8593e séance – matin
CS/13913

Conseil de sécurité: des délégations appellent la Syrie à libérer les personnes en détention arbitraire

La Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix a exigé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, la libération des personnes en détention arbitraire par toutes les parties au conflit en Syrie.  Mme Rosemary DiCarlo intervenait dans le cadre d’une réunion convoquée par les États-Unis au cours de laquelle il a été souligné à maintes reprises que cette question est centrale à tout processus politique de paix.

Dans son intervention, Mme DiCarlo a notamment exhorté les parties au conflit à transmettre les informations et documents relatifs aux détenus, aux personnes enlevées et aux personnes portées disparues et à fournir des informations sur leurs proches aux familles, identifier et rendre leurs dépouilles, transmettre une liste de tous les endroits où les personnes sont détenues et faciliter l’accès à ces endroits à une tierce partie neutre.  Elle a également demandé au Gouvernement syrien et aux autres parties concernées de pleinement coopérer avec le Mécanisme international, impartial et indépendant et avec la Commission d’enquête. 

Dans un contexte marqué par les difficultés d’accès aux centres de détention et aux détenus en Syrie, Mme Rosemary DiCarlo a expliqué que l’ONU ne dispose pas de statistiques officielles, mais que les chiffres provenant de récits corroborés par la Commission d’enquête sur la Syrie font état de 100 000 personnes détenues, enlevées ou portées disparues, « en grande partie, mais pas exclusivement, par le Gouvernement syrien ».  Elle a également indiqué que selon le régime de Damas, le nombre de personnes détenues par les groupes armés affiliés avec l’opposition syrienne s’élèverait à 16 000.

Mme DiCarlo a rappelé que l’Envoyé spécial pour la Syrie, M. Geir Pedersen, a fait de cette question une de ses priorités et qu’il cherche à faire progresser ce dossier dans le cadre du groupe de travail dont l’ONU est membre aux côtés de l’Iran, la Fédération de Russie et la Turquie et qui a facilité, depuis sa création en décembre 2017, quatre opérations d’échange, dont une la semaine dernière.  Elle a cependant estimé que les parties doivent dépasser les échanges sur le principe « un pour un », et s’engager dans des actions unilatérales de libération, regrettant que seulement 109 personnes aient été libérées à ce jour. 

Alors que les morts en détention continuent, en grande partie suite à des actes de torture ou en raison des conditions inhumaines de détention, Mme DiCarlo a de plus indiqué que de nombreuses familles n’ont aucune information sur le sort de leurs proches: les lieux de détention ne sont pas accessibles pour l’ONU, les registres des hôpitaux et des cimetières ne sont pas publics et les familles de ces détenus morts ne peuvent souvent pas obtenir leurs certificats de décès et les dépouilles de leurs proches.  Mme DiCarlo a de plus averti que l’impact de cette situation sur les femmes est d’autant plus grave qu’elles risquent de perdre leurs droits juridiques, y compris au logement et à la propriété, si elles ne peuvent pas expliquer où se trouve leur mari, ni justifier son décès faute de certificat de décès. 

Les Quinze ont d’ailleurs entendu le témoignage de deux femmes syriennes, cofondatrices de l’ONG « Families for Freedom », venues partager la détresse des familles sans nouvelles de leurs proches.  Elles ont également appelé le Conseil de sécurité à adopter une résolution afin de faire pression sur le régime syrien et les groupes armés de l’opposition et d’exiger la libération immédiate de toutes les personnes détenues arbitrairement en Syrie. 

« C’est votre responsabilité de protéger les Syriens d’un système qui tue, torture et détient illégalement ses propres citoyens, en violation flagrante du droit international », ont-elles affirmé, soulignant par ailleurs que « la première étape vers une paix durable et la justice est la vérité, la fin des disparitions forcées, ainsi que la libération des milliers de civils arbitrairement détenus et privés de liberté ». 

Renchérissant, les États-Unis ont de plus estimé que la libération immédiate des civils détenus dans les prisons du régime d’Assad permettrait de tracer la voie vers la mise en œuvre de la résolution 2254, mais aussi de faire avancer les efforts déployés par l’Envoyé spécial pour relancer le processus politique et de créer un élan pour permettre au régime d’Assad et à l’opposition syrienne de travailler ensemble.

La délégation américaine a déploré que les efforts déployés pour négocier la libération des détenus sous les auspices des garants d’Astana se soient focalisés sur des échanges « un contre un » entre les forces armées du régime et de l’opposition, ignorant ainsi la détresse des milliers de civils « qui représentent la grande majorité des personnes détenues par le régime ». 

« Si la Syrie n’arrive pas à régler les questions à l’origine du conflit qui a commencé en 2011, elle ne pourra pas retrouver sa place au sein du concert des nations », a ajouté le Royaume-Uni, tandis que la France a souligné l’importance des dizaines de milliers de photos de cadavres de détenus affamés et torturés contenues dans le dossier « César ».

La Fédération de Russie a cependant regretté la « politisation contre-productive » d’une question humanitaire et la stigmatisation du Gouvernement syrien, fustigeant dans la foulée une démarche visant à « mettre des bâtons dans les roues » au processus politique syrien. 

La délégation russe a notamment prévenu que toute tentative de lancer de nouvelles enquêtes du Conseil de sécurité ne pourra que saper le processus « complexe » de renforcement de la confiance entre les parties.  « Personne ne profiterait d’une évolution aussi négative », a-t-elle affirmé, avant d’engager ses « collègues occidentaux » à faire toute la lumière sur le sort des personnes détenues de manière arbitraire dans la Ghouta orientale et dans le sud-ouest de la Syrie. 

Les « pratiques systématiques » des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France ont également été rejetées par la délégation syrienne qui a déploré que le Conseil de sécurité demeure « incapable » de faire face à la principale cause des souffrances du peuple syrien, à savoir le terrorisme, qui, selon la Syrie, est soutenu par les trois pays susmentionnés. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a rappelé qu’en juin, le Conseil de sécurité avait adopté la résolution 2474 sur « les personnes portées disparues dans les conflits armés », une résolution qui est depuis devenue une « lueur d’espoir » pour de nombreux Syriens.  Elle a ensuite expliqué que dans le contexte actuel marqué par les difficultés d’accès aux centres de détention et aux détenus en Syrie, l’ONU ne dispose pas de statistiques officielles sur les personnes détenues, enlevées ou portées disparues.  Les chiffres dont elle dispose proviennent de récits corroborés par la Commission d’enquête sur la Syrie et des organisations des droits de l’homme.  Même si l’ONU ne peut pas vérifier ces chiffres, les rapports font état de 100 000 personnes détenues, enlevées ou portées disparues, en grande partie, mais pas exclusivement, par le Gouvernement syrien, a précisé Mme DiCarlo. 

De nombreuses familles n’ont aucune information sur le sort des êtres chers, a-t-elle déploré.  Les lieux de détention ne sont pas accessibles pour l’ONU ou les autres organisations de suivi internationales, alors que les registres des hôpitaux et des cimetières ne sont pas publics.  Mme DiCarlo a également affirmé que les morts en détention continuent, en grande partie suite à des actes de torture ou en raison des conditions inhumaines de détention.  Pour les familles de ces détenus morts, la situation est d’autant plus intolérable qu’elles ne peuvent souvent pas obtenir leurs certificats de décès et les dépouilles de leurs proches.  L’impact de cette situation sur les femmes est d’autant plus grave qu’elles risquent de perdre leurs droits juridiques, y compris au logement et à la propriété en Syrie, si elles ne peuvent pas expliquer où se trouve leur mari ni justifier son décès faute de documentation officielle comme un certificat de décès. 

Mme DiCarlo a ensuite indiqué que la Commission d’enquête sur la Syrie avait pu obtenir par un transfuge militaire syrien plus de 50 000 photos qui, rendues publiques en 2014, montrent près de 7 000 corps portant des marques de torture.  Suite à la reprise du contrôle de certaines provinces par le régime syrien, a-t-elle poursuivi, l’ONU a continué de recevoir des informations sur des cas d’arrestation arbitraire et de disparition de civils, y compris dans les « soi-disant » zones qui tombent sous les « accords de réconciliation ».  Les organisations de défense des droits de la personne ont signalé des cas de détention et de disparition de réfugiés syriens qui sont rentrés en Syrie, alors que les enquêtes du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) indiquent que la crainte de la détention est un des facteurs qui empêchent le retour des personnes déplacées et des réfugiés dans leur pays. 

La Secrétaire générale adjointe a toutefois reconnu que ces abus ne sont pas uniquement le fait du régime syrien et que les groupes terroristes comme l’EIIL ou Hay’at Tahrir el-Cham ont également commis des crimes haineux.  Les groupes armés affiliés avec l’opposition syrienne ne sont pas en reste puisqu’ils auraient créé des centres de détention dans différentes zones sous leur contrôle où les soldats gouvernementaux capturés, les collaborateurs soupçonnés de travailler avec le Gouvernement et les membres d’autres groupes armés opposés sont retenus et parfois exécutés, a-t-elle indiqué.  Le Gouvernement syrien affirme que le nombre de personnes détenues par ces groupes armés s’élève à 16 000, mais, sans accès à ces centres de détention, l’ONU ne peut vérifier ce chiffre, a précisé Mme DiCarlo.

Après avoir exigé que justice soit faite pour ces cas d’abus, indépendamment de leurs responsables, la Secrétaire générale adjointe s’est préoccupée du sort des milliers d’étrangers, dont la plupart sont des femmes et des enfants qui sont les membres de famille des combattants étrangers, qui sont aujourd’hui détenus dans le camp de Hol.  Elle a exhorté tous les États Membres à garantir le rapatriement de leurs nationaux dans le but de les faire comparaître en justice, mais aussi pour procéder à leur réhabilitation et leur réintégration, conformément aux normes du droit international.

Elle a ensuite rappelé que l’Envoyé spécial pour la Syrie, M. Geir Pederson, a fait de la question des détenus l’une de ses priorités et cherche à faire progresser ce dossier dans le cadre du groupe de travail dont l’ONU est membre aux côtés de l’Iran, la Fédération de Russie et la Turquie.  Depuis sa création en décembre 2017, a-t-elle indiqué, ce groupe a facilité quatre opérations d’échange, dont une la semaine dernière.  Cependant, le nombre de libérations de détenus à ce jour reste insuffisant puisque seules 109 personnes ont été libérées, a-t-elle regretté.  Elle a souligné que les parties doivent dépasser les échanges sur le principe « un pour un », les appelant ensuite à s’engager dans des actions unilatérales de libération.  Elle a aussi estimé que le groupe de travail devrait se réunir plus régulièrement et adopter les procédures relatives aux personnes portées disparues soumises par les Nations Unies.  L’ONU se propose d’organiser la prochaine réunion du groupe de travail à Genève.

Poursuivant, Mme DiCarlo a exigé la libération des personnes en détention arbitraire, et en particulier des femmes et des enfants, par toutes les parties au conflit syrien.  Ces parties doivent respecter leurs obligations au titre du droit international et transmettre les informations et documents relatifs aux détenus, aux personnes enlevées et aux personnes portées disparues et établir un mécanisme avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour gérer ces informations, en coordination avec le Bureau de l’Envoyé spécial, a-t-elle demandé.  De plus, elles doivent fournir des informations sur leurs proches aux familles, identifier et rendre leurs dépouilles, transmettre une liste de tous les endroits où les personnes sont détenues et faciliter l’accès à ces endroits à une tierce partie neutre.

Mme DiCarlo a aussi demandé au Gouvernement syrien et aux autres parties concernées de pleinement coopérer avec le Mécanisme international, impartial et indépendant et avec la Commission d’enquête.  Elle a ensuite réitéré la demande du Secrétaire général pour que la situation en Syrie soit déférée devant la Cour pénale internationale. 

Mme HALA AL GHAWI, de « Families for Freedom », s’est présentée au Conseil en tant que médecin et cofondatrice de cette organisation non gouvernementale, qui fait campagne pour la libération des personnes détenues en Syrie et leur accès à la justice.  Elle a expliqué avoir quitté la Syrie à la fin de l’année 2011 après le placement en détention de son époux.  Si ce dernier a depuis lors retrouvé la liberté, le frère et le beau-père du docteur Hala, ainsi que sept de ses cousins, ont été emprisonnés en 2013 et elle reste à ce jour sans nouvelles d’eux.  « Nombre de mes collègues médecins ont également été incarcérés par le Gouvernement syrien pour avoir aidé des manifestants blessés », a-t-elle expliqué, affirmant que plusieurs d’entre eux ont péri sous la torture pendant leur détention.  Elle a déclaré s’exprimer devant le Conseil en mémoire de ces personnes et des centaines de milliers de Syriens disparus et assassinés. 

Mme Al Ghawi a ensuite exprimé la « profonde frustration » que lui inspire l’inaction des personnes présentes dans cette salle face aux souffrances des prisonniers syriens et de leurs familles.  « Nous sommes dans la huitième année du conflit syrien et au moins 100 000 personnes sont encore portées disparues, beaucoup d’entre elles étant victimes d’abus, de privations et de torture », a-t-elle souligné.  Il importe, selon elle, que les familles soient informées du sort de leurs membres et que les responsables de leurs souffrances rendent des comptes. 

Notant que les conditions de détention des prisonniers syriens sont bien documentées par les organisations syriennes et internationales des droits de l’homme, le docteur Al Ghawi a indiqué avoir rencontré et soigné, depuis 2011, plusieurs dizaines de survivants.  Les détenus en Syrie font face à des abus physiques et sexuels, à des cas de torture, à la faim et à des conditions de vie extrêmes, a-t-elle alerté.  Ils sont le plus souvent entassés dans des cellules étroites et sombres et certains sont placés durant des mois dans des cellules de confinement de la taille d’un cercueil.  Il arrive, a-t-elle précisé, que des détenus passent des jours entourés de cadavres, ce qui entraîne chez eux des troubles psychologiques et physiques.  Les femmes détenues sont quant à elles sujettes à des violences sexuelles et sexistes à une forte fréquence. 

Évoquant l’expérience traumatisante de son mari, enfermé dans une cellule si petite qu’il ne pouvait même pas s’assoir, le docteur Al Ghawi a insisté sur l’incertitude que vivent les familles quant au sort de leurs proches victimes de disparitions forcées.  Dans l’espoir d’une réponse et au prix de déplacements dangereux, des mères se rendent chaque jour dans des tribunaux et des centres de détention, a-t-elle relaté.  Elles rentrent souvent brisées, sans informations nouvelles, et pourtant y retournent encore et encore.  « Les familles veulent des tombes pour faire leur deuil.  Ce simple droit est quelque chose qu’il nous faut demander aujourd’hui », a déploré la praticienne, exhortant le Conseil à agir pour que cessent ces souffrances. 

« Ce Conseil doit adopter une résolution pour mettre la pression sur le Gouvernement syrien et sur toutes les parties belligérantes afin que soit publiée une liste faisant figurer le nom de tous les détenus, ainsi que leur localisation et leur statut actuels, et qu’il soit immédiatement mis fin à la torture et aux mauvais traitements », a plaidé la cofondatrice de « Families for Freedom ».  De plus, a-t-elle ajouté, si un détenu vient à mourir, un certificat de décès ne peut suffire: un rapport doit être remis aux familles, établissant la cause réelle de la mort et le lieu d’inhumation du corps. 

Pour le docteur Al Ghawi, les organisations humanitaires internationales et la Commission d’enquête de l’ONU doivent bénéficier d’un accès sans condition aux centres de détention.  Il faut également que des organisations médicales puissent examiner l’état de santé de chaque détenu.  Quant à la résolution qu’elle appelle de ses vœux, elle doit exiger la libération immédiate et unilatérale de toutes les personnes détenues arbitrairement en Syrie.  Pour cela, a-t-elle souligné, un calendrier doit être prévu pour l’identification et la remise en liberté de tous détenus, dans le cadre d’un processus de paix placé sous la surveillance d’un organisme international et indépendant.  « Une Syrie nouvelle et pacifique ne pourra être construite tant que des personnes y seront encore torturées et exécutées », a-t-elle conclu, avertissant le Conseil qu’il serait tenu pour responsable en cas d’échec. 

Mme AMINA KHOULANI, de « Families for Freedom », a raconté que trois de ses frères avaient été enlevés par le régime syrien il y a huit ans, alors qu’ils manifestaient pour une Syrie plus libre et démocratique.  Elle a dit avoir reconnu le corps de l’un d’eux sur des images publiées par un déserteur de l’armée il y a quatre ans.  Et en juillet dernier, elle a appris, par des communiqués des autorités, que ses deux autres frères étaient décédés durant leur détention.  Elle a affirmé avoir été elle-même détenue pendant six mois par une branche de l’armée de l’air du fait de son activisme, et que son époux avait également passé deux ans et demi en détention. 

Mme Khoulani a expliqué être l’une des fondatrices de « Families for Freedom », un mouvement créé en 2017 et dirigé par des femmes dont les proches sont détenus ou ont disparu.  Provenant de divers horizons, elles sont unies dans leur demande que soit mis un terme aux détentions arbitraires et disparitions forcées et réclament justice pour les disparus et leurs familles, et l’assurance que les responsables de leurs souffrances puissent rendre des comptes. 

Elle a ensuite relevé qu’environ 100 000 Syriens demeurent disparus, pour la majorité détenus par le régime, même si des groupes armés d’opposition et des groupes extrémistes comme Daech sont également coupables de détention et de disparition.  Elle a souligné que nombre de ces disparus endurent des tortures barbares au quotidien et que l’exécution de certains d’entre eux est peut-être prévue.  Peu parmi eux auront un procès équitable, a-t-elle déploré. 

Elle a déploré que malgré les photos de César et la publication de rapports, les disparitions se poursuivent, y compris parmi les personnes qui cherchent à rentrer en Syrie.

Elle a accusé le Conseil de sécurité d’avoir complètement failli face aux détenus syriens et leurs familles.  « C’est votre responsabilité de protéger les Syriens d’un système qui tue, torture et détient illégalement ses propres citoyens, en violation flagrante du droit international », a-t-elle souligné.  Ainsi, « vous avez laissé des veto et des excuses faire obstacle à ce qui est juste », a-t-elle déploré, avant de demander au Conseil de faire de la question des détentions et des disparitions forcées en Syrie une priorité.

Mme Khoulani a ensuite engagé le Conseil a adopté une nouvelle résolution afin de faire pression sur le régime syrien et les groupes armés d’opposition sur le sort des personnes détenues, et permettre également aux organisations humanitaires de visiter les centres de détention.  Il faut que les personnes comme elle, dont les proches ont été exécutés ou torturés à mort, sachent quel est le lieu de leur sépulture afin de pouvoir faire convenablement leur deuil.  « La première étape vers une paix durable et la justice est la vérité, et la fin des détentions arbitraires et des disparitions forcées, ainsi que la libération des milliers de civils arbitrairement détenus et privés de liberté », a-t-elle affirmé. 

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a déclaré que les disparitions forcées et les pratiques de détention et de torture constituent l’une des grandes tragédies du conflit syrien.  Il a rappelé qu’en 2013, un soldat qui avait fait défection, connu sous le nom de code de César, avait fait clandestinement sortir de Syrie plus de 53 000 photographies montrant plus de 6 700 victimes de torture décédées alors qu’elles été détenues par le régime syrien.

Il a indiqué que le sort des personnes disparues sous le régime d’Assad est la première des préoccupations des Syriens lorsqu’il s’agit, pour ceux qui ont quitté le pays, d’envisager un retour en Syrie ou une solution politique au conflit.  Il a expliqué que les États-Unis ont réclamé la tenue de cette réunion, convaincus de l’impératif politique et humanitaire d’améliorer la transparence et l’accès aux prisons du régime et d’obtenir la libération des civils détenus arbitrairement par le régime.  La question des détenus est essentielle, a-t-il insisté.

M. Cohen a ensuite affirmé qu’outre le témoignage courageux des Syriens et les photos de César, il existe des données minutieuses qui démontrent l’étendue et la gravité des crimes commis contre des civils innocents dans les prisons du régime.  Depuis 2011, les groupes de documentation syriens estiment que jusqu’à 215 000 personnes, dont 35 000 prisonniers de conscience, ont été détenues, en grande majorité par le régime, et que 14 000 personnes ont été tuées à la suite de torture, dont 177 enfants.  Près de 128 000 personnes se trouvent actuellement dans les geôles du régime syrien, y compris des travailleurs humanitaires, des médecins, des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes, des femmes et des enfants.  Il a aussi cité des centres de détention précis, à savoir les branches du renseignement militaire 215, 227, 235 et 251, les services du renseignement de l’armée de l’air de l’aéroport de Mezzeh, ainsi que la prison de Sednaya.

Le représentant a ensuite averti qu’il ne sera pas possible d’atteindre une solution politique telle que décrite dans la résolution 2254 sans que cessent ces pratiques.  Les États-Unis appellent donc à la libération immédiate, unilatérale des civils détenus dans les prisons du régime d’Assad afin de tracer la voie vers la mise en œuvre de la résolution 2254.  Cette mesure « réalisable » de renforcement de la confiance permettrait notamment de faire avancer les efforts déployés par l’Envoyé spécial pour relancer le processus politique et de créer un élan pour permettre au régime d’Assad et à l’opposition syrienne de travailler ensemble, a-t-il indiqué.

M. Cohen a aussi engagé le régime d’Assad à fournir à l’ONU un accès immédiat aux centres de détention syriens, notamment ceux où des actes de torture et d’abus ont été documentés.  Un tel accès est impératif pour veiller à ce que les conditions dans ces centres respectent les normes juridiques internationales appropriées, a-t-il précisé.

Le délégué a par ailleurs constaté que les processus parallèles n’avaient pas généré de résultats concrets et a appelé à consolider les efforts relatifs aux détenus et aux personnes portées disparues au sein du Bureau de l’Envoyé spécial, à Genève.  Des mises à jour sur cet aspect de la résolution 2254 doivent de plus être intégrées aux sessions mensuelles du Conseil de sécurité sur la Syrie, a-t-il ajouté.

M. Cohen a par ailleurs déploré que les efforts déployés pour négocier la libération des détenus sous les auspices des garants d’Astana se soient focalisés sur des échanges « un contre un » entre les forces armées du régime et de l’opposition, ignorant ainsi la détresse des milliers de civils « qui représentent la grande majorité des personnes détenues par le régime ».  Et ces efforts ont d’ailleurs été sapés ces derniers temps, le régime ayant détenu, l’année passée, des centaines d’anciens combattants qui avaient signé des soi-disant accords de réconciliation négociés par la Russie.

Le représentant des États-Unis a demandé à la Russie, au nom des garants d’Astana, de consolider les efforts de son groupe de travail et de renouveler son engagement à négocier la libération des victimes, à réclamer la cessation des pratiques de détention du régime, et à fermement appuyer les mécanismes de vérité et de reddition de comptes.  Il a aussi vivement exhorté le régime d’Assad à prendre des mesures concrètes allant dans ce sens.

Mme ANNE GUEGUEN (France) a condamné le recours par le régime syrien à des pratiques « dégradantes et inhumaines », telles que la torture, les arrestations arbitraires et les disparitions forcées, qui datent, selon elle, « de bien avant » les soulèvements de 2011.  Aux yeux de la représentante, ces abus ont été une « marque distinctive » du régime de Damas, dont Mme Gueguen a estimé qu’il était lancé dans une « dynamique d’anéantissement et de négation de toute forme d’opposition quelle qu’elle soit ».  Ces pratiques ont toutefois atteint une « ampleur inédite » au cours des huit dernières années de conflit, a-t-elle ajouté, au point de revêtir désormais un caractère « systématique ». 

La représentante a appelé à faire toute la lumière sur les violations « massives » des droits de l’homme commises en Syrie.  Pour ce faire, la représentante a souligné le rôle de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie, dont les rapports « impartiaux » permettent de « refléter la réalité de la tragédie syrienne ».  Elle a notamment salué la publication du rapport de la Commission sur les détentions, qui a été présenté au Conseil en format Arria, en novembre dernier, et a estimé que le Conseil de sécurité doit continuer à recevoir des briefings réguliers sur ces questions. 

Mme Gueguen a aussi insisté sur l’impératif de la justice.  « Les crimes commis par le régime ne doivent pas rester impunis », a-t-elle affirmé, soulignant l’importance des preuves accumulées par le Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011.  Grâce notamment au dossier « César » remis à la France, a-t-elle indiqué, dossier qui réunit les photos de dizaines de milliers de cadavres de détenus affamés et torturés, des mandats d’arrêt internationaux ont été émis par un juge d’instruction français à l’encontre de trois hauts responsables de « l’appareil répressif syrien ».  Mme Gueguen a estimé qu’il s’agissait là d’un premier pas essentiel pour la lutte contre l’impunité en Syrie.

La représentante s’est ensuite attardée sur l’impératif de la sécurité des personnes.  Il n’y aura pas de normalisation de la situation en Syrie sans la création, sur le terrain, d’un environnement sûr pour les civils, a-t-elle prévenu, appelant Damas à changer de comportement, en mettant fin à ces pratiques et en garantissant un accès « neutre » à tous les lieux de détention, « sans délais et sans entrave ».  Face à l’ampleur des détentions arbitraires et disparitions forcées en Syrie, Mme Gueguen a appelé à libérer sans condition toutes les personnes détenues pour des motifs politiques.  Elle a aussi appelé les alliés de Damas à faire pression sur le régime en ce sens.  « C’est une simple mesure de confiance », a-t-elle insisté, doublée, selon elle, d’une « obligation morale » et d’une « nécessité politique ». 

M. JUERGEN SCHULZ (Allemagne) a appelé à la libération immédiate de toutes les personnes détenues arbitrairement.  Huit ans après le début du conflit et cinq ans après la publication des photos de « César », plus de 100 000 personnes sont portées disparues et 14 000 auraient succombé à la torture.  De plus, l’Allemagne dispose d’informations selon lesquelles 17 000 personnes ont été arrêtées de façon arbitraire et 140 personnes sont décédées suite à des tortures depuis le début 2019.

Le représentant s’est félicité que quatre échanges de prisonniers aient été possibles grâce aux efforts du groupe de travail d’Astana.  Ces échanges d’un faible nombre de prisonniers restent cependant insuffisants au regard du grand nombre de personnes encore détenues, a-t-il cependant estimé.

M. Schulz a demandé au régime syrien de publier une liste complète des personnes détenues et de communiquer aux familles toutes les informations en sa possession sur les personnes portées disparues, y compris les lieux de sépulture.  « Ne pas permettre aux familles de faire leur deuil ne fait qu’ajouter au crime abominable », a dit le représentant de l’Allemagne.  Il a estimé que la paix en Syrie ne sera pas possible tant que la vérité ne sera pas connue et les responsables des crimes poursuivis. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) est revenu sur les souffrances de milliers de familles syriennes suite à la disparition ou la détention de leurs proches.  Les conséquences à long terme de cette situation sont graves, a-t-il confié, ajoutant qu’il s’agit avant tout d’une question humanitaire.  C’est la raison pour laquelle le Koweït a insisté sur la réunion d’aujourd’hui et exige leur libération.  Il se félicite du possible accord, dans le cadre du mécanisme d’Astana, pour la libération d’un plus grand nombre de détenus.

Le représentant a appelé à faire en sorte que les paroles et les actes du Conseil de sécurité soient conformes aux Conventions de Genève pour ce qui est des personnes détenues ou portées disparues en temps de conflit.  Il a appelé toutes les parties à mettre fin aux conditions de détention inhumaines et à assurer la libération des femmes, des enfants et des personnes âgées.  Il faut aussi que les familles puissent connaître le sort de leurs proches et que les détenus puissent avoir accès aux soins de santé et à la satisfaction de leurs besoins primaires.  M. Alotaibi a également appelé à rendre compte du nombre de personnes décédées et à les identifier, à rendre leurs dépouilles lorsque cela est possible et à indiquer leurs lieux de sépulture.  Enfin, le Koweït exige que les personnes responsables de ces « crimes horribles » soient tenues pour responsables de leurs actes devant la loi.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a rappelé que la détention arbitraire de civils syriens par le régime fait partie des causes des manifestations de 2011.  Elle a demandé que soit mis fin aux persécutions auxquelles se livre le Gouvernement sur sa population.  Elle a précisé que des milliers de familles ont été informées cette année du décès d’un proche dans les prisons syriennes sans qu’aucune explication ne soit donnée sur les causes du décès.  Elle a demandé aux autorités syriennes de fournir à l’ONU un accès aux centres de détention et de lui remettre une liste de tous les détenus.  Elle a aussi jugé indispensable d’obtenir la liste des lieux de sépulture et sites funéraires afin que les familles puissent faire leur deuil.  Elle s’est tournée vers le représentant syrien en lui demandant un signe de la part de son gouvernement. 

La représentante du Royaume-Uni a ensuite demandé que des observateurs indépendants puissent avoir accès à tous les lieux de détention.  Elle a salué les échanges de prisonniers intervenus entre le régime syrien et les groupes armés, tout en précisant que ces échanges ne pouvaient se substituer aux responsabilités des parties s’agissant des questions de détention abusive.  « Si la Syrie n’arrive pas à régler les questions à l’origine du conflit qui a commencé en 2011, elle ne pourra pas retrouver sa place au sein du concert des nations », a conclu la représentante.

M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a estimé que la formulation des réponses adéquates au sort des personnes détenues ou portées disparues fait partie intégrante des processus de sortie de crise et de consolidation de la paix.  Face aux 10 000 demandes d’informations faites au CICR sur des personnes disparues en Syrie, le délégué a dit que ces chiffres interpellent le Conseil de sécurité sur l’acuité du problème, et l’engagent à agir pour apporter des réponses idoines à cette question qui s’ajoute à une situation humanitaire déjà préoccupante.  Il a ensuite exhorté le Conseil à renforcer la mise en œuvre des dispositions pertinentes de la résolution 2474 (2019) sur les personnes disparues en période de conflit armé. 

M. Ipo a rappelé qu’il incombe au Gouvernement syrien et aux groupes rebelles de prendre toutes les mesures nécessaires en vue d’assurer la protection des civils, mais également de veiller à ce que les personnes détenues soient traitées avec dignité, et dans le strict respect des normes internationales en la matière.  De même, il leur revient de contribuer pleinement aux enquêtes visant à identifier et à localiser les personnes portées disparues.  Il a enfin salué la libération réciproque, le 31 juillet dernier, de détenus en Syrie, dans le cadre du quatrième projet du groupe de travail sur la libération des détenus et personnes enlevées, ainsi que la remise des corps et l’identification des personnes disparues, tel que cela avait été prévu par le processus d’Astana. 

Mme JOAN MARGARITA CEDANO (République dominicaine) a souligné que les parties au conflit syrien avaient l’obligation de garantir la dignité et la sécurité des personnes détenues, en conformité avec le droit international humanitaire.  En ce sens, elle a appelé à mettre immédiatement fin à toutes les détentions arbitraires en Syrie et à procéder à la libération unilatérale des détenus, en particulier les femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes vivant avec un handicap.  À ses yeux, le Gouvernement syrien doit, en tant que principal responsable de la protection de la population civile, faire toute la lumière sur les circonstances dans lesquelles des milliers de Syriens ont perdu la vie en détention et présenter les résultats de ces enquêtes aux familles des victimes, auxquelles il est également impératif, selon elle, de restituer les dépouilles mortuaires de leurs proches.  La représentante a ajouté que ce processus prendrait sans doute des années et devrait se faire avec la participation des familles comme des organisations de la société civile.  Les familles des personnes disparues ont le droit de savoir où se trouvent leurs proches et doivent également bénéficier d’un soutien psychologique, légal et économique, a-t-elle poursuivi.  Dans le cas contraire, a mis en garde la déléguée dominicaine, le ressentiment des civils syriens risquerait de donner lieu à de nouvelles violences à l’avenir.  « L’impunité n’est pas une option viable », a-t-elle insisté en conclusion.

Mme KAREN VAN VLIERBERGE (Belgique) a souligné qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit en Syrie et qu’une solution politique passant par le dialogue est la seule manière de parvenir à une paix stable et durable.  Ce dialogue nécessite de la confiance entre les parties au conflit.  Or, a-t-elle argué, il ne sera pas possible de créer une telle confiance sans perspective de justice et de responsabilité.  Dès lors, la représentante a dit soutenir pleinement l’Envoyé spécial pour la Syrie dans la poursuite de ses actions concrètes en faveur des détenus, des personnes enlevées ou portées disparues.  Si des échanges de prisonniers ont eu lieu ces derniers mois, le chemin à parcourir reste encore long, a-t-elle commenté. 

Mme Van Vlierberge a estimé que le non-respect des obligations qu’imposent les droits de l’homme, le droit international humanitaire et les résolutions du Conseil de sécurité ne peut rester sans suite.  De fait, la représentante appelle tous les États Membres à utiliser leur influence sur les parties au conflit afin de promouvoir la libération des personnes détenues arbitrairement ou illégalement.  Il importe également que l’ONU ait un accès libre et inconditionnel à tous les lieux de détention et que les victimes et leurs familles aient droit à la justice et à la réparation. 

Convaincue que les efforts de réconciliation et de paix sont mis en péril si des familles entières sont laissées dans l’ignorance quant au sort de leurs proches et que l’impunité continue de régner sur ces disparitions, la représentante a rappelé qu’en vertu de la résolution 2474, les familles ont un droit d’information qui doit être respecté par toutes les parties au conflit.  « Au lieu de semer des graines de discorde, plantons des graines pour une paix juste, stable et durable », a-t-elle conclu.     

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a souligné que les avancées au sujet des personnes détenues et portées disparues sont importantes pour envoyer un signal fort au peuple syrien et à la communauté internationale.  Il a espéré que le groupe de travail des garants d’Astana, dont l’ONU fait partie, pourra parvenir à des résultats plus concrets sur ce dossier.  Il a pris note des efforts de l’Envoyé spécial, qui a fait de cette question l’une de ses priorités.

Compte tenu de la complexité de la question syrienne, l’Indonésie appelle à éviter la politisation de cette question et appelle à une approche constructive, basée sur une meilleure communication et le dialogue.  Aussi la communauté internationale devrait-elle renforcer ses mesures d’appui à un processus politique dirigé par les Syriens, a poursuivi le représentant.  Avant de conclure, il a rappelé les obligations de toutes les parties, en vertu du droit international humanitaire, à garantir la protection des droits de la personne de tous les citoyens.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a exprimé des doutes quant aux motivations ayant conduit à la convocation de cette réunion.  « Plutôt que d’entendre de nouvelles informations de nature à renforcer la confiance, nous avons entendus des informations non objectives », a regretté le représentant, avant de fustiger une démarche visant à « mettre des bâtons dans les roues » au processus politique syrien.  « Nous sommes très déçus par l’intervention de nos collègues occidentaux et en particulier de notre collègue des États-Unis »,a-t-il ajouté. 

Le représentant russe a déclaré qu’il aurait souhaité obtenir des informations à propos des territoires syriens occupés illégalement pour savoir comment la loi s’y applique et comment la justice y est rendue.  « Combien de personnes sont emprisonnées ou portées disparues dans les territoires sous contrôle de groupes armés qui portent atteinte à la souveraineté de la Syrie »? a encore demandé le représentant russe, avant de regretter la « politisation contre-productive » d’une question humanitaire et la stigmatisation d’une seule partie au conflit, à savoir le Gouvernement syrien.  M. Polyanskiy a ensuite exhorté la communauté internationale à aider la Syrie à se relever de cette « crise intérieure qui est malheureusement attisée de l’extérieur ». 

Par ailleurs, le représentant russe a rappelé qu’au tout début du mois d’août, dans le cadre du processus d’Astana, s’est tenue une réunion d’un groupe de travail qui a permis d’améliorer la confiance entre les parties.  Le 31 juillet s’est déroulée la quatrième opération de libération et d’échange de prisonniers par l’entremise d’un mécanisme unique qui a permis l’échange de 110 prisonniers depuis novembre 2018.  « Avec l’aide d’experts du CICR et de l’ONU, nous mettons également en place les modalités d’une base de données où seront mentionnées les personnes disparues », a indiqué M. Polyanskiy.  Il a ensuite prévenu que toute tentative de lancer de nouvelles enquêtes du Conseil de sécurité ne pourra que porter atteinte aux processus en cours et saper le processus complexe de renforcement de la confiance entre les parties.  Personne ne profiterait d’une évolution aussi négative, a-t-il indiqué, avant d’engager ses collègues occidentaux à faire toute la lumière sur le sort des personnes détenues de manière arbitraire dans la Ghouta orientale et dans le sud-ouest de la Syrie.  De telles questions ne doivent pas être posées à Damas, a-t-il affirmé. 

M. Polyanskiy a par ailleurs relevé que le nord-est de la Syrie est en ruines, relevant notamment que 1 200 personnes sont décédées depuis début 2019 suite aux frappes aériennes de la coalition.  Il a fait savoir que 17 000 personnes ont pu quitter le camp de Deïr el-Zor grâce à l’implication de la Russie et du régime syrien.  De nombreuses personnes ont également pu quitter le camp de Roukban grâce aux efforts du Centre russe pour la réconciliation.  Le représentant a aussi qualifié la situation dans le camp de Hol de catastrophique et a accusé « la puissance occupante » d’être responsable des « conditions dignes d’un camp de concentration » qui y prévalent.  Il a aussi pointé les « déclarations contradictoires » de l’Administration américaine selon lesquelles l’EIIL aurait été vaincu en Syrie.  Mais la présence continue des États-Unis semble suggérer que leurs objectifs ne s’alignent pas avec le respect de la souveraineté de la Syrie, a-t-il commenté.

M. WU HAITAO (Chine) a dit accorder la plus grande attention à la question des personnes détenues et portées disparues en Syrie, et a noté que l’Envoyé spécial, M. Pederson, en a fait une priorité.  Ses efforts vont dans le sens du renforcement de la confiance mutuelle entre les parties notamment par le biais des échanges de prisonniers, a-t-il expliqué, avant de saluer la libération, par le Gouvernement syrien, de certains détenus.

La Chine appelle la communauté internationale à fournir une assistance humanitaire renforcée à la population syrienne et à participer aux efforts de reconstruction tout en respectant les principes de neutralité, d’impartialité et de non-politisation de ces questions.  Elle souhaite voir le processus politique syrien avancer, et appelle les parties syriennes à penser à l’avenir du pays.  La communauté internationale doit les encourager à adopter des mesures volontaires propices à la réconciliation, a-t-il ajouté.

M. PAUL DUCLOS (Pérou) a salué les efforts des pays garants du processus d’Astana, qui ont permis la libération de dizaines de détenus depuis novembre 2018.  Il a toutefois appelé à redoubler d’efforts pour faire avancer plus rapidement ce dossier.  Le représentant a notamment jugé nécessaire de disposer d’informations plus précises sur la situation des personnes détenues et disparues, et d’adopter des lois nationales pour la protection des détenus avant, durant et après leur libération.  Il a également appelé à offrir à leurs familles un soutien matériel, psychologique et juridique.  Pour ce faire, le représentant a estimé que la communauté internationale avait un rôle très important à jouer, notamment via l’adoption d’un ensemble de pratiques optimales et de normes techniques, ainsi qu’en octroyant des ressources financières et en exerçant une influence positive sur les parties.  Il a appelé à accorder une attention particulière au sort des enfants syriens disparus, étant donné leur « extrême vulnérabilité ».  Le représentant a enfin jugé crucial que le Gouvernement syrien et l’opposition se focalisent sur la recherche de solutions « à grande échelle » pour procéder à des échanges de prisonniers et à des libérations simultanées de groupes de détenus. 

Aux yeux de Mme AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale), les rapports récents sur la question des détentions arbitraires en Syrie sont « clairs et sans équivoque ».  Quoique la pratique des détentions arbitraires ait cours dans l’ensemble du pays et soit utilisée par toutes les parties au conflit, c’est dans les zones sous le contrôle du Gouvernement qu’elle est de loin le plus répandue, a-t-elle relevé.  La représentante a par conséquent appelé toutes les parties à faire la lumière sur le sort des personnes disparues dans le cadre des hostilités et à libérer les personnes détenues arbitrairement, dans le respect des résolutions 2254 (2015) et 2258 (2015) du Conseil de sécurité.  Les personnes détenues par les autorités sans la moindre justification légale doivent quant à elles être immédiatement libérées, a-t-elle ajouté.  La représentante a en outre souligné que les familles des victimes de disparition forcée avaient le droit de connaître la vérité sur le sort réservé à leurs proches, ainsi que de récupérer leurs dépouilles mortuaires. 

La représentante a par ailleurs pris note du fait que, le 31 juillet dernier, le régime syrien et les groupes d’opposition avaient procédé à la libération simultanée de plusieurs détenus, dans une zone sous le contrôle des forces d’opposition.  De manière générale, elle a appelé les parties à procéder à la libération de toutes les personnes détenues arbitrairement.  À défaut, et en l’absence de mesures pour rendre justice aux victimes, a-t-elle mis en garde, aucune avancée ne pourra être réalisée en faveur de la conclusion d’un accord politique.

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a attiré l’attention sur l’impact à long terme sur les familles, les amis et la communauté dans son ensemble de la question des personnes disparues.  Il a rappelé à toutes les parties, dont les groupes armés non étatiques, leurs responsabilités juridiques et obligations morales de protéger les personnes détenues et de documenter leur situation.  Fort de l’expérience de son pays en matière de réconciliation nationale, le représentant de l’Afrique du Sud a mis l’accent sur le processus de vérité, justice et redevabilité pour solidifier le processus de paix et commencer le processus de réconciliation nationale.  Dans ce contexte, il a salué les efforts du groupe d’Astana et de l’ONU qui ont permis d’effectuer, le 31 juillet, des échanges de prisonniers entre le Gouvernement et l’opposition dans le district d’Abu al-Zindeen, au nord d’Alep.  « La seule façon de parvenir à une paix durable est de faciliter un processus de dialogue intersyrien sur la base de la résolution 2254 », a insisté M. Matjila. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a réaffirmé d’emblée que la Pologne soutient tout effort visant à faire émerger une Syrie qui soit pacifique, souveraine, démocratique, indépendante et entière.  Mais, a-t-elle constaté, le soutien au processus en cours, sous l’égide des Nations Unies, n’est pas suffisant.  Il faut des mesures pratiques, comme l’a indiqué l’Envoyé spécial pour la Syrie, M. Geir Pedersen, dans son plan en cinq points présenté au Conseil de sécurité plus tôt cette année.  Le cadre qu’il a défini porte notamment sur la question extrêmement importante des détenus et des personnes enlevées et portées disparues en Syrie, a rappelé la représentante. 

Les huit années de conflit en Syrie ont causé des souffrances indescriptibles, a-t-elle noté, en évoquant les milliers de personnes en détention arbitraire, dont un grand nombre subit des mauvais traitements, y compris la torture et les viols.  Mme Wronecka a également parlé des nombreuses personnes portées disparues dont les familles n’ont plus aucune nouvelle. 

Face à ce constat, la Pologne appelle à la libération des toutes les personnes détenues arbitrairement, en particulier des femmes, des enfants et des personnes âgées.  Tout progrès dans ce domaine contribuerait à renforcer la confiance mutuelle entre les parties, a affirmé la représentante, qui y voit un moyen pour créer un climat propice à une paix durable.  Agir sur ce plan pourrait, selon elle, ouvrir la voie à un processus de transition politique négocié. 

M. LOUAY FALOUH (République arabe syrienne) a rejeté et dénoncé les « pratiques systématiques » des délégations des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France, les accusant d’exploiter la tribune du Conseil de sécurité pour dénigrer le Gouvernement syrien.  Ces délégations n’ont pas la légitimité de convoquer une réunion sur la situation dans notre pays alors qu’ils sont impliqués dans l’agression militaire de la Syrie où ils se sont rendus responsables de milliers de morts, a-t-il affirmé. 

« Ces gouvernements ne se sont en réalité jamais intéressés aux droits de l’homme et n’ont fait que manipuler les dispositions de la Charte des Nations Unies pour mettre en œuvre un agenda colonialiste qui ne vise qu’à renverser des gouvernements légitimes. »

Le représentant a assuré que sa délégation n’est pas opposée à la tenue de réunions sur la situation en Syrie à condition que leur objectif soit d’échanger des points de vue sincères aboutissant à de vrais solutions pour permettre le retour à la paix et la prospérité pour tous les Syriens. 

M. Falouh a ensuite suggéré d’examiner ce qui a été dépensé par les Gouvernements des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France en armement pour « régler des comptes » avec le Gouvernement syrien.  Il a regretté que le Conseil de sécurité se base sur des sources d’information « suspectes » qui induisent en erreur la communauté internationale.

Il a aussi déploré que le Conseil de sécurité demeure « incapable » de faire face à la principale cause des souffrances du peuple styrien, à savoir le terrorisme, qui est soutenu par les Américains, les Britanniques et les Français.  Il a affirmé que ces gouvernements soutiennent le groupe terroriste El-Nostra dans le nord-ouest du pays, rappelant dans la foulée que les groupes terroristes ont exécuté des milliers de Syriens.  Il a fustigé les gouvernements occidentaux qui financent des groupes armés terroristes religieux et qui les font passer pour une opposition syrienne modérée. 

Poursuivant, le délégué syrien a salué les mesures pratiques mises en place par le groupe de travail d’Astana en matière d’échange de prisonniers, précisant que les initiatives de réconciliation nationale du Croissant-Rouge arabe syrien avaient porté des fruits.  Il a assuré que les autorités judiciaires syriennes faisaient leur travail conformément à la Constitution et aux procédures prévues par les Codes civil et pénal de la Syrie.  « Nous sommes engagés à détruire les foyers du terrorisme en Syrie pour parvenir à une réconciliation nationale durable et nous souhaitons que toutes les forces étrangères quittent notre territoire », a insisté le représentant syrien.  Il a indiqué qu’il aurait souhaité que le Conseil de sécurité puisse entendre le témoignage de victimes de tortures pratiquées par les forces de l’opposition syrienne.

Reprenant la parole, la représentante du Royaume-Uni a rappelé « officiellement » que le Conseil de sécurité peut débattre de tout sujet en matière de paix et de sécurité internationales et a interpellé le représentant syrien pour lui dire « qu’il sera peut-être intéressé de savoir que pas moins de neuf pays ont demandé la réunion du Conseil de sécurité d’aujourd’hui ».  Il vaudrait mieux, a-t-elle ajouté, qu’il utilise le temps qui lui est imparti pour répondre à la question à l’ordre du jour, à savoir les personnes détenues et portées disparues en Syrie.  Le Royaume-Uni, a-t-elle rappelé, demande aux autorités syriennes de présenter une liste des personnes détenues et des personnes décédées, y compris de leurs lieux de sépulture.  « S’il y a une guerre en Syrie, c’est parce que le Gouvernement syrien s’est attaqué à son peuple.  C’est aussi simple que cela », a-t-elle tranché.

Lui répondant, le représentant de la Syrie a indiqué que le Conseil de sécurité doit œuvrer à trouver une solution au conflit tout en respectant la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie.  Ses résolutions stipulent aussi qu’il faut y mettre fin au terrorisme, a-t-il souligné.  C’est pourquoi il a demandé aux membres du Conseil qui ont une présence militaire en Syrie de mettre fin aux mesures coercitives unilatérales imposées aux Syriens et à leurs ingérences dans le processus politique syrien.  Il leur a également demandé de préciser leur position par rapports aux activités du groupe terroriste El-Nosra et d’autres qu’il les a accusés de soutenir.

« Le Royaume-Uni et ses partenaires n’appuient pas le terrorisme », a rétorqué la représentante du Royaume-Uni, avant d’inviter le représentant syrien à retirer ses propos.  Tant qu’il n’y aura pas de processus politique viable en Syrie, le Royaume-Uni ne participera pas à la reconstruction de la Syrie, a-t-elle tranché, avant de rappeler que l’objectif de cette réunion du Conseil de sécurité est de demander aux autorités syriennes des informations sur les détenus et d’exiger un accès du CICR à ses centres de détention. 

À son tour, le représentant de la Fédération de Russie a contesté les propos de la délégation du Royaume-Uni selon lesquels il y aurait une unanimité au sein du Conseil de sécurité sur la question syrienne.  « Faire de cette séance du Conseil de sécurité une séance de tribunal n’est pas acceptable », a-t-il jugé. 

 

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