Les migrations touchent les adolescents, les femmes et les filles et la population active.  L’urbanisation est irréversible et a une répercussion sur la vie des gens.  Le Nigéria est le pays le plus peuplé d’Afrique et le septième au monde.  Ces 50 dernières années, la population urbaine a augmenté de plus de 6%, une situation qui a des conséquences sur les infrastructures civiles et les services sociaux.  D’ici à 2050, 70% de la population du Nigéria habiteront dans les villes.  Les migrants internes représentent des défis qui exigent des villes qu’elles deviennent « intelligentes ». 

Aujourd’hui, les villes du nord-est du Nigéria abritent 1,7 million de migrants internes.  Mais ces villes comme les autres sont frappées par la pauvreté, le chômage frappe 18% de tous les citadins et l’accès à la santé reste inéquitable.  Le Gouvernement, qui s’attaque à ces problèmes, a aussi élaboré sa politique nationale des migrations pour protéger les Nigérians de l’extérieur et les étrangers au Nigéria.  La politique a par exemple consisté à sécuriser les envois des fonds des émigrés.  Le représentant a conclu en exprimant la détermination de son pays à mâter l’insurrection dans le nord-est du pays.

Le Japon, a confié, Mme REIKO HAYASHI (Japon), est entré dans une phase de déclin « constant » de la population qui a donné de l’importance aux questions de migrations internes et internationales.  Malgré cette tendance, la région de Tokyo est toujours l’agglomération la plus importante au monde, avec une population en constante croissance.  Tokyo est en effet la destination de choix pour les Japonais qui ont l’intention de migrer dans les cinq prochaines années. Il s’agit là d’une immigration qui retarde véritablement la baisse de la population de la ville.  En réponse à cette concentration, des mesures ont été prises pour revitaliser les autres régions.  L’innovation, le retour des retraités et la promotion des universités et des industries locales sont encouragés par des subsides d’État et autres stratégies prévues par la « loi pour surmonter le déclin démographique et revitaliser l’économie locale ».  Même s’il n’est ni faisable ni correct de stopper la libre circulation des personnes, encourager ne fut-ce qu’un petit nombre de gens à rester là où ils sont ou à partir vers des villes moins peuplées peut être utile, a expliqué la représentante.  Les villes sont encouragées à créer des plans de partage de l’espace pour rendre les zones peuplées plus efficaces, plus compactes et mieux connectées au réseau des transports. 

Quant aux migrations internationales, le nombre d’étrangers vivant au Japon augmente constamment: en juin 2017, le pays comptait quelque 2,4 millions de ressortissants de 197 pays et territoires différents.  La migration de remplacement n’est pas le premier choix du Japon mais, en réalité, 48% du déclin démographique a pu être résorbé en 2016 par l’augmentation du nombre des étrangers.  S’agissant du tourisme, le Japon, qui reçoit actuellement 20 millions de visiteurs, vise maintenant les 40 millions d’ici à 2020 et, en conséquence, s’attache au renforcement des douanes et du contrôle aux frontières.  Des mesures comme le relevé des empreintes digitales, la reconnaissance faciale ou encore le système des données biométriques (BIOCART) ont été introduites.  La représentante a aussi indiqué que depuis 2016, des mesures pour encourager la migration en Asie des professionnels de la santé ont été prises.  Ces professionnels pourront ainsi mettre en pratique les connaissances qu’ils ont acquises au Japon dans leur propre pays.  Pour qu’elles profitent à tous, en particulier aux migrants eux-mêmes, les migrations internationales doivent être gérées dans le cadre d’une collaboration entre les pays d’origine et les pays de destination, a conclu la représentante.

M. JUAN CARLOS MENDOZA (Costa Rica) a estimé que la croissance des villes devrait être une croissance solidaire qui réduit la marginalisation sociale.  Les investissements sociaux dans les bidonvilles ont des effets multiplicateurs comme la baisse de la criminalité et de la pauvreté, la cohésion et l’intégration sociales.  Le lien entre mobilité humaine et urbanisation exige de repenser les modalités d’accès aux services sociaux de base, comme les services de santé sexuelle et reproductive.  Gérer les migrations internationales, c’est prendre des mesures pour protéger les migrants vulnérables y compris contre l’exploitation sexuelle et les conditions de travail abusives.  L’autonomisation des femmes migrantes est d’ailleurs une priorité du Costa Rica, a indiqué le représentant qui a jugé nécessaire de faire des mouvements humains un « axe central » des plans de développement.  Au Costa Rica, le Gouvernement a adopté des politiques pour adapter les villes aux nouvelles réalités.

M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a longuement insisté sur l’importance de l’égalité entre les sexes pour le développement durable.  Il s’est enorgueilli du cadre dont s’est doté son pays sur le mariage homosexuel et l’identité sexuelle, sans oublier la santé sexuelle et reproductive.  La loi sur l’avortement prévoit l’interruption de grossesse jusqu’à la douzième semaine sur simple demande de la femme, jusqu’à la quatorzième semaine si la grossesse est le résultat d’un viol et à n’importe quel moment si la grossesse met en danger la vie de la mère ou si une déformation importante est détectée dans le fœtus.  Le représentant a poursuivi en indiquant que l’arrivée de « contingents » de personnes âgées, a poussé l’État à se montrer créatif pour faciliter l’accès aux services sociaux de base.  L’Uruguay est en train de devenir un pays d’immigration, ce qui pose le défi de l’interculturalité.  Le Gouvernement cherche à préserver les droits des migrants et à veiller à leur intégration, en ciblant en premier lieu les personnes les plus vulnérables.  Pour l’Uruguay, le Programme d’action du Caire doit demeurer « la stratégie d’orientation de l’avenir de l’humanité ».

M. JEAN GABRIEL RANDRIANARISON, Secrétaire général du ministère de l’économie et du plan de Madagascar, a dit que la mobilité urbaine et l’exode rural est une réalité à laquelle le pays doit faire face.  Selon une estimation, en 2014, 34% de la population malgache vivait en milieu urbain, dans la capitale mais aussi dans les autres grandes villes.  D’ici à 20 ans, la moitié de la population vivra dans les villes.  Ces dernières années, Madagascar a reconnu la migration et la diaspora comme des générateurs de développement.  A donc été créée au sein du Ministère des affaires étrangères, une Direction de la diaspora dont la mission principale est de renforcer le lien entre la diaspora et le Madagascar.  En novembre 2017, un Forum de la diaspora a ainsi réuni à Madagascar la diaspora du monde entier pour échanger sur les moyens d’en faire un véritable acteur du développement. 

Concernant l’urbanisation, la « Vision à l’horizon 2030 » prône une émergence harmonieuse.  Outre les moteurs de croissance qui y sont stipulés, l’urbanisation occupe une grande place en raison de son caractère transversal et en tant que secteur « support ».  Il est aussi envisagé de mettre en place et opérationnaliser quatre pôles de croissance repartis dans toute l’île en vue de prévenir les migrations internes entre les villes.  Au niveau du Ministère de l’intérieur et de la décentralisation, une politique de migration est en phase de finalisation.  Une importance majeure est cependant accordée à l’amélioration de la statistique nationale.  Le recensement général de la population et de l’habitation est en cours, tous les préparatifs techniques à cet effet sont déjà financièrement prêts, à savoir la cartographie.  Le dénombrement aura lieu bientôt.  Le Gouvernement vient de lancer la réactualisation de la politique nationale de la population qui va se focaliser principalement sur la migration et l’urbanisation. 

M. JACQUES VAN ZUYDAM (Afrique du Sud) a indiqué que son pays connaît une forte croissance démographique dans ses grandes villes en raison, a-t-il supposé, de la mobilité croissante de la population nationale.  Face au phénomène, le Gouvernement met l’accent sur la création d’emplois et l’amélioration des réseaux de transport et autres services publics.  L’Afrique du Sud connaît également un niveau élevé de migration circulaire national et international.  Le représentant s’est dit préoccupé du sort des femmes migrantes qui sont particulièrement vulnérables et contraintes à travailler dans des conditions précaires.  Les migrants sont aussi vulnérables à la tuberculose, au VIH/sida et aux autres maladies infectieuses, et pâtissent en outre d’un manque d’accès aux services de santé sexuelle et reproductive, avec pour résultat un nombre important de grossesses non désirées.  La situation est particulièrement difficile pour les membres de la communauté LGBT, a insisté le représentant, en appelant les États à intégrer des politiques de santé sexuelle et reproductive à leurs stratégies de gestion des migrations.

M. MUHAMMAD RIZAL MARTUA DAMANIK (Indonésie) a partagé plusieurs progrès au niveau national.  En premier lieu, le représentant a indiqué que pour réduire l’urbanisation, le Gouvernement a promu le développement rural par l’introduction du « Grand Design for Population Development » qui est mis en place au niveau national.  Un budget spécifique a été consacré aux infrastructures et au renforcement des capacités humaines dans les villages avec pour objectif de stimuler la création d’emplois et la croissance économique.  En second lieu, le pays a créé un indice de développement centré sur la population pour veiller à ce qu’elle profite des progrès en matière de développement.  En troisième lieu, l’Indonésie a élaboré des programmes de réduction des risques de catastrophes pour renforcer la résilience urbaine. 

M. Damanik a suggéré aux Nations Unies de se focaliser sur trois domaines.  Les Nations Unies devraient aider les Etats à développer et améliorer les données, comme composantes essentielles du processus de prise de décisions, avec une attention spéciale sur l’explosion de la population jeune et productive.  Les Nations Unies devraient aussi faciliter le transfert des technologies et de l’innovation, en particulier la production d’infrastructures de télédétection et d’imagerie satellitaire afin de relever l’empreinte de la migration et cartographier les ressources, lesquelles sont essentielles pour l’élaboration des plans nécessaires au partage de l’espace et au développement.  Les Nations Unies devraient également aider les États à élaborer un agenda du développement propre à bien exploiter le rôle des migrants comme « agents du développement », un tel agenda devant inclure des programmes pour émanciper les migrants et leurs familles, lesquels pourraient ainsi contribuer à l’économie.  À cet égard, la protection et la promotion des droits des migrants, en particulier des travailleurs migrants, sont fondamentales pour réaliser les objectifs de développement durable.

Débat interactif

Dans les villes du monde, a expliqué MARIE PRICE, Professeur de géographie et des affaires internationales à la « George Washington University », les migrants sont devenus une partie intégrante de la population active et de la vie sociale.  Certaines villes servent d’ailleurs de « porte d’entrée » aux migrations internationales.  Les 22 plus grandes « villes portes d’entrée » abritent plus d’un million de résidents nés à l’étranger.  La Professeure a cité les données de l’ONU qui montrent une croissance absolue du nombre de migrants mais proportionnellement, ce nombre ne représentait que 3,3% de la population mondiale en 2015 et 3,4% en 2017.  Tous les pays sont des pays d’origine et de destination mais l’intensité des flux et les taux nets de migration varient énormément.  Dans les pays développés, les immigrés représentent une grande partie de la population autour de 12% en 2017 contre 2% dans les pays en développement. 

En 2011 à Toronto, par exemple, 46% de la population était né à l’étranger.  Il n’est donc pas étonnant que la « migration de masse » fasse naître des préoccupations et devienne une caractéristique du « stress géopolitique » même si les migrants contribuent énormément au travail, à l’entreprenariat et à la diversité culturelle. 

En se concentrant sur les migrations urbaines et les établissements humains dans les « villes portes d’entrée », on peut voir comment des processus mondiaux « se localisent », qu’il s’agisse des très visibles « Chinatowns », des quartiers habités majoritairement par des travailleurs étrangers ou des bien moins visibles « nounous étrangères » dans les quartiers huppés.  En regardant mieux, on peut distinguer les zones urbaines établies comme New York et Buenos Aires, émergentes comme Séoul, Santiago ou Johannesburg ou simplement des villes de passage. 

Cartographier les « villes portes d’entrée » du monde permet de voir où les circuits migratoires se forment et la capacité d’absorption de telle ou telle ville.  Shanghai, par exemple, qui a une population de 20 millions de personnes ne compte que 200 000 de gens nés à l’étranger principalement du Japon, des Etats-Unis, de la République de Corée, de la France et de l’Allemagne. 

Les migrations changent la composition ethnique, linguistique et culturelle des principales « villes portes d’entrée ».  La lecture des données montre la nécessité d’harmoniser les définitions et les catégories des agglomérations urbaines et des migrants qui y travaillent et s'y installent.  Nous devons mieux étudier, a estimé la professeure, la mobilité à court-terme et la circularité dans ces flux de migrants plutôt que d'assumer que les gens restent là où ils arrivent.  En collectant les données sur les ressortissants nés à l’étranger, les gouvernements peuvent étudier la « balance urbaine » et pas seulement « la balance nationale ».  Ils pourront ainsi mieux comprendre comment une mobilité humaine en intensification influence la vie et la durabilité urbaines.

L’Allemagne a voulu en savoir plus sur les pratiques exemplaires en matière d’accueil des migrants.  La professeure a répondu que comme chaque ville est différente, les autorités municipales devraient élaborer des questionnaires qui répondent à leurs propres attentes et besoins.  Il faut toujours commencer par l’histoire des migrants, leur origine, langue, culture et compétence.  La Gambie s’est étonnée que l’oratrice n’ait pas abordé la question de l’octroi de la nationalité ou de la citoyenneté.  Si la Déclaration universelle des droits de l’homme consacre la liberté de mouvement, elle n’oblige pas les États à recevoir ou à accueillir les migrants, a répondu la professeure.  Il revient aux villes d’inventer elles-mêmes leur politique d’intégration des migrants.  Dans beaucoup de pays, l’octroi de la nationalité n’est pas automatique et le droit du sol n’est pas universel.  Haïti s’est inquiété de la situation de ces enfants nés de parents étrangers et qui sont renvoyés dans un pays qu’ils ne connaissent pas du tout et où ils ne connaissent presque personne.  Il faut être proactif pour répondre aux besoins des migrants, a conseillé la professeure, en donnant l’exemple des Philippines qui ont créé un Bureau d’information pour les migrants. 

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