8497e séance – après-midi
CS/13756

Conseil de sécurité: le Secrétaire général avertit du risque d’atrocités au Mali

Réuni au niveau ministériel, le Conseil de sécurité a entendu, cet après-midi, le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, dresser un bilan alarmant de la situation au Mali, théâtre, le week-end dernier, d’un « horrible » massacre d’au moins 160 villageois peuls, à Ogossagou, près de Mopti. 

Ce dernier a notamment prévenu que si les problèmes qui se posent au Mali ne sont pas résolus, « des risques élevés » existent « que la situation dégénère au point de donner lieu à des atrocités », avertissant par ailleurs que la prolifération des armes légères et de petit calibre, et leur acquisition par des « groupes ethniques d’autodéfense » avait provoqué une hausse de la violence envers les civils. 

Aussi, à mesure que les extrémistes étendent leurs activités et utilisent des armes de plus en plus sophistiquées, les forces maliennes et internationales doivent renforcer leur riposte, a insisté le Secrétaire général. 

« La situation au Mali met à l’épreuve la capacité même de la communauté internationale à se mobiliser en faveur de la paix et de la stabilité.  Ce n’est pas une question d’altruisme, mais bien de sauvegarde.  Car la sécurité au Mali a une incidence sur l’ensemble du Sahel, qui à son tour affecte la stabilité mondiale », a mis en garde le Chef de l’Organisation, en insistant sur la « menace grandissante » qui pèse sur le Burkina Faso voisin.

Dans ce vaste pays d’Afrique de l’Ouest, où est déployée, depuis 2013, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), cette attaque, s’il s’agit de « la pire » commise à ce jour, a été précédée de bien d’autres.  Les groupes terroristes et les milices gagnent du terrain et deviennent plus « dynamiques et mobiles ».  Et la montée de ces extrémistes amplifie d’anciennes tensions intercommunautaires entre groupes ethniques pour l’accès à la terre et à l’eau, des ressources âprement disputées dans la bande sahélienne, a analysé le haut fonctionnaire, suivi sur ce point par le Premier Ministre du Mali, M. Soumeylou Boubèye Maïga.

« Les acquis obtenus dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation ne sauraient faire perdre de vue l’extrême volatilité de l’environnement sécuritaire dans lequel s’exerce l’action des autorités maliennes », a reconnu le Chef de gouvernement. 

Six mois après la prestation de serment du Président Ibrahim Boubacar Keïta, le Premier Ministre malien a assuré que son gouvernement avait accéléré la mise en œuvre de l’Accord, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre des arrangements sécuritaires et des réformes institutionnelles et constitutionnelles.  Des élections législatives et un référendum constitutionnel ont été annoncés pour le 9 juin, suivis du deuxième tour des élections législatives, le 30 juin, précise aussi le dernier rapport en date du Secrétaire général.

Parallèlement, a fait encore valoir M. Maïga, son gouvernement accélère la mise en œuvre du processus de décentralisation et de régionalisation.  De plus, pour contrer les nouvelles menaces auxquelles se heurte ce processus, il a mis en place un Plan de sécurisation intégrée des régions du centre (PSIRC) et lancé, dès le 6 novembre 2018, le processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) à Gao, Tombouctou et Kidal. 

Tout en saluant les progrès accomplis jusqu’à présent, plusieurs membres du Conseil ont considéré qu’ils demeurent insuffisants.  Le Sous-Secrétaire d’État aux affaires politiques des États-Unis, M. David Hale, a même estimé que « l’incapacité des parties à faire des progrès significatifs après la signature de l’Accord […] a nui à la capacité de la MINUSMA à mettre en œuvre son mandat ».  Il est temps de déterminer si une mission de maintien de la paix dans un tel environnement constitue la solution appropriée ou efficace aux problèmes qui s’y posent, s’est-il demandé, en rappelant qu’il s’agit de l’opération de paix « la plus dangereuse », avec un nombre de Casques bleus tués sans précédent.

À l’approche de la prorogation du mandat de la MINUSMA, M. Hale a donc demandé au Secrétaire général de formuler un plan qui permette à la Mission de s’attaquer à l’environnement sécuritaire et antiterroriste, de protéger son personnel et d’appuyer les progrès politiques « plus efficacement qu’aujourd’hui ». 

Suite à cela, le Premier Ministre malien a prévenu que tout mouvement de retrait de la MINUSMA serait interprété comme un signe de faiblesse par les ennemis communs et comportera le risque d’engendrer un coup d’arrêt « fatal » à la mise en œuvre « déjà laborieuse et complexe » de l’Accord. 

En revanche, pour le Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de la France, M. Jean-Yves Le Drian, « les faits sont là et vérifiables: le sursaut attendu par le Conseil de sécurité » depuis juin dernier « a bien eu lieu ».  L’élection présidentielle s’est tenue dans des conditions sécuritaires satisfaisantes, y compris dans le nord du Mali.  Le processus de DDR est en cours.  Les consultations en vue de la mise en place d’une armée reconstituée progressent également, avec l’accord des parties maliennes sur les critères d’intégration des combattants, matérialisé par un décret signé début mars.  Et la constitution d’unités spéciales antiterroristes est même programmée, s’est félicité le Chef de la diplomatie française.

Ce dernier a d’ailleurs souligné que la MINUSMA –« seule présence internationale dans cette région et la plus à même d’y soutenir les efforts des autorités maliennes »– a joué un rôle déterminant pour aider les parties à réaliser ces avancées majeures.  De surcroît, grâce à son action de stabilisation, l’opération Barkhane de la France peut se consacrer à l’antiterrorisme et lutter contre l’emprise territoriale des groupes armés jihadistes, une « mission de longue haleine, ardue ».

Sur le plan de la lutte antiterroriste, le Ministre des affaires étrangères de la Côte d’Ivoire, M. Marcel Amon-Tanoh, a de plus argué que l’opérationnalisation de la Force conjointe du G5 Sahel est d’une importance « capitale ».  Aussi a-t-il appelé la communauté internationale à lui fournir rapidement les moyens nécessaires à son action, ce qui suppose, a-t-il estimé, une relecture de l’Accord technique qui définit les modalités de soutien de la MINUSMA à la Force conjointe. 

LA SITUATION AU MALI

Rapport du Secrétaire général sur l’application du paragraphe 4 de la résolution 2423 (2018) du Conseil de sécurité (S/2019/207)

Rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali (S/2019/262)

Déclarations

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, s’est déclaré horrifié par la récente recrudescence de la violence dans le centre du Mali, en particulier par le meurtre d’au moins 160 civils le week-end dernier dans le village d’Ogossagou, dans la région de Mopti.  « Il semble que ce massacre dans lequel des familles entières, y compris des femmes et des jeunes enfants, ont été tuées à coups de machette dans leurs maisons ensuite incendiées, ait été prémédité.  Si cette attaque est la pire commise à ce jour, ce n’est pas la première », s’est alarmé le haut fonctionnaire, en demandant l’ouverture d’une enquête de toute urgence sur cette attaque.  « Cependant, à mesure que ces attaques deviennent de plus en plus meurtrières et fréquentes, nous devons déterminer ce que la communauté internationale peut faire de plus pour soutenir les autorités maliennes et protéger tous les Maliens, notamment les Peuls, qui ont été pris pour cible lors de ce massacre. » 

Dans le centre du pays, en particulier, les conditions de sécurité se détériorent rapidement, a poursuivi M. Guterres.  Les groupes terroristes et les milices gagnent du terrain et deviennent plus dynamiques et mobiles, et la montée des mouvements extrémistes amplifie d’anciennes tensions intercommunautaires entre groupes ethniques pour l’accès à la terre et à l’eau, a-t-il expliqué.  La prolifération des armes légères et de petit calibre, et leur acquisition par des groupes ethniques d’autodéfense ont provoqué une hausse de la violence envers les civils.  « Si ces problèmes ne sont pas résolus, il y a des risques élevés que la situation dégénère au point de donner lieu à des atrocités », a-t-il mis en garde.  L’an dernier, plus de 240 attaques ont été commises contre des civils, des responsables gouvernementaux maliens et des membres de forces nationales et internationales, alors que ce chiffre était de 183 en 2016.  Le nombre de personnes forcées à quitter leur foyer, qui était de 40 000 il y a un an, s’est élevé à 123 000 en février 2019 et les cas d’utilisation d’engins explosifs improvisés dans le centre du Mali ont plus que triplé, passant de 29 en 2017 à près de 100 en 2018, a précisé le Secrétaire général. 

Il a ensuite souligné que la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) joue un rôle déterminant, comme l’a illustré l’appui aérien prêté par ses Casques bleus pour prévenir toute autre attaque et contribuer à l’évacuation des blessés.  La MINUSMA a renforcé ses capacités de réaction, même lorsqu’elle est en forte infériorité numérique.  « Cependant, à mesure que les extrémistes étendent leurs activités et utilisent des armes de plus en plus sophistiquées, les forces maliennes et internationales doivent répondre présent et renforcer leur riposte », a indiqué le haut fonctionnaire, qui a rappelé que la Mission travaille en étroite coordination avec les Forces de défense et de sécurité maliennes et les forces internationales présentes au Mali, à savoir la Force conjointe du Groupe de cinq pays du Sahel et l’opération française Barkhane.

Alors que les conditions de sécurité se détériorent, des mesures importantes ont été prises au cours des six derniers mois pour accélérer la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, a-t-il relevé.  Plus de 1 400 ex-combattants à Gao, à Kidal et à Tombouctou ont ainsi rejoint l’armée malienne dans le cadre du processus accéléré de désarmement, de démobilisation et de réintégration, et des administrations provisoires mises en place dans chacune des cinq régions du nord.  En outre, des discussions sont en cours sur le renforcement de la participation des femmes au processus de paix, et le Gouvernement a lancé un vaste processus de réforme politique et administrative, jetant les bases d’un dialogue sur la manière dont les institutions maliennes peuvent servir au mieux les intérêts de la population.  Il a salué les efforts déployés par le Gouvernement pour rendre ce processus le plus inclusif possible, en y associant les dirigeants politiques de tous horizons, les mouvements signataires et les groupes armés, des experts et des membres de la société civile.  Les rencontres tenues récemment à l’initiative du Président Keïta avec les dirigeants de l’opposition démocratique, dont Soumaïla Cissé, montrent de part et d’autre la volonté de dépasser la politique partisane et de soutenir les réformes, s’est félicité le Secrétaire général.

« Même si nous devons faire davantage pour soutenir les autorités maliennes et améliorer la sécurité dans l’ensemble du pays, les solutions militaires ne suffiront pas, à elles seules, à résoudre les défis du Mali.  Nous ne pouvons enrayer la violence et l’instabilité qu’en nous attaquant aux causes profondes: pauvreté, changements climatiques et lutte pour le contrôle des ressources, sous-développement et absence de perspectives pour les jeunes », a analysé le haut fonctionnaire.  Au Mali, où quelque 2,4 millions de personnes ont besoin d’aide alimentaire, il n’y a que trois professionnels de santé pour 10 000 habitants dans les régions du nord et du centre.  Et plus de 800 écoles sont fermées et près d’un quart de million d’enfants n’ont pas accès à l’éducation. 

La MINUSMA et les organismes, fonds et programmes des Nations Unies ont maintenant adopté un cadre stratégique intégré qui aidera à hiérarchiser les tâches et à définir les responsabilités pour soutenir les efforts de paix plus larges et durables à long terme du Gouvernement malien, a noté M. Guterres.  « Plusieurs initiatives internationales importantes sont en cours, dont l’Alliance pour le Sahel, lancée par la France, l’Allemagne et l’Union européenne, qui vise à investir 9 milliards d’euros dans la région d’ici à 2022. »  Et en décembre dernier, le G5 Sahel a tenu, à Nouakchott, une conférence réussie des partenaires et des donateurs.  S’il s’est félicité de ces initiatives, le Secrétaire général les a toutefois jugées insuffisantes.  « La situation au Mali met à l’épreuve la capacité de la communauté internationale à se mobiliser en faveur de la paix et de la stabilité.  Ce n’est pas une question d’altruisme, mais bien de sauvegarde.  La sécurité au Mali a une incidence sur l’ensemble du Sahel, qui à son tour affecte la stabilité mondiale », a-t-il prévenu, en insistant sur la dimension transnationale.  « Vous n’êtes pas sans connaître la menace grandissante qui pèse sur la stabilité au Burkina Faso », a-t-il ajouté. 

Nous ne pouvons rester les bras croisés alors que la situation humanitaire se dégrade, que les écarts de développement se creusent et que les risques sécuritaires deviennent insoutenables, a-t-il poursuivi.  « Investir dans la paix au Mali, c’est investir dans la sécurité mondiale. »  Aussi le Secrétaire général a-t-il demandé instamment à la communauté internationale de continuer à appuyer sans réserve la MINUSMA et les organismes humanitaires et de développement des Nations Unies ainsi que nos partenaires sur le terrain.  Toutefois, un soutien « isolé », ne sera jamais suffisant, a lancé le Secrétaire général, pour qui il n’existe aucune alternative à la volonté politique.  « Il est désormais temps de travailler ensemble pour rétablir la paix et la stabilité au Mali. »

M. JEAN-YVES LE DRIAN, Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de la France, a déclaré que l’attaque terrible de samedi dernier, à Ogossagou, rappelle la nécessité d’agir pour le Mali.  Il a souligné que l’Accord pour la paix et la réconciliation qui a été conclu à Alger et la MINUSMA sont les deux composantes fondamentales du processus de paix au Mali.  Au cours des six derniers mois, la mise en œuvre du processus de paix s’est accélérée.  En juin dernier, le Conseil de sécurité a tiré le signal d’alarme.  Face aux retards persistants pris dans la mise en œuvre des principales dispositions prévues par l’Accord, il a exprimé son impatience et appelé à un véritable sursaut de l’ensemble des parties maliennes.  Dans sa résolution 2423 (2018), il a fixé des objectifs précis, en enjoignant le Gouvernement et les groupes armés signataires à les atteindre dans les six mois suivant l’investiture du Président malien. 

Les faits sont là et vérifiables: le sursaut attendu par le Conseil de sécurité a bien eu lieu, a-t-il poursuivi.  L’élection présidentielle s’est tenue dans des conditions sécuritaires satisfaisantes, y compris dans le nord du Mali.  Le processus de démobilisation, désarmement et réintégration (DDR) a été lancé.  Les consultations en vue de la mise en place d’une armée reconstituée progressent également, avec l’accord des parties maliennes sur les critères d’intégration des combattants, matérialisé par un décret signé début mars.  La constitution d’unités spéciales antiterroristes est même programmée.  Parallèlement, le processus de décentralisation avance.  À Kidal, Ménaka et Tombouctou, de nouvelles administrations intérimaires ont pris le relai, aux niveaux régional et départemental.  Les transferts de ressources financières et humaines se feront progressivement. 

Sur le volet du développement, a enchainé M. Le Drian, un fonds fiduciaire a été mis en place, une loi créant une zone de développement dans le nord est à l’étude, et la participation des femmes au processus de paix progresse.  Le gouvernement du Premier Ministre Maïga compte 11 femmes, conformément à l’objectif fixé par la législation malienne.  Enfin, les parties dialoguent désormais régulièrement dans la confiance, notamment grâce au nouveau Ministère de la cohésion sociale, de la paix et de la réconciliation nationale.  Il a dit attendre de toutes les parties qu’elles poursuivent leurs efforts.  Le processus DDR doit être mené à son terme, la constitution et le redéploiement des unités reconstituées doit faire l’objet d’un calendrier précis.  La décentralisation doit continuer, à l’issue de consultations inclusives.  Sur le terrain, le développement doit devenir réalité, au service des populations.

Sur ce dernier point, le Ministre a rappelé que la détermination de son pays à agir dans la région, aux côtés de ses partenaires de l’Alliance Sahel, est « totale ».  L’ensemble des parties doivent remplir leurs obligations.  Et s’il le faut, nous sommes résolus à imposer de nouvelles sanctions à l’encontre de ceux qui entraveraient la mise en œuvre de l’Accord.  L’attention du Conseil de sécurité ne faiblira pas, a-t-il assuré, et nous fixerons de nouveaux objectifs concrets de mise en œuvre de l’Accord, fondés sur des critères précis, si possible agréés par toutes les parties maliennes qu’il a par ailleurs invitées à travailler à l’élaboration d’une nouvelle feuille de route. 

Le Ministre a souligné que la MINUSMA a joué un rôle déterminant pour aider les parties maliennes à réaliser ces avancées majeures.  La Mission a entrepris des efforts importants pour s’adapter aux besoins opérationnels sur le terrain et à la dynamique du processus de paix, en sécurisant le lancement du processus DDR dans le nord du Mali.  Elle a également démontré sa réactivité face à la dégradation de la situation sécuritaire dans le centre.  Soyons clairs, a averti M. Le Drian, la responsabilité première de la stabilisation de cette région incombe aux autorités maliennes.  Mais nous devons constater également que la MINUSMA est la seule présence internationale dans cette région et la plus à même d’y soutenir les efforts des autorités maliennes.

La France, avec les soldats de l’opération Barkhane, continuera à l’épauler aussi souvent et aussi longtemps qu’il le faudra, a assuré le Ministre.  Grâce notamment à l’action de stabilisation accomplie par la MINUSMA, l’opération Barkhane peut se consacrer à l’antiterrorisme et lutter contre l’emprise territoriale des groupes armés jihadistes.  Il s’agit d’une mission de longue haleine, ardue.  Mais nous avons déjà obtenu des victoires significatives.  Une dynamique nouvelle s’est amorcée dans la mise en œuvre de l’accord de paix.  Sans l’appui de la MINUSMA, ce processus n’aurait pu s’engager ni ne pourrait se poursuivre.  Aujourd’hui, je suis heureux de pouvoir dire que nous avançons dans la bonne direction, s’est réjoui le Ministre, tout en reconnaissant que la route à parcourir est encore longue. 

M. HEIKO MAAS, Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, a déclaré que le tandem Allemagne-France au Conseil de sécurité entend soutenir le multilatéralisme, y compris à travers la question du Mali.  Il a évoqué son dernier voyage au Mali où il a rencontré des jeunes qui luttent depuis 2013 contre l’extrémisme.  Selon lui, ce sont des femmes et les hommes du Mali qui détiennent la clef de la paix dans le pays.  À leur endroit, il a dit que « le Conseil de sécurité est prêt à vous appuyer », ajoutant que l’Union européenne (UE) est également disposée à poursuivre son programme de formation et d’équipement des forces armées maliennes.  L’Allemagne, pour sa part, s’engage à poursuivre son implication au sein de la MINUSMA dans laquelle le pays compte un contingent.

Le Ministre allemand a ensuite déploré le massacre perpétré la semaine dernière au Mali et a demandé que les auteurs de ces crimes soient traduits en justice.  La coopération régionale dans le Sahel demeure importante, a—t-il souligné, avant de demander que le G5 Sahel renforce son opérationnalité, tout en promettant, ici aussi, le soutien de l’Allemagne et de l’UE.  Il a souligné qu’en dépit des efforts déployés par la MINUSMA, celle-ci ne peut remplacer le processus politique.  Il a cité des réformes engagées dans le pays et a dit que pour que la paix soit pérenne, il importe que les droits de la personne soient respectés; que les structures de l’État soient présentes dans tout le pays; et que les jeunes aient des emplois.  Il a reconnu que c’est une tâche énorme, mais, a-t-il tempéré, la tâche n’est pas insurmontable avec une société civile solide et une jeunesse qui, malgré les difficultés, ont décidé de rester sur place pour bâtir leur pays.  Pour M. Maas, ces jeunes ont besoin et méritent le soutien de la communauté internationale.

M. MARCEL AMON-TANOH, Ministre des affaires étrangères de la Côte d’Ivoire, a souligné que la réussite du processus de paix au Mali est l’affaire de tous et qu’il est indispensable que les acteurs locaux bénéficient du soutien constant de la communauté internationale, notamment des Nations Unies, de l’Union africaine, de la CEDEAO et de l’Observateur indépendant.  Le représentant a réaffirmé sa conviction que l’opérationnalisation de la Force conjointe du G5 Sahel est d’une importance « capitale » pour une lutte efficace contre le terrorisme et la restauration de la paix et de la stabilité dans la sous-région.  Il a donc appelé la communauté internationale à fournir rapidement à cette force les moyens nécessaires à son action et cela passe, a-t-il estimé, par une relecture de l’Accord technique qui définit les modalités de soutien de la MINUSMA à la Force conjointe. 

La Mission de l’ONU, a souligné le représentant, est un maillon essentiel du dispositif sécuritaire actuel au Mali et dans la sous-région.  Elle doit indéniablement bénéficier du soutien constant du Conseil.  Sa complémentarité avec les différentes forces en présence dont les Forces armées maliennes, la Force conjointe, l’opération Barkhane et les missions européennes, constitue un atout considérable dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée dans toute la région.  Quelque 650 soldats ivoiriens devraient d’ailleurs rejoindre les 150 autres dans la Mission.  Plus que jamais, a insisté le représentant, cette Mission a besoin d’un bras séculier régional, doté d’un mandat coercitif dans la lutte contre les groupes terroristes.  C’est le sens de l’appel constant du Président ivoirien pour un engagement fort des grands pays et des Nations Unies au profit du G5 Sahel dont l’action a vocation à s’inscrire dans la durée.  Le représentant a conclu en lançant un appel à l’unité du Conseil, à la mobilisation constante de la communauté internationale autour de la MINUSMA et à un soutien logistique et opérationnel à la Force conjointe, conformément à la résolution 2391 (2017).

M. DAVID HALE, Sous-Secrétaire d’État aux affaires politiques des États-Unis, a déclaré que le Conseil de sécurité doit reconnaître la gravité de la situation sécuritaire au Mali.  Les Casques bleus de la MINUSMA se retrouvent dans un environnement allant bien au-delà des limites du maintien de la paix traditionnel et sont systématiquement et résolument attaqués par des extrémistes « mobiles, intelligents, bien organisés et qui ne veulent pas renoncer ».  La MINUSMA, a-t-il rappelé, est l’opération onusienne « la plus dangereuse au monde » et a fait un nombre de victimes « sans précédent ».  Cette violence, ainsi que la hausse de la violence intercommunautaire et interethnique, en particulier dans le centre du Mali, s’accompagnent d’un « manque inacceptable » de progrès dans la mise en œuvre de l’accord d’Alger.

Le rapport en date du 5 mars faisait état de certains progrès en matière de DDR et du bon déroulement de l’élection présidentielle de 2018 au Mali.  « Cependant, nous avons été déçus qu’il ne fournisse pas d’évaluation claire de l’absence de progrès significatifs sur tous les points restants.  Cette lacune contraste avec le rapport de l’Observateur indépendant, qui reconnaissait les progrès préliminaires mais tirait la sonnette d’alarme sur le manque de volonté politique pour mettre en œuvre l’Accord, seul un des sept objectifs ayant été complètement atteint, selon la délégation américaine.  « Nous nous attendons à voir progresser les mesures en suspens avant que le Conseil de sécurité ne négocie la prorogation du mandat de la MINUSMA en juin », a-t-elle mis en garde, en faisant part de trois domaines prioritaires d’action.

Premièrement, le Mali devrait élargir l’inclusivité du processus de réforme constitutionnelle, pour garantir un référendum constitutionnel légitime, en associant les groupes armés, l’opposition et la société civile.  Deuxièmement, a poursuivi le haut fonctionnaire, les parties à l’accord d’Alger devraient accélérer l’intégration, la formation et le déploiement des combattants participant au programme de DDR dans le nord du Mali.  « Troisièmement, le Gouvernement malien devrait codifier juridiquement la zone de développement du nord et fournir davantage de ressources aux administrations intérimaires de cette région.  Il devrait en outre veiller à ce que les administrations intérimaires ne soient pas simplement des présences symboliques, mais puissent effectivement fournir des services », a insisté M. Hale.

La MINUSMA ne peut pas combler le vide alors que le Gouvernement et les parties à l’accord d’Alger ne parviennent pas à faire avancer la mise en œuvre de l’Accord pour la paix.  Ce Conseil a tenté pendant six ans de faire en sorte que la Mission puisse fonctionner de manière optimale et minimiser les risques pour les soldats de la paix.  « L’incapacité des parties à faire des progrès significatifs après la signature de l’Accord pour la paix a nui à la capacité de la Mission de mettre en œuvre son mandat », a accusé le Sous-Secrétaire d’État.  « Cette carence a accru les risques de terrorisme pour les civils, les soldats de la paix et les forces nationales et internationales face à la propagation de la violence communautaire dans la région.  Malgré certains progrès réalisés au cours des derniers mois et après des progrès modestes au cours des années précédentes, il est temps de déterminer si une mission de maintien de la paix dans un tel environnement constitue la solution appropriée ou efficace au problème posé. »

Le Sous-Secrétaire d’État a donc demandé au Secrétaire général de présenter au Conseil de sécurité des options pour permettre une adaptation « significative » de la MINUSMA, et ce, dans la perspective de la négociation de son mandat prévu au mois de juin.  Six des sept jalons n’ont pas été achevés et la plupart n’ont été l’objet d’aucun progrès significatif, a-t-il noté.

Il l’a également appelé à formuler un plan qui permette à la MINUSMA de s’attaquer à l’environnement sécuritaire et antiterroriste, de protéger le personnel et d’appuyer les progrès politiques plus efficacement qu’aujourd’hui.  « Il devrait inclure des options pour une adaptation significative, afin que le Conseil puisse réfléchir à la meilleure façon de progresser dans un environnement aussi précaire.  Ce plan devrait définir des options pour remédier à la grande instabilité qui règne dans le centre du Mali », a-t-il estimé.

Pour Lord TARIQ AHMAD DE WIMBLEDOM, Ministre d’État pour le Commonwealth et les Nations Unies du Royaume-Uni, davantage de choses restent à faire pour que le Mali arrive à une paix pérenne.  Il faut donc lancer des réformes profondes, dans des domaines tels que la réforme constitutionnelle, l’économie, la sécurité ou encore la participation des femmes à la vie publique.  Il a salué l’annonce d’un référendum constitutionnel prévu fin juin prochain, avant de demander au Gouvernement de fournir des assurances sur sa volonté de mettre en œuvre les programmes de développement ciblant le centre du pays. 

Le Ministre a souhaité que la MINUSMA soit dotée d’un mandat comportant des tâches clairement définies pour son travail dans le nord du Mali.  Il a aussi rappelé que la Mission avait connu des résultats appréciables quand avait été mise à contribution l’approche des bons offices pour négocier l’Accord pour la paix.  Sur le plan militaire, le Ministre a estimé que la Mission consacre trop d’argent pour la protection de son personnel au lieu de protéger la population.  Il a également souligné que la MINUSMA ne saurait être une solution permanente, mais plutôt un moyen devant permettre de parvenir à une paix durable au Mali.  Il a par ailleurs fait observer que l’impact de la situation au Mali se fait également ressentir en Europe.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a dénoncé les forces déstabilisatrices qui agissent au Mali.  Il a dit qu’il partageait, dans l’ensemble, l’évaluation par le Secrétaire général de la situation dans ce pays, souhaitant que la dynamique positive actuelle en ce qui concerne la reconstitution des Forces de défense et de sécurité, et les réformes institutionnelles se poursuivent.  Le représentant a vivement espéré que les élections législatives et le référendum constitutionnel prévus le 9 juin se tiendraient comme prévu.  Si nous reconnaissons les avancées positives indéniables, nous ne pouvons fermer les yeux sur d’autres aspects moins encourageants, en particulier le nombre d’attaques terroristes commises dans le centre et le nord du Mali, où la présence de l’État est insuffisante, a déclaré la délégation.  Ces mouvements extrémistes manipulent habilement les antagonismes existants, a-t-elle constaté.  Le représentant s’est dit particulièrement préoccupé par la détérioration de la situation humanitaire.  Dans cette situation désespérée, il serait fondamental d’accélérer le rétablissement des services sociaux dans le centre et le nord du Mali.  Mais régler les problèmes du pays sans tenir compte du contexte régional serait vain, a prévenu M. Polyanskiy, qui a rappelé que le facteur libyen pèse lourdement sur la situation actuelle. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a salué la détermination du Président malien et de son gouvernement à réviser la Constitution et a invité toutes les parties prenantes maliennes à prendre part à ce processus.  En dépit de certains progrès, la Pologne déplore que plusieurs aspects de l’Accord pour la paix et la réconciliation restent encore lettre morte.  La déléguée a aussi dit être préoccupée par la montée de la violence au Mali, évoquant ainsi le massacre du week-end dernier.  Elle a condamné ces attaques ciblant les civils et a demandé que les auteurs de telles attaques répondent de leurs actes. 

La MINUSMA joue un rôle critique, a-t-elle noté, avant de souligner que la récente visite du Conseil de sécurité au Mali a permis de constater la fragilité de la situation sécuritaire.  Elle s’est aussi inquiétée des violations des droits de l’homme dans le pays, appelant à ce que les auteurs de ces actes de haine soient traduits en justice.  La situation humanitaire se détériore également, a noté la représentante qui a conclu qu’il ne fait aucun doute que la paix et la stabilité au Mali restent essentielles pour la paix dans toute la région.  Mais les Maliens seuls ne peuvent arriver à cette fin, a-t-elle argué. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a déclaré que la mise en œuvre intégrale de l’Accord pour la paix et la réconciliation par ses signataires doit demeurer une priorité.  Or, en dépit des progrès déjà accomplis sur certains aspects de cet accord, il reste beaucoup à faire, notamment pour faire avancer la réforme constitutionnelle et tenir dans les délais impartis les élections législatives à venir.  Le représentant s’est ensuite désolé de l’attaque meurtrière qui a fait au moins 160 morts dans un village près de Mopti.  Il faut continuer d’œuvrer à éliminer les inégalités économiques, qui sont un facteur de conflit, a préconisé le représentant, avant de se déclarer favorable à la participation accrue des femmes et des jeunes dans l’application de l’accord de paix. 

M. MA ZHAOXU (Chine) s’est inquiété de la détérioration de la situation sécuritaire dans le nord du pays et a invité la communauté internationale à poursuivre son appui au pays.  La Chine espère que toutes les parties à l’Accord pour la paix et la réconciliation s’engageront pour la construction du pays, une tâche pour laquelle la délégation invite la communauté internationale à contribuer.

La Chine souhaite que le régime de sanctions du Conseil de sécurité pour le Mali respecte et tienne compte du contexte politique national.  Pour le représentant, il faut aider le Gouvernement dans sa volonté de renforcement des capacités nationales en vue de lutter contre le terrorisme.

La paix au Mali étant liée à la situation globale de la région, la Chine prône une approche holistique de la communauté internationale, saluant à ce propos le rôle du G5 Sahel et le soutien de l’ONU à cette initiative.  En outre, la Chine est d’avis qu’il faut cibler les problèmes de développement afin de résoudre les causes profondes du conflit dans le pays.  La Chine entend poursuivre sa contribution à la MINUSMA, tout en rappelant que la réalisation de son mandat est essentielle pour la stabilité du Mali et de toute la région.  Il a aussi souhaité que la Mission prenne des mesures pour renforcer la sécurité de son personnel.  

Mme AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) a encouragé la tenue de consultations sans exclusive avec les partenaires nationaux et internationaux afin de trouver une solution à la crise au Mali.  En dépit d’une mobilisation et d’un appui constant de la communauté internationale, la situation sécuritaire demeure extrêmement préoccupante à travers le pays, comme en témoigne la multiplication des attaques perpétrées contre les civils et les Casques bleus de l’ONU, a constaté la représentante.  À la lumière des récents évènements, elle a estimé qu’une mobilisation est plus que jamais nécessaire, à l’appui d’une approche « géostratégique » qui tienne compte des mécanismes régionaux, si l’on veut espérer une amélioration de la situation.  Face à ce « tableau décourageant », il est indispensable que les groupes signataires et le Gouvernement se hâtent en vue d’assurer la mise en œuvre pleine de l’Accord pour la paix et la réconciliation.  Par ailleurs, pour maîtriser les conditions de sécurité au Mali, il faut que les acteurs politiques veillent en permanence à ne pas créer un climat de guerre civile et que les milices soient désarmées.  Les autorités nationales devront pour cela déployer les forces de sécurité dans les localités les plus reculées du pays, a préconisé Mme Mele Colifa.  Elle a ensuite exhorté l’ensemble des parties à appuyer activement toutes les initiatives visant à promouvoir la réconciliation.

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a fait part de sa préoccupation à la suite du massacre de civils dans la région de Mopti le weekend dernier.  L’Afrique du Sud appelle le Conseil de sécurité, la MINUSMA et le G5 Sahel à aider à prévenir davantage de massacres et les mutilations systématiques d’innocents civils, tout comme la montée de la criminalité transnationale organisée, autant de facteurs qui pourraient inverser les avancées réalisées dans le cadre du processus politique. 

L’Afrique du Sud rappelle qu’il revient aux parties maliennes d’assurer le succès de l’Accord pour la paix signé à Alger pour que le pays s’engage dans une période de paix, de stabilité et de prospérité durables.  Le représentant a indiqué que la stabilité du Mali est cruciale pour permettre au pays de réaliser l’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA).  Il a félicité le Gouvernement malien pour avoir respecté le quota de 30% de femmes en son sein. 

M. Matjila a par ailleurs jugé important d’accorder une grande importance aux causes ayant prévalues à la montée du terrorisme et de l’extrémisme violent.  Il a souligné aussi l’importance d’une coordination régionale et internationale dans la lutte contre ces deux fléaux qui constituent une menace pour la paix au Mali et dans l’ensemble du Sahel.  L’Afrique du Sud appuie donc un soutien accru de la MINUSMA au G5 Sahel, tout en plaidant pour un soutien aux efforts du Gouvernement dans leur volonté de renforcer la présence de l’administration dans l’ensemble du territoire malien, notamment le nord du pays. 

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a indiqué que la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation n’a pas progressé comme espéré, détruisant petit à petit les espoirs suscités lors de sa signature.  La violence s’est étendue au centre du Mali, et même dans la sous-région, comme au Burkina Faso.  S’agissant du processus de réforme constitutionnelle, il a indiqué qu’il vaut mieux investir du temps et privilégier un résultat solide plutôt que d’imposer des dates butoirs arbitraires.  Il a insisté sur le rôle critique des femmes dans la mise en œuvre de l’Accord.  Le délégué a estimé que l’ensemble des mesures du Conseil de sécurité doivent pouvoir être utilisées contre ceux qui font obstacle à la paix.  Des sanctions ont été prises et ce Conseil devrait être prêt à en prendre de nouvelles si nécessaire, a-t-il estimé. 

Le représentant s’est dit inquiet de la spirale de violence découlant des violences intercommunautaires dans un pays tel que le Mali, « terre historique de mixité et de cohabitation pacifique entre ethnies ».  Le futur mandat de la MINUSMA, a-t-il estimé, devrait renforcer l’attention portée à la protection des civils, y compris au centre et notamment en appui aux autorités.  La solution ne peut pas être que sécuritaire, bien que celle-ci soit indispensable.  Enfin, il a plaidé pour la poursuite d’une coopération étroite entre la MINUSMA avec les autres présences sécuritaires, notamment l’opération Barkhane et la Force conjointe du G5 Sahel. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a demandé aux autorités du Mali de conduire une enquête sur le massacre perpétré le week-end dernier près de Mopti.  Il a rappelé que, lors de la dernière séance du Conseil de sécurité sur le Mali, en janvier, sa délégation s’était félicitée des progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation.  Mais il a constaté qu’il restait encore beaucoup à faire, prévenant que tout retard supplémentaire prolongerait la crise et enhardirait les groupes terroristes dans la poursuite de leurs opérations.  Le représentant a souligné l’importance de l’appropriation nationale dans le cadre de l’application de l’Accord.  En ce qui concerne le désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), M. Alotaibi s’est félicité des mesures prises jusqu’à présent pour réformer le secteur de la sécurité, tout en observant que les parties doivent s’accorder sur le nombre de combattants démobilisés qui pourraient intégrer les forces nationales.

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a salué la mise en œuvre de certains dispositifs de l’Accord pour la paix et la réconciliation, tout en regrettant la lenteur dans la mise en œuvre de certains autres éléments, comme la réforme du secteur de la sécurité et les programmes de développement du Nord du pays.  Il s’est aussi préoccupé de la recrudescence de la violence ciblant les civils, les forces de sécurité et la MINUSMA.  Le représentant a par ailleurs salué les efforts des autorités pour impliquer davantage de femmes à des postes décisionnels, souhaitant par ailleurs que les jeunes participent davantage au processus de paix au Mali. 

La République dominicaine souligne aussi les effets néfastes des changements climatiques, notamment l’insécurité alimentaire et la rareté des ressources hydriques.  Le représentant a appelé le Conseil à travailler de concert avec le Gouvernement malien afin d’établir un plan de vulnérabilité et prévoir des actions pour atténuer l’impact des chocs climatiques.  Selon la délégation, venir à bout des problèmes du Mali implique donc une approche holistique tenant compte des facteurs climatiques et favorisant l’implication de toutes les parties prenantes nationales, notamment les femmes et les jeunes. 

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a commencé par saluer les progrès déjà accomplis au Mali dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, s’agissant notamment de la mise en place continue des autorités intérimaires, et du processus de désarmement, démobilisation, et réintégration.  Mais il a évoqué aussi les domaines dans lesquels les avancées demeurent insuffisantes, dont la réforme constitutionnelle, la reconstitution et le redéploiement des Forces de défense et de sécurité, ainsi que l’établissement de la zone de développement dans le nord du pays.  Par ailleurs, le représentant s’est dit préoccupé par la situation sécuritaire et humanitaire, en particulier dans le nord et le centre du Mali, d’où la nécessité pour sa délégation de renforcer les capacités de la MINUSMA ainsi que les lois maliennes pertinentes.  Selon l’Indonésie, les progrès obtenus devraient se traduire par l’amélioration des conditions de vie de la population malienne.  Par conséquent, à l’approche de la prorogation de son mandat, la reconfiguration future de la Mission devrait prendre en considération les derniers développements en date, en vue de prévenir une aggravation de la situation. 

M. SOUMEYLOU BOUBÈYE MAÏGA, Premier Ministre du Mali, a rendu compte des progrès réalisés par son gouvernement six mois après que, dans sa prestation de serment, le Président a pris l’engagement de maintenir résolument le Mali sur la voie de sortie de crise.  Depuis sa mise en place, le Gouvernement a accéléré la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, notamment en ce qui concerne les réformes institutionnelles et la mise en œuvre des arrangements sécuritaires.  À cet égard, le Chef de l’État a instruit son gouvernement d’engager un processus consensuel et inclusif de révision constitutionnelle et de réformes institutionnelles.  Le processus, qui doit aboutir à l’adoption d’une nouvelle constitution par référendum, a débuté avec l’installation d’un Comité d’experts qui a commencé ses travaux le 16 février dernier.  En soutien au Comité, le Gouvernement a mis sur pied un Cadre de concertation national qui intègre les partis politiques, les mouvements signataires et associés et les organisations de la société civile.  Enfin, pour renforcer le caractère consensuel de la révision constitutionnelle, le Président a initié des rencontres avec tous les leaders de la majorité et de l’opposition.

En même temps qu’il conduit les réformes constitutionnelles et institutionnelles, le Gouvernement accélère la mise en œuvre du processus de décentralisation et de régionalisation, a poursuivi le Premier Ministre en donnant quelques détails.  Mais ces acquis, a-t-il reconnu, ne sauraient faire perdre de vue l’extrême volatilité de l’environnement sécuritaire dans lequel s’exerce l’action des autorités maliennes: les groupes terroristes suscitent, entretiennent et exacerbent les violences intercommunautaires en ressuscitant des litiges anciens et quelques rivalités séculaires.  Pour contrer les nouvelles menaces, le Gouvernement a mis en place un Plan de sécurisation intégrée des régions du centre (PSIRC) et lancé, dès le 6 novembre 2018, le processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) à Gao, Tombouctou et Kidal.  Par ailleurs, les Forces de défense et de sécurité maliennes continuent de renforcer leurs capacités tout en accentuant leur déploiement dans le nord.  Le Gouvernement a aussi décidé de la création d’un corps de gardes frontière pour mieux surveiller les sept frontières du pays. 

Le Premier Ministre a constaté que les évènements d’Ogossagou et de Dioura ont suscité dans le monde entier une « impressionnante » vague de compassion et de solidarité.  Il en a profité pour souligner « avec force » l’importance que toutes les parties maliennes attachent au maintien de la MINUSMA et au renforcement de ses capacités.  Les initiatives visant à baisser le budget, à réduire ou à reconfigurer le mandat, pourraient remettre en cause « des acquis fragiles », a averti le Premier Ministre.  La pérennisation des avancées dans l’Accord pour la paix et la réconciliation nécessite tout le soutien de la MINUSMA qui, a-t-il insisté, joue un rôle essentiel en soutien à l’opération Barkhane ou à la Force conjointe du G5 Sahel dont elle est « le complément indispensable ». 

Le Premier Ministre n’a pas oublié de réitérer l’appel des chefs d’État du G5 Sahel pour un financement prévisible et pérenne des activités de la Force conjointe.  Il a jugé important que les nouvelles initiatives à envisager avec l’implication accrue de la communauté internationale ne se substituent pas aux actions déjà menées par la MINUSMA et le G5 Sahel, ni qu’elles ne fassent double emploi.  Le but recherché, a-t-il rappelé, est de mettre en place avec la CEDEAO des arrangements et des articulations qui, par leur flexibilité et leur efficacité, renforcent la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée. 

Sept ans après le début de la crise, a conclu le Premier Ministre, le Mali est redevenu une nation debout, les jihadistes ont reflué, la situation sécuritaire est globalement apaisée, un accord de paix historique a été signé et le processus de consolidation de l’État se poursuit.  Mais, a-t-il prévenu, la situation reste tout de même « particulièrement préoccupante »: la menace jihadiste perdure, notamment dans le centre, la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation reste lente et fragile, « trop fragile pour que la communauté internationale se retire ». 

Le Mali est à la croisée des chemins: l’enracinement de la paix et le développement socioéconomique ou le grand bond en arrière aux plans politique et sécuritaire.  Dès lors, tout mouvement de retrait de la MINUSMA serait interprété comme un signe de faiblesse par les ennemis communs et comportera le risque d’engendrer un coup d’arrêt fatal à la mise en œuvre « déjà laborieuse et complexe » de l’Accord, a prévenu le Premier Ministre. 

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