8617e séance – matin
CS/13950

République centrafricaine: le Conseil de sécurité allège jusqu’au 31 janvier 2020 l’embargo sur certaines armes destinées aux Forces de sécurité centrafricaines

Au vu des « progrès considérables accomplis par les autorités centrafricaines » pour faire avancer la réforme du secteur de la sécurité, le Conseil de sécurité a décidé, ce matin, d’adapter temporairement les mesures d’embargo sur les armes imposées aux autorités du pays, en levant l’approbation  préalable requise pour les armes légères destinées aux forces de sécurité centrafricaines dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité. 

La résolution 2488 (2019) adoptée à l’unanimité ajoute ainsi aux exemptions déjà existantes dans les résolutions antérieures les « livraisons d’armes de calibre égal ou inférieur à 14,5 mm et de munitions et composants spécialement conçus pour ces armes, destinés aux forces de sécurité centrafricaines, dont les services publics civils chargés du maintien de l’ordre, et devant être utilisés exclusivement aux fins de la réforme du secteur de la sécurité ou de l’appui à celle-ci, dont le Comité des sanctions aura préalablement reçu notification ». Le Comité des sanctions, créé par la résolution 2127 (2013) concernant la République centrafricaine, est chargé de recevoir les notifications de livraison et les demandes de dérogation. 

Pour les autres armes ayant la même destination, l’approbation préalable du Comité reste requise. Cet allègement de l’embargo est valable jusqu’au 31 janvier 2020.

Les autres exemptions prévues dans la résolution existaient déjà et concernent principalement les fournitures destinées exclusivement à l’appui de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) et aux missions de formation de l’Union européenne déployées dans ce pays, aux forces françaises et aux forces d’autres États Membres qui assurent une formation ou prêtent assistance. 

Le Comité attend par ailleurs de la part des autorités centrafricaines, d’ici au 31 décembre 2019, des informations sur les progrès accomplis dans la réforme du secteur de la sécurité, le processus de désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement, et la gestion des armes et des munitions. 

En outre, le Secrétaire général est prié d’informer le Conseil de sécurité, au plus tard le 31 décembre 2019, des progrès accomplis par les autorités centrafricaines quant aux objectifs de référence définis dans la déclaration de son président en date du 9 avril 2019 (S/PRST/2019/3).

La France a salué l’adoption à l’unanimité de cet assouplissement de l’embargo sur les armes qui répond à l’appel exprimé par les autorités centrafricaines et qui reflète, selon elle, de manière équilibrée les positions des membres du Conseil de sécurité.  À l’instar de la Belgique, du Pérou, de la Pologne, de l’Allemagne et de l’Indonésie, la France a rappelé que les sanctions n’avaient pas été conçues comme une fin en soi mais comme un moyen d’éviter la prolifération des armes illégales et d’aider la République centrafricaine à retrouver le chemin de la stabilisation et de la paix durable. 

La Chine, les États-Unis, le Royaume-Uni et la Fédération de Russie se sont également félicités d’un assouplissement qui permettra aux forces de sécurité de remplir leur rôle.  Si la représentante des États-Unis s’est particulièrement inquiétée des conséquences de la prolifération des armes, son homologue russe, dont le pays fournit équipement et instruction militaires à la République centrafricaine, a souhaité que les prochaines discussions, en janvier 2020, permettent d’assouplir encore plus cet embargo pour aider le Gouvernement centrafricain à restaurer son autorité sur l’ensemble du territoire. 

Par ce texte, le Conseil de sécurité demande également aux autorités centrafricaines et à celles des États voisins de « coopérer au niveau régional » pour enquêter sur les réseaux criminels transnationaux et les groupes armés impliqués dans le trafic d’armes et les combattre.  Dans ce cadre, il demande que les commissions mixtes bilatérales associant la République centrafricaine et les États voisins reprennent leurs travaux en vue de remédier aux problèmes transfrontaliers, notamment liés aux trafics d’armes. 

À cet égard, le représentant de la Côte d’Ivoire, qui intervenait aussi au nom de la Guinée équatoriale et de l’Afrique du Sud, a noté que les groupes armés présents en République centrafricaine continuaient de s’approvisionner grâce aux flux illicites d’armes en provenance de pays voisins.  Il a donc appelé tous les États de la sous-région à conjugueur leurs efforts pour assurer le plein respect du régime de sanctions. 

Alors que le 6 février 2019 était signé, à Bangui, l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine par les autorités centrafricaines et 14 groupes armés, la représentante centrafricaine s’est félicitée d’un allègement du dispositif qui tienne compte de l’amélioration de la situation de terrain.  Elle a salué les mesures d’exemption et de notification prévues par la résolution, soulignant l’intérêt pour les forces de sécurité nationales d’être armées et formées au mieux.

Le Conseil de sécurité prévoit aussi, dans le texte adopté aujourd’hui, que les autorités centrafricaines devront autoriser le Groupe d’experts sur la République centrafricaine et la MINUSCA à avoir accès aux armes et autre matériel létal connexe faisant l’objet de notifications et de d’exemptions au moment de l’importation de ces équipements et avant qu’ils ne soient livrés aux utilisateurs finaux.

Il demande également d’éviter la revente ou le transfert des armes et autre matériel létal connexe vendus ou fournis aux forces de sécurité centrafricaines.  Les autorités centrafricaines devront d’ailleurs tenir un registre de toutes les armes et de tout le matériel détenus par leurs forces.

LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

Texte du projet de résolution (S/2019/729)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant toutes ses résolutions antérieures, les déclarations de sa présidence et les déclarations à la presse sur la situation en République centrafricaine,

Saluant les progrès considérables accomplis par les autorités centrafricaines, en coordination avec leurs partenaires internationaux, pour faire avancer la réforme du secteur de la sécurité, notamment le déploiement en cours des forces de défense et de sécurité centrafricaines et l’adoption d’un plan national de défense, d’un concept d’emploi des forces et d’une politique nationale de sécurité, et sachant que les autorités centrafricaines ont besoin de former et d’équiper de toute urgence leurs forces de défense et de sécurité pour être en mesure d’apporter une réponse proportionnée aux menaces contre la sécurité de l’ensemble des citoyens de la République centrafricaine,

Se félicitant de la signature, le 6 février 2019 à Bangui, de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine (« l’Accord ») par les autorités centrafricaines et 14 groupes armés, à l’issue des pourparlers de paix qui se sont tenus à Khartoum du 24 janvier au 5 février 2019 dans le cadre de l’Initiative africaine pour la paix et la réconciliation et sous les auspices de l’Union africaine, se félicitant également du consensus auquel sont parvenues les parties signataires de l’Accord au sujet de la formation d’un gouvernement inclusif, conformément à l’article 21 de cet accord, ainsi que de l’engagement de l’Union africaine, de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et de l’Organisation des Nations Unies, exhortant les autorités centrafricaines et les groupes armés signataires à appliquer l’Accord, de bonne foi et sans tarder, afin de répondre aux aspirations du peuple centrafricain à la paix, à la sécurité, à la justice, à la réconciliation, à l’inclusivité et au développement, et demandant aux États voisins, aux organisations régionales et à tous les partenaires internationaux de soutenir l’application de l’Accord et de coordonner leur action afin de permettre à la République centrafricaine de connaître une paix et une stabilité durables,

Rappelant qu’il avait exprimé son intention de réexaminer, avant le 30 septembre 2019, les mesures d’embargo sur les armes imposées aux autorités centrafricaines, en fonction des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de référence définis dans la déclaration de son président en date du 9 avril 2019 (S/PRST/2019/3),

Prenant note, à cet égard, du rapport daté du 30 juin 2019, que les autorités centrafricaines ont adressé au Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2127 (2013) concernant la République centrafricaine (« le Comité »), conformément au paragraphe 11 de la résolution 2454 (2019), et de la lettre datée du 26 juillet 2019, que le Secrétaire général a adressée au Président du Conseil de sécurité (S/2019/609), conformément au paragraphe 10 de la résolution 2454 (2019),

Se félicitant de l’engagement dont les autorités centrafricaines et leurs partenaires internationaux font preuve pour accomplir les progrès nécessaires en vue de réaliser les objectifs de référence définis dans la déclaration de son président en date du 9 avril 2019 (S/PRST/2019/3) et les encourageant à poursuivre leurs efforts pour résoudre les difficultés qui subsistent,

Prenant note du rapport à mi-parcours (S/2019/608) du Groupe d’experts sur la République centrafricaine créé en application de la résolution 2127 (2013) et reconduit dans son mandat par la résolution 2454 (2019), et prenant également note des recommandations du Groupe d’experts,

Constatant que la situation en République centrafricaine continue de menacer la paix et la sécurité internationales dans la région,

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1.    Rappelle que, en application des mesures imposées au paragraphe 1 de la résolution 2399 (2018) et reconduites jusqu’au 31 janvier 2020 au paragraphe 1 de la résolution 2454 (2019), tous les États Membres devront continuer de prendre les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert directs ou indirects à la République centrafricaine, à partir de leur territoire ou à travers leur territoire ou par leurs ressortissants, ou au moyen de navires battant leur pavillon ou d’aéronefs immatriculés chez eux, d’armements et de matériels connexes de tous types, y compris les armes et les munitions, les véhicules et les matériels militaires, les équipements paramilitaires et les pièces détachées correspondantes, ainsi que toute assistance technique ou formation et toute aide financière ou autre en rapport avec les activités militaires ou la fourniture, l’entretien ou l’utilisation de tous armements et matériels connexes, y compris la mise à disposition de mercenaires armés venant ou non de leur territoire;

2.    Décide, conformément à l’intention qu’il a exprimée au paragraphe 10 de la résolution 2454 (2019) de réexaminer les mesures d’embargo sur les armes imposées aux autorités centrafricaines, d’adapter les mesures édictées au paragraphe 1 de la résolution 2399 (2018) et reconduites au paragraphe 1 de la résolution 2454 (2019), de sorte que jusqu’au 31 janvier 2020, elles ne s’appliquent pas:

a)    aux fournitures destinées exclusivement à l’appui de la MINUSCA et aux missions de formation de l’Union européenne déployées en République centrafricaine, aux forces françaises, dans les conditions prévues au paragraphe 69 de la résolution 2448 (2018), et aux forces d’autres États Membres qui assurent une formation ou prêtent assistance sur notification préalable conformément au paragraphe 1 b) ci-après, ou à leur utilisation par ces missions et forces;

b)    aux livraisons de matériel non létal et à la fourniture d’une assistance, y compris les activités de formation opérationnelle et non opérationnelle dispensée aux forces de sécurité de la République centrafricaine, dont les services publics civils chargés du maintien de l’ordre, exclusivement destinés à soutenir le processus de réforme du secteur de la sécurité en République centrafricaine, ou à être utilisés dans le cadre de celui-ci, en coordination avec la MINUSCA, et sur notification préalable au Comité, et demande à la MINUSCA de lui faire rapport sur la contribution de cette dérogation au processus de réforme du secteur de la sécurité, dans le cadre des rapports périodiques qui lui sont soumis;

c)    aux fournitures apportées en République centrafricaine par les forces soudanaises ou tchadiennes pour leur usage exclusif dans le cadre des patrouilles internationales de la force tripartite créée le 23 mai 2011 à Khartoum par la République centrafricaine, le Soudan et le Tchad, pour renforcer la sécurité dans leurs zones frontalières communes, en coopération avec la MINUSCA, telles qu’approuvées préalablement par le Comité;

d)    aux livraisons de matériel militaire non létal destiné exclusivement à un usage humanitaire ou de protection et à l’assistance technique ou la formation connexes, sur notification préalable au Comité;

e)    aux vêtements de protection, dont les gilets pare-balles et les casques militaires, temporairement exportés en République centrafricaine, pour leur usage personnel uniquement, par le personnel des Nations Unies, les représentants des médias et les agents humanitaires et d’aide au développement ou le personnel connexe;

f)    aux livraisons d’armes légères et autre matériel connexe destinés exclusivement à être utilisés dans le cadre des patrouilles internationales qui assurent la sécurité dans l’aire protégée du Trinational de la Sangha et par les gardes forestiers armés du Projet Chinko et du Parc national de Bamingui-Bangoran afin de lutter contre le braconnage, la contrebande d’ivoire et d’armes, et d’autres activités contraires au droit interne de la République centrafricaine ou aux obligations que lui impose le droit international, dont le Comité aura préalablement reçu notification;

g)    aux livraisons d’armes de calibre égal ou inférieur à 14,5 mm et de munitions et composants spécialement conçus pour ces armes, destinés aux forces de sécurité centrafricaines, dont les services publics civils chargés du maintien de l’ordre, et devant être utilisés exclusivement aux fins de la réforme du secteur de la sécurité ou de l’appui à celle-ci, dont le Comité aura préalablement reçu notification;

h)    aux livraisons d’armes et autre matériel létal connexe qui ne sont pas énumérés à l’alinéa g) du paragraphe 1 de la présente résolution, destinés aux forces de sécurité centrafricaines, dont les services publics civils chargés du maintien de l’ordre, et devant être utilisés exclusivement aux fins de la réforme du secteur de la sécurité ou de l’appui à celle-ci, sous réserve de l’approbation préalable du Comité;

i)    aux autres ventes ou livraisons d’armes et de matériels connexes, ou à la fourniture d’une assistance ou de personnel, sous réserve de l’approbation préalable du Comité;

3.    Décide qu’il incombe au premier chef à l’État Membre fournisseur de donner notification au Comité et que cette notification doit avoir lieu au moins 20 jours avant la livraison de tout matériel autorisé en application des alinéas d), f) et g) du paragraphe 1 de la présente résolution, et déclare qu’il incombe au premier chef à l’organisation internationale, régionale ou sous-régionale fournisseuse de donner notification au Comité et que cette notification doit avoir lieu au moins 20 jours avant la livraison de tout matériel autorisé en application des alinéas d), f) et g) du paragraphe 1 de la présente résolution;

4.    Décide que toutes les notifications et demandes de dérogation adressées au Comité comprendront: les coordonnées du fabricant et du fournisseur du matériel; une description du matériel, dont le type, le calibre, la quantité, ainsi que les numéros de série ou de lot, ou la ou les dates envisagées pour la fourniture des numéros de série ou de lot dans le cadre d’une demande de dérogation; la ou les dates et le ou les lieux de livraison envisagés; le ou les modes et l’itinéraire de transport; l’utilisation à laquelle le matériel est destiné et l’utilisateur final, notamment l’unité destinataire prévue au sein des forces de sécurité centrafricaines, ainsi que le lieu d’entreposage prévu; souligne par ailleurs qu’il importe d’insister sur des explications détaillées concernant la manière dont le matériel demandé appuiera le processus de réforme du secteur de la sécurité;

5.    Décide que les armes et autre matériel létal connexe vendus ou fournis aux seules fins du développement des forces de sécurité centrafricaines ne sauraient être revendus, transférés ou utilisés par aucune personne ou entité n’étant pas au service de ces forces, ni au service de l’État Membre vendeur ou fournisseur;

6.    Décide que, d’ici au 31 décembre 2019, les autorités centrafricaines informeront le Comité des progrès accomplis dans la réforme du secteur de la sécurité, le processus de désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement, et la gestion des armes et des munitions;

7.    Prie le Secrétaire général d’informer le Conseil de sécurité, au plus tard le 31 décembre 2019, des progrès accomplis par les autorités centrafricaines quant aux objectifs de référence définis dans la déclaration de son président en date du 9 avril 2019 (S/PRST/2019/3);

8.    Demande aux autorités centrafricaines d’autoriser le Groupe d’experts et la MINUSCA à avoir accès aux armes et autre matériel létal connexe faisant l’objet de notifications et de dérogations au moment de l’importation de ces équipements et avant qu’ils ne soient livrés aux utilisateurs finaux, souligne que les autorités centrafricaines devront marquer les armes et le matériel létal connexe à leur entrée sur le territoire centrafricain, et demande aux autorités centrafricaines de tenir un registre de l’ensemble des armes et matériel détenus par les forces de sécurité centrafricaines, en portant une attention particulière aux armes légères et de petit calibre, en vue de renforcer le suivi et le contrôle de leur circulation;

9.    Demande également aux autorités centrafricaines et aux autorités des États voisins de coopérer au niveau régional pour enquêter sur les réseaux criminels transnationaux et les groupes armés impliqués dans le trafic d’armes et les combattre, et demande que les commissions mixtes bilatérales associant la République centrafricaine et les États voisins reprennent leurs travaux en vue de remédier aux problèmes transfrontaliers, notamment liés aux trafics d’armes; se félicite, à cet égard, que les commissions mixtes bilatérales associant la

République centrafricaine d’une part au Cameroun et d’autre part à la République du Congo aient repris leurs travaux, et que les autorités centrafricaines et tchadiennes aient exprimé leur intention de reprendre les travaux de la commission mixte bilatérale associant leurs deux pays;

10.   Affirme qu’il entend continuer de suivre l’évolution de la situation en République centrafricaine et se tiendra prêt à réexaminer à tout moment selon les besoins, y compris d’ici au 31 janvier 2020, l’opportunité des mesures énoncées dans la présente résolution en fonction de l’évolution de la situation en matière de sécurité dans le pays et des progrès accomplis dans la réforme du secteur de la sécurité, le processus de désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement, et la gestion des armes et munitions, notamment en ce qui concerne les informations demandées aux paragraphes 6 et 7 de la présente résolution;

11.   Réaffirme une nouvelle fois toutes les mesures imposées et les dispositions énoncées aux paragraphes 2 à 8 de la résolution 2454 (2019);

12.   Décide de rester activement saisi de la question.

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