Soixante-quatorzième session,
35e séance – matin
AG/12218

L’Assemblée achève son débat sur la réforme du Conseil de sécurité marqué par le clivage entre les partisans et les opposants d’un consensus avant un texte de négociation

L’Assemblée générale a conclu, ce matin, son débat annuel, entamé hier, sur la réforme du Conseil de sécurité, lequel a donné lieu au clivage traditionnel entre les partisans et les opposants d’un consensus avant un texte de négociation. 

La plupart des 63 délégations, qui ont participé au débat, n’ont pas caché leur « lassitude », comme l’a fait le Brésil, devant ce qui est devenu « un record de longévité et de lenteur », selon la Slovénie.  Les « négociations intergouvernementales » se tiennent depuis 11 ans sur une question inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée depuis 40 ans, a par exemple rappelé l’Inde.  Faut-il poursuivre ce processus jusqu’à l’obtention d’un consensus avant de passer à un texte de négociation?  Oui, a répondu « Unis pour le consensus » qui réunit parmi d’autres l’Argentine, l’Italie, le Mexique et le Pakistan. 

Faut-il au contraire mettre fin à ce qui n’est qu’une répétition de positions déjà connues et passer directement à un document à négocier attribuant à chacun ses idées et propositions?  Oui, a argué le G4 - Allemagne, Brésil, Inde, Japon.  Nous voulons, a acquiescé le Groupe L.69, que l’on précise la position de chacun pour faciliter un processus plus ciblé et plus orienté vers les résultats et lancer le mouvement vers de vraies négociations sur la base d’un texte.  Un fossé a néanmoins semblé se creuser dans le Groupe des États d’Afrique.

La réforme du Conseil de sécurité porte sur cinq points et d’abord le point le plus controversé des catégories de membres puis la représentation géographique; la relation avec l’Assemblée générale; la taille et les méthodes de travail; et la question du droit de veto.  Les membres du G4 ont continué de réclamer chacun un siège permanent, sans vraiment parler du droit de veto, contrairement au Groupe des États d’Afrique.  Tant que ce droit existera, la Position commune africaine est de réserver au continent au moins deux sièges permanents avec tous les droits et prérogatives des membres actuels, et deux sièges non permanents, en plus des trois actuels.  Toutes les délégations se sont accordées sur la nécessité de corriger l’injustice « historique » faite à l’Afrique, seul continent à ne pas avoir de représentation permanente au Conseil. 

Dans ce qu’il a présenté comme une proposition où « il n’y a que des gagnants et pas de perdants », le Groupe « Unis pour le consensus » a rejeté la création de nouveaux sièges permanents mais proposé celle de sièges non permanents au mandat plus long que les deux ans actuels, avec possibilité de réélection immédiate, et l’augmentation du nombre des sièges non permanents.  Ce serait donc un Conseil à 26 sièges dont les 21 sièges non permanents seraient répartis comme suit: 6 pour l’Afrique, dont 3 au mandat plus long; 5 pour l’Asie-Pacifique, dont 3 au mandat plus long; 4 pour l’Amérique latine et les Caraïbes, dont 2 au mandat plus long; 3 sièges pour l’Europe occidentale et autres groupes, dont 1 au mandat plus long; 2 sièges pour l’Europe orientale; et 1 pour les petits États insulaires en développement et les petits États. 

La Communauté des Caraïbes (CARICOM) a jugé qu’il est temps que ses membres aient un siège non permanent au Conseil parce que leurs particularités sont de mieux en mieux reconnues et qu’ils peuvent apporter un point de vue « unique » aux délibérations.  Notre population se chiffre à plus de 350 millions d’âmes et elle mérite une représentation « permanente » au Conseil, et ce, « au nom de la justice », a martelé le Groupe des États arabes.

« Pour surmonter l’impasse », le Groupe ACT -Responsabilité, cohérence, transparence-, a proposé la création d’une nouvelle catégorie de sièges de 8 à 10 ans, avec possibilité de réélection immédiate.  Ce groupe étant surtout spécialiste des méthodes de travail, il a mis en avant son Code de conduite en vertu duquel tous les membres du Conseil, permanents et non permanents, s’engagent à ne pas voter contre un projet de résolution prévoyant une action opportune et résolue pour mettre fin à la commission d’actes de génocide, de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre, ou de prévenir la commission de tels crimes.  Ce Code vient compléter l’Initiative franco-mexicaine qui appelle les membres permanents du Conseil à ne pas exercer leur droit de veto en cas d’atrocités de masse.  Le Groupe ACT a promis de poursuivre sa politique de n’appuyer que les candidatures des États qui ont souscrit à son Code de conduite. 

Sur les relations entre le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale, le Groupe a souligné la responsabilité que cette dernière a d’agir quand le Conseil est incapable de le faire.  Compte tenu du recours croissant au droit de veto, il a insisté sur le droit de l’Assemblée de débattre de tout recours à ce droit dans le cadre d’une réunion officielle, à la fois comme mesure de responsabilité mais aussi de renforcement du pouvoir de l’Assemblée. 

Les « négociations intergouvernementales » devraient redémarrer dès que le Président de l’Assemblée générale aura nommé les deux nouveaux cofacilitateurs.  Hier, son Vice-Président avouait la tâche « extrêmement complexe » de trouver des personnalités « équidistantes » des parties impliquées.  Le but, ont précisé les pays nordiques, est de donner aux cofacilitateurs le pouvoir de traiter du fond plutôt que de revenir à des déclarations générales.  Avec d’autres, l’Allemagne a voulu que les « négociations intergouvernementales » aillent au-delà du mois de mai, voire jusqu’en septembre, sur la base des « Éléments de convergence révisés » et du « Document-cadre », élaborés lors des sessions précédentes.  Formalisons ces négociations, a encouragé le Japon, surpris qu’à ce jour, elles ne fassent l’objet d’aucun compte rendu officiel et d’aucune diffusion à la télévision, empêchant les États de tirer parti de ce qui a déjà été fait et les obligeant à réinventer la roue chaque année. 

L’Assemblée générale a prévu une autre séance publique demain, mercredi 27 novembre, à partir de 10 heures, pour débattre de la situation en Afghanistan.

 QUESTION DE LA REPRÉSENTATION ÉQUITABLE AU CONSEIL DE SÉCURITÉ ET DE L’AUGMENTATION DU NOMBRE DE SES MEMBRES ET AUTRES QUESTIONS CONNEXES AYANT TRAIT AU CONSEIL DE SÉCURITÉ

Fin du débat général

Affichant son soutien au Groupe L.69, Mme SONAM CHODEN NAMGYEL (Bhoutan) a estimé que partir des résultats obtenus lors des sessions précédentes, plutôt que de repartir de zéro, renforcerait la crédibilité du processus de négociations intergouvernementales.  Mon pays, a-t-elle dit, juge impérative la réforme du Conseil de sécurité pour renforcer le multilatéralisme dans le contexte actuel.  La réforme et l’élargissement du Conseil sont nécessaires pour préserver sa légitimité, sa capacité à prendre des décisions de manière efficace et renforcer sa responsabilité vis-à-vis de l’ensemble des États Membres.  Voici 25 ans que nous débattons de cette question, a-t-elle fait remarquer, en déplorant l’absence de résultats tangibles. 

Elle a plaidé pour une représentation géographique équitable au sein du Conseil et l’augmentation du nombre des membres permanents et non permanents pour garantir la participation des régions non représentées ou sous-représentées.  La représentante a insisté sur la participation des petits États insulaires en développement (PEID) et des petits États, qui constituent environ 20% des membres de l’ONU.  Chaque pays, quelles que soient sa dimension et sa puissance, devrait avoir la possibilité de siéger au Conseil. 

La représentante a précisé que son pays soutient la position du G4 et une représentation adéquate des États africains.  Comme la large majorité des délégations, le Bhoutan estime « impératif » de passer à l’étape suivante et de négocier sur la base d’un texte, comme cela est le cas pour toutes les négociations intergouvernementales aux Nations Unies. 

Mme CHRISTINE KALAMWINA (Zambie) a réaffirmé la Position commune africaine qui réclame au moins deux sièges permanents avec tous les droits et privilèges des membres permanents actuels et deux sièges non permanents, en plus des trois actuels.  Le Conseil de sécurité, a-t-elle martelé, doit s’adapter aux nouvelles réalités pour devenir plus représentatif, plus efficace et plus transparent, et pour renforcer sa légitimité.  Compte tenu des divergences persistantes, il n’est pas « judicieux » de vouloir conclure au plus vite les négociations, a-t-elle estimé, en refusant de se joindre à ceux qui appellent un texte de négociation, alors qu’un large consensus n’est toujours pas atteint.

M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande) a déclaré que la première tâche des négociations intergouvernementales doit être de remédier à la sous-représentation des pays africains, puisque la plupart des questions débattues au sein du Conseil de sécurité portent sur le continent.  Le Conseil doit aussi s’ouvrir aux petits États insulaires en développement.  Le représentant a insisté sur une meilleure interaction entre le Conseil, l’Assemblée et la Commission de consolidation de la paix.  Il faut aussi, a-t-il ajouté, rendre le Conseil plus transparent, en ouvrant par exemple ses travaux au public.  L’Irlande, a-t-il conclu, est contre la limitation du droit de veto et adhère à l’initiative franco-mexicaine qui vise l’abandon de l’exercice de ce droit en cas d’atrocités de masse.  Commentant le cours des négociations, il a argué que camper sur les mêmes positions pendant 10 ans n’a pas fait avancer les choses.  Il faut faire preuve de souplesse.  Le représentant n’a pas manqué de rappeler que son pays est candidat à un siège non permanent pour 2020-2021. 

Mme PETRONELLAR NYAGURA (Zimbabwe) a espéré que les cofacilitateurs des négociations intergouvernementales seront rapidement nommés, avant de réaffirmer la Position commune africaine.  Pour l’Afrique, il faut ajouter 11 membres supplémentaires pour parvenir à un Conseil de 26 États et corriger le déséquilibre structurel actuel d’un Conseil dominé par les membres permanents qui exercent leur droit de veto « de façon sélective » pour servir leurs propres intérêts.  C’est la raison pour laquelle l’Afrique appelle à l’abolition du veto mais tant que cette pratique persistera, elle devra être élargie, sans distinction, à tous les membres permanents du Conseil.  Faute de quoi, la réforme risque de créer une troisième catégorie de membres permanents sans droit de veto, ce qui ne fera que perpétuer l’injustice. 

La représentante s’est réjouie de l’appui croissant de toutes les régions à la Position commune africaine et a rappelé que le Sommet du Mouvement des pays non alignés, qui s’est déroulé en octobre dernier, a exprimé son soutien à une représentation renforcée de l’Afrique au Conseil.  Elle a exhorté tous les États « progressistes » à se joindre à ceux qui se sont prononcés dans ce sens, pour remédier à « cette parodie de justice ».  Il est encore trop tôt, a-t-elle néanmoins jugé, pour mener des négociations sur la base d’un texte.  Rapprochons d’abord les points de vue. 

M. LAZARUS OMBAI AMAYO (Kenya) a souligné que la Position commune africaine est la meilleure option pour assurer l’équité et la représentativité au Conseil de sécurité.  L’Afrique, a-t-il plaidé, est la région qui a le plus d’États Membres aux Nations Unies.  Elle compte pour une bonne partie des questions débattues au Conseil.  Compte tenu de cette situation, toute réforme du Conseil doit respecter le droit légitime de l’Afrique à une représentation « juste et équitable ». 

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