8510e séance – matin 
CS/13777

Haïti: le Conseil de sécurité proroge, pour une période finale de six mois, le mandat de la MINUJUSTH, et demande au Secrétaire général de planifier l’après

Conscient que Haïti continue à se heurter à d’importantes difficultés, le Conseil de sécurité a, ce matin, prorogé le mandat de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) pour une période finale de six mois, jusqu’au 15 octobre 2019. 

En adoptant la résolution 2466 (2019) par 13 voix pour et 2 abstentions (Fédération de Russie et République dominicaine), le Conseil, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, prie le Secrétaire général d’entamer la planification nécessaire en vue d’une présence intégrée appropriée du système des Nations Unies en Haïti, y compris une mission politique spéciale, à compter du 16 octobre 2019.

Aux termes de la résolution, cette mission politique spéciale serait dotée « de la capacité et de la compétence requises pour coordonner les activités des organismes, fonds et programmes des Nations Unies, coopérer avec la communauté des donateurs et continuer à soutenir les efforts du Gouvernement haïtien en vue de la consolidation de la paix et du développement à long terme, après le retrait de la MINUJUSTH ».

Dans cette perspective, le Secrétaire général est prié de préparer et d’entamer le retrait graduel et échelonné du personnel de la MINUJUSTH avant le 15 octobre 2019, afin d’assurer une transition sans heurt.  Il devra également présenter au Conseil, avant le 12 mai prochain, un rapport concernant les détails opérationnels de la mission politique spéciale proposée.

La résolution souligne à quel point il est urgent que le Gouvernement haïtien prenne les mesures voulues pour assurer le respect et la protection des droits de l’homme par la Police nationale d’Haïti et l’appareil judiciaire en tant qu’élément essentiel de la stabilité du pays, avec le soutien de la MINUJUSTH.  La Mission est autorisée à user de tous les moyens nécessaires en vue d’appuyer et de renforcer la Police nationale d’Haïti et à protéger les civils menacés de violences physiques imminentes.

Les États-Unis, la délégation porte-plume de ce texte, se sont dits impatients de connaître les modalités proposées par le Secrétaire général pour la mission politique spéciale qui prendra le relais de la MINUJUSTH, comme d’ailleurs le Pérou.  La France a considéré qu’avec ce dernier renouvellement de mandat, « ce n’est pas seulement une page qui se tourne dans la relation entre les Nations Unies et Haïti: il s’agit bien d’ouvrir un nouveau chapitre ».

La Fédération de Russie, en revanche, s’est demandé pourquoi on avait choisi une « ligne dure » en plaçant le texte de la résolution sous l’empire du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui autorise l’usage de la force.  C’est la raison pour laquelle elle s’est abstenue, a expliqué la délégation, qui a rappelé que, de l’avis des autres membres du Conseil et du Secrétaire général, le Gouvernement haïtien et la Police nationale pourraient pleinement assumer la responsabilité de maintenir la sécurité dans le pays. 

Autre motif de désaccord pour la Fédération de Russie: la mise en œuvre des stratégies de consolidation et de pérennisation de la paix par le Gouvernement haïtien, qui reste inachevée et à propos de laquelle les discussions doivent se poursuivre.  À sa suite, la Chine a estimé que les membres du Conseil auraient dû tenir davantage de consultations pour « aplanir les divergences » autour de la résolution.  Aussi a-t-elle espéré qu’ils présenteront un front uni dans leurs discussions à venir autour de la future mission politique spéciale.

Répondant aux préoccupations russes concernant le Chapitre VII de la Charte, l’Allemagne a souligné que le respect des droits de l’homme relève à juste titre du mandat de la MINUJUTH.  En outre, Haïti est l’un des pays les plus vulnérables aux changements climatiques et aux catastrophes naturelles, a fait valoir la délégation pour justifier le mandat de la présence onusienne à venir qui doit être en mesure d’aider les autorités haïtiennes.

Enfin, la République dominicaine a fait remarquer que le retrait de la MINUSJUSTH coïncidera avec la tenue d’élections en Haïti.  La tâche du Conseil a-t-elle résumé, est de veiller à ce que la transition se déroule dans le meilleur intérêt du peuple haïtien.

LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI (S/2019/198)

Texte du projet de résolution (S/2019/311)

Le Conseil de sécurité,

Réaffirmant ses résolutions antérieures sur Haïti, en particulier ses résolutions 2410 (2018), 2350 (2017), 2313 (2016), 2243 (2015), 2180 (2014), 2119 (2013), 2070 (2012), 2012 (2011), 1944 (2010), 1927 (2010), 1908 (2010), 1892 (2009), 1840 (2008), 1780 (2007), 1743 (2007), 1702 (2006), 1658 (2006), 1608 (2005), 1601 (2005), 1576 (2004), 1529 (2004) et 1542 (2004),

Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité d’Haïti,

Notant le rôle que joue la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) en aidant tous les services du Gouvernement haïtien à renforcer les institutions de l’état de droit, notamment à développer la Police nationale d’Haïti afin qu’elle améliore les conditions de sécurité en Haïti, et à suivre la situation en matière de droits de l’homme, à en rendre compte et à l’analyser,

Rappelant sa résolution 2410 (2018), dans laquelle il a salué la stratégie de sortie sur deux ans de la MINUJUSTH assortie d’objectifs et définissant le passage à une présence des Nations Unies autre qu’une opération de maintien de la paix en Haïti en octobre 2019,

Accueillant avec satisfaction le rapport du Secrétaire général en date du 1er mars 2019 (S/2019/198) et sa recommandation tendant à ce qu’une mission politique spéciale prenne le relais de la MINUJUSTH à compter du 16 octobre 2019, et notant que le constat fait dans le rapport que la fin envisagée de la présence de maintien de la paix des Nations Unies en Haïti selon le calendrier prévu témoigne des résultats obtenus à ce jour par Haïti,

Prenant note des conclusions du rapport sur l’augmentation des moyens, du personnel d’encadrement et des opérations de prévention de la criminalité de la Police nationale d’Haïti, et soulignant combien il importe que le Gouvernement haïtien et ses partenaires internationaux et régionaux, dont l’Organisation des Nations Unies, apportent leur appui au Plan de développement stratégique de la Police nationale d’Haïti pour 2017-2021,

Conscient que Haïti continue à se heurter à d’importantes difficultés, affirmant que la poursuite des progrès dans la reconstruction du pays et son développement économique, politique et social sont essentiels pour parvenir à une stabilité durable, et notant qu’il importe de fournir à Haïti une aide internationale au développement efficace et coordonnée et de renforcer les moyens dont disposent ses institutions à cet égard,

Rappelant ses résolutions 1645 (2005) et 2282 (2016) et réaffirmant qu’il incombe au premier chef au Gouvernement haïtien de mettre en œuvre des stratégies de consolidation de de pérennisation de la paix, soulignant l’importance de l’appropriation nationale, de l’inclusion et du rôle positif que la société civile peut jouer dans la promotion des processus et des objectifs nationaux de consolidation de la paix, et soulignant également à cet égard l’importance du rôle d’appui que la Commission de consolidation de la paix peut jouer à l’appui de l’action commune que mènent le Gouvernement haïtien et la MINUJUSTH pour lutter contre la violence des bandes et son impact sur les populations et pour promouvoir une sécurité et une stabilité durables,

Réaffirmant qu’il encourage la MINUJUSTH, agissant en coopération avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et les acteurs internationaux compétents, à continuer d’aider le Gouvernement à combattre efficacement la traite des êtres humains, conformément à la résolution 2388 (2017), ainsi que les autres formes de criminalité transnationale organisée, à savoir les trafics de stupéfiants et d’armes en Haïti, conformément au droit international,

Rappelant la résolution 71/161 de l’Assemblée générale relative à la Nouvelle stratégie de lutte contre le choléra en Haïti de l’Organisation des Nations Unies, notant que le nombre des cas présumés de choléra continue de diminuer et réaffirmant qu’il importe que la communauté internationale continue d’appuyer l’action menée par l’ONU pour lutter contre le choléra en Haïti,

Rappelant sa résolution 2378 (2017), dans laquelle il avait prié le Secrétaire général de veiller à ce que les données relatives à l’efficacité des opérations de maintien de la paix, y compris celles portant sur l’exécution de ces opérations, soient utilisées pour améliorer l’analyse et l’évaluation des opérations des missions sur la base de critères précis et bien définis, et rappelant également sa résolution 2436 (2018), dans laquelle il avait prié le Secrétaire général de veiller à ce que soient prises sur la base de mesures objectives de la performance les décisions visant à reconnaître l’excellence des performances ou à inciter à l’excellence et les décisions ayant trait aux déploiements, à la remédiation, à la formation, au gel des remboursements et au rapatriement de personnel en tenue ou au renvoi de personnel civil,

Se déclarant préoccupé par l’augmentation récente de la violence en bande, et soulignant qu’il importe de s’attaquer à ce type de violence et à ses causes profondes d’une manière globale, notamment par le renforcement de l’état de droit, des politiques et mesures socioéconomiques, des programmes de réduction de la violence et la gestion des armes et des munitions,

Reconnaissant qu’il est essentiel, aux fins de la promotion de l’état de droit, du renforcement des institutions démocratiques et de la sécurité en Haïti par le Gouvernement haïtien, de renforcer les institutions nationales des droits de l’homme, notamment en faisant respecter le droit à un procès équitable, en facilitant l’accès à la justice, en mobilisant la population, en luttant contre la corruption et l’impunité, en luttant contre la criminalité et la violence sexuelle et sexiste, en favorisant l’autonomisation des femmes et leur participation à la vie politique, en appliquant le principe de responsabilité et en faisant respecter les droits de la personne, y compris ceux des femmes et des enfants, et reconnaissant également que le recours aux mesures de confiance, à la facilitation, à la médiation et à la mobilisation de la population, selon qu’il convient, peut aider à renforcer l’efficacité de la Mission dans l’exécution de son mandat,

Conscient que la Charte des Nations Unies lui confie la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales,

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1.    Décide de proroger le mandat de la MINUJUSTH pour une période finale de six mois, jusqu’au 15 octobre 2019;

2.    Prie le Secrétaire général d’entamer la planification nécessaire en vue d’une présence intégrée appropriée du système des Nations Unies en Haïti, y compris une mission politique spéciale, comme celui-ci l’a recommandé aux paragraphes 71 à 82 de son dernier rapport et à compter du 16 octobre 2019, laquelle serait dotée de la capacité et de la compétence requises pour coordonner les activités des organismes, fonds et programmes des Nations Unies, coopérer avec la communauté des donateurs et continuer à soutenir les efforts du Gouvernement haïtien en vue de la consolidation de la paix et du développement à long terme, après le retrait de la MINUJUSTH; et prie également le Secrétaire général de préparer et d’entamer le retrait graduel et échelonné du personnel de la MINUJUSTH avant le 15 octobre 2019, selon qu’il convient, afin d’assurer une transition sans heurt;

3.    Prie le Secrétaire général de lui présenter dans les 30 jours suivant l’adoption de la présente résolution, pour examen et autorisation ultérieure, un rapport concernant les détails opérationnels de la mission politique spéciale proposée, y compris ses objectifs précis et des informations concernant son déploiement proposé, sa dotation en personnel et sa structure; et prie également le Secrétaire général d’entamer la planification et la gestion de la transition dans le respect des politiques, des directives et des pratiques optimales de l’Organisation des Nations Unies;

4.    Préconise une coordination étroite entre la MINUJUSTH et l’équipe de pays des Nations Unies en Haïti pour assurer sans heurt la transition d’une présence de maintien de la paix des Nations Unies;

5.    Prie le Secrétaire général de lui rendre compte, dans des rapports qu’il lui présentera tous les 90 jours à partir du 12 avril 2019, de l’application de la présente résolution, y compris des éventuels cas de non-exécution du mandat et des mesures prises pour y remédier;

6.    Encourage le Gouvernement haïtien et la MINUJUSTH à continuer de collaborer en vue d’atteindre les objectifs définis dans les critères de la stratégie de sortie sur deux ans et souligne à quel point il est urgent que le Gouvernement haïtien prenne les mesures voulues pour assurer le respect et la protection des droits de l’homme par la Police nationale d’Haïti et l’appareil judiciaire en tant qu’élément essentiel de la stabilité du pays, et demande à la MINUJUSTH d’assurer un suivi et de fournir un appui dans le cadre de son mandat à cet égard;

7.    Prie le Représentant spécial du Secrétaire général de continuer à jouer un rôle de bons offices et de sensibilisation politique aux fins de la bonne exécution du mandat, y compris par l’élaboration, en étroite coordination avec le Gouvernement haïtien, d’une stratégie visant à résoudre les problèmes politiques afin d’avancer sur la voie de l’établissement d’un état de droit et de créer une dynamique de progrès systématique;

8.    Demande instamment au Représentant spécial du Secrétaire général et à la MINUJUSTH de travailler en étroite coordination avec le Gouvernement haïtien et prie instamment ce dernier de continuer à faciliter le mandat et les opérations de la Mission;

9.    Autorise la MINUJUSTH à user de tous les moyens nécessaires pour s’acquitter de son mandat en vue d’appuyer et de renforcer la Police nationale d’Haïti;

10.   Autorise également la MINUJUSTH à protéger les civils menacés de violences physiques imminentes, dans la limite de ses moyens et de ses zones de déploiement, s’il y a lieu;

11.   Prie le Secrétaire général de veiller à ce que la MINUJUSTH conserve les moyens, notamment médicaux et aériens, dont elle a besoin pour pouvoir déployer rapidement des forces de sécurité dans tout le pays à l’appui de la Police nationale d’Haïti;

12.   Réaffirme qu’il importe que la MINUJUSTH prenne pleinement en compte la question transversale du genre dans l’ensemble de ses activités et aide le Gouvernement haïtien à assurer la participation pleine et effective, l’implication et la représentation des femmes à tous les niveaux, et réaffirme également l’importance des compétences en matière de genre et du renforcement des capacités s’agissant d’exécuter le mandat de la Mission en tenant compte de la problématique femmes-hommes;

13.   Se félicite des initiatives lancées par le Secrétaire général pour instituer une culture de la performance dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, et se déclare de nouveau favorable à l’élaboration d’un dispositif de gestion de la performance complet et intégré qui définisse des normes de performance claires pour l’évaluation de l’ensemble du personnel civil et en uniforme des Nations Unies qui travaille dans les opérations de maintien de la paix ou les appuie, qui permette la bonne et pleine exécution des mandats, qui prévoie des méthodes complètes et objectives fondées sur des critères précis et bien définis pour sanctionner les résultats insuffisants et récompenser ou reconnaître les résultats exceptionnels, et lui demande de l’appliquer à la MINUJUSTH comme indiqué dans la résolution 2436 (2018);

14.   Rappelle sa résolution 2272 (2016) et toutes les autres résolutions des Nations Unies pertinentes, prie le Secrétaire général de continuer de prendre toutes les mesures nécessaires pour que l’ensemble du personnel de la MINUJUSTH observe scrupuleusement la politique de tolérance zéro de l’Organisation des Nations Unies à l’égard de l’exploitation et des atteintes sexuelles et de le tenir informé à ce sujet, et exhorte les pays qui fournissent des contingents et du personnel de police à redoubler d’efforts pour prévenir les comportements répréhensibles et à veiller à ce que tous les cas dans lesquels leur personnel serait impliqué fassent l’objet d’enquêtes crédibles et transparentes et à ce que les personnes responsables soient sanctionnées;

15.   Décide de rester activement saisi de la question.

 

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