8541e séance – matin   
CS/13833

Conseil de sécurité: les relations entre Pristina et Belgrade toujours sous haute tension, affirme le Représentant spécial pour le Kosovo

Vingt ans après l’adoption de la résolution 1244 (1999), le Représentant spécial pour le Kosovo a fait état aujourd’hui d’une situation « fragile », marquée par l’impasse du dialogue entre Pristina et Belgrade.  M. Zahir Tanin a prévenu le Conseil de sécurité que l’absence d’un processus d’engagement véritable entre les deux parties pourrait se solder par des « revers ».

« Je les appelle donc à assumer la responsabilité de réaliser les objectifs de normalisation et à contribuer non seulement à une stabilité plus durable, mais aussi à une prospérité croissante de la région », a exhorté le haut fonctionnaire, qui est également Chef de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK).

Venu présenter le dernier rapport du Secrétaire général sur les activités de la Mission entre le 16 janvier et le 15 mai 2019, M. Tanin a expliqué que le dialogue entre Pristina et Belgrade, facilité par l’Union européenne, est bloqué depuis novembre 2018, date à laquelle les autorités kosovares ont décidé d’imposer une taxe de 100% sur les importations de Serbie et de Bosnie-Herzégovine, « en réaction à ce qu’elles ont perçu comme des tentatives de Belgrade d’affaiblir la position du Kosovo sur la scène internationale ».

Une décision de nouveau largement condamnée parmi les membres du Conseil de sécurité, qui ont demandé la levée de cette mesure de nature à porter atteinte aux chances du Kosovo et de la Serbie de normaliser leurs relations commerciales et diplomatiques.  « La position défendue par Belgrade, c’est que la levée de cette taxe est une condition minimale à la reprise du dialogue », a expliqué le Représentant spécial.

M. Tanin a toutefois rappelé que, le 29 avril, les dirigeants de Pristina et de Belgrade ont participé à une réunion des dirigeants des Balkans occidentaux organisée à Berlin par la Chancelière allemande et le Président français.  Ils ont également accepté de participer à une réunion de suivi qui doit se tenir au début du mois de juillet à Paris, et dans laquelle la Belgique et la France ont placé leurs espoirs.  L’enjeu est désormais d’aboutir à la conclusion d’un accord global et juridiquement contraignant entre les deux parties, a souligné la France.  L’avenir européen de la Serbie et du Kosovo dépend en grande partie de la conclusion d’un tel accord, a-t-elle prévenu.

Le Premier Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la Serbie, M. Ivica Dačić, a rappelé que c’est lui qui avait signé « en personne », en août 2013, le premier accord de principe sur la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina que l’on appelle aujourd’hui l’Accord de Bruxelles.  Nous l’avons signé, a-t-il souligné, parce qu’il garantissait la création de la Communauté des municipalités serbes.  Mais sans mâcher leurs mots, a-t-il accusé, les représentants de Pristina disent aujourd’hui qu’ils ne l’appliqueront en aucun cas, allant même jusqu’à menacer l’Union européenne d’une unification avec l’Albanie et de l’annexion de trois autres municipalités dans le sud de la Serbie. Ce qu’il nous faut, ce sont des parties qui agissent de manière rationnelle et raisonnable, prêtes à parler puis à mettre en œuvre les accords agréés, a tranché le Vice-Premier Ministre.

Le Représentant spécial a, en effet, noté que les dirigeants de Pristina ont posé des conditions, quoique pas toujours d’une « voix unie ».  Bien qu’une équipe de négociations ait été créée, ses responsabilités restent encore à préciser.  Pour résumer la situation, M. Tanin a estimé que des « signaux publics incohérents » ont entravé jusqu’à présent les efforts pour engager les deux parties dans un processus « unique et clairement défini ».  Pristina fait décidément tout pour rendre le dialogue impossible, s’est impatienté le Vice-Premier Ministre serbe qui s’est demandé comment interpréter autrement la prétendue « Plateforme pour le dialogue » de mars dernier dans laquelle le Kosovo déclare que le seul objectif du dialogue c’est la reconnaissance de son indépendance par la Serbie. 

La séance d’aujourd’hui a été l’occasion de revenir sur un incident qui a retenu l’attention du Conseil de sécurité et justifié une intervention du Conseiller juridique des Nations Unies.  M. João Miguel Ferreira de Serpa Soares a expliqué que le 28 mai dernier, deux fonctionnaires de la MINUK, M. Mikhail Krasnoshchekov, de nationalité russe, et M. Dejan Dimovic, Serbe du Kosovo, ont été arrêtés par la police du Kosovo dans le cadre d’une opération menée dans le nord du Kosovo.

Les deux hommes ont apparemment été battus et maltraités pendant leur arrestation, nécessitant tous deux des soins médicaux.  M. Krasnoshchekov est d’ailleurs toujours à l’hôpital », a précisé le Conseiller juridique, insistant sur le fait que la doctrine de la « persona non grata » invoquée pour empêcher le retour du fonctionnaire russe sur le sol kosovar ne s’applique pas au personnel de l’ONU qui bénéficie d’une immunité.  « Tout fonctionnaire arrêté ou détenu par erreur doit être immédiatement remis à la MINUK. »

Mme Vlora Çitaku, du Kosovo, a affirmé que l’opération policière a été menée dans un effort de lutte contre la criminalité organisée.  « Voilà un attachement à cette lutte que l’on ne connaissait pas de Pristina », a ironisé la Fédération de Russie, après que le Vice-Ministre serbe a rappelé que lors de la signature de l’Accord de Bruxelles, il avait été entendu qu’aucune force de sécurité n’entrerait dans le nord sans avoir au préalable notifié la KFOR et prévenu les représentants des municipalités serbes du nord.  « Or, l’on voit aujourd’hui que même les fonctionnaires de l’ONU ne sont plus en sécurité. »

Si, le Conseil de sécurité ne condamne pas la répression de la police kosovare dans le nord du Kosovo, l’objectif de Pristina aura été atteint: les Serbes du Kosovo continueront à être intimidés et terrorisés, a prévenu le Vice-Premier Ministre serbe qui a affirmé que les autorités de Pristina préparent une attaque contre le nord du Kosovo et dit ne pas comprendre les appels de certains membres, dont les États-Unis aujourd’hui, à un examen stratégique du mandat de la Mission, à sa réduction, voire à son départ.  Quelqu’un ici dans la salle du Conseil de sécurité, peut me dire, en toute sincérité, en quoi consiste exactement le travail de la MINUK au Kosovo, « un territoire qui n’est pas en crise »? s’est demandée Mme Çitaku.  L’aggravation de la situation pourrait coûter cher et personne ne voudrait prendre ce risque, a prévenu le Vice-Premier Ministre serbe à des autorités kosovares qui croient réduire la Mission « en frappant et en expulsant son personnel ». 

RÉSOLUTIONS 1160 (1998), 1199 (1998), 1203 (1998), 1239 (1999) ET 1244 (1999) DU CONSEIL DE SÉCURITÉ (S/2019/461)

Déclarations

M. ZAHIR TANIN, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Kosovo et Chef de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), a annoncé que la situation actuelle sur place et entre Belgrade et Pristina, se trouve à un moment fragile.  La réunion d’aujourd’hui coïncide avec un anniversaire significatif, a-t-il fait observer, en rappelant que 20 ans se sont écoulés depuis que le Conseil est tombé d’accord sur une résolution en réponse au conflit.  Depuis plus de 20 ans, il y a clairement eu des progrès, et des changements dans tout un éventail d’aspects, au Kosovo, dans la région, et dans le monde.  Dans le même temps, nous devons réfléchir à autre chose: en l’absence d’un processus d’engagement véritable entre les parties, des revers pourraient être enregistrés, a mis en garde le haut fonctionnaire.  Or, un tel engagement est absent depuis l’automne 2018 et, tandis qu’une plus grande attention continue d’être accordée aux provocations et différends quotidiens, ce ne sont les seuls facteurs qui compliquent les efforts pour revenir aux négociations. 

L’imposition par Pristina d’une taxe de 100% sur les importations des biens serbes et bosniens est maintenue depuis novembre, en dépit de l’appel quasi unanime de la communauté internationale à sa levée.  La position défendue par Belgrade, c’est que la levée de cette taxe est une condition minimale à la reprise du dialogue facilité par l’Union européenne.  Les dirigeants de Pristina ont également posé des conditions, quoique pas toujours de manière unie, et en dépit de la création d’une équipe de négociations dont les responsabilités doivent être encore précisées.  Des signaux publics « incohérents » ont entravé les efforts pour engager les deux parties dans un processus unique et clairement défini.  Toutes les parties doivent œuvrer ensemble pour que la réunion de Paris prévue en juillet permette de revenir à des questions de fond, a plaidé le Représentant spécial. 

Un des développements significatifs survenus depuis la fin de la période à l’examen, c’est l’organisation des élections dans les quatre municipalités à majorité serbe du nord du Kosovo.  Après la défection des quatre candidats en réponse à l’augmentation des taxes, le Président du Kosovo, Hashim Thaçi, a annoncé la tenue des élections municipales extraordinaires dans le nord le 19 mai.  Le scrutin s’est ensuite déroulé dans le calme et selon la Commission électorale centrale du Kosovo, il a clairement débouché sur une victoire des candidats de la liste serbe qui détenaient déjà le pouvoir et qui ont recueilli cette fois-ci plus de 90% des suffrages.  La concurrence électorale et la participation politique limitées dans les communautés serbes du Kosovo ont été soulignées par certains des diplomates qui ont observé le processus électoral.

Le 28 mai au matin, la police du Kosovo a lancé une opération spéciale–principalement dans les municipalités du nord– contre des individus suspectés de contrebande et de criminalité organisée, en vertu de mandats délivrés par le tribunal d’instance de Pristina.  L’opération a conduit à l’arrestation d’un certain nombre d’individus, y compris des responsables locaux.  Des suspects et des policiers ont été blessés au cours de l’opération et deux fonctionnaires international et local de la MINUK basés à Zubin Potok ont été arrêtés et blessés dans des incidents séparés.  Il incombe à l’ONU de déterminer de manière objective les circonstances, et ceci est particulièrement important compte tenu des informations non vérifiées et des spéculations apparues depuis dans le domaine public. 

Premièrement, a expliqué le Représentant spécial, les immunités dont jouit le personnel n’ont pas été respectées.  Des biens appartenant à l’ONU ont également été saisis et fouillés en violation des immunités.  Deuxièmement, malgré nos demandes et nos relations de travail normalement fructueuses, les autorités de Pristina n’ont exhibé que très peu de preuves pertinentes ou factuelles contre ces deux fonctionnaires.  Les autorités kosovares ont, en revanche, fait des déclarations à la presse et adressé une lettre aux États Membres de l’ONU.  Les informations qu’elles ont fait circuler ne sont pas suffisamment étayées et ignorent les éléments essentiels d’une enquête objective. 

Troisièmement, a poursuivi le Représentant spécial, au lendemain de son transfèrement hors du Kosovo, le fonctionnaire international a été déclaré persona non grata, « une doctrine qui ne s’applique pas au personnel de l’ONU ».  Quatrièmement, je suis alarmé, a-t-il avoué, par le fait que les deux membres du personnel de l’ONU ont été apparemment soumis à une force excessive et à des mauvais traitements lors de leur arrestation, au point de nécessiter une hospitalisation.  C’est une question qui constituera un élément essentiel de l’enquête que nous avons ouverte », a prévenu M. Tanin. 

Indépendamment des événements du 28 mai, la MINUK continue de concentrer ses efforts et ses ressources sur les objectifs de paix et de stabilité du Kosovo et de la région.  Nous sommes constamment à la recherche de solutions innovantes pour promouvoir la confiance, avec tous nos partenaires.  La Mission, a insisté le Représentant spécial, continuera de collaborer étroitement avec ses partenaires internationaux, notamment l’Union européenne et la KFOR, ainsi qu’avec les nombreux acteurs bilatéraux qui investissent dans la stabilité, la réconciliation communautaire et le développement économique du Kosovo.  « J’appelle donc les parties à faire leur part et à assumer la responsabilité de réaliser les objectifs de normalisation et à contribuer non seulement à une stabilité plus durable, mais aussi à une prospérité croissante de la région. »

M. JOÃO MIGUEL FERREIRA DE SERPA SOARES, Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques et Conseiller juridique des Nations Unies, a tout d’abord passé en revue le régime juridique d’immunités qui s’applique à la MINUK et à son personnel et qui est détaillé dans les sections 3.3. et 3.4 de la réglementation 2000/47 de la Mission.  Le personnel de la MINUK, a-t-il souligné, bénéficie d’une immunité en cas d’arrestation ou de détention.  Tout fonctionnaire arrêté ou détenu par erreur doit être immédiatement remis à la MINUK.  L’immunité sert les intérêts de la MINUK et non des individus.  Le Secrétaire général a d’ailleurs le droit de lever l’immunité à tout individu qui entrave le cours de la justice.  Il ne lève l’immunité que si cela ne porte pas atteinte aux intérêts de la MINUK.

Revenant sur l’affaire des deux fonctionnaires, Le Conseiller juridique a indiqué que le Russe Mikhail Krasnoshchekov, Chef du Bureau de la MINUK à Zubin Potok, a été libéré le 28 mai, et le Serbe du Kossovo Dejan Dimovic, Assistant de programme dans le même Bureau, a été libéré le lendemain.  Sur la base des faits communiqués jusqu’ici, les deux hommes étaient chargés de surveiller les opérations policières dans le nord du Kosovo, au moment de leur arrestation.  Ils ont apparemment été battus et maltraités pendant leur arrestation, nécessitant tous deux des soins médicaux.  M. Krasnoshchekov est d’ailleurs toujours à l’hôpital. 

Les deux membres du personnel risquent toujours une procédure pénale.  La MINUK a reçu une requête du Procureur de Mitrovicë/Mitrovica pour la levée de l’immunité qui, selon tout vraisemblance, concerne M. Krasnoshchekov dont le nom n’est pas correctement orthographié.  La requête parle de complicité dans des actes d’obstruction de la capacité d’un fonctionnaire de s’acquitter de ses tâches et de participation à une foule commettant des actes criminels et d’hooliganisme.  En revanche, aucune demande de levée de l’immunité de M. Dimovic n’a été reçue même s’il est aussi accusé d’actes d’obstruction de la capacité d’un fonctionnaire à s’acquitter de ses tâches.  M. Dimovic a comparu, le 29 mai, aux côtés de cinq autres accusés devant le Tribunal de première instance de Mitrovic.  Faute de preuve, ils ont tous été libérés; la procédure d’appel étant prévue cette semaine.

Le Conseiller juridique a confirmé que le 31 mai, la MINUK a obtenu une notification officielle déclarant M. Krasnoshchekov persona non grata alors que le Représentant spécial avait clairement signifié aux autorités du Kosovo que la doctrine de la « persona non grata » ne s’applique pas au personnel de l’ONU.  Toute préoccupation concernant un membre du personnel de la MINUK doit être communiquée au Représentant spécial qui y répond dans le respect du statut, des privilèges et des immunités.  L’entière coopération des autorités du Kosovo sera nécessaire pour faciliter l’enquête de l’ONU et permettre au Secrétaire général de déterminer les mesures à prendre, a souligné le Conseiller juridique.

M. IVICA DAČIĆ, Premier Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la Serbie, a réitéré son appel au dialogue et au compromis.  Ce qu’il nous faut, ce sont des parties qui agissent de manière rationnelle et raisonnable, prêtes à parler puis à mettre en œuvre les accords agréés.  Le fait que le Président du Kosovo ait exprimé son refus de mettre en œuvre les accords signés il y a six ans, y compris la création de la Communauté des six municipalités serbes, nous étonne, a avoué le Vice-Premier Ministre.  Que faisions-nous alors pendant toutes ces années? s’est-il demandé.  Nous voyons, a-t-il dit, une entorse à la crédibilité de l’Union européenne qui a apposé sa signature sur l’Accord de Bruxelles, garantissant ce faisant sa mise en œuvre. 

Le Vice-Premier Ministre a rappelé que c’est lui-même en personne qui a signé en août 2013, le premier accord de principes sur la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina que l’on appelle aujourd’hui l’Accord de Bruxelles.  Nous l’avons signé, a-t-il souligné, parce qu’il garantissait la création de la Communauté des municipalités serbes.  Mais sans mâcher leurs mots, les représentants de Pristina disent aujourd’hui qu’ils ne l’appliqueront en aucun cas, allant même jusqu’à menacer l’Union européenne d’une unification avec l’Albanie et de l’annexion de trois autres municipalités dans le sud de la Serbie.  Avons-nous affaire à des gens sérieux et responsables avec lesquels on peut vraiment continuer à négocier? s’est interrogé le Vice-Premier Ministre.  Qui peut nous garantir aujourd’hui que Pristina ne concrétisera pas ses promesses comme elle l’a fait par le passé?  Et n’oublions pas, a ajouté le Vice-Premier Ministre, les menaces du Premier Ministre albanais sur l’unification avec le Kosovo, des menaces auxquelles personne ne répond et dont tout le monde sourit. 

Si, a poursuivi le Vice-Premier Ministre, le Conseil de sécurité ne condamne pas la répression de la police kosovare dans le nord du Kosovo, l’objectif du Pristina aura été réalisé: les Serbes du Kosovo continueront à être intimidés et terrorisés.  Pourtant, lors de la signature de l’Accord de Bruxelles, il avait été entendu qu’aucune force de sécurité n’entrerait dans le nord sans avoir au préalable notifié la KFOR et prévenu les représentants des communautés serbes du nord.  Or, l’on voit aujourd’hui que même les fonctionnaires de l’ONU ne sont plus en sécurité.  Sans une once de remords, Pristina propose aujourd’hui au Secrétaire général de négocier la présence de la Mission dans le nord.  Le mandat de la MINUK, a souligné le Vice-Premier Ministre, a été créé par la résolution 1244 (1999) de ce Conseil de sécurité.  Il a dit ne pas comprendre les appels de certains membres à un examen stratégique du mandat de la Mission, à sa réduction, voire à son départ.  L’aggravation de la situation pourrait coûter cher et personne ne voudrait prendre ce risque, a prévenu le Vice-Premier Ministre, devant des autorités de Pristina qui restent sourdes à cet argument.  « Elles pensent réduire la Mission en frappant et en expulsant son personnel. »

Revenant aux conséquences humaines du bombardement « illégal » de son pays par l’OTAN, il y a exactement 20 ans, sans l’accord du Conseil, le Vice-Premier Ministre a fait l’analyse de la résolution 1244 dont les auteurs ont voulu ignorer qu’une minorité ethnique, celle dont la mère patrie est l’Albanie, a voulu faire sécession.  La résolution appelle au retour des réfugiés et des déplacés mais à ce jour, a fait observer le Vice-Premier Ministre, seul 1,9% des Serbes sont revenus.  Que peuvent espérer les 200 000 autres quand, venant pour les fêtes religieuses, saluer la mémoire de leurs morts, ils sont accueillis par des coups de bâton et des jets de pierre.  Le catalogue des violations des droits de l’homme au Kosovo ne cesse de s’allonger et la vérité est que 20 ans plus tard, le Kosovo multiethnique est monoethnique.  Le Vice-Premier Ministre a dénoncé des cas de « nettoyage ethnique », critiquant un système judiciaire défaillant, tout en gardant espoir que justice sera rendue. 

Il a prévenu que la décision du Kosovo de créer un ministère de la défense et de transformer sa force de sécurité en armée, ne peut qu’aggraver la situation des Serbes et des non-Albanais.  Les autorités de Pristina, a alerté le Vice-Premier Ministre, préparent une attaque contre le nord du Kosovo.  Il a plaidé pour le maintien de la Mission de l’ONU, craignant que son départ ne sonne le glas des Serbes du Kosovo. 

Frustrée par son échec à devenir membre d’Interpol et le fait que 13 pays aient révoqué la reconnaissance de sa Déclaration unilatérale d’indépendance, Pristina, a poursuivi le Vice-Premier Ministre, a imposé des taxes sur les biens serbes et bosniens.  Non seulement elle reste sourde aux appels de la communauté internationale mais elle multiplie les provocations et les actes unilatéraux.  Une conclusion s’impose, a constaté le Vice-Premier Ministre, Pristina fait décidément tout pour rendre le dialogue impossible.  Comment interpréter autrement la prétendue « Plateforme pour le dialogue » de mars dernier dans laquelle Pristina déclare que le seul objectif du dialogue c’est la reconnaissance par la Serbie de l’indépendance du Kosovo. 

L’adoption par Pristina d’une résolution sur le soi-disant génocide perpétré par la Serbie n’est rien d’autre qu’une manipulation du droit international qui risque, a estimé le Vice-Premier Ministre, d’aggraver les tensions entre les communautés et de compromettre la réconciliation et le dialogue.  La Serbie tient à la justice pour tous mais, pour ce faire, elle préconise une approche informée loin de toute politisation, a souligné le Vice-Premier Ministre en revenant sur le cas de la députée kosovare Fora Brovina dont les accusations de viol se sont révélées fausses. 

« Permettez-moi d’être claire sur un point: l’indépendance du Kosovo n’est pas le produit d’un mouvement séparatiste.  Comme vous en êtes bien conscients, l’indépendance du Kosovo est le fruit de la décolonisation », a déclaré Mme VLORA ÇITAKU, du Kosovo, pour qui il a été accompli beaucoup de choses depuis 20 ans au Kosovo.  Le Kosovo n’est pas en crise, a-t-elle affirmé.  Notre pays a fait d’énormes avancées pour s’intégrer à la communauté internationale, en grande partie grâce aux efforts des Nations Unies qui, en tandem avec l’Union européenne et l’OTAN, ont promu la sécurité et la stabilité au Kosovo et dans la région.  Tout en exprimant sa gratitude à la MINUK, elle a demandé si, quelqu’un dans la salle du Conseil de sécurité, « peut me dire, en toute sincérité, en quoi consiste exactement le travail de la MINUK au Kosovo aujourd’hui.  Je suis certaine que les ressources allouées à une telle opération seraient mieux utilisées ailleurs ».  La représentante s’est enorgueillie de la police du Kosovo, une organisation qui opère « dans le respect des plus hautes normes de professionnalisme et d’intégrité ».  Depuis ses débuts, il a été prouvé de manière crédible que la police kosovare est un partenaire crédible dans les efforts déployés au niveau international pour lutter contre la criminalité organisée et le terrorisme, grâce à sa coopération avec les mécanismes internationaux de maintien de l’ordre, a encore affirmé Mme Çitaku. 

Le 28 avril, a-t-elle expliqué, la police du Kosovo a mené « avec succès » une opération de grande envergure contre la criminalité organisée dans plusieurs municipalités du Kosovo.  Au cours de cette mission, des officiers ont procédé à l’arrestation de sept civils qui étaient engagés activement dans l’édification de barricades pour entraver l’opération.  Parmi eux, se trouvait un diplomate russe des Nations Unies nommé Mikhaïl Krasnoschenkov, a indiqué la représentante en soulignant que les preuves avaient permis d’établir que cet individu avait utilisé un véhicule pour transporter une tronçonneuse sur les lieux de l’incident, laquelle tronçonneuse a servi à couper des arbres à jeter sur l’autoroute pour empêcher le passage de la police.  M. Krasnoschenkov a placé son véhicule devant les arbres pour renforcer la barricade, a-t-elle accusé.  Après avoir refusé de coopérer avec la police, il a tenté de façon répétée d’empêcher tout mouvement, avant d’être escorté au poste de police et placé en détention.  Il s’est vu offrir des soins médicaux avant d’être transporté dans un centre de santé.  À sa demande et après avoir déclaré, à plusieurs reprises, qu’il bénéficiait de l’immunité diplomatique, M. Krasnoschenkov a été transféré à Belgrade et, quelques jours plus tard, les autorités du Kosovo ont décidé qu’il serait désormais interdit d’entrée. 

Mme Çitaku s’est dite scandalisée par les déclarations de Belgrade et certaines capitales sur cette opération « couronnée de succès » et pourtant soupçonnée par certains d’avoir été motivée par des considérations ethniques.  M. Krasnoschenkov est devenu un obstacle à l’application de la loi au Kosovo, « ou pour le dire franchement », il est devenu de son plein gré le « bouclier » des gangs criminels qui tentaient de compromettre la conduite d’une opération policière.  Que se passerait-il si des ambassadeurs ou le personnel apparenté bénéficiant de l’immunité diplomatique tentaient d’empêcher une opération de police ici à New York, à Moscou ou à Berlin? s’est énervée la représentante.

Après avoir dénoncé le mélange de « mentalité médiévale et de propagande moderne » qui caractérise, selon elle, les responsables serbes, Mme Çitaku s’est élevée contre les propos du Président serbe qui, il y a quelques mois, se demandait ici même à ce Conseil, si « quelqu’un materait ces gens ».  Elle a aussi les propos du Premier Ministre serbe qui a dit des habitants du Kosovo qu’ils « sortent tout juste de sortir des bois ».  Nous espérons que ce Conseil ne sera pas distrait par les « assertions triomphalistes de haine ethnique ». 

M. HAITAO WU (Chine) a souligné que la résolution 1244 définit une base juridique essentielle pour résoudre la question du Kosovo et a dit comprendre les préoccupations légitimes de la Serbie.  Il a appelé les parties à accorder la priorité au bien-être de leur peuple et à créer les conditions propices au bon règlement de la question du Kosovo, afin de préserver la stabilité dans les Balkans.  Il a estimé que le Conseil de sécurité doit demeurer saisi de cette question, non sans oublier de dénoncer la violation de l’immunité du personnel de la MINUK.

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a développé trois points et en premier lieu, l’escalade des tensions entre les parties et leurs divergences sur les conditions de la reprise du dialogue lesquelles risquent de compromettre toute perspective de réconciliation.  Ces facteurs accentuent le fossé et exacerbent la méfiance.  Le représentant a exhorté toutes les parties à s’abstenir de toute action qui retarderait le processus de paix et la normalisation des relations.  En deuxième lieu, il a attiré l’attention sur le rapport du Secrétaire général qui indique que le processus de paix ne devrait non seulement être dirigé par les dirigeants politiques, mais également par les communautés locales de Serbie et du Kosovo, car les deux parties représentent un peuple diversifié sur les plans linguistique, culturel, patrimonial et historique.  En dernier lieu, M. Matjila a rappelé que la situation a un impact important sur les femmes et les jeunes.  À l’instar du Secrétaire général, il a mis l’accent sur la participation des femmes à tous les niveaux des processus politiques et décisionnels et paraphrasant la Coordinatrice des Nations Unies pour le développement du Kosovo, il a répété: « l’égalité des sexes n’est pas seulement un droit de l’homme fondamental, c’est aussi le fondement d’un monde juste et pacifique ».

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a appelé le Conseil à utiliser ses ressources de manière efficace, regrettant notamment la répétition des accusations mutuelles et très longues.  Il faut plutôt réfléchir au retrait de la MINUK et au transfert de ses mandats à l’équipe de pays des Nations Unies.  Le représentant s’est inquiété de l’état actuel de la situation au Kosovo et a appelé à la reprise du dialogue.  Il a aussi jugé nécessaire de lever les tarifs douaniers imposés par Pristina et de mettre un terme à la rhétorique serbe contre la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo.  Il a noté que l’opération policière du 28 mai s’est déroulée dans différentes localités pour combattre la criminalité organisée.  Il a regretté que des employés de l’ONU aient été blessés, tout en jugeant très préoccupant la présence sur les lieux du personnel et des véhicules de la MINUK. Tout obstacle aux efforts légitimes des forces de l’ordre ne contribue en rien au maintien de la paix.

M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) a appuyé l’examen stratégique du mandat de la MINUK pour répondre aux différents défis auxquels se heurte le Kosovo.  Il s’est inquiété de ce que Belgrade et Pristina se soient désengagés du dialogue facilité par l’Union européenne.  Les provocations et les discours belliqueux freinent les progrès, a souligné le représentant qui a appelé les parties à agir « de manière rationnelle ».  Il a aussi réclamé la pleine mise en œuvre des accords conclus et dénoncé la culture de l’impunité.  Belgrade et Pristina doivent fournir tout l’appui nécessaire aux tribunaux de guerre, a-t-il exigé.  Jugeant « légitime », l’opération policière du 28 mai dans le nord du Kosovo, le représentant a estimé qu’il est inapproprié de la commenter sans avoir pris connaissance de tous les faits.  Il a tout de même plaidé pour une mise en œuvre plus robuste de l’état de droit au Kosovo et appelé le Gouvernement kosovar à éviter les discours hostiles, « ce qui est malheureusement la norme ».

M. DIRK SCHULTZE (Allemagne) a déploré les tentatives de « manipuler » le Conseil de sécurité.  Il a soutenu le dialogue entre Pristina et Belgrade, facilité par l’Union européenne et rappelé les deux parties à leur responsabilité d’atténuer les tensions.  « La somme d’un monologue et d’un monologue n’est pas un dialogue », a prévenu le représentant qui a demandé à Pristina de lever la taxe de 100% appliquée aux marchandises serbes et bosniennes, laquelle est un obstacle à la reprise du dialogue.  Quant à l’incident du 28 mai, il a reconnu au Kosovo le droit de combattre la criminalité organisée dans l’ensemble du territoire, à condition que le personnel de la MINUK soit traité dans le respect de ses immunités diplomatiques « dans tous les cas de figure » et « sans préjuger » des conclusions de l’enquête qu’a ouverte la Mission.  Le représentant a d’ailleurs estimé que la Mission doit adapter son mandat aux « nouvelles réalités » sur le terrain.

Mme ANNE GUEGUEN (France) a déclaré que 20 ans après la fin du conflit au Kosovo et le déploiement de la KFOR, le Kosovo vit en paix « ce qui doit inciter à redoubler d’efforts pour répondre aux aspirations des peuples. »  Saluant le rôle de la MINUK, la représentante a annoncé que la France vient de se doter d’une stratégie nationale pour accroître son soutien à une stabilisation durable de la région, à son développement économique et social et au renforcement de l’état de droit.  Cette stratégie décline des mesures concrètes notamment une initiative franco-allemande pour lutter contre les trafics d’armes légères et de petit calibre et porte sur les domaines de la justice et de la défense.  La responsabilité principale de la stabilisation des Balkans occidentaux incombe d’abord aux pays de la région comme la Macédoine du Nord et la Grèce en ont fait la démonstration avec l’Accord historique de Prespa, a indiqué Mme Gueguen. 

Elle a ajouté que l’absence de dialogue depuis novembre et le niveau élevé des tensions entre les deux parties ne sont pas soutenables.  Cette situation explique la démarche du Président français et de la Chancelière allemande d’inviter le Kosovo et la Serbie, les pays de la région et l’Union européenne à un sommet, à Berlin, le 29 avril dont l’enjeu est de convaincre les parties à reprendre le dialogue.  Pour y parvenir, il est essentiel que chaque partie s’abstienne de toute nouvelle action, déclaration ou mesure susceptible d’exacerber les tensions.  Mme Gueguen a demandé une nouvelle fois la levée ou a minima, la suspension de la taxe de 100% imposée par le Kosovo sur les produits en provenance de Serbie et de Bosnie-Herzégovine.  Concernant l’opération de police du 28 mai dernier, elle a appuyé la lutte contre la criminalité organisée et la corruption au Kosovo, dans le plein respect des règles de l’état de droit.  Il est essentiel que ces opérations soient proportionnées. 

La stabilité de la région est, au premier chef, une affaire européenne, a soutenu la représentante.  L’Union européenne mène une médiation qui a vocation à reprendre une fois que les deux parties seront prêtes à relancer le dialogue.  Des succès ont été enregistrés.  L’enjeu est désormais d’aboutir à la conclusion d’un accord global et juridiquement contraignant entre les deux parties.  L’avenir européen de la Serbie et du Kosovo dépend en grande partie de la conclusion d’un tel accord, a prévenu la représentante.  S’y ajoutent de nombreuses réformes pour renforcer l’état de droit, qui est au cœur du projet européen.  La responsabilité première des perspectives européennes respectives de la Serbie et du Kosovo incombe avant tout aux responsables politiques de ces pays, a encore rappelé Mme Gueguen, qui avant de terminer, a dit que « seule la normalisation complète des relations entre Pristina et Belgrade permettra de concrétiser cet avenir européen, qui est un avenir partagé ». 

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a réitéré l’appel de la résolution 1244 (1999) à toutes les parties pour qu’elles participent à un dialogue pacifique en vue de régler le conflit politique entre la Serbie et le Kosovo.  « Il est impératif que toutes les parties mettent fin aux hostilités politiques qui ne sont pas constructives », a-t-il tranché en appelant à davantage de « bonne volonté » pour pouvoir reprendre le dialogue et à plus de sincérité pour pouvoir rétablir des relations de confiance, tout en évitant toute provocation ou guerre commerciale.

L’Indonésie reconnaît la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Serbie, en tant qu’État Membre des Nations Unies, et exige qu’elles ne soient pas violées.  Elle encourage en outre la communauté internationale à soutenir les efforts de la Serbie, en tant que nation souveraine, à établir l’état de droit, qui est « l’une des bases de la démocratie ».  C’est la raison pour laquelle il faut soutenir le mandat de la MINUK, a poursuivi le représentant, puisqu’il vise à promouvoir la sécurité et la stabilité dans la région, en encourageant toutes les parties au respect de l’état de droit.

L’Indonésie salue l’approche de la MINUK pour engager des communautés locales à travers différents fora, conférences et projets de consolidation de la confiance mutuelle, et en particulier son action auprès des jeunes pour les encourager à participer aux processus de prise de décisions et au dialogue intercommunautaire.  Le représentant a dénoncé les attaques brutales des autorités au nord du Kosovo qui ont visé des membres du personnel de la MINUK.  Il s’agit là d’une violation du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité, a-t-il affirmé avant d’exiger une enquête sérieuse de la part des autorités locales et des mesures concrètes pour éviter de tels « actes de terreur » à l’avenir.

En conclusion, il a appelé à la reprise du dialogue sans plus tarder entre Pristina et Belgrade, sous les auspices de l’Union européenne.  Il a aussi pointé du doigt les déclarations incendiaires « y compris dans cette salle ».  Il faut éviter les déclarations qui ne contribuent en rien à apaiser les tensions, a-t-il souligné.

M. AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) s’est alarmé des faits qui se sont produits le 28 mai dans le nord du Kosovo et au cours desquels deux membres du personnel de l’ONU ont été détenus par la police du Kosovo.  Il s’est aussi inquiété de la situation dans l’ensemble du Kosovo, pointant notamment les rhétoriques incendiaires, les actes de provocation et les obstructions à la reprise d’un dialogue productif entre les parties.  Il a aussi dénoncé l’augmentation des tarifs douaniers sur les importations de produits serbes et bosniens.  Le représentant s’est dit préoccupé par le manque de contacts entre Belgrade et Pristina pendant la période à l’examen.  Il a appelé les parties à faire preuve de compromis et à créer les conditions propices à la tenue d’un dialogue constructif.

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a regretté l’absence de progrès significatifs dans le dialogue entre Pristina et Belgrade qui doit permettre le règlement définitif de la question du Kosovo et la réconciliation entre les différentes communautés.  Il s’est inquiété de la persistance des tensions qui amplifient le climat de méfiance entre la Serbie et le Kosovo, et risquent de détériorer les situations sociopolitique et sécuritaire dans les Balkans.  Appelant les parties serbe et kosovare, ainsi que les acteurs de la communauté internationale, à œuvrer à la préservation des acquis, par la poursuite du dialogue, notamment sous l’égide de l’Union européenne, il a affirmé que le renforcement et la pérennisation de la stabilité actuelle doivent être la priorité absolue de la communauté internationale et le point de convergence des efforts des Nations Unies et de tous les acteurs institutionnels.  Il a encouragé l’Union européenne, dont il a dit apprécier les efforts de médiation, à continuer de soutenir le dialogue entre Pristina et Belgrade.

Le représentant a salué le travail « remarquable » accompli par le personnel de la MINUK, en appui aux efforts du Gouvernement kosovar, en dépit du peu de progrès enregistrés dans la mise en œuvre de l’Accord de Bruxelles et de l’absence d’avancées dans l’établissement des municipalités et communautés serbes qui devraient contribuer « à la décrispation du climat sociopolitique au Kosovo ».  L’appui de la MINUK reste indispensable, a poursuivi le représentant, pour impulser davantage les actions en faveur de la réconciliation.  Il a salué à cet égard, les initiatives pour promouvoir l’apprentissage des langues albanaise et serbe et la tenue de la troisième Assemblée de la jeunesse kosovare.  Il a exhorté les autorités kosovares à poursuivre leurs efforts de promotion de l’état de droit et de lutte contre la corruption et l’impunité.

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) s’est inquiété de la persistance des tensions entre Belgrade et Pristina et a exhorté les parties à assouplir leur position afin de normaliser leurs relations.  Il les a aussi appelées à s’abstenir de toute rhétorique incendiaire et de tout acte de provocation, susceptible d’entraver la poursuite du dialogue.  Il a invité les dirigeants kosovars et serbes à faire preuve de volonté politique pour relancer la dynamique des négociations et à s’abstenir de toute action unilatérale susceptible de ralentir les avancées.  Il a salué la tenue, à Berlin, à l’initiative de la France et de l’Allemagne, d’une réunion des dirigeants des Balkans.  M. Singer Weisinger a aussi insisté sur l’importance d’une justice impartiale et a appelé à poursuivre les efforts pour créer les mécanismes de garantie du respect de l’exercice des droits des citoyens, notamment des victimes de violence sexuelle.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a dit suivre les derniers développements au nord du Kosovo avec une certaine préoccupation.  Ces développements sont malheureusement « révélateurs d’un climat de méfiance entre les deux parties. »  Il est important qu’elles s’abstiennent de toute action ou déclaration susceptible de provoquer des tensions.  Dans ce cadre, « nous réitérons notre appel aux autorités kosovares pour qu’elles suppriment les droits de douane sur les produits en provenance de Serbie et de Bosnie-Herzégovine », a demandé le représentant.  Il a ajouté que l’avenir de la Serbie et du Kosovo se situe au sein de l’Union européenne et passe par la voie du dialogue.  « Nous appelons les deux parties à saisir l’opportunité offerte par la prochaine réunion en juillet à Paris pour reprendre le dialogue mené sous l’égide de l’Union européenne.  Nous espérons que les dirigeants serbes et kosovares feront preuve du courage politique nécessaire. » 

Le délégué a aussi déclaré qu’il était important que les parties mettent en œuvre tous les engagements pris précédemment dans le cadre du dialogue afin de créer un climat propice à la normalisation de leurs relations.  La conclusion d’un accord global et juridiquement contraignant sur la normalisation des relations est le seul moyen de régler durablement le différend entre les deux parties et de garantir la stabilité régionale.  Un tel accord conditionne, par ailleurs, l’intégration européenne de la Serbie et du Kosovo, a souligné le représentant qui a encouragé la participation significative des femmes tant dans le processus de normalisation des relations entre Belgrade et Pristina, que dans le processus politique kosovare. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a salué la réduction bienvenue du nombre de séances du Conseil de sécurité sur la situation au Kosovo, reflet, selon elle, de la « stabilité » durable du Kosovo.  La question la plus importante, c’est celle de la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina, dont dépendent leur avenir, mais aussi celui de la région.  La représentante a invité les parties à s’inspirer de l’exemple de la Grèce et de la Macédoine du Nord, qui sont parvenues à régler leur différend par le biais de négociations.  Elle a réclamé, à son tour, la levée de tarifs douaniers « punitifs » imposés par Pristina aux importations de marchandises de Serbie et de Bosnie-Herzégovine et lancé un plaidoyer en faveur d’un changement de « culture politique » dans les deux capitales.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a constaté que tout progrès et toute prospérité au Kosovo vont au-delà des réformes politique et économique et exigent des mécanismes de dialogue et de réconciliation.  Il s’est inquiété de l’aggravation des tensions et a appelé les dirigeants politiques à privilégier l’intérêt général et le rétablissement de la confiance.  Il a jugé impératif de normaliser les relations entre Belgrade et Pristina et a appelé à la relance du dialogue sous l’égide de l’Union européenne.  Il a, par ailleurs, salué l’entrée en vigueur du Code pénal, avant de déplorer l’incident du 28 mai impliquant un membre du personnel de la MINUK.  Il faut faire la lumière sur les faits et respecter en tout temps l’immunité des fonctionnaires de l’ONU.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a dit partager les préoccupations formulées par le Vice-Premier Ministre serbe mais a refusé de remercier Mme Çitaku qui, a-t-il accusé, s’est lancée dans une litanie de mensonges sur le prétendu rôle de la Russie au lieu de présenter des excuses pour le rôle « inadmissible » de ses compatriotes.  Il faut logiquement regarder de près les actes illégaux de Pristina qui s’est immiscé dans des municipalités à majorité serbe, a dit le représentant.  Un ressortant russe, fonctionnaire de la MINUK a été passé à tabac et Mme Çitaku veut nous faire croire qu’au moment des faits, il coupait des arbres et plaçait tranquillement sa tronçonneuse dans le coffre de sa voiture.  S’adressant au Représentant spécial, le représentant russe a voulu savoir si M. Krasnoshchekov avait présenté ses papiers d’identité et s’il avait été molesté.  Mme Çitaku nous dit qu’il n’a pas été blessé mais son état dit le contraire.

Le représentant a dénoncé des actes de provocation, ironisait devant un « attachement à la lutte contre la criminalité » que l’on ne connaissait pas de Pristina.  La veille, a-t-il dit, le Président serbe avait exprimé devant le Parlement sa volonté de faire des compromis.  En conséquence, le représentant a vu dans l’action policière la volonté de Pristina de resserrer son emprise dans le nord du Kosovo.

Il a dénoncé ces « parrains » du Kosovo qui ferment les yeux sur les faits. Les États-Unis n’ont même pas réussi à se forcer de formuler quelques mots pour défendre l’immunité de la MINUK, alors que Mme Çitaku prétendait que le Kosovo compte tout simplement ignorer ce statut. Le représentant a dénoncé la campagne de propagande lancé par Pristina simultanément contre la Russie et l’ONU.

Il a douté d’emblée de l’intégrité d’une enquête menée par la police du Kosovo et a fait observer que l’acte de provocation dont a été victime le citoyen russe n’est pas le premier: une stagiaire russe de la MINUK avait déjà été détenue.  Le représentant a vu « des manigances malveillantes ».  Il a pointé du doigt les tarifs douaniers et le texte adopté par l’Assemblé du Kosovo sur le génocide commis par les Serbes qui, a-t-il alerté, ne fait qu’inciter à la haine entre les deux peuples. Il a également réclamé l’annulation de la décision du 14 décembre sur la transformation des forces de sécurité du Kosovo en armée, dénonçant le manque de transparence de la base de l’OTAN au Kosovo.  Le représentant a appelé Belgrade et Pristina à parvenir à une solution mutuellement acceptable, sans calendriers artificiels et « destructeurs ».  Il a accusé les autorités kosovares de saboter l’accord sur les municipalités serbes et a averti que ceux qui plaident pour le retrait du Kosovo de l’ordre du jour du Conseil de sécurité font fausse route.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a dit suivre avec inquiétude la détérioration des relations entre Pristina et Belgrade, de nature à compromettre le dialogue entre les parties et la normalisation.  Il a aussi dit avoir suivi les faits survenus dans le nord du Kosovo, dans le cadre de l’opération policière anticorruption qui a entraîné l’arrestation d’un employé de la MINUK.  Après avoir exprimé sa préoccupation, le représentant a jugé fondamental de rappeler que les personnels de l’ONU sont neutres et évitent de s’ingérer dans les affaires intérieures des États.  Il s’est félicité du travail de la MINUK pour mettre en œuvre les recommandations du Forum des Nations Unies sur le renforcement de la confiance au Kosovo, qui s’est tenu à Ljubljana en mai 2018.

Reprenant la parole, le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Kosovo, a répondu au représentant russe, en indiquant que le processus d’établissement des faits se poursuit, mais que, dans l’intervalle, il lui est interdit de commenter l’enquête en cours.  Néanmoins, je peux donner aux membres du Conseil de sécurité l’assurance qu’elle sera « approfondie et complète », a-t-il affirmé.

Le représentant de l’Allemagne a tenu à dire combien « offensantes » ont été les remarques de son homologue russe à l’égard de l’Union européenne et de l’OTAN.

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