Soixante-quatorzième session,
12e séance - après-midi
CPSD/701

La Quatrième Commission met l’accent sur la dimension humanitaire de la lutte antimines

La Quatrième Commission (questions politiques spéciales et de la décolonisation) a adopté par consensus, cet après-midi, un projet de résolution qui met l’accent sur la dimension humanitaire de l’assistance à la lutte antimines, un point inscrit à son ordre du jour une année sur deux.

Intitulé « Assistance à la lutte antimines », ce texte demande instamment aux États de fournir une aide humanitaire aux victimes des mines et des restes explosifs de guerre et de prendre des mesures pour que la population civile soit épargnée.

Si l’Assemblée générale venait à l’adopter, elle encouragerait les États à aider les victimes à avoir accès à des soins appropriés, notamment à une rééducation physique et sensorielle et à un soutien psychosocial, ainsi qu’à une éducation, à une formation professionnelle et à des possibilités d’acquérir des revenus, et les engagerait à offrir ces services à tous, sans distinction liée au sexe, à l’âge ou au statut socioéconomique.

Le projet de résolution encourage aussi tous les programmes et organismes multilatéraux, régionaux et nationaux à inclure des activités de lutte antimines, notamment de déminage, dans leurs programmes de consolidation de la paix, d’aide humanitaire, de stabilisation, d’aide au relèvement, à la reconstruction, au maintien de la paix et au développement.

Saluant un projet de résolution « qui reflète les trois objectifs stratégiques de la nouvelle stratégie quinquennale de l’ONU, axés sur la protection, l’assistance aux victimes et les capacités nationales », le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, M. Jean-Pierre Lacroix, a néanmoins constaté à regret la hausse mondiale du nombre de victimes des mines et les défis de plus en plus complexes qui se posent en matière de dépollution.

S’exprimant en sa qualité de Président du Groupe interinstitutions de coordination de la lutte antimines, M. Lacroix a reconnu que le droit international humanitaire et relatif aux droits de l’homme dans le cadre de la lutte antimines a été extrêmement efficace, même si l’évolution récente des conflits et la diminution des ressources posent de nouveaux défis.

Le débat de cet après-midi prenait place dans un contexte particulier puisque 2019 marque le vingtième anniversaire de la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, plus connue sous le nom de Convention d’Ottawa.  Cet instrument juridiquement contraignant, auquel sont parties 164 États, a été extrêmement efficace pour réduire la production et la présence de mines antipersonnel dans le monde, selon le haut fonctionnaire, qui a expliqué la hausse récente du nombre de victimes par le nombre de conflits soutenus, quoique peu nombreux, qui se déroulent dans des zones urbaines et résidentielles.

De nombreuses délégations, comme celle du Japon, des Émirats arabes unis ou encore de l’Union européenne ont saisi l’occasion de ce débat pour présenter leurs actions dans le domaine de la lutte antimines.  Le Fonds d’affectation spéciale pour l’assistance à la lutte antimines a été l’un de leurs principaux partenaires, comme l’a rappelé le Japon, qui a appelé à une véritable prise de conscience de l’importance du déminage et des risques associés aux mines.  Rappelant que le Traité d’Ottawa a fixé 2025 comme date butoir pour un monde décontaminé de restes explosifs de guerres, y compris les mines antipersonnel et les bombes à fragmentation, les intervenants ont appelé à redoubler d’efforts pour élargir l’assistance et la coopération internationale qui s’imposent pour réaliser le déminage universel.

Les pays frappés par ce fléau, comme l’Iraq, la République démocratique populaire lao, l’Afghanistan, le Cambodge ou encore la Libye ont décrit l’obstacle que représentent les mines et les engins explosifs improvisés pour leur développement, mais aussi leur impact en termes humanitaires pour les populations frappées par ce fléau.  Comme l’a souligné la Colombie, « ce ne sont pas que des civils qui en sont victimes mais également les forces de l’ordre et le personnel humanitaire, et même lorsque la fin du conflit est déclarée, les mines restent ».

Conscients que les engins explosifs improvisés (EEI) sont la principale cause de l’augmentation du nombre de victimes, les délégations ont également souligné que ces engins sont souvent utilisés par des acteurs non étatiques de nos jours.  L’Afghanistan, qui était l’un des pays les plus infestés dans 33 de ses 34 provinces, a émis l’espoir de pouvoir parvenir à un déminage complet d’ici à 2023.

Les États Membres ont tous salué le travail de l’UNMAS dans leurs pays, et, à l’instar du Mali, ont souligné qu’en dépit du contexte actuel de restrictions budgétaires à l’ONU, il ne fallait pas raisonner en termes financiers dans ce domaine, mais en termes de « services rendus ».  Le déminage à des fins humanitaires a été décrit comme un impératif moral mais également comme un élément essentiel qui permet de rétablir le droit à la mobilité et au développement socioéconomique des populations affectées par ce fléau.

La Quatrième Commission poursuivra ses travaux demain, jeudi 24 novembre, à partir de 15 heures.

ASSISTANCE À LA LUTTE ANTIMINES (A/74/288, A/C.4/74/L.5)

Déclaration luminaire

Dans son exposé introductif, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. JEAN-PIERRE LACROIX, qui s’exprimait ici en tant que Président du Groupe interinstitutions de coordination de la lutte antimines, a rappelé que 2019 marque la première année d’une nouvelle stratégie quinquennale de l’ONU, qui établit trois objectifs stratégiques axés sur la protection, l’assistance aux victimes et les capacités nationales.  Deux objectifs transversaux traitent de la nécessité d’intégrer davantage les considérations liées à l’âge et au sexe et de promouvoir la lutte antimines au sein de cadres nationaux et internationaux plus vastes.  Il s’est dit heureux de noter que ces priorités sont toutes reflétées dans la résolution dont la Commission est saisie aujourd’hui.

« J’ai trois messages », a déclaré M. Lacroix, premièrement, nous faisons face à une augmentation mondiale du nombre de victimes et à des défis de plus en plus complexes en matière de dépollution.

Jusqu’en 2015, nous avons observé une diminution encourageante du nombre de victimes de mines et de restes explosifs de guerre à l’échelle mondiale. Cependant, avec l’intensification des conflits meurtriers, cette tendance s’est inversée.

L’augmentation récente du nombre de victimes est imputable au nombre de conflits intenses, quoique peu nombreux, qui se déroulent dans des zones urbaines et résidentielles.  La moitié des personnes tuées et blessées sont des enfants; « une coïncidence tragique » pour le Secrétaire général adjoint, avec le trentième anniversaire de l’adoption de la Convention relative aux droits de l’enfant cette année.  La majorité de ces victimes sont causées par des restes explosifs de guerre et des engins explosifs improvisés (EEI), a-t-il expliqué, dont beaucoup sont des mines antipersonnel de nature improvisée.  La tâche ardue qui consiste à disposer de ces armes improvisées imprévisibles, souvent enfouies dans de grandes quantités de gravats, présente des défis sans précédent pour le secteur de l’action antimines.

Dans le cadre de l’initiative « Action pour le maintien de la paix » du Secrétaire général, le Service de la lutte antimines des Nations Unies (UNMAS) améliore les performances des soldats de la paix en soutenant, d’une part, le stockage sûr et sécurisé des munitions et, d’autre part, en réduisant leur exposition aux risques posés par les engins piégés, a indiqué M. Lacroix.  L’UNMAS assure une formation intensive et une expertise technique prédéploiement aux soldats de la paix et dans le pays hôte.  M. Lacroix a salué le fait que le nombre de soldats de la paix tués par des engins piégés au Mali soit passé de 24, en 2016 à 8, en 2018 et que les soldats de la MINUSMA aient amélioré leur capacité à détecter les engins piégés sur les principales routes d’approvisionnement avant de les franchir.  Lorsque les performances des soldats de la paix s’améliorent et que le nombre d’incidents diminue, l’accès aux secours humanitaires et la capacité de protection des civils augmentent, a-t-il souligné.

Dans son deuxième message, M. Lacroix reconnaît à quel point l’action antimines facilite la protection des civils, les perspectives de paix et les progrès dans la réalisation du Programme à l’horizon 2030.  Par exemple, dans un certain nombre d’États touchés, tels que le Cambodge, Sri Lanka et le Viet Nam, où l’ONU travaille en partenariat étroit avec les autorités nationales et la société civile, les victimes ont considérablement diminué ces dernières années, a-t-il précisé, alors qu’au Sri Lanka, en 2018, les mines et les restes explosifs de guerre n’ont pas fait de victimes civiles pour la première fois en 30 ans.

La lutte antimines permet également de progresser par rapport à de nombreux objectifs de développement durable, a observé le haut fonctionnaire.  Pour ne donner qu’un exemple, en Afghanistan, la toute première équipe de démineurs mixte a déminé l’un des derniers champs de mines de la province de Bamiyan, conformément à l’objectif nº5 de developpement durable sur l’égalité des sexes.

Dans son troisième et dernier message, M. Lacroix a mis en avant le fait que le droit international humanitaire et relatif aux droits de l’homme dans le cadre de la lutte antimines a été extrêmement efficace, mais que l’évolution récente des conflits et la diminution des ressources posent de nouveaux défis.

Cette année marque le vingtième anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel ( Convention d’Ottawa), a-t-il rappelé.  Avec 164 États parties, cet instrument juridique a été extrêmement efficace pour réduire la production et la présence de mines antipersonnel à travers le monde.  M. Lacroix a constaté une augmentation des guerres urbaines.  Si certains États touchés ont simplement besoin d’une assistance financière pour s’acquitter de leurs obligations en matière de déminage en vertu de la Convention, d’autres doivent faire face à l’enregistrement et à la lutte contre les mines antipersonnel de nature improvisée.

En ce qui concerne le droit des droits de l’homme, 58 des 60 pays touchés par les mines sont parties à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.  Pourtant, ces pays ont du mal à faire respecter les droits des victimes et des survivants, a regretté M. Lacroix.  Parmi les défis à relever dans ce domaine, il a cité les données limitées et une pénurie de ressources économiques et de santé publique pour y répondre.  Dans ce domaine, l’ONU s’emploie à soutenir l’ensemble des capacités nationales.  En Colombie, par exemple, elle a aidé le Gouvernement à lancer un nouveau système en ligne d’enregistrement et de suivi de l’assistance fournie aux victimes.  Cette résolution nous donne un mandat de travailler avec les États Membres et la société civile, a conclu le Secrétaire général adjoint, avant de rendre hommage au personnel de l’UNMAS qui travaille dans des conditions difficiles et souvent dans des environnements dangereux.

Dialogue interactif

Le représentant du Mali, après avoir expliqué que son pays est l’un des « points chauds » s’agissant des engins explosifs improvisés (EEI), a remercié l’ONU pour le travail réalisé sur place avec 13 000 personnels déployés sur le terrain.  Face à la tendance actuelle à la réduction budgétaire, il a appelé la communauté internationale à ne pas voir le coût financier mais le service rendu.

Lui emboîtant le pas, le représentant du Soudan a, lui aussi, salué le Service de la lutte antimines des Nations Unies (UNMAS) pour le travail accompli au Soudan depuis 2006.  À Genève, il y a quelques mois, a relaté le représentant, la mission permanente de son pays auprès des Nations Unies a célébré le fait que l’est du Soudan ait été libéré une fois pour toutes des engins explosifs, permettant aux populations déplacées de retourner chez elles, a annoncé le représentant, qui compte sur un soutien continu, maintenant que le pays entre dans la phase de reconstruction postconflit.

Le représentant de l’Iraq a, lui aussi, remercié le Secrétaire général adjoint, M. Lacroix, ainsi que l’UNMAS pour leurs efforts dans la lutte antimines et leur assistance auprès de l’Iraq à un moment crucial.  Il a lancé un appel pour qu’il y ait des investissements supplémentaires dans ce domaine en vue de permettre aux personnes déplacées de retourner chez elles en toute sécurité.

Le Secrétaire général adjoint s’est dit heureux de ce qu’il a entendu par la voix de ces représentants et assuré aux États Membres qu’ils peuvent compter sur le dévouement des équipes de l’UNMAS.

Débat général

M. EDUARDO FERNÁNDEZ-ZINCKE, de l’Union européenne, a déclaré que l’Union et ses États Membres, bien que figurant parmi les principaux contributeurs à la lutte antimine, reconnaissent que les efforts en ce domaine ne sont pas suffisants, et que le soutien combiné et la collaboration entre États, ONU, et autres organisations et institutions internationales concernées, comme l’Union africaine et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), sont nécessaires pour progresser. Portant en grande estime la résolution sur l’assistance à la lutte antimines, particulièrement son rôle pour réaffirmer le cadre normatif des actions humanitaires pour la lutte antimines effectuées par les Nations Unies, l’Union européenne s’est réjouie que la dimension humanitaire soit davantage mise en valeur dans la résolution, notamment la protection des enfants et l’égalité entre les sexes.  L’Union européenne a enfin dit avoir particulièrement apprécié la mise à jour de la résolution, qui comporte un appel à respecter les obligations internationales relatives à la lutte antimines.

Pour M. SUPARK PRONGTHURA (Thaïlande), l’action antimines est à la base de la paix, de la sécurité et du développement et doit être intégrée dans l’action humanitaire et les objectifs de développement durable.  La Thaïlande, a-t-il ajouté, soutient la Stratégie de lutte antimines des Nations Unies pour la période 2019-2023, laquelle place l’intégration de l’action antimines et des populations au cœur des efforts en ce domaine.  Puis M. Prongthura a réitéré l’engagement de sa délégation à respecter ses obligations en vertu de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel.  La Thaïlande, a-t-il dit, œuvre avec acharnement à l’élimination des mines d’ici à 2023.  Le Centre de déminage du pays a annoncé que 86% des terrains minés sont totalement nettoyés et remis à la population.  En août dernier, le Gouvernement a éliminé son stock de 3 133 mines, a précisé la délégation, avant d’assurer que l’aide aux victimes reste au centre de son action antimine.  La couverture santé universelle assure pour tous l’égal accès aux soins, à la réhabilitation et aux prothèses ainsi que la réintégration socioéconomique des victimes au sein de leurs communautés.  La Thaïlande a indiqué qu’elle accorde une attention particulière à l’éducation antimines en faisant de la sensibilisation et de la prévention.

« La question des mines antipersonnel reste une source de préoccupation essentielle pour mon pays », a affirmé M. MARWAN A. T. ABUSREWEL (Libye), en rappelant que le problème se pose depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et se prolonge avec l’action des groupes terroristes aujourd’hui.  Il a appelé « à davantage d’aide internationale pour nous aider à traiter ce problème ».  Le centre libyen contre les mines antipersonnel et le Ministère de la défense peuvent servir de points focaux dans cette optique, a-t-il précisé.  « Nous considérons que la gestion de tels programmes à distance a des impacts négatifs et espérons qu’ils pourront bientôt s’installer dans le pays afin d’accroître notre efficacité », a-t-il argué en conclusion.

M. ANDREI RUGELES (Colombie) a d’emblée condamné l’utilisation des mines antipersonnel.  À ses yeux, le déminage humanitaire est une obligation mais également une composante essentielle pour rétablir le droit à la mobilité et au développement socioéconomique des personnes affectées par ce fléau.  En Colombie, le problème est essentiellement lié aux EEI utilisés par des criminels pour protéger leurs zones d’influence, qu’il s’agisse de trafic de stupéfiants ou d’exploitation illégale de ressources, a expliqué le représentant.  Il a plaidé en faveur d’une compréhension accrue des différents engins explosifs dans le cadre de la Convention d’Ottawa.  Depuis sa prise de fonctions il y a un an, le Président colombien Duque a fait en sorte que 75 municipalités ont pu déclarer « être débarrassées » de la menace posée par ces engins explosifs, s’est félicité le représentant.  L’action de l’ONU est essentielle à cet égard, puisque les mines perdurent dans différentes régions du monde, a poursuivi M. Rugeles.  En ce qui concerne le projet de résolution dont est saisie la Commission, il a souligné que ce ne sont pas uniquement des civils qui sont exposés à ces engins, mais également les forces de l’ordre et le personnel humanitaire.  La Colombie a l’intention d’organiser une conférence sur les EEI en Colombie en marge de la quatrième conférence d’examen d’Ottawa, a annoncé le délégué.  Les mines antipersonnel ne font pas de différence entre un soldat et un civil, entre une femme, un enfant ou une grand-mère, a souligné le délégué, et que même lorsque la paix a été déclarée, les mines ne la « reconnaissent » pas pour autant.  Dès lors, la Colombie a réaffirmé son engagement à se débarrasser de ce fléau.

« Les mines antipersonnel sont une menace partout dans le monde », a affirmé M. FAISAL ALBISHI (Arabie saoudite), avant d’accuser les milices houthistes d’avoir « posé des mines antipersonnel sur des centaines de kilomètres à la frontière entre le Yémen et l’Arabie saoudite ».  Il a estimé que « l’Arabie saoudite s’est efforcée de sauver le Yémen de l’effondrement, notamment grâce à un projet de déminage qui a vu le jour le 25 juin dernier ».  Le représentant a précisé que le projet vise à désamorcer 100 000 mines et munitions non explosées.  « Il ne s’agit que de l’une de nos initiatives pour alléger les souffrances de ce peuple », a-t-il poursuivi, avant d’évoquer l’ouverture de trois centres médicaux, avec le soutien de son pays, pour soigner les blessés des mines.  « Nous avons besoin d’une action internationale pour empêcher les houthistes de poser ces mines de la mort », a-t-il demandé en conclusion.

Mme SHAIKHA AL SUWAIDI (Émirats arabes unis) a dénoncé l’obstacle au développement durable que représentent les mines antipersonnel et les EEI, rappelant que les organisations terroristes s’en sont désormais procurés et les fabriquent également.  Les Émirats arabes unis consentent de nombreux efforts au niveau international pour réaliser un monde déminé, citant en exemple les efforts entrepris par son pays dans 18 provinces de la côte ouest et de Hodeïda au Yémen.  Conscients également de l’importance des campagnes de sensibilisation des civils sur la menace des mines et des EEI, les Émirats en ont menées dans 270 écoles yéménites.  Les Émirats ont également contribué au déminage de champs et de provinces au Liban et en Afghanistan, a précisé la représentante. 

« Selon l’ONU, il y a toujours plus de 110 millions de mines antipersonnel dans 64 pays du monde qui font plus de 800 morts par mois », a constaté à regret M. WISAM ALQAISI (Iraq).  « Il y a plus de 26 millions de mines antipersonnel dans mon pays, sans compter les munitions non explosées.  Des rapports officieux estiment qu’il y aurait environ 8 à 10 victimes par jour », a-t-il précisé.  Le représentant s’est également inquiété du fait que les mines antipersonnel « sapent les efforts de reconstruction ».  Dans les zones anciennement contrôles par « l’État islamique » beaucoup de réfugiés ne peuvent rentrer chez eux à cause des mines antipersonnel laissées par les jihadistes derrière eux, a-t-il ajouté.  Des routes et des infrastructures ne peuvent être reconstruites pour la même raison.  Le Gouvernement iraquien a appelé la communauté internationale et les organismes spécialisés à fournir davantage d’assistance à l’Iraq afin de traiter ce problème majeur.

Selon M. MOHD SARWER BAHADURY (Afghanistan), le pays, embourbé dans les conflits depuis plus de 40 ans, vit sous la menace continuelle des mines antipersonnel, des engins explosifs, et des engins explosifs improvisés (EEI). L’Afghanistan reste un des pays les plus touchés au monde par un phénomène affectant 1 502 communautés, 254 districts, dans 33 des 34 provinces du pays.  Le Gouvernement s’efforce d’éliminer les mines du pays d’ici à 2023, a-t-il ajouté.

Du côté des progrès, le représentant a cité le nettoyage d’une zone particulièrement touchée de 266 kilomètres carrés qui comptait 3 439 engins en 2013, aujourd’hui réduite à une surface de 166,4 kilomètres carrés.  Ce nettoyage a permis de détruire 9 000 mines antipersonnel et 13 656 engins explosifs.  Cependant, il faut ajouter les débris des conflits armés précédents, a tempéré le représentant.  En moyenne, chaque mois, 125 Afghans perdent la vie ou sont blessés par des mines ou débris de guerre chaque mois, un des taux les plus élevés du monde, et 59% de ces victimes sont des enfants.  M. Bahadury a noté qu’hélas, les mines improvisées étaient toujours utilisées comme une arme de guerre de prédilection par les éléments antigouvernementaux.

L’an dernier, le Gouvernement afghan a pris en main son programme national de lutte antimines: il « dispose d’un plan détaillé pour débarrasser son territoire des mines d’ici à 2023 », a expliqué le représentant, en appelant la communauté internationale, notamment les pays développés, à le soutenir financièrement pour se rapprocher de cet objectif.

M. GENKI YAMAURA (Japon) a réitéré le soutien vigoureux du Japon, qui en est coauteur, au projet de résolution sur l’assistance à la lutte antimines.  S’il s’est réjoui que 164 pays et régions aient adhéré à la Convention d’Ottawa, il a cependant déploré la persistance de la menace des engins explosifs et les graves risques humanitaires que l’utilisation de mines antipersonnel continue de poser dans les zones affectées.  Le représentant en a appelé à des mesures urgentes, en particulier contre les engins improvisés.  Pour le Japon, il s’agit d’un préalable nécessaire à la paix, à la sécurité et au développement durable.  C’est la raison pour laquelle M. Yamaura s’est enorgueilli que le Japon soit le troisième pays contributeur au Fonds d’affectation spéciale pour l’assistance à la lutte antimines, avec un total de 235 millions de dollars versés entre 2013 et 2017.  Celui-ci a également préconisé un soutien complet aux victimes des mines, une meilleure sensibilisation à la lutte antimines et à l’aide aux victimes, une appropriation nationale pour une mise en œuvre efficace des actions de lutte et une innovation dans les technologies de déminage.

Mme SOMSAMAY KEOBOUNAN (République populaire démocratique lao) a rappelé que pendant la guerre d’Indochine, plus de 270 millions d’armes à sous-munitions ont été larguées dans la plupart des régions de notre pays.  Jusqu’à 30% d’entre elles n’ont pas explosé, a-t-elle affirmé.  Ainsi, les restes explosifs de guerre demeurent-ils un enjeu majeur de développement, qui fait obstacle aux efforts d’éradication de la pauvreté.  Ils continuent de tuer et blesser des innocents, en particulier dans les zones rurales, a dénoncé la représentante, qui a plaidé pour une aide accrue pour leur élimination ainsi que pour prêter assistance aux victimes.  Le Gouvernement est actuellement en train d’élaborer des normes éducatives sur les risques posés par les mines dans les zones rurales, y compris la mise à jour de matériels et l’élargissement du programme radiophonique vers une diffusion nationale.

« Il est nécessaire de prévoir une transition pour que les différents pays affectés par les mines antipersonnel puissent atteindre l’autosuffisance et ne plus faire appel aux organisations internationales, sauf pour les pays qui le demanderont toujours », a estimé M. ZHANG XIN (Chine).  « Nous avons un programme d’aide sous différentes formes -financière, cours de prévention et entrainement des personnels chargés du déminage- dans plus de 40 pays d’Afrique et d’Amérique latine », s’est-il enorgueilli.  Des équipements et de la formation ont été récemment fournis au Laos et au Cambodge, a-t-il précisé.

Mme SOBOTH SOK (Cambodge) a rappelé que les conflits passés ont laissé dans notre pays de vastes zones contaminées par des mines antipersonnel et des restes explosifs de guerre qui ont systématiquement coûté des vies et freiné les efforts de développement.  Cependant, grâce aux efforts inlassables du Gouvernement du Cambodge, nous avons réussi à nettoyer la plupart des zones minées et à restituer les terres aux communautés aux fins de développement, s’est félicité le représentant.  Il s’est également efforcé de mettre en place des systèmes de protection sociale et d’élaborer des directives politiques visant à répondre aux besoins et d’aider les personnes handicapées à surmonter les conséquences de mines antipersonnel.  Les questions de handicap sont inclues dans le plan national stratégique de développement 2019-2023 et la stratégie nationale de lutte antimines 2018-2025, a précisé Mme Sok.  Le Gouvernement vise notamment l’élimination totale des mines avant 2025, a-t-il annoncé. 

« Malgré les avancées enregistrées au niveau mondial avec une baisse de nombre de victimes ces 20 dernières années, nous déplorons une hausse de 43% des victimes en 2018 », a souligné M. JEAN LUC NGOUAMBE WOUAGA (Cameroun).  Le représentant a précisé que les engins explosifs improvisés étaient la cause principale de cette hausse, notant que le Cameroun doit affronter la secte Boko Haram sur son propre territoire.  Le représentant a lancé un appel à la communauté internationale en faveur d’une assistance en matériels, en formations, en dépollution et dans la recherche afin de développer sur place des moyens adaptés de lutte contre les mines.  En conclusion, il a souhaité que la résolution présentée par la Pologne soit adoptée par consensus, « comme par le passé ».

Mme OLENA SYROTA (Ukraine) a fait remarquer que « l’agression armée » de la Fédération de Russie et les « actions offensives menées par les groupes armés illégaux guidés par la Russie » dans certaines zones des régions ukrainiennes de Donetsk et Lougansk ont entraîné la dissémination d’un grand nombre d’engins explosifs et causé de graves pertes dans la population civile.  Deux millions d’Ukrainiens de l’est du pays risquent leur vie en raison de la présence de mines et de restes explosifs, a déploré la délégation.  À ce jour, environ 6 000 hectares ont été déminés et plus de 26 200 mines et engins explosifs détruits, a-t-elle précisé, en assurant que la lutte antimines reste une priorité pour l’Ukraine.  En étroite coopération avec l’UNMAS et d’autres partenaires internationaux, les Forces armées et les services d’urgence de l’Ukraine ont mis en place des mesures pratiques de décontamination et de destruction des engins explosifs sur les territoires assainis de Donetsk et Lougansk mais le déminage complet ne sera possible qu’après la fin des hostilités.

Pour M. MOHAMMAD REZA SAHRAEI (République islamique d’Iran), les projets humanitaires de déminage ne sont pas faisables en l’absence de coopération bilatérale, régionale et internationale et de renforcement et coordination de l’assistance dans la lutte antimines de l’ONU.  En Iran, des projets de déminage sont en cours depuis les années 1980 et un organisme dédié a été mis en place en 2005, sous l’égide du Ministère de la défense, a fait savoir le représentant.  La mise en place du Centre iranien de lutte antimines (IRMAC) a répondu à la nécessité d’excaver 16 à 20 millions de mines ainsi qu’à celle de fournir des services de déminage dans cinq provinces touchées en raison de la guerre de huit ans imposée après l’invasion par le régime iraquien de Saddam Hussein, a-t-il précisé.  Faute de soutien international, l’Iran a dû commencer à déminer ces zones en ne comptant que sur ses seules capacités nationales limitées, dans un premier temps.  Après quatre décennies d’expérience dans le déminage et la mise au point d’équipements de détection et de protection, l’Iran s’est associé à la Stratégie de lutte antimines des Nations Unies pour la période 2019-2023.  Dans ce cadre, l’IRMAC est prêt à coopérer avec les pays voisins affectés par les mines, y compris en dispensant des formations.

Mme KIRSTEN HENDERSON (Australie) a noté qu’en plus de 20 ans, la lutte antimines avait sauvé des milliers de vies, et aidé un nombre de blessés plus grand encore, mais qu’il reste encore beaucoup à faire.  « Nous devons renforcer et coordonner notre effort collectif », a-t-elle assuré, en soulignant que la sensibilité au genre et à l’âge était nécessaire pour aider les victimes tout au long de leur vie.  L’Australie, a déclaré la représentante, aide les agences internationales en travaillant dans tous les secteurs de la lutte antimines: nettoyage, protection des normes, réduction des risques et aide aux victimes.  L’Australie contribue financièrement à la lutte antimines via des programmes internationaux et bilatéraux, y compris au Cambodge, en Syrie, en Afghanistan et au Sri Lanka.  Mais la contribution de l’Australie est plus que financière, a insisté le délégué.  Elle est coordonnatrice des partenariats pour la Convention d’Ottawa et, dans le cadre de la Convention sur les armes à sous-munitions, coordonne avec l’Autriche le stockage et la destruction des stocks.  Dans le sud-ouest du Pacifique, les Forces de défense australiennes nettoient les débris de la Seconde Guerre mondiale dans le cadre de l’opération Render Safe, preuve de son engagement pour protéger les communautés locales.   

« À ce jour nous continuons à souffrir des restes des mines antipersonnel posées lors de la bataille d’El Alamein en 1942 », a expliqué M. ABDULLAH ATTELB (Égypte), avant de préciser: « Il y a quelque 22 millions de mines terrestres en Égypte, soit le cinquième des mines encore présentes dans le monde. »  Cela représente 868 000 acres de terres que l’Égypte ne peut exploiter, a-t-il constaté à regret.  « Nous appelons les pays qui ont posé ces mines à fournir les cartes indiquant leurs emplacements », a-t-il martelé à deux reprises.  Il a ensuite indiqué que l’Égypte n’avait pas signé la Convention d’Ottawa, car elle ne contient pas d’obligations juridiques envers les pays qui ont posé des mines de fournir les cartes utiles au déminage.  Cependant, le délégué a indiqué que l’Égypte avait suspendu la production de mines antipersonnel terrestres dans les années 1980, bien avant l’apparition de la Convention d’Ottawa.

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