8481e séance – matin
CS/13734

Conseil de sécurité: l’élection présidentielle et le processus de paix sont les défis pressants de l’Afghanistan, selon le Représentant spécial

Alors qu’il vient de connaître son année la plus meurtrière depuis 2001, l’Afghanistan est à nouveau confronté à des défis de taille, à commencer par la tenue, dans les délais impartis, de l’élection présidentielle en juillet prochain, a expliqué, ce matin au Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général.

M. Tadamichi Yamamoto était venu présenter le dernier rapport du Secrétaire général sur la situation en Afghanistan, qui indique qu’à la suite des irrégularités ayant entaché les législatives d’octobre dernier, un décret présidentiel a été adopté ce 12 février, révoquant, « avec effet immédiat », les membres de la Commission électorale indépendante et de la Commission du contentieux électoral, deux organes qui ont perdu la confiance de l’opinion publique afghane.

À cinq mois de l’échéance de juillet 2019, il faudra prendre d’urgence des décisions relatives à la Loi électorale amendée qui prévoit, entre autres réformes, le recours à la technologie biométrique et des modifications du système électoral, a poursuivi M. Yamamoto.  Or, parallèlement à l’élection présidentielle, la Loi prévoit aussi l’organisation de scrutins aux conseils et aux districts provinciaux et des élections législatives pour la province de Ghazni. 

Dès lors, les nouveaux commissaires devront voir si le calendrier électoral permettra la tenue simultanée de toutes ces élections en juillet.  « Il s’agira d’un choix difficile », a résumé le haut fonctionnaire: tenir la présidentielle à temps ou mettre en œuvre intégralement la Loi électorale, au risque de reporter cette élection.  Plusieurs membres du Conseil, notamment l’Allemagne et la France, ont souhaité un respect de l’échéancier.

« Même si la voie de la paix ne progresse pas, les élections doivent avoir lieu », ont insisté les États-Unis.  Le Conseiller national pour les questions de sécurité de l’Afghanistan, M. Hamdullah Mohib, a assuré que son pays demeure absolument déterminé à faire en sorte que l’élection présidentielle se déroule bien en juillet 2019.

Outre les défis techniques et logistiques « colossaux » posés par l’organisation de scrutins dans un pays aussi vaste et insécurisé, le Gouvernement afghan doit mener simultanément un processus de paix qui ne débutera vraiment qu’au moment de pourparlers directs avec les Taliban.  M. Mohib leur a lancé aujourd’hui un appel « à démontrer leur engagement en faveur de la paix ».

Les États-Unis, qui sont militairement présents en Afghanistan depuis 2001, se sont dit résolus à user de leur influence auprès de toutes les parties intéressées pour faire de 2019 « l’année de la paix ».  Nous ne cherchons pas, a assuré la délégation, un « accord sur le retrait », mais plutôt un accord global qui fasse en sorte que l’Afghanistan ne soit jamais une « plateforme du terrorisme transnational » et qui « codifie » un « consensus intra-afghan autour d’une feuille de route politique ».

À la mi-février, les Taliban ont franchi une étape vers un dialogue intra-afghan en nommant une équipe de négociation dirigée par le Mollah Berader, ont rappelé les États-Unis, en indiquant qu’ils avaient demandé au Président Ashraf Ghani de sonder l’ensemble de la société afghane pour constituer une « équipe nationale inclusive ».

« L’établissement d’une équipe de négociateurs gouvernementaux sera déterminant, de même que la convocation en avril d’une jirga de personnalités afghanes », a également affirmé le Représentant spécial, en insistant sur un processus aussi inclusif que possible, y compris des femmes et des jeunes.

Mais attention, a mis en garde M. Yamamoto: « Nous devons reconnaître les préoccupations de nombreux citoyens face à des compromis de nature à fragiliser les acquis de ces 18 dernières années, au nom de la paix. »  Un sentiment relayé ce matin depuis Kaboul par Mme Storai Tapesh, la Directrice exécutive adjointe de l’Afghan Women’s Network, qui a déclaré par visioconférence que les Afghanes, quoique optimistes, restent préoccupées par le sacrifice éventuel de leurs droits sur « l’autel de la paix ». 

Convaincue, comme la plupart des membres du Conseil, que les femmes doivent pouvoir faire valoir leurs revendications dans le cadre du processus de paix, Mme Tapesh a plaidé pour des mécanismes de cessation des hostilités comprenant des dispositions contre les violences sexuelles et sexistes et pour le respect des droits des femmes, en particulier leur accès à la justice, a-t-elle argué.

Si un consensus a pris forme parmi les membres du Conseil autour d’une appropriation nationale du processus de paix, il est important, rappelle le Secrétaire général dans son rapport, qu’un tel processus offre la possibilité aux pays de la région de participer.  Ainsi la Chine s’est engagée à raffermir les liens qui l’unissent à l’Afghanistan, en particulier dans le cadre de la nouvelle Route de la soie.

Autre pays voisin, la Fédération de Russie s’est alarmée de l’implantation en Afghanistan de l’État islamique d'Iraq et du Levant – province du Khorassan (EIIL - province du Khorassan) qui fédère d’anciens combattants étrangers venus des théâtres de conflit en Syrie et en Iraq.  Comme le Pérou, elle a rappelé que la culture et le trafic de pavot à opium, en pleine expansion, servent à financer les opérations terroristes qui ensanglantent le pays.

En effet, les pertes civiles infligées par cette franchise de Daech « ont plus que doublé » de 2017 à 2018.  Avec un total de 10 993 civils touchés, dont 3 804 tués, l’année dernière a été la plus meurtrière depuis 2001, lorsque l’ONU a entrepris de dresser des bilans humains.  À ces sombres statistiques, vient s’ajouter le chiffre de 13,5 millions de personnes en insécurité alimentaire, plus de la moitié de la population afghane vivant en dessous du seuil de pauvreté dans une crise humanitaire aggravée par une sécheresse persistante.

En début de séance, la Présidence française du Conseil de sécurité a fait observer une minute de silence en hommage aux victimes de « l’accident aérien tragique survenu hier en Éthiopie », qui étaient issues de plus de 35 nations différentes et pour un certain nombre d’entre elles, membres de « la famille des Nations Unies ». 

LA SITUATION EN AFGHANISTAN (S/2019/193)

Déclarations

M. TADAMICHI YAMAMOTO, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), a déclaré que les États-Unis et les Taliban ont poursuivi leurs pourparlers directs, avec l’aide d’un certain de nombre de pays, dont le Groupe international de contact.  Mais, a-t-il indiqué, les Taliban n’ont pas encore accepté de s’engager dans des pourparlers directs avec le Gouvernement.  L’inclusivité, la cohérence et la représentativité dans les négociations sont cruciales pour le succès du processus de paix, a-t-il prévenu.  L’établissement d’une équipe de négociateurs par le Gouvernement sera déterminant, de même que la convocation prochaine d’une jirga des personnalités afghanes pour favoriser le consensus national grâce à un processus inclusif.  M. Yamamoto a estimé que les efforts de la communauté internationale seront d’une importance capitale, particulièrement ceux déployés par les pays de la région, dans le respect d’un processus de paix mené par les Afghans eux-mêmes.

« Cela étant, nous devons reconnaître les préoccupations profondes et légitimes de nombreux citoyens face à des compromis qui pourraient compromettre les acquis de ces 18 dernières années, au nom de la paix », a souligné le Représentant spécial.  Il a repris à son compte plusieurs préoccupations, en particulier celles liées aux droits des femmes, aux libertés d’expression et de la presse et à l’espace dévolu à la société civile.  Il a donc jugé nécessaire de garantir un processus de paix aussi inclusif que possible, en particulier vis-à-vis des femmes et des jeunes générations.  Le haut fonctionnaire a rappelé que 2019 serait marquée par l’élection présidentielle, une étape cruciale pour affermir un système politique représentatif.  L’organisation de l’élection dans les délais impartis sera un défi difficile à relever, d’autant que les nombreuses informations sur les irrégularités durant les élections législatives d’octobre dernier et le dépouillement des bulletins ont érodé la confiance dans les organes électoraux.  En réponse à ces préoccupations, la Loi électorale a été amendée par un décret présidentiel, en consultation avec les parties prenantes, et un processus de sélection de nouveaux membres et de chefs de secrétariat de la Commission électorale et de la Commission du contentieux électoral a débuté en mars.  Les deux Commissions doivent maintenant regagner la confiance de l’opinion publique afghane, a exhorté M. Yamamoto.

À cinq mois de l’échéance, les défis techniques et logistiques sont « colossaux », a-t-il prévenu.  Les nouveaux commissaires devront prendre des décisions urgentes sur l’application de la Loi électorale amendée qui prévoit des réformes, y compris le recours à la technologie biométrique et des changements dans le système électoral.  Outre l’élection présidentielle, la Loi prévoit l’organisation d’élections supplémentaires aux conseils et aux districts provinciaux et des élections législatives pour la province de Ghazni.  Les commissaires, a-t-il dit, devront voir si le calendrier électoral permettra la tenue simultanée de toutes ces élections en juillet.  Il s’agira d’un choix difficile: tenir l’élection présidentielle à temps ou mettre en œuvre intégralement la Loi électorale, au risque de reporter l’élection présidentielle, a résumé le haut fonctionnaire.

Les préparatifs, a-t-il rappelé, se déroulent sur fond de guerre qui inflige un bilan dévastateur parmi les civils.  Le Représentant spécial a indiqué que 2018 a été l’année la plus meurtrière du conflit afghan, avec un total de 10 993 civils touchés, dont 3 804 tués.  Les pertes infligées par « Daech – province du Khorassan » ont plus que doublé de 2017 à 2018.  En outre, plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et 13,5 millions de personnes sont en insécurité alimentaire.  M. Yamamoto s’est déclaré inquiet par le fait que le Plan de réponse humanitaire lancé cette année a débuté très lentement.  Il n’est financé pour l’instant qu’à hauteur de 4% des 612 millions de dollars demandés.  Par ailleurs, en dépit d’une baisse de la production d’opium en 2018, les niveaux de culture et de trafic demeurent une menace à la stabilité du pays, 10% de la population étant toxicomane, ce qui rend urgent de briser la chaîne de l’offre et de la demande.  L’Afghanistan et ses partenaires internationaux ont commencé à réfléchir aux moyens de renforcer l’aide au développement et d’améliorer les conditions socioéconomiques, alors que l’année en cours sera marquée par des défis et des opportunités sans précédent.

Mme STORAI TAPESH, Directrice exécutive adjointe de l’Afghan Women’s Network, intervenant par visioconférence depuis Kaboul, a déclaré que les femmes afghanes sont optimistes mais préoccupées par le fait que leurs droits risquent d’être sacrifiés sur l’autel de la paix.  Elle a plaidé pour que les voix de tous et toutes soit entendues.  Tout accord qui ne garantirait pas pleinement les droits des femmes ramènerait ces dernières à la situation d’exclusion à laquelle elles étaient soumises, a prévenu Mme Tapesh.  Plusieurs femmes, a-t-elle rappelé, se sont présentées aux élections législatives et de nombreuses autres se sont mobilisées pour aller voter.  Les femmes doivent pouvoir participer sur un pied d’égalité au processus de paix pour exprimer leurs revendications et contribuer à la recherche d’une paix durable.

Mme Tapesh a ensuite voulu que les mécanismes pour la cessation des hostilités comprennent des dispositions contre les violences sexuelles et sexistes et pour les droits des femmes.  L’égalité des droits garantie dans la Constitution doit être maintenue, a encore plaidé l’oratrice, qui a appelé à une meilleure sensibilisation de l’opinion publique parce que des femmes, des filles et des communautés ignorent encore les droits des femmes. Il faut aussi se focaliser sur l’accès à la justice, a-t-elle ajouté.

M. HAMDULLAH MOHIB, Conseiller national pour les questions de sécurité de l’Afghanistan, a indiqué que son pays est entré dans une ère de changement social; les jeunes de moins de 35 ans, soit 75% de la population, ayant des principes et des attentes différents de ceux de leurs parents et grands-parents.  Pour leur part, les femmes sont passées de victimes des discriminations institutionalisées des Talibans à actrices engagées de la société.  Le représentant a aussi insisté sur les progrès accomplis dans la lutte contre la corruption et sur le changement positif dans la gouvernance de son pays.  Il a fait le point sur le processus de paix, « un mot qui ne faisait même pas partie du vocabulaire de ceux qui parlaient de l’Afghanistan, il y a deux ans ».  Après l’offre de paix inconditionnelle du Président Ashraf Ghani en février 2018, le cessez-le-feu de juin 2018 et l’annonce d’une feuille de route pour la paix, nous avons, a souligné le représentant, veillé à forger un consensus national, ces derniers mois.

La paix est une nécessité impérieuse mais pas à n’importe quel prix, a-t-il mis en garde.  La Constitution, le Gouvernement élu et la nature démocratique de l’État doivent être respectés.  Le processus doit être inclusif et représentatif et pas « un accord passé entre les élites ».  Le peuple afghan doit s’approprier ce processus, a insisté le représentant, qui a invité les Taliban à démontrer leur engagement en faveur de la paix.  S’ils veulent véritablement la paix, ils doivent le montrer par des actes concrets et non par des attaques contre des innocents.  Le représentant a mis l’accent sur la détermination de son gouvernement à améliorer la transparence du processus électoral, affirmant que les observateurs internationaux seront les bienvenus l’année prochaine.

Mais, a-t-il prévenu, la paix avec les Taliban en Afghanistan ne sera pas la fin de la menace posée par le terrorisme mondial.  Il a prôné la « tolérance zéro » et appelé au strict respect des régimes de sanctions imposées par les résolutions 1267 (1999) et 1988 (2011) du Conseil de sécurité.  Tout échec en la matière est un échec du Conseil dans une réponse efficace à apporter à ces groupes extrémistes, a-t-il averti.

M. Mohib a assuré que son pays continuera de mener un processus de paix « progressif et réfléchi » conduisant à un dialogue entre le Gouvernement et le peuple afghans et les Taliban.  « Nous continuerons de poursuivre des objectifs militaires et antiterroristes et nous demeurons absolument déterminés à faire en sorte que l’élection présidentielle se déroule en juillet 2019 », a-t-il assuré. 

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a salué les efforts du Gouvernement et du peuple afghans en vue de bâtir un pays uni, pacifique, prospère et démocratique.  « Beaucoup reste encore à faire », a-t-il estimé.  Le représentant a ensuite cité l’auteur afghan Khaled Hosseini: « nous attendons, chacun d’entre nous, confrontés à des problèmes insurmontables, que quelque chose d’extraordinaire se produise ».  Nous, au sein de ce Conseil, devons nous acquitter de nos devoirs de manière infaillible, a poursuivi le délégué.  Il a insisté sur la réconciliation nationale, jugeant fondamentale l’appropriation par le peuple afghan du processus de paix.  Un dialogue fructueux avec toutes les parties, y compris les Taliban, et l’adhésion de ces derniers au processus démocratique et au respect des droits de tous, en particulier les femmes, sont cruciaux.  Il ne doit y avoir aucun retour en arrière s’agissant des droits humains, mais toujours des avancées, a-t-il dit.  Le délégué a insisté sur l’importance qu’il y a à améliorer la situation sécuritaire et à rendre plus efficaces les institutions publiques efficaces.  Il a espéré que les réformes entreprises par le Gouvernement se poursuivront après l’élection de l’année prochaine.  Il a enfin invité la communauté internationale à contribuer comme il se doit au développement socioéconomique du pays.

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a indiqué que la nouvelle dynamique du processus de paix offre une opportunité qui doit être saisie.  La prochaine étape, urgente et nécessaire, doit être le lancement de pourparlers intra-afghans, incluant le Gouvernement afghan, les Taliban et les autres parties prenantes en vue de forger un accord solide et durable.  « Seuls les Afghans peuvent faire la paix avec eux-mêmes », a poursuivi le délégué, ajoutant que « le temps, les efforts et les compromis douloureux seront nécessaires ».  L’inclusion des femmes à de tels pourparlers est cruciale, a-t-il estimé, voulant aussi que les pourparlers de paix protègent les avancées accomplies dans les droits des femmes.  Il a prévenu que l’indispensable soutien international au processus de paix est soumis à certaines conditions élémentaires, telles que la continuité de l’État, de ses institutions et du cadre constitutionnel.  Ce Conseil peut jouer un rôle important à cet égard en faisant clairement part de ses attentes, a dit le représentant en insistant sur la protection des droits des femmes et des minorités.  Il a conclu en soulignant l’importance qu’il y a à ce que l’élection présidentielle se tienne dans les délais prévus et de manière démocratique et transparente, afin d’éviter un « vide constitutionnel ».

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a présenté ses sincères condoléances après le crash aérien survenu hier en Éthiopie.  Venant à la situation en Afghanistan, il a insisté sur une bonne coordination de l’aide internationale.  Il s’est inquiété du nombre important de victimes civiles, s’alarmant de la présence de Daech qui, a-t-il relevé, continue de s’implanter dans le pays et de recruter des combattants terroristes étrangers qui se trouvaient en Syrie et en Iraq.  Il a averti du risque que cela représente pour la région et les zones méridionales de la Fédération de Russie.  Dans ce cadre, le représentant s’est inquiété du trafic des stupéfiants dont les narcodollars alimentent le terrorisme.  Mon pays, a-t-il dit, continue de coopérer avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et de prendre des mesures pratiques dans le cadre de l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC), entre autres.  La Fédération de Russie continue aussi de former le personnel de police de plusieurs pays de la région.  M. Nebenzia a insisté sur un processus de paix dirigé par les Afghans eux-mêmes, y compris les membres de l’opposition.  Les négociations doivent viser la réunification et la réconciliation nationale, sans exclure personne, pour faire de l’Afghanistan un pays stable et prospère.

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a dit partager les préoccupations exprimées aujourd’hui au sujet des nombreux défis auxquels l’Afghanistan est confronté, y compris la situation humanitaire très difficile.  Nous reconnaissons que plus de 6,3 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire urgente dans ce pays.  Ce nombre est presque le double de l’an dernier, la grave sécheresse de 2018 ayant touché plus de 10 millions d’Afghans.  En outre, l’Afghanistan reste l’un des endroits les plus dangereux pour les travailleurs humanitaires, a reconnu le représentant, qui a souligné que son pays est toujours le plus important donateur humanitaire en Afghanistan, avec plus de 232 millions de dollars l’an dernier.

Les États-Unis, a assuré le représentant, sont déterminés à user de leur influence auprès de toutes les parties intéressées pour faire de 2019 « l’année de la paix ».  Nous ne cherchons pas un « accord sur le retrait », a-t-il assuré.  Nous recherchons plutôt un accord de paix global qui fasse en sorte que l’Afghanistan ne soit jamais une plateforme du terrorisme transnational et qui « codifie » un « consensus intra-afghan autour d’une feuille de route politique.  En janvier dernier, a indiqué le représentant, les États-Unis ont approuvé le principe d’un « cadre traitant des questions interdépendantes de lutte contre le terrorisme et de retrait » des forces américaines, y compris un accord sur les mécanismes d’application.  La dernière série de négociations à Doha a permis de clarifier ces questions avec le Gouvernement afghan et les partenaires internationaux.  À la mi-février, les Taliban ont franchi une étape vers le type de dialogue intra-afghan que nous estimons nécessaire en nommant et en renforçant une équipe de négociation dirigée par le Mollah Berader.  Le représentant a poursuivi en indiquant que son pays a demandé au Président Ashraf Ghani de sonder l’ensemble de la société afghane pour constituer une « équipe nationale inclusive ».  Toutes les parties affirment qu’il n’y a pas de solution militaire et, par conséquent, nous insistons également pour que les Afghans cessent de tuer d’autres Afghans, plus précisément pour que les Taliban appliquent un cessez-le-feu ou une réduction importante de la violence qui créerait un environnement propice à la poursuite du dialogue intra-afghan.

Mais, a prévenu le représentant, un accord de paix ne bénéficiera d’un large appui de la part de l’Afghanistan et de la communauté internationale que s’il préserve et renforce les acquis sociaux et économiques obtenus depuis 2001.  Les institutions nationales afghanes doivent survivre et se développer.  Les droits de l’homme doivent être respectés, la presse libre et les femmes et les filles, autonomisées.  Nous préférerions, a-t-il précisé, qu’un accord de paix associe les Taliban au processus politique et facilite la mise en place d’un cadre politique pour l’avenir de l’Afghanistan.  Cependant, même si la voie de la paix ne progresse pas, des élections doivent avoir lieu, a tranché le représentant, affirmant que son pays fait tout ce qui est en son pouvoir pour soutenir les préparatifs d’élections crédibles et encourager le Gouvernement afghan à faire avancer les préparatifs.  S’appuyant sur les enseignements tirés des élections législatives et des cycles précédents, les réformes électorales doivent être mises en œuvre et être assorties d’un calendrier réaliste et ferme.  Le représentant a dit attendre avec intérêt un accord sur la forme d’un « mécanisme régional de nature à faciliter la finalisation de l’accord de paix ».

Mme AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) a tout d’abord présenté ses profondes condoléances à l’Éthiopie après le crash aérien d’hier.  Elle a ensuite salué l’intensification des efforts du Gouvernement pour faire face à l’insécurité en Afghanistan et s’est déclarée extrêmement préoccupée par le nombre record de victimes civiles provoqué par les éléments antigouvernementaux et les engins explosifs improvisés.  Elle a condamné avec force les attaques délibérées contre les civils et a appelé les parties au strict respect de leurs obligations découlant du droit international humanitaire.  La représentante a pris note du lancement, par la Commission indépendante de réforme administrative et de la fonction publique, d’un programme de réforme sur trois ans, se félicitant de l’augmentation des femmes dans la fonction publique.  Elle a insisté sur l’importance de veiller à la participation « significative » des femmes à toutes les étapes du processus de paix.  Mme Colifa s’est par ailleurs souciée de la situation humanitaire, notant que 13,5 millions de personnes font face à l’insécurité alimentaire.  Elle a appelé l’ensemble des parties à réduire le niveau de violence dans le pays et exhorté le Gouvernement à maintenir ses efforts en faveur du processus de paix et à veiller à la bonne préparation de l’élection présidentielle du 20 juillet prochain.

M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) s’est dit d’avis que la conduite d’un processus électoral pacifique, transparent, inclusif et crédible demeure une des conditions indispensables à la restauration de la paix, de la stabilité et d’un développement durable en Afghanistan.  Il a donc déploré les dysfonctionnements observés dans l’organisation des élections parlementaires du 20 octobre 2018.  Il a encouragé la Commission électorale et toutes les parties prenantes afghanes à prendre les mesures correctives nécessaires à l’organisation, dans les meilleures conditions, de l’élection présidentielle du 20 juillet 2019.  Saluant les efforts de promotion du dialogue entre les acteurs politiques afghans, le représentant a indiqué qu’ils ne sauraient garantir la paix et la stabilité durables en Afghanistan sans une appropriation nationale et une participation de tous les acteurs politiques et sociaux.  Il est aussi impérieux d’œuvrer à la promotion du rôle des femmes et de renforcer l’action gouvernementale en matière de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles.

La Côte d’Ivoire, a ajouté son représentant, est préoccupée par la situation sécuritaire et humanitaire en Afghanistan où l’usage récurrent des engins explosifs ainsi que les entraves systématiques à l’aide humanitaire dans les provinces contrôlées par les Taliban constituent un véritable défi.  La complexité des défis multiformes auxquels l’Afghanistan est confronté exige une attention constante de la communauté internationale et un appui conséquent au Gouvernement afghan.  C’est tout le sens de l’appel de la Côte d’Ivoire au maintien des troupes de la mission Soutien résolu et à la matérialisation des promesses de financement en faveur des Forces nationales de défense et de sécurité afghanes, jusqu’en 2024, a déclaré le délégué, qui a encouragé toutes les forces engagées en Afghanistan à renforcer davantage les opérations conjointes avec les Forces nationales de défense et de sécurité afghanes dans les provinces les plus affectées par l’insécurité.

M. WU HAITAO (Chine) a déclaré que l’Afghanistan se trouve à la croisée des chemins et, qu’à ce titre, la communauté internationale doit « tenir ses promesses » et lui renouveler son soutien dans le cadre de son processus de paix.  Les Taliban doivent être convaincus de la nécessité de revenir à la table des négociations et la MANUA doit se lancer dans un processus d’évaluation complète de la situation dans le pays, où le nombre de victimes civiles a atteint un record en 2018 et où la production de pavot à opium est restée élevée.  Rappelant que la Chine a toujours appuyé la réconciliation politique en Afghanistan, le représentant a fait valoir que, dans le cadre de la nouvelle Route de la soie, tous les aspects de la relation entre Pékin et Kaboul ont été améliorés, y compris sur le plan commercial, avec l’ouverture de vols directs.  Une assistance humanitaire a également été prêtée par la Chine pour aider la population afghane à faire face à la sècheresse.

Mme TSHABALALA (Afrique du Sud) a appuyé la tenue, le 20 juillet 2019, de l’élection présidentielle et salué la contribution positive de la société civile et des organisations féminines au processus de paix et à la préparation des élections.  Le représentant s’est ensuite préoccupé de la récente escalade de la violence en Afghanistan, notamment les attaques aveugles contre les civils.  Il a averti que cette situation risque de saper les progrès réalisés sur les plans sécuritaire et politique et d’exacerber la situation humanitaire déjà grave.  Mme Tshabalala a appelé l’ensemble des parties à protéger les femmes, les enfants et les déplacés, notamment contre les violences sexuelles et sexistes.  Il a aussi condamné le recrutement et l’utilisation d’enfants par les forces armées et dénoncé l’utilisation d’engins explosifs improvisés.  Le représentant a exhorté l’ensemble des parties à participer à des pourparlers directs et à maintenir les efforts pour préserver les acquis de ces dernières années, notamment en matière de droits de l’homme.  Un processus politique dirigé par les Afghans eux-mêmes qui vise le règlement pacifique du conflit est la seule solution à long terme, a-t-il insisté.

Après avoir présenté ses condoléances après le crash aérien survenu en Éthiopie, M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a appelé au sens du compromis pour assurer un dialogue constructif entre le Gouvernement et les Taliban.  Il faut, a-t-il estimé, renforcer les alliances, améliorer les institutions du pays, veiller au respect des droits de l’homme et assurer le redressement économique de l’Afghanistan.  Ces conditions, a-t-il estimé, permettront le retour des populations dans leurs lieux d’origine.  Le représentant a ensuite appelé la Commission électorale à finaliser ses réformes juridiques et techniques, engageant en outre la communauté internationale à maintenir son appui au système électoral afin d’assurer la tenue d’élections crédibles.  Il s’est inquiété de l’impact des violences sur les civils et a souligné que l’accord de cessez-le-feu conclu en juin entre le Gouvernement et les Taliban doit devenir la norme et non l’exception.

Le représentant a également averti que la paix sera irréalisable si les droits et les libertés des femmes afghanes sont sacrifiés.  Il s’est inquiété du fait que les femmes afghanes n’aient pas participé de manière significative au dialogue avec les Taliban.  Tout accord de paix doit s’ancrer dans les droits de l’ensemble de la population, y compris les femmes et les enfants, a-t-il insisté.  Il a également appelé les parties à prendre des mesures pour lutter contre toutes les formes de violence grave contre les enfants, engageant notamment le Gouvernement à combattre l’impunité.  Il a aussi jugé nécessaire de pénaliser la violence sexuelle et sexiste.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a salué les initiatives lancées par différents pays en appui au processus de paix, estimant que les discussions directes avec les Taliban sont très importantes.  Le délégué a souligné la nécessité de renforcer la lutte contre le trafic des stupéfiants, dont les revenus servent à financer le terrorisme.  Il s’est dit alarmé par le nombre de victimes civiles enregistré l’an dernier, le plus élevé depuis que des statistiques ont été établies par l’ONU dans le pays.  Affirmant qu’il faut garantir les droits des personnes, en particulier ceux des femmes et des filles, le représentant a considéré que celles-ci doivent devenir pleinement parties prenantes à la vie politique afghane.  Il a constaté avec préoccupation les problèmes rencontrés dans l’organisation des élections aux conseils provinciaux et de district et a souligné qu’il faut y remédier en tirant les leçons des échecs essuyés durant les élections législatives d’octobre dernier. 

Mme KAREN VAN VLIERBERGE (Belgique) a espéré que cette année pourra être celle d’une avancée décisive pour un règlement négocié du conflit en Afghanistan.  Elle a souligné qu’un accord de paix durable ne peut être conclu que par un dialogue intra-afghan global et inclusif et a appelé toutes les parties à promouvoir la participation significative et égale des femmes à toutes les étapes du processus de paix.  Tout accord conclu devrait garantir la protection et la promotion des droits des femmes.  Il serait profondément injuste que les femmes paient le prix de la paix, a-t-elle averti.  La représentante a jugé essentiel que les résultats des élections législatives soient finalisés et a souligné la nécessité de tirer les enseignements du vote de l’année dernière et de mettre en œuvre les réformes électorales nécessaires.  Elle s’est par ailleurs dite préoccupée de l’impact du conflit armé sur la population civile et a demandé que toutes les parties prennent des mesures efficaces pour prévenir et mettre fin à toutes les violations graves contre les enfants.  Elle s’est aussi dite préoccupée par le fait que des éléments antigouvernementaux sont de plus en plus nombreux à prendre pour cible des civils et a souligné que le droit international humanitaire doit être respecté par toutes les parties.  Mme Van Vlierberge a par ailleurs fait savoir qu’en ligne avec sa contribution de 2 millions d’euros en soutien des travaux d’ONU-Femmes dans la mise en œuvre du Plan d’action national afghan pour les femmes et la paix et la sécurité sur la mise en œuvre de la résolution 1325, la Belgique se félicite des mesures prises par le Gouvernement pour protéger et promouvoir les droits des femmes et encourage des efforts supplémentaires.

À l’approche des échéances électorales de juillet en Afghanistan, M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a plaidé pour des consultations politiques élargies entre toutes les parties prenantes au processus de paix.  Il a noté avec satisfaction les efforts déployés par le Gouvernement afghan pour renforcer le dialogue intra-afghan, comme en témoignent plusieurs nominations.  Avec 22 000 incidents sécuritaires en Afghanistan recensés l’an dernier, et 10,993 victimes civiles du conflit, la tâche de la MANUA demeure colossale.  Aussi le représentant a-t-il plaidé pour l’émergence d’un consensus régional en vue d’aider l’Afghanistan à parvenir à une paix durable. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a salué les efforts déployés pour faire avancer le processus de paix, insistant sur l’importance d’assurer la participation effective et significative des femmes.  Ce processus ne doit pas se fonder sur un accord qui compromettrait les avancées réalisées sur le plan des droits de l’homme, de l’état de droit, de la liberté d’expression et des droits des femmes, a-t-elle ajouté.  La représentante a voulu que l’on tire les leçons des dernières élections pour mieux avoir, en 2019, une élection présidentielle pacifique, transparente et crédible.  De son côté, la MANUA doit prendre des mesures pour assurer la participation des femmes.  Préoccupée par la situation des civils, telle que décrite dans le dernier rapport du Secrétaire général, la représentante a exhorté les parties au conflit à faire preuve d’un véritable engagement et à respecter les principes humanitaires, les droits de l’homme et le droit humanitaire.  Elle a lancé un appel aux éléments antigouvernementaux pour qu’ils arrêtent d’utiliser des engins explosifs improvisés.  Notant par ailleurs que les changements climatiques peuvent exacerber les conflits, elle a appelé à renforcer la résilience du pays.

M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) a, lui aussi, fait part de son émotion après le crash aérien survenu hier en Éthiopie.  Il s’est dit profondément préoccupé par le nombre record de victimes civiles provoqué par la recrudescence de la violence en Afghanistan en 2018 et a appelé le Conseil de sécurité à rappeler que tout acte violent est une grave violation du droit international.  Évoquant l’approche de l’élection présidentielle, il a insisté sur l’importance de tirer les enseignements du scrutin législatif du mois d’octobre et de rectifier les erreurs.  Il reste beaucoup à faire pour que l’élection de juillet soit crédible, a-t-il insisté.  Il a appelé à un plan pragmatique et clair pour l’établissement des listes électorales, engageant en outre la MANUA à réfléchir à ce dont elle a besoin pour mieux appuyer le processus électoral.  Le représentant a affirmé que l’état actuel du processus de paix est une « situation en or » qu’il faut saisir, insistant notamment sur l’importance de la prochaine réunion du Processus de Kaboul.  Il a aussi souligné qu’une plus grande participation des femmes au processus de paix permettra de renforcer les chances de succès.  Il faut maintenir les progrès réalisés en matière de parité et obtenir des Taliban qu’ils s’assoient à la table des négociations.

Mme ANNE GUEGUEN (France) a formulé quatre observations.  Premièrement, alors que l’année 2008 a été l’une des plus meurtrières pour les civils, notre priorité doit être de parvenir à une paix durable en Afghanistan.  Saluant le travail mené par les États-Unis pour avoir engagé des discussions avec les Taliban, elle a appelé ces derniers à accepter les pourparlers directs avec le Gouvernement afghan.  Elle a rappelé en outre la nécessité d’unifier les différentes initiatives régionales et internationales pour parvenir à une paix durable en Afghanistan, afin que les efforts de la communauté internationale soient coordonnés et non concurrents.  Le Processus de Kaboul offre à cet égard un cadre approprié, a estimé la représentante.  L’Union européenne peut jouer un rôle de facilitateur dans les pourparlers de paix, a encore ajouté Mme Gueguen.  La deuxième priorité est d’assurer la tenue et le bon déroulement de l’élection présidentielle.  Cela exige que tous les candidats et candidates agissent de façon constructive.  La réforme de la loi électorale et le renouvellement des membres des commissions électorales doivent contribuer à rétablir la confiance du peuple afghan car des institutions crédibles et des représentants légitimes sont également un gage de paix. 

La troisième urgence est de redoubler d’efforts pour la protection des civils, y compris celle du personnel humanitaire et médical, et répondre aux besoins humanitaires.  Il est impératif que toutes les parties au conflit respectent leurs obligations au titre du droit international humanitaire.  Il est également impératif, a poursuivi la représentante, que les lois visant à éliminer les violences faites aux femmes, ainsi que les articles du Code pénal amendés en 2018 pour protéger les femmes et les enfants des violences sexuelles, et pour lutter contre le recrutement et l’utilisation d’enfants, soient pleinement appliqués.  Les voix des victimes doivent être prises en compte et entendues et il est essentiel que toutes les mesures soient prises pour limiter leur marginalisation et leur stigmatisation.  La MANUA pourrait notamment inclure dans ses rapports davantage d’informations sur les mariages d’enfants, précoces et forcés, organisés par Daech au Khorassan, a suggéré Mme Gueguen, qui, avant de terminer, a souligné le rôle essentiel de l’ONU pour continuer à accompagner l’Afghanistan dans cette période charnière.  « Nous devons, plus que jamais, rester unis pour soutenir la trajectoire de l’Afghanistan vers la paix, la stabilité, la démocratie et le développement économique et social », a-t-elle déclaré.  

Reprenant la parole, le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afghanistan a tenu à rappeler la « centralité » de l’Afghanistan dans un processus de paix que les Afghans doivent s’approprier.  Selon lui, les femmes doivent « être aux manettes »; l’inclusivité et la représentativité du processus étant un impératif.  Il s’est dit heureux d’annoncer que le Gouvernement est en train de mettre sur pied une équipe de négociateurs et qu’hier, un décret présidentiel a été publié pour convoquer une assemblée traditionnelle au mois d’avril.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.