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Le Conseil de sécurité placé, en mars et en avril, sous les « présidences jumelées » de la France et de l’Allemagne

Pour la première fois dans l’histoire du Conseil de sécurité, deux de ses membres, la France et l’Allemagne, ont décidé de coordonner étroitement les priorités de leur présidence successive afin d’insuffler un nouvel élan au multilatéralisme et de dégager une démarche commune des méthodes de travail de l’organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

La présidence du Conseil est assurée à tour de rôle par chacun des 15 membres pendant un mois, en fonction de l’ordre alphabétique anglais.  La France assumera la présidence du mois de mars et l’Allemagne, celle du mois d’avril.  La coordination débouchera sur ce que les représentants français et allemand ont décrit, aujourd’hui, au cours de la conférence qu’ils ont donnée au Siège de l’ONU à New York, comme « des présidences jumelées ou conjointes ». 

Ces présidences expriment une démarche à la fois innovante dans son principe et pragmatique dans son approche.  Ce n’est pas une fusion mais une coordination étroite dans l’esprit de l’identité de chaque partenaire, a précisé le représentant de la France, M. François Delattre.

Cette initiative, a-t-il expliqué, vise non seulement à donner un nouvel élan au partenariat franco-allemand mais aussi à défendre et à exprimer dans l’enceinte de l’ONU une voix européenne forte « dont le monde a besoin aujourd’hui ». 

Cette démarche fait aussi partie des efforts conjoints pour reformer, renouveler, refonder le multilatéralisme à un moment où cela nous apparaît plus nécessaire que jamais, a-t-il ajouté.

Son homologue allemand, M. Christoph Heusgen, a lui aussi exprimé la volonté d’insuffler un nouvel élan au multilatéralisme, en insistant sur l’« amitié intense » qui unit la France et l’Allemagne, malgré un contexte historique de trois guerres en 70 ans. 

Invoquant la signature, le 22 janvier dernier, à Aix-la-Chappelle, du Traité sur la coopération et l’intégration franco-allemandes, le délégué allemand a jugé important de s’attarder un instant sur ce qui a permis aux deux pays de passer d’« ennemis jurés » aux « plus proches amis ».  Peut-être que cela en incitera d’autres à en faire autant, a-t-il ajouté, commentant le rapprochement récent entre la Grèce et la Macédoine du Nord.

Parmi les trois « priorités de fond » des présidences conjointes, les représentants français et allemand ont cité le rôle des femmes dans les situations de conflit, un « sujet immense », selon la France, qui compte organiser une réunion en formule Arria sur la participation des femmes aux processus politiques.  La réunion sera coprésidée par la Secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les discriminations, Mme Marlène Schiappa.

Ce thème verra son prolongement le 23 avril, sous la présidence allemande, avec le débat de haut niveau sur les violences sexuelles dans les situations de conflit.

Autre thème prioritaire de ces présidences jumelées, le renforcement du droit international humanitaire, un sujet qui sera notamment examiné le 1er avril, au cours d’une réunion en formule Arria sur la protection des personnels humanitaire et médical, présidée par le Ministre des affaires étrangères de la France, M. Jean-Yves Le Drian.  Une réunion d’information sur ce thème est également prévue le même jour.

Priorité de la politique étrangère de la France, la lutte contre le financement du terrorisme sera le thème central d’un débat public prévu le 29 mars, à l’issue duquel une résolution devrait être adoptée.

Le Mali et la Sahel seront les « priorités géographiques » du mois de mars, durant lequel le Conseil de sécurité a prévu une visite du 21 au 25 mars au Mali et au Burkina Faso pour évaluer la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali et le rôle de la mission des Nations Unies (MINUSMA), mais aussi pour soutenir la Force conjointe du G5 Sahel.  Cette visite sera suivie, le 29 mars, d’une réunion ministérielle sur le Mali, coprésidée par les Ministres allemand et français des affaires étrangères et à laquelle participeront également le Secrétaire général de l’ONU et le Premier Ministre du Mali, M. Soumeylou Boubèye Maïga.

Au cours du mois de mars, le Conseil de sécurité entendra également, le 7 mars, la Haute-Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères, Mme Federica Mogherini, et le Président en exercice de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), M. Miroslav Lajčák.  Le Conseil devrait aussi renouveler le mandat des missions au Soudan du Sud et de l’Afghanistan, le 14 mars, et en Somalie et en République démocratique du Congo (MONUSCO), le 27 mars. 

Parmi les temps forts de la présidence allemande du mois d’avril, il faut citer la place de taille qui sera accordée à la question du désarmement.  M. Christoph Heusgen a annoncé la tenue, le 2 avril, d’une réunion d’information sur la mise en œuvre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) en prévision de la Conférence d’examen de 2020.

Un débat sur la mission en Haïti (MINUJUSTH) est prévu le 3 avril, avant l’exposé, le 9 avril, du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Filippo Grandi.

Le 11 avril, le Conseil tiendra un débat public sur les femmes et le maintien de la paix, présidé par la Ministre allemande de la défense, Mme Ursula von der Leyen.  Le Secrétaire général devrait y présenter sa stratégie pour doubler le nombre des femmes dans les contingents militaires et de police des opérations de maintien de la paix.  Le 23 avril, pour le débat public sur la violence sexuelle en période de conflit, la présidence allemande demandera aux États de définir des objectifs concrets à atteindre d’ici à la commémoration, l’an prochain, du vingtième anniversaire de l’adoption de la résolution 1325 sur les femmes et la paix et la sécurité.  Le 29 avril, c’est un débat public sur le Moyen-Orient que le Conseil tiendra.

Les présidences jumelées de la France et l’Allemagne visent également à améliorer les méthodes de travail du Conseil de sécurité.  Pour encourager les échanges, les commentaires et les questions, les deux pays espèrent obtenir des experts qu’ils axent leurs interventions sur des questions d’opérationnalité et sur des recommandations.  Ils espèrent aussi pouvoir limiter le temps de parole à cinq minutes par intervenant.

Notre objectif, a expliqué le représentant français, est d’initier un processus qui permette de vrais échanges, d’encourager les uns et les autres à débrancher « le pilotage automatique » et à sortir des postures pour mieux servir la raison d’être du Conseil de sécurité.

Quant à la charge de travail et à la multiplicité des sujets, il a souhaité parvenir à une situation où, lorsque le Conseil se met d’accord sur un texte, ses membres se coordonnent pour une mise en œuvre concrète.

Le représentant français a dit ne pas être « blasé » face à la question de la réforme des méthodes de travail du Conseil.  Au contraire, il a appelé les États à « s’y mettre sans tarder » pour donner « vie, force et créativité » au multilatéralisme.

Compte tenu de l’attention accordée au régime de Nicolás Maduro au Conseil de sécurité, pourquoi, a demandé un journaliste, rien n’est prévu sur le Cameroun, où des centaines d’anglophones ont été tués, où une répression violente est menée par un régime dictatorial de 40 ans et où la liberté d’expression est étouffée?  La situation est difficile mais elle n’est pas laissée « en jachère », a répondu le représentant français.  La situation fait l’objet d’une vaste panoplie de contacts bilatéraux d’abord.  Elle est évoquée dans différentes enceintes africaines.  La situation est discutée chaque jour à travers les canaux appropriés, y compris plurilatéraux. 

Le moment n’est-il pas venu d’imposer des sanctions au Myanmar compte tenu du manque de progrès dans le retour des réfugiés rohingya?  À ce stade, a avoué le représentant allemand, la question n’est pas à l’agenda car il faut avoir « le nombre ».  Si la question est de savoir si les conditions sont réunies pour établir des sanctions ou si la menace de sanctions peut-être un levier, la réponse est oui, a embrayé le représentant français.  « Nous ne pouvons pas mettre les droits de l’homme dans notre poche, ça n’est pas qui nous sommes. »  Mais la vraie question, c’est de savoir « si nous le voulions, pourrions-nous réunir les neuf voix nécessaires? »  « This is the question », a-t-il dit en anglais. 

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