Soixante-treizième session,
40e séance – après-midi
AG/AB/4326

La Cinquième Commission examine les propositions du Secrétaire général pour aplanir les problèmes de liquidités et de gestion budgétaire de l’ONU

Aujourd’hui, dans une Cinquième Commission qui préfère généralement mener ses discussions à huis-clos, pas moins de 15 délégations sont montées à la tribune pour commenter les huit mesures que le Secrétaire général de l’ONU propose pour résoudre les problèmes de liquidités et les problèmes structurels plus larges qui entravent la gestion budgétaire de l’Organisation.  Les propositions ont été accueillies comme une bonne base de discussions par la majorité des délégations mais « comme des initiatives qui risquent de faire plus de tort que de bien », par le Brésil.

La crise pointait depuis des années à l’horizon, a souligné le Secrétaire général devant la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires.  Cette crise, a prévenu M. António Guterres, est une réalité malheureuse qu’on ne peut plus contourner parce qu’elle compromet l’exécution des mandats et les efforts de réforme.

L’Organisation, précise-t-il d’ailleurs dans son rapport, fait face à une aggravation des problèmes de trésorerie dans le budget ordinaire.  Par ailleurs plusieurs missions de maintien de la paix éprouvent également de graves difficultés de trésorerie qui contraignent l’Organisation à suspendre les paiements aux pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police pour éviter l’interruption des opérations sur le terrain.  Le Secrétaire général explique également que cette détérioration est principalement imputable à l’augmentation des arriérés de contributions des États Membres.

Mes mesures, a-t-il expliqué dans sa longue déclaration, visent à renforcer les mécanismes censés aplanir les problèmes de liquidités mais aussi à gérer les niveaux de dépense de manière à appuyer l’exécution des mandats.  Pour le budget ordinaire, le Secrétaire général veut obtenir de la Commission l’augmentation du Fonds de roulement de 150 à 350 millions; la reconstitution du Compte spécial à hauteur de 63,2 millions de dollars; la suspension temporaire de l’obligation faite au Secrétariat de porter au crédit des États Membres le solde des crédits inutilisés; et la révision de la méthode d’établissement du budget ordinaire.

Pour les opérations de maintien de la paix, il propose une gestion en commun des soldes de trésorerie des opérations de maintien de la paix en cours; l’envoi d’avis de mise en recouvrement des contributions pour l’intégralité de l’exercice budgétaire; la création d’un fonds de roulement de 250 millions de dollars; et ici aussi, la suspension du reversement des soldes inutilisés aux États.  Le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a émis des réserves sur la plupart des recommandations.

Ces propositions, a commenté le Brésil, équivalent à transférer le pouvoir budgétaire à une bureaucratie sans transparence ni représentation géographique et à réduire les États Membres à un statut de second rôle consistant à fixer un « plafond » sans pouvoir décider du niveau des ressources pour chaque ligne budgétaire, et ce, en violation de l’Article 17 de la Charte qui confère à l’Assemblée générale la prérogative exclusive d’examiner et d’approuver le budget. 

Aucune souplesse dans l’exécution ou la gestion du budget ne résoudra le manque « fondamental » de ressources, ont estimé, à leur tour le Groupe des 77 et de la Chine.  Ce n’est que quand tous les États honoreront leur obligation juridique de supporter les dépenses de l’ONU que le Secrétaire général aura les ressources pour traduire les mandats en résultats tangibles, ont-ils martelé.  Tous les États, a renchéri l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) ont la responsabilité juridique d’honorer leurs obligations financières et la responsabilité morale de faire en sorte que les Nations Unies aient les ressources adéquates pour exécuter leurs mandats. 

Assurer la santé financière de l’Organisation, a souligné l’Union européenne, la plus grande contributrice aux budgets de l’ONU, est une responsabilité partagée entre les États Membres et l’ONU.  Les outils budgétaires ne sont qu’un moyen et pas un objectif.  Ils sont là pour assurer des résultats.  Or, trop souvent l’action de l’ONU est définie par le flux des ressources et les lignes budgétaires et pas assez par une mise en œuvre stratégique des objectifs communs, a commenté l’Union européenne, qui a accueilli les propositions du Secrétaire général comme une bonne base de discussions.  Elles ont, en revanche, été pleinement appuyées par le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande (CANZ).

Soulignant que les pays qui fournissent des contingents, des effectifs de police et du matériel aux opérations de maintien de la paix sont les « victimes » les plus évidentes des arriérés et des problèmes de liquidités, le groupe CANZ s’est surtout félicité de l’idée de suspendre temporairement l’obligation faite au Secrétariat de porter au crédit des États Membres les soldes inutilisés.

Les trois pays ont en effet décrit la situation « perverse » dans laquelle des États Membres reçoivent des crédits alors qu’ils ne les ont pas gagnés.  Ces crédits versés à ceux qui sont en retard dans le paiement de leurs contributions font effectivement office de transferts financiers des États Membres qui se sont acquittés de leurs obligations à ceux qui ne l’ont pas fait.  C’est tout le contraire d’une « incitation à payer trop tôt ».  Il faut des mesures incitatives fortes pour favoriser le paiement rapide des contributions et des mesures clairement dissuasives pour éviter les paiements tardifs ou les non-paiements, ont acquiescé la Suisse et le Liechtenstein. 

Autre grand contributeur avec une enveloppe de 9 milliards de dollars de contributions statutaires et volontaires, les États-Unis ont aussi vu dans les recommandations du Secrétaire général une base solide pour les discussions.  Mais craignant que l’Organisation ne fasse « une crise cardiaque si rien n’est fait », le Maroc a demandé à la Commission d’aller vite et de donner au Secrétaire général ce qu’il demande pour lui permettre de gérer l’Organisation « que nous lui avons confiée ».  On pourra toujours lui demander des comptes après.  Les lacunes, a freiné le Brésil, que nous avons relevées montrent que ces propositions pourraient faire plus de tort que de bien à cette Organisation.

Mettez de côté vos divergences politiques et votre opposition bien connue à certaines propositions et placez plutôt l’ONU sur une base financière solide parce que nous sommes au bout du rouleau et que ce que vous faites aujourd’hui aura des conséquences sur les années à venir, a plaidé le Secrétaire général.

AMÉLIORATION DE LA SITUATION FINANCIÈRE DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES

Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur la question (A/73/891)

Pour établir son rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a examiné celui du Secrétaire général (A/73/809) qui s’inquiète de la « détérioration de la santé financière de l’Organisation » et indique qu’elle fait face à une aggravation des problèmes de trésorerie dans le budget ordinaire et que plusieurs missions de maintien de la paix éprouvent également de graves difficultés de trésorerie qui contraignent l’Organisation à suspendre les paiements aux pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police.  Le Secrétaire général explique également que cette détérioration est principalement imputable à l’augmentation des arriérés de contributions des États Membres.

M. António Guterres propose donc des mesures pour remédier aux difficultés relatives au budget ordinaire et aux budgets des opérations de maintien de la paix, avec l’objectif ultime de résoudre à la fois les problèmes de liquidités et les problèmes structurels plus larges qui entravent la gestion budgétaire.

S’agissant du budget ordinaire, il propose de porter la dotation du Fonds de roulement de 150 à 350 millions de dollars à compter du 1er juillet 2019.  Ne voyant pas de caractère récurrent aux problèmes de trésorerie, le CCQAB rejette la proposition.  Le Secrétaire général propose de reconstituer les ressources du Compte spécial à hauteur de 63,2 millions de dollars.  Aussi les soldes inutilisés ou l’annulation d’engagements d’exercices antérieurs seraient-ils transférés chaque année au Compte spécial jusqu’à ce qu’il soit reconstitué à hauteur de 63,2 millions de dollars.  Le CCQAB maintient son opposition à cette proposition, au motif que le Compte spécial constitue un important instrument pour compléter le Fonds de roulement et gérer les flux de trésorerie du budget ordinaire.

Le Secrétaire général propose, en outre, à l’Assemblée générale de suspendre temporairement l’obligation faite au Secrétariat de porter au crédit des États Membres le solde des crédits inutilisés jusqu’à ce que « la situation de trésorerie s’améliore ».  Ce solde serait ainsi provisoirement transféré au Compte spécial.  Cette fois, le CCQAB approuve la proposition mais rejette l’autre idée du Secrétaire général de réviser la méthode d’établissement du budget ordinaire.  La méthode, explique M. Guterres, se fonderait sur l’ouverture de crédits déterminés en fonction des « taux de vacance de postes réalistes » et d’un « tableau d’effectifs synoptique »; et l’exécution du budget par la bonne gestion des ressources dans la limite du montant global des crédits ouverts, le Secrétariat étant habilité à transférer des ressources entre les postes et les autres objets de dépense relevant d’un même chapitre, selon que de besoin.

La méthode se fonderait aussi sur l’approbation d’un dispositif révisé de mise en recouvrement des contributions au budget ordinaire, la première, au début de l’année civile, et la seconde à mi-parcours pour couvrir les dépenses supplémentaires découlant de la révision des prévisions de dépenses ainsi que des incidences sur le budget-programme des résolutions et décisions et des dépenses imprévues et extraordinaires.  Pour le CCQAB, la proposition n’est pas suffisamment justifiée.  Il rappelle également que la proposition tendant à permettre au Secrétaire général de réaffecter jusqu’à 20% des ressources consacrées aux postes aux autres objets de dépense au sein d’un même chapitre n’a pas été approuvée par l’Assemblée.

Or la proposition de procéder à des réaffectations entre ressources consacrées aux postes et ressources afférentes aux autres objets de dépense à l’intérieur des mêmes chapitres nécessite une souplesse budgétaire plus grande encore.  En règle générale, le CCQAB note que les propositions du Secrétaire général reposent en partie sur les processus du cycle biennal actuel du budget ordinaire.  Ces propositions, estime-t-il, ne tiennent pas compte de l’annualisation décidée par l’Assemblée générale à compter de 2020.

S’agissant des mesures relatives aux budgets des missions de maintien de la paix, le Secrétaire général demande à l’Assemblée générale d’approuver la gestion en commun des soldes de trésorerie de toutes les opérations de maintien de la paix en cours, le solde de chaque mission demeurant d’un fonds distinct.  Selon le Secrétaire général, la possibilité d’effectuer des avances d’une mission à l’autre permettrait d’atténuer les problèmes de trésorerie.  Le CCQAB juge la proposition « intéressante » mais estime qu’elle manque encore de clarté, notamment en ce qui concerne les critères de sélection des missions prêteuses ou emprunteuses et la possibilité pour une mission de prélever des avances sur le compte de plus d’une mission en cours en même temps et proportionnellement.  Le CCQAB dit attendre de plus amples informations mais recommande à l’Assemblée d’approuver, « à titre expérimental » pour l’exercice allant du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020, le mécanisme pour autant que le Secrétaire général explique si l’application de ce dispositif a eu une incidence positive sur le règlement rapide des obligations financières, notamment les paiements aux pays fournisseurs de contingents et de personnel de police.

Le Secrétaire général demande aussi à l’Assemblée générale d’approuver l’envoi d’avis de mise en recouvrement des contributions dues au titre des opérations de maintien de la paix pour l’intégralité de l’exercice budgétaire.  Le CCQAB souligne qu’une telle invitation devrait indiquer clairement les montants des contributions financières correspondants pour la période du mandat en cours et une estimation pour le reste de l’exercice budgétaire sous réserve de la prorogation du mandat d’une mission.  Le Secrétaire général propose aussi à l’Assemblée de créer un fonds de roulement pour le maintien de la paix doté de 250 millions de dollars et d’en autoriser l’emploi pour régler les problèmes de trésorerie des opérations en cours.  La dotation pourrait en être assurée soit par une ou plusieurs contributions mises en recouvrement soit par le transfert du solde des crédits inutilisés aux comptes spéciaux des missions.  Le Comité consultatif estime que le mécanisme de gestion en commun de la trésorerie proposé servirait de tampon pour les opérations dont les réserves de fonctionnement sont actuellement extrêmement faibles et pourrait améliorer le règlement rapide des remboursements aux pays fournissant des contingents et du personnel de police.  Il avance le même argument contre la proposition du Secrétaire général de suspendre temporairement le reversement des soldes inutilisés.

Déclaration liminaire

La crise pointait depuis des années à l’horizon, a constaté M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU.  Cette crise, a-t-il dit, s’explique par différentes raisons qui exigent chacune une réponse différente.  C’est une réalité malheureuse qu’on ne peut plus contourner parce qu’elle compromet l’exécution des mandats et les efforts de réforme.  Discuter de la situation financière n’est jamais un exercice facile, a reconnu le Secrétaire général, qui a ajouté: nous ne reprochons rien à personne mais nous tentons seulement de résoudre la crise.

M. Guterres a prié les États Membres de mettre de côté leurs divergences politiques et leur opposition bien connue à certaines propositions.  Placez plutôt l’ONU sur une base financière solide parce que nous sommes au bout du rouleau et que ce que vous faites aujourd’hui aura des conséquences sur les années à venir, a-t-il prévenu.  Ces dernières années, a-t-il rappelé, nous avons traité de questions complexes et vous avez montré que vous êtes capables de trouver un terrain commun et d’agir dans l’intérêt de l’Organisation.

Le Secrétaire général a souligné qu’en 2018, le Secrétariat a touché le fond, avec des problèmes de liquidités énormes au budget ordinaire.  Nous avons passé le point de bascule mais nous avons épuisé toutes les réserves.  Il a souligné que s’il n’avait pas agi à deux reprises pour contenir les dépenses, la crise aurait été plus grave.  En 2019, il a pris d’autres mesures pour éviter une crise encore plus grave et donner instruction à tous les chefs de département de freiner les recrutements.  Comme près de 70% des dépenses concernent les salaires et autres dépenses liées au personnel, les reports dans les recrutements ont causé des problèmes opérationnels.  Reporter les autres dépenses pour assurer les salaires est également intenable, car c’est reporter les problèmes à demain. 

À la longue, a alerté le Secrétaire général, les dépenses reportées deviennent des restrictions budgétaires et, dans un tel scénario, la gestion du budget n’est plus liée à la planification des programmes mais à la disponibilité des fonds, ce qui est contraire aux efforts visant à se concentrer sur les résultats.

En 2019, la situation devrait être tout autant critique, a alerté le Secrétaire général.  La solution, c’est non seulement que les États paient leurs contributions mais aussi que le Secrétariat se dote de certains instruments.  Mes mesures, a précisé le Secrétaire général, visent donc à renforcer les mécanismes censés aplanir les problèmes de liquidités mais aussi à gérer les niveaux de dépense de manière à appuyer l’exécution des mandats. 

J’ai fait tout ce qui est mon pouvoir pour encourager les États Membres à honorer leurs obligations financières à temps et davantage d’États paient à temps.  Mais, s’est désolé le Secrétaire général, nous sommes toujours loin de l’objectif.  Nous avons réduit les dépenses pour les aligner avec les liquidités disponibles et payer les salaires mais cela commence à influencer négativement l’exécution des mandats.  Nous risquons, s’est inquiété le Secrétaire général, de compromettre notre travail et nos réformes.  Ne confondez pas, a-t-il mis en garde, les dépenses reportées avec la discipline budgétaire.  Ce ne sont pas des économies engrangées par un travail plus efficace et plus rentable.  Ce sont des coupes dues à un manque de liquidités qui nous empêchent de travailler au mieux.

Débat général

Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, M. SAED KATKHUDA, observateur de l’État de Palestine, a souligné que toute rétention « délibérée et unilatérale » des contributions par les États qui ont la capacité de payer est « inacceptable ».  C’est cette rétention qui a conduit à cette triste réalité, a estimé le représentant, avant d’exhorter tous les États Membres en mesure de le faire à payer leurs contributions à temps, dans l’intégralité et sans condition.  Nous faisons face à une situation « paradoxale » dans laquelle certains États Membres jouissent du privilège spécial de fixer les mandats tout en refusant d’honorer leurs obligations financières et juridiques pour concrétiser ces mandats.  Ce n’est que quand tous les États honoreront leur obligation juridique de supporter les dépenses de l’ONU que le Secrétaire général aura les ressources pour traduire les mandats en résultats tangibles. 

Le représentant s’est dit préoccupé par les propositions du Secrétaire général et a appelé au respect de l’Article 17 de la Charte qui confère à l’Assemblée générale la prérogative exclusive d’examiner et d’approuver le budget de l’Organisation.  Aucune souplesse dans l’exécution ou la gestion du budget ne résoudra le manque « fondamental » de ressources, a estimé le représentant, en mettant en garde contre le risque que les mesures proposées ne créent une charge « injuste » pour ceux qui ont toujours respecté leurs obligations juridiques et financières.

Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), M. BURHAN GAFOOR (Singapour) a, à son tour, appelé les États en mesure de le faire à payer leurs contributions dans l’intégralité, à temps et sans condition.  Tous les États, a-t-il martelé, ont la responsabilité juridique d’honorer leurs obligations financières et la responsabilité morale de faire en sorte que les Nations Unies aient les ressources adéquates pour exécuter leurs mandats.  Commentant les recommandations du Secrétaire général, le représentant a insisté sur le fait qu’elles doivent toutes respecter les principes de responsabilité, de transparence et de viabilité, tout en se fondant sur la capacité de payer de chaque État Membre.  Il a reconnu du mérite à l’idée de créer un mécanisme de gestion en commun des soldes de trésorerie des opérations de maintien de la paix en cours.  S’il est vrai qu’il n’est pas question de « microgérer » le Secrétariat, il faut tout de même, a-t-il mis en garde, que toute souplesse managériale soit assortie d’un niveau élevé de responsabilité et de transparence.  Toute mesure pour traiter des problèmes actuels de l’Organisation doit être viable et tenir compte des causes-jacentes sans pour autant donner lieu à un fardeau « injuste » pour les États Membres.  Ceux qui ont toujours payé leurs contributions ne sauraient devenir les otages de ceux qui retiennent les leurs.

Assurer la santé financière de l’Organisation, a souligné M. SILVIO GONZATO, représentant de l’Union européenne, est une responsabilité partagée entre les États Membres et l’ONU.  Ne manquant pas de rappeler que l’Union européenne est collectivement la plus grande contributrice aux budgets de l’Organisation, le représentant a précisé qu’il est de la responsabilité de chaque État Membre d’honorer ses obligations financières, juridiques et politiques envers l’Organisation et de celle du Secrétariat de dépenser les ressources de la manière la plus efficace.  Le représentant a admis que l’ONU nécessite des méthodologies et des outils budgétaires plus souples et plus modernes.  En échange de cette souplesse, l’Assemblée générale est en droit d’attendre les niveaux les plus élevés de transparence et de responsabilité, a-t-il prévenu.  Les outils budgétaires ne sont qu’un moyen et pas un objectif.  Ils sont là pour assurer des résultats.  Mais trop souvent l’action de l’ONU est définie par le flux des ressources et les lignes budgétaires et pas assez par une mise en œuvre stratégique des objectifs communs.  Votre rapport, a-t-il conclu à l’adresse du Secrétaire général, offre une solide base à nos discussions.

Au nom du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande (CANZ), M. RICHARD ARBEITER (Canada) a souligné que les pays qui fournissent des contingents, des effectifs de police et du matériel aux opérations de maintien de la paix sont les « victimes » les plus évidentes des arriérés et des problèmes de liquidités.  Il a donc pleinement appuyé les propositions de mettre en commun la trésorerie des opérations et d’envoyer des lettres annuelles de mise en recouvrement.  Quant à la proposition de suspendre temporairement l’obligation faite au Secrétariat de porter au crédit des États Membres les soldes inutilisés, le représentant a acquiescé, arguant de la situation perverse dans laquelle des États Membres reçoivent des crédits alors qu’ils ne les ont pas gagnés.  Ces crédits versés à ceux qui sont en retard dans le paiement de leurs contributions font effectivement office de transferts financiers des États Membres qui se sont acquittés de leurs obligations à ceux qui ne l’ont pas fait.  C’est tout le contraire d’une « incitation à payer trop tôt ».  Dans la plupart des organismes du système des Nations Unies qui ont des budgets constitués de quotes-parts, les crédits sont automatiquement imputés sur les arriérés, a insisté le représentant.

Commentant l’idée d’un fonds de roulement pour les opérations de maintien de la paix, il a estimé qu’il d’abord laisser le temps aux mesures prises par l’Assemblée d’améliorer les liquidités.  Par la suite, et seulement en dernier recours, l’on pourra revenir à la question d’un fonds de roulement.  Le représentant a vu là un « risque moral », craignant qu’une mesure tampon plus importante conduise par inadvertance à une situation où les débiteurs s’endettent davantage auprès de l’Organisation.  Les augmentations passées du Fonds de roulement, a-t-il rappelé, ont été dépassées par l’augmentation des arriérés.  De plus, un petit nombre de donateurs bien intentionnés ont alimenté un compte spécial pour étoffer le Fonds de roulement, pour ensuite constater que l’Assemblée avait puisé dans ces liquidités pour couvrir les besoins budgétaires à court terme.  Au minimum, le représentant a appuyé la proposition du Secrétaire général de rétablir un compte spécial à hauteur de 63,2 millions de dollars.  Une fois que le compte spécial aura été intégralement rétabli, les crédits du budget ordinaire devraient être imputés sur les arriérés de contributions et ne revenir qu’à ceux dont les quotes-parts sont à jour.  « Les crédits doivent être gagnés », a martelé le représentant, qui a enfin appuyé la plus grande flexibilité budgétaire réclamée par le Secrétaire général.

M. DOMINIQUE MICHEL FAVRE (Suisse), au nom également du Liechtenstein a insisté sur deux domaines clefs, arguant d’abord que la méthode de budgétisation et le cadre réglementaire sont obsolètes.  Il a donc soutenu bon nombre des propositions du Secrétaire général et surtout l’octroi à ce dernier d’une plus grande marge de manœuvre dans la gestion du budget.  Le Secrétaire général, a-t-il plaidé, devrait être autorisé à redistribuer les ressources au sein des différents chapitres du budget, en fonction des besoins, tout en garantissant une responsabilité et une transparence vis-à-vis des États Membres.  Deuxièmement, a poursuivi le représentant, les modes de paiement adoptés devraient avoir des conséquences tangibles pour les États Membres.  Il faut des mesures incitatives fortes pour favoriser le paiement rapide des contributions et des mesures clairement dissuasives pour éviter les paiements tardifs ou les non-paiements. 

Mme CHERITH NORMAN-CHALET (États-Unis) a admis que l’ONU a besoin de meilleurs approches et outils budgétaires pour la rendre plus efficace, plus souple, plus comptable de ses actes, plus transparente et plus efficace.  En tant que plus grand contributeur avec une enveloppe de 9 milliards de dollars de contributions statutaires et volontaires, les États-Unis sont conscients des faiblesses structurelles qui caractérisent les méthodologies budgétaires actuelles.  La représentante a salué les recommandations « concrètes » du Secrétaire général, voyant là l’occasion tant attendue d’instituer une meilleure discipline fiscale et d’améliorer la gestion et l’exécution des budgets approuvés ainsi que la capacité des administrateurs de l’ONU à mieux gérer les ressources et à se focaliser enfin sur les résultats.  Votre rapport, a dit à son tour la représentante, offre une base solide à nos discussions. 

M. NAGARAJ NAIDU KAKANUR (Inde) a rappelé qu’alors que la fin de l’exercice budgétaire des opérations de maintien de la paix est prévue dans 26 jours, soit le 30 juin, les États Membres doivent encore 1,9 milliard de dollars de contributions, sans oublier les 1,5 milliard du budget ordinaire.  Pour l’Inde, la crise financière de l’Organisation est réelle et « nous devons trouver de vraies solutions ».  M. Kakanur a affirmé que « l’approche de la comptabilité créative » dans la gestion d’une crise n’a jamais fonctionné.  Il a expliqué que la gestion des opérations actives grâce aux fonds des opérations terminées ou le report des paiements aux pays contributeurs de contingents a, au fil du temps, contribué à créer un faux sentiment de solidité financière.  Dans le même temps, a-t-il déploré, les pays ayant des arriérés sont préservés de l’impact de leurs actions.  Le résultat est que les arriérés ne font que croître, et avec eux l’espoir de ces mêmes pays que le Secrétariat pourrait, d’une manière ou d’une autre, gérer la situation, et si nécessaire en ajustant encore plus le cadre de remboursement. 

Pour l’Inde, la pratique de différer le paiement aux pays contributeurs de contingents, alors que les autres obligations contractuelles sont payées, a un impact sur la capacité des Nations Unies à maintenir des accords honnêtes avec les pays contributeurs de contingents sur d’autres aspects du maintien de la paix.  Le délégué a rappelé que 17 de ces pays faisant également partie du Groupe des 77 attendent toujours des remboursements relatifs aux frais engagés dans des opérations terminées.  Alors que les fonds disponibles permettent plutôt de gérer la crise de liquidités des opérations actives et même parfois du budget ordinaire.  Une solution durable ne sera trouvée que quand les États Membres rempliront leurs obligations en vertu de la Charte, en payant la totalité de leurs constitutions à temps. 

M. HUMBERTO RIVERO ROSARIO (Cuba) a estimé que les mesures proposées par le Secrétaire général n’auraient pas été nécessaires si les États-Unis avaient versé leur dû à l’Organisation, lequel s’élève à plus de 2 milliards de dollars.  Cuba invite donc les membres permanents du Conseil de sécurité à honorer leur obligation financière, puisqu’ils ont une responsabilité particulière dans l’élaboration des mandats des opérations de maintien de la paix.  Toute modification de l’architecture financière de l’ONU, a prévenu le représentant, doit se faire avec précaution et sans précipitation.  Il est important que l’analyse des propositions du Secrétaire général se fasse à l’aune du cadre réglementaire en vigueur, tout en veillant à ce que ce processus se passe dans la plus grande transparence et que l’ONU soit comptable de ses actes.

Après avoir reconnu les efforts du Secrétaire général en faveur de la discipline budgétaire, M. BURHAN GAFOOR (Singapour) a déclaré que le principal défi est celui de la trésorerie.  On ne peut s'attendre à ce que l'ONU s'acquitte de son mandat sans cesse croissant si les États Membres ne respectent pas leur obligation de payer leurs contributions fixées à temps, intégralement, et sans condition.  Le deuxième défi est la souplesse dans la gestion du budget.  Singapour, a assuré le représentant, est ouvert à l'idée de suspendre temporairement l’obligation faite au Secrétariat de porter au crédit des États Membres le solde des crédits inutilisés.  Nous sommes aussi ouverts à l’idée de renflouer le budget ordinaire par le Compte spécial.  Le mécanisme de gestion en commun des soldes de trésorerie des opérations de maintien de la paix en cours est également une proposition qui a du mérite car il ne crée pas un fardeau supplémentaire pour les États Membres et offre une solution partielle à la rétention des contributions.  On ne saurait, a conclu le représentant, attendre des pays qu’ils continuent à fournir contingents et personnel de police dans un contexte où leurs remboursements sont sans cesse retardés. 

M. DMITRY S. CHUMAKOV (Fédération de Russie) a noté, malgré les problèmes de liquidités, que les quatre indicateurs de la situation financière de l’ONU sont positifs si on s’en tient aux Normes comptables internationales pour le secteur public (IPSAS).  S’agissant en particulier de la dette du Secrétariat vis-à-vis des pays contributeurs de contingents et de personnel de police aux missions clôturées, le représentant a jugé que la majorité des propositions du Secrétaire général traitent des « symptômes » et non de la cause.  Cette cause, a-t-il martelé, c’est le fait que des États ne paient pas leurs contributions.

M. OMAR HILALE (Maroc) a dit avoir perçu de l’inquiétude dans le ton du Secrétaire général et a donc demandé à la Cinquième Commission d’adopter des « mesures exceptionnelles » compte tenu de la situation financière actuelle de l’Organisation.  Aidons le Secrétaire général à régler cette crise qui nous concerne tous.  Si rien n’est fait, a prévenu le représentant, l’Organisation risque la « crise cardiaque ».  Le Maroc, a-t-il assuré, soutient les propositions du Secrétaire général car « si on ne donne pas des moyens à l’Organisation, on n’aura pas de résultats en retour ».  Évoquant ensuite les méthodes de travail de la Cinquième Commission, M. Hilale s’est demandé pourquoi faut-il à tout prix parvenir à un consensus.  Une majorité simple peut prendre les mesures qu’il faut.  On peut toujours demander des comptes au Secrétaire général après, mais pour l’instant, « il nous faut contribuer pour lui permettre de gérer l’Organisation que nous lui avons confiée ».

M. NABEEL MUNIR (Pakistan) a indiqué que l’ambitieuse réforme du Secrétaire général ne peut être couronnée de succès que si les contributions financières faites à l’ONU sont prévisibles et adéquates.  Dans le même temps, les opérations de maintien de la paix font face à un grave manque de liquidités qui pousse l’Organisation à retenir les paiements dus aux pays fournisseurs de contingents.  Les paiements différés entravent ensuite le déploiement de nouvelles unités et privent les missions de capacités spéciales comme les hélicoptères.  Le délégué a prévenu que cette situation dissuade de nombreux pays potentiellement fournisseurs de contingents. 

Il a donc demandé que tous les États Membres s’acquittent de leurs contributions entièrement et en temps voulu.  Il a estimé que la gestion en commun des soldes de trésorerie de toutes les opérations de maintien de la paix en cours pourrait permettre, au moins dans une certaine mesure, de régler le problème des liquidités.  Il s’est dit d’avis que l’Assemblée générale doit aussi appuyer l’idée d’envoyer des avis de mise en recouvrement des contributions dues au titre des opérations de maintien de la paix pour l’intégralité de l’exercice budgétaire.  Le représentant a insisté pour que les soldes non utilisés pour les opérations de maintien de la paix et les montants dus aux États pour les opérations terminées soient entièrement payés.  Il a espéré une méthodologie budgétaire plus efficace avec une meilleure budgétisation fondée sur des taux de vacance réels et un niveau élevé d’occupation des postes.

M. TOSHIYA HOSHINO (Japon) a affirmé que sa délégation entend discuter des propositions faites par le Secrétaire général de manière constructive afin de parvenir aux solutions les plus efficaces et réalisables pour faire face à la situation financière actuelle de l’Organisation.  Le temps fait défaut, a-t-il prévenu, rappelant que cette deuxième reprise de la session est d’abord consacrée aux budgets des opérations de maintien de la paix.

M. LUIZ FELDMAN (Brésil) a déclaré que le rapport soumis aujourd’hui néglige ou outrepasse largement le mandat conféré par l’Assemblée générale.  Au lieu d’évaluer les mécanismes existants, le rapport réitère les propositions précédentes d’autonomie budgétaire.  Il porte la question à un « nouveau niveau radical d’ambition » et cherche à transférer toute l’autorité budgétaire au Secrétariat.  Les États Membres seraient réduits au rôle de fixer une somme globale ou un « plafond » sans pouvoir décider du niveau des ressources pour chaque ligne budgétaire.  Cela reviendrait à remplacer le système de contrôle énoncé à l'Article 17 de la Charte par une autonomie budgétaire virtuelle du Secrétariat.  L’autorité serait ainsi transférée à une bureaucratie sans transparence ni représentation géographique.  Le représentant a rejeté le postulat selon lequel la méthodologie budgétaire et le cadre réglementaire de l’ONU sont « obsolètes ». 

La Charte, a-t-il dite, est la force de l’ONU et non « ses faiblesses structurelles ».  Les parties du traité fondateur de cette Organisation qui méritent une réforme sont bien connues.  Le Brésil, a indiqué son représentant, regrette que le Secrétariat juge utile d’adopter une approche sélective de la réforme de la Charte.  Nous demanderons, a-t-il promis, des éclaircissements sur la question de savoir si et comment le Secrétariat considère que d'autres articles, y compris les Articles 23 et 53 de la Charte, devraient être réformés.  Nous voulons pourquoi le rapport n'a pas abordé le financement des missions politiques spéciales qui, au cours des 20 dernières années, ont atteint plus de 20% du budget ordinaire.  « Les lacunes que ma délégation a signalées signifient que ce rapport pourrait faire plus de tort que de bien à cette Organisation », a tranché le délégué brésilien. 

Pour M. DAOPENG FU (Chine), faire face au manque de liquidités exige des États Membres qu’ils remplissent leurs obligations en vertu de la Charte en payant la totalité de leur contribution à temps.  Si les pays qui ont des arriérés ne paient pas à temps, a prévenu la Chine, aucune réforme, si bien conçue soit-elle, ne pourra résoudre le problème de liquidités.  Le représentant a invité les pays qui ont des arriérés, notamment ceux qui ont les moyens de payer, à le faire en temps voulu, dans la totalité et sans condition.  Il a exigé le respect de la Charte des Nations Unies et une adhésion totale aux prérogatives des États Membres.  Les nouvelles initiatives ne sauraient en aucun cas imposer de nouveaux fardeaux aux États.  Elles doivent plutôt renforcer la discipline financière et améliorer la performance globale du budget de l’Organisation, a préconisé M. Fu.

Reprenant la parole, le Secrétaire général a salué la façon constructive avec laquelle la Cinquième Commission a commenté ses propositions.  M. Guterres a assuré que lui et son équipe sont à la disposition de la Commission pour débattre de ses propositions.

BUDGET-PROGRAMME DE L’EXERICE BIENNAL 2018-2019

Rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur les prévisions de dépenses relatives à la Mission des Nations Unies en appui à l’Accord sur Hodeïda (A/73/498/Add.9)

Pour l’établissement de ce rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a examiné celui du Secrétaire général (A/73/352/Add.9).  Le CCQAB rappelle d’abord que par la résolution 2451 (2018) adoptée le 21 décembre 2018, le Conseil de sécurité a autorisé le Secrétaire général à déployer, pour une période initiale de 30 jours, une équipe préparatoire chargée de commencer à surveiller, à soutenir et à faciliter la mise en œuvre immédiate de l’Accord de Stockholm (S/2018/1134, annexe), qui énonce notamment les termes de l’Accord sur Hodeïda.

Par la suite, par la résolution 2452 (2019) adoptée le 16 janvier 2019, le Conseil a créé la Mission pour faciliter l’application de l’Accord sur la ville de Hodeïda et les ports de Hodeïda, de Salif et de Ras Issa, comme le prévoit l’Accord de Stockholm, pendant une période initiale de six mois.  Le Conseil a approuvé les propositions du Secrétaire général relatives à la composition et aux aspects opérationnels de la Mission, qui prévoient notamment que celle-ci soit dirigée par le Président du Comité de coordination du redéploiement et soit composée de 75 observateurs des Nations Unies au maximum et du personnel.

Le montant estimatif des dépenses pour 2018 s’élevait à 171 600 dollars mais aucun crédit n’a été ouvert et le montant net des prévisions budgétaires pour 2019, à 57 680 100 dollars. 

Dans sa résolution 72/264, l’Assemblée avait autorisé le Secrétaire général à contracter, sans l’assentiment du CCQAB, des engagements d’un montant ne pouvant dépasser 8 millions de dollars pour chacune des deux années de l’exercice biennal 2018‑2019 dont le Secrétaire général aurait attesté qu’ils avaient trait au maintien de la paix et de la sécurité.  De l’avis du Comité, la proposition visant à reporter en 2019 le solde inutilisé du montant autorisé pour 2018 déroge aux dispositions de la résolution.  Le Comité recommande donc que l’Assemblée prie le Secrétaire général de respecter les limites et les dispositions qu’elle a prévues en ce qui concerne les dépenses imprévues et extraordinaires qu’il engage sans avoir à demander son assentiment préalable ou celui de l’Assemblée.

Compte tenu de la lenteur du démarrage de la Mission, comme en témoigne le niveau effectif des dépenses de la Mission enregistré entre le 21 décembre 2018 et le 21 mai 2019, le Comité consultatif recommande une diminution de 2% (soit 1 016 200 dollars) des ressources demandées au titre des dépenses opérationnelles.  Il se propose de réévaluer les dépenses opérationnelles de la Mission dans le cadre des prochains projets de budget, en se fondant sur ce qui se sera déroulé effectivement à la Mission.  L’Assemblée générale devrait donc approuver un budget de 56 663 900 dollars.

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