8629e séance – matin
CS/13968

Devant le Conseil de sécurité, les jeunes Africains réclament « des actes, pas des promesses » pour faire de la paix une réalité sur leur continent

« Des actes, pas des promesses » Les jeunes militants africains pour la paix qui se sont exprimés devant le Conseil de sécurité et la Conseillère spéciale du Secrétaire général pour l’Afrique, ce matin, ont rappelé les réalités, parfois brutales, d’un continent en proie à divers conflits en soulignant que la jeunesse ne constituait pas un problème mais la solution à bien des maux.

Réunis par la nouvelle présidence sud-africaine sur le thème « Paix et sécurité en Afrique: Mobiliser les jeunes en vue de faire taire les armes d’ici à 2020 », les membres du Conseil ont entendu un jeune Ougandais, Victor Ochen, leur raconter -en visioconférence depuis Kampala- une vie « entamée dans la douleur » dans les camps de déplacés de son pays, craignant chaque jour d’être enlevé ou tué, une vie dédiée depuis à promouvoir la paix à travers la jeunesse du continent. 

« 2020 c’est bientôt », les a-t-il interpellés, alors que « les armes sont partout sur le continent ».  En République démocratique du Congo, un jeune homme lui a expliqué qu’il ne pouvait déposer les armes qui lui permettent de protéger ses parents et d’assurer sa propre sécurité.  Que répondre à cela? a-t-il demandé.  Comment faire pour que la paix soit gratifiante? Les initiatives lancées ne répondent « pas du tout » aux besoins des jeunes, a-t-il jugé.

Avant lui, Hafsa Ahmed, 27 ans, fondatrice de l’ONG Naweza, a expliqué depuis Nairobi, au Kenya, comment elle s’est mobilisée contre les violences policières dans sa communauté jusqu’à devenir une interlocutrice du chef de la police.  En Afrique, 80 % des violences mortelles sont perpétrées hors des zones de conflit, particulièrement en zone urbaine, a-t-elle témoigné.

« Si l’on veut faire taire les armes en 2020, il faut tenir compte de cette réalité, mieux comprendre les processus de transformation de la violence et investir davantage dans la jeunesse », a-t-elle souligné en regrettant que les processus de paix soient souvent « le domaine exclusif des hommes des vieilles générations ».

« Mobiliser la jeunesse et faire taire les armes en Afrique n’est pas un choix, mais une nécessité absolue » sur l’un des continents les plus jeunes du monde, a reconnu en prélude aux débats Mme Bience Gawanas, Conseillère spéciale du Secrétaire général pour l’Afrique.  Il s’agit de l’un des continents les plus jeunes, avec quelque 220 millions de filles et garçons de 19 à 24 ans pour 1,2 milliard d’habitants, et qui seront 350 millions lors de la prochaine décennie, a-t-elle relevé.

Et pourtant: « Nous sommes une génération prise au piège d’un état d’attente perpétuel, parce que nous sommes toujours en train de négocier notre liberté politique et économique », a dénoncé Aya Chebbi, Envoyée spéciale de l’Union africaine pour la jeunesse.  Citant de nombreux exemples, de la Tunisie au Burkina Faso, de l’Afrique du Sud au Kenya et, plus récemment, au Soudan et en Algérie, la jeune femme a appelé à « reconnaître les mouvements initiés par la jeunesse » qui balayent le continent depuis 2010 et demandé davantage de droits pour cette catégorie de population -à la santé, à l’éducation et à des emplois de qualité- pour éviter que la rancœur née de l’injustice et des inégalités ne pousse les jeunes gens vers la violence armée.  « Nous voulons des actions, pas seulement des promesses creuses », a-t-elle martelé avant de préciser: « Ma génération veut davantage d’espace politique pour favoriser le changement, considérer les jeunes comme partie intégrante de la solution et non comme source de problème ».

« Les jeunes doivent avoir leur mot à dire », a reconnu en retour le représentant du Royaume-Uni.  La Côte d’Ivoire a ainsi rappelé qu’elle avait créé un parlement des jeunes qui leur offre un cadre d’expression démocratique et de participation active à la politique gouvernementale de réconciliation nationale, mais favorise également l’émergence d’une « conscience citoyenne ».

L’une des principales inquiétudes manifestées par les membres du Conseil s’est concentrée sur le risque de voir des jeunes délaissés et frustrés grossir les rangs des mouvements terroristes et extrémistes.  « Ignorer les aspirations des jeunes en Afrique, continuer de leur fermer les portes, risque de les pousser vers la radicalisation et l’extrémisme » a averti le Koweït, à l’unisson avec la Fédération de Russie et l’Indonésie.  Cette dernière a aussi jugé important d’associer les jeunes aux processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR). 

Exhortant la région à endiguer le flux des armes, la représentante des États-Unis a dénoncé « certains dirigeants » qui ne défendent que les intérêts d’une petite élite au détriment de la population et des jeunes.  Or, « perçus souvent comme passifs ou fauteurs de troubles, ils sont déjà beaucoup à jouer un rôle positif », a-t-elle relevé.  « Beaucoup d’exemples concrets et instructifs d’initiatives conduites par des jeunes femmes et hommes existent déjà sur le continent » a renchéri la France, regrettant que, « malheureusement », les jeunes continuent d’être victimes de stéréotypes et de discriminations, et largement exclus des processus prises de décisions, des institutions politiques et du marché de l’emploi.

Rappelant que son pays avait proposé la résolution 2457 (2019) sur la « Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales aux fins du maintien de la paix et de la sécurité internationales - Faire taire les armes en Afrique » en février dernier lors de sa présidence, le représentant de la Guinée équatoriale a annoncé la tenue d’une conférence sur ce thème, à Malabo, en novembre prochain. 

PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE

MOBILISER LES JEUNES POUR FAIRE TAIRE LES ARMES D’ICI À 2020 (S/2019/779)

Déclarations

Mme BIENCE PHILOMENA GAWANAS, Secrétaire générale adjointe et Conseillère spéciale pour l’Afrique, a affirmé l’absolue nécessité de mobiliser la jeunesse africaine dans le cadre de l’initiative « Faire taire les armes ».  Elle y a vu un moyen essentiel de réaliser l’engagement du développement durable de ne laisser personne sur le bord du chemin et de parvenir à « l’Afrique libérée des conflits que nous voulons », d’autant que l’Afrique est l’un des continents les plus jeunes, qui compte quelque 220 millions de jeunes de 19 à 24 ans pour 1,2 milliard d’habitants, un nombre qui atteindra 350 millions lors de la prochaine décennie.  Pour la Conseillère spéciale, il faut absolument utiliser les dividendes de cette démographie pour faire taire les armes, combattre toutes les formes de menaces pour la paix et la sécurité internationales et traiter des causes profondes des conflits, y compris l’exclusion, la pauvreté, le sous-emploi, les inégalités et les changement climatiques. 

Mme Gawanas a rappelé les stéréotypes qui associent trop souvent les jeunes à la violence, alors que leur grande majorité, en Afrique comme ailleurs, est en fait éprise de paix et désireuse d’entreprendre.  Elle les a décrits comme des partenaires de la paix qui ont une contribution essentielle à apporter à tous les niveaux, en jetant des ponts entre le développement, les droits de l’homme, les questions humanitaires et la paix et la sécurité.

C’est pourquoi, a rappelé Mme Gawanas, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et la résolution 2250 (2015) du Conseil de sécurité reconnaissent le rôle positif de la jeunesse dans la protection et la promotion de la paix et la sécurité et du développement durable.  De même, l’Agenda 2063 de l’Union africaine et la Charte africaine de la jeunesse reconnaissent la créativité, l’énergie et l’innovation dont fait preuve la jeunesse comme une force en faveur de la transformation du continent.

Il reste toutefois à traduire dans la réalité ces normes et il faut le faire maintenant, a poursuivi la Conseillère spéciale.  Partout en Afrique, les jeunes demandent une action urgente et font entendre leur voix, a-t-elle ajouté, citant le rôle des jeunes dans les mouvements en faveur de la démocratie qui ont essaimé en Afrique depuis une décennie.  Elle a cité en exemple la présence de jeunes au sein du Forum de haut niveau pour la revitalisation au Soudan du Sud, qui a permis de garantir par un système de quotas la présence de jeunes dans les structures gouvernementales.  Mme Gawanas a cité plusieurs exemples de pays africains qui ont pris des mesures pour supprimer les obstacles à la participation des jeunes, comme la loi « Not too young to run » (« pas trop jeune pour diriger ») au Nigéria ou encore la loi pour voter à 18 ans au Cameroun.  Elle a également mentionné la campagne visant à créer « un million d’emplois d’ici à 2021 » de l’Union africaine.

L’Union africaine encourage aussi la création de programmes pour l’engagement des jeunes pour faire taire les armes, a poursuivi Mme Gawanas, qui a rappelé que l’organisation régionale incitait ses États Membres à consacrer un pourcentage de leur budget à des programmes visant l’autonomisation des jeunes. 

De même, a poursuivi Mme Gawanas, le Fonds pour la consolidation de la paix des Nations Unies dispose chaque année d’une ligne budgétaire, l’Initiative pour la promotion de la jeunesse, qui vise à soutenir la contribution des jeunes à la paix.  Rien qu’en Afrique, cette initiative a investi 28,8 millions de dollars pour financer, dans 11 pays, 22 projets élaborés par les Nations Unies ou la société civile. 

Il faut toutefois faire encore plus, a affirmé la Secrétaire générale adjointe.  Au niveau national, les États doivent investir davantage dans la protection et la promotion des droits des enfants et des jeunes et la commémoration du trentième anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant, tout comme la Journée africaine de la jeunesse, en offrent l’occasion.  Les ministères chargés de la jeunesse et les conseils de jeunes devraient promouvoir l’éducation à la paix et les programmes de formation à une culture de la paix, tout en donnant aux jeunes une chance de faire entendre leur voix.  Le secteur privé devrait y prendre sa part.  Au niveau régional, les organisations régionales et sous régionales devraient elles aussi prendre leur part, de même que le système de Nations Unies, notamment par le biais de ses équipes de pays.

Mme Gawanas a également suggéré que le Conseil de sécurité crée un groupe informel d’experts sur la jeunesse, la paix et la sécurité comprenant plusieurs groupes et organisations de jeunes, comme le recommandait d’ailleurs le rapport « Les absents de la paix: étude indépendante sur les jeunes et la paix et la sécurité ».

Mme AYA CHEBBI, Envoyée spéciale pour la jeunesse de l’Union africaine, a salué le bon déroulement des récentes élections présidentielles en Tunisie.  Elle a souhaité un changement dans la façon dont la jeunesse africaine est perçue, celle-ci étant constituée des générations les plus résilientes et informées que l’Afrique ait jamais connues.  Nous devons aussi reconnaître les mouvements initiés par la jeunesse qui balayent le continent depuis 2010 en demandant davantage de droits, a-t-elle dit.  Les mouvements de jeunes et les soulèvements en Tunisie, au Sénégal, en Gambie, au Burkina Faso, en Afrique du Sud, au Nigéria, au Kenya, au Soudan et en Algérie doivent être vus comme des opportunités permettant de traduire les énergies en changement positif.  « Nous sommes une génération prise au piège d’un état d’attente perpétuel, parce que nous sommes toujours en train de négocier notre liberté politique et économique », a-t-elle continué. 

« Tout est intersectionnel pour nous: analyses, défis, fluidité de nos identités; par conséquent toute solution doit être intersectionnelle », a poursuivi Mme Chebbi.  La jeune femme a ensuite insisté sur l’acuité des défis posés par les inégalités et la quête de dignité, les changements climatiques ou bien encore les épidémies, 2000 personnes ayant trouvé la mort en République démocratique du Congo (RDC) depuis le début de l’épidémie du virus Ebola le 1er août 2008.  Elle a espéré que la résolution 2457 (2019) pour faire taire les armes en Afrique et la mobilisation du système onusien par le Secrétaire général permettront de générer le soutien nécessaire pour mettre en œuvre avec succès le programme Faire taire les armes d’ici 2020.  Elle a aussi estimé que l’engagement des jeunes femmes est crucial pour la mise en œuvre des résolutions 1325 (2000) et 2250 (2015). 

« Ma génération est à la recherche d’un espace politique plus important pour conduire le changement tant désiré, ma génération est prête à laisser une marque qui ne soit pas entièrement comprise mais qui ne soit pas pour autant déniée, ma génération est disposée à abandonner toute concurrence malsaine et à forger des partenariats appuyés par des financements durables et innovants », a-t-elle scandé en conclusion.

Mme HAFSA AHMED, Cofondatrice et Présidente de Nawesa, s’est présentée comme une jeune activiste de la paix, de 27 ans, issue d’Eastleigh, un quartier de Nairobi, capitale du Kenya.  Bien qu’historiquement paisible et vivant en harmonie, le quartier a été l’objet en 2013 d’attaques lancées par des extrémistes.  En réponse, le Gouvernement a déployé une opération militaire visant à sécuriser le quartier.  Cette opération s’est traduite par des abus, dont des arrestations arbitraires, des extraditions vers la Somalie ou des demandes de pots-de-vin.  Face à ces actes, la militante a décidé de faire quelque chose: armée d’un simple smartphone, elle a commencé à documenter ces abus, avant d’être rejointe par d’autres jeunes qu’elle avait encouragés à la suivre.  Lorsque le Gouvernement a mis un terme à son opération, ces jeunes ont compris qu’ils avaient contribué à faire changer les choses, a-t-elle témoigné.

Cette prise de conscience l’a poussée à prendre d’autres initiatives, a déclaré Mme Ahmed.  Elle s’est notamment présentée, mais sans succès, aux élections législatives de 2017.  Elle est ensuite devenue modératrice au Life and Peace Institute, un centre kenyan spécialisé dans le dialogue intercommunautaire.  De toutes ces expériences et engagements, l’activiste dit avoir fait plusieurs constats.  Elle a ainsi observé que « les stéréotypes visant les jeunes sont en train de changer ».  Beaucoup de jeunes se rendent par ailleurs compte qu’il y a des alternatives à la criminalité.  Ils s’inspirent désormais de leur potentiel pour créer des entreprises ou pour s’engager dans les communautés.  Enfin, elle a constaté que « les relations entre la police et les communautés s’améliorent aussi, la première n’étant plus vue comme une ennemie ». 

Cependant, a poursuivi la jeune intervenante, des défis persistent aussi, notamment que la violence urbaine qui n’est pas encore considérée comme une priorité dans les politiques de consolidation de la paix.  « Or la réalité est qu’en Afrique, 82% des violences létales se déroulent hors des zones de conflit.  Si l’on veut parvenir à faire taire les armes en 2020, il faut tenir compte de cette réalité, mieux comprendre les processus de transformation de la violence et investir davantage dans la jeunesse », a-t-elle insisté.  Un second défi est que les processus de paix sont souvent « le domaine exclusif des hommes des vieilles générations », a-t-elle déploré. 

Dans ce contexte, la militante a fait trois recommandations.  D’abord, que l’ONU crée plus d’opportunités pour les jeunes et explore des moyens nouveaux de s’engager davantage avec eux, dans la droite ligne de la résolution 2419 (2018).  Ensuite que l’Union africaine renforce son programme « Youth4Peace Africa » et crée des espaces pour la participation des jeunes et l’échange des bonnes pratiques.  Enfin, les États Membres de l’ONU devraient s’engager proactivement dans les politiques qui catalysent les énergies des jeunes et travaillent à mettre ces politiques en œuvre, a conclu Mme Ahmed. 

M. VICTOR OCHEN, militant de la jeunesse s’exprimant depuis Kampala, en Ouganda, a raconté son parcours « entamé dans la douleur »: enfant il voulait être pilote, puis enseignant, il espérait que ses parents le mettraient à l’abri mais ses rêves ont été brisés et ses plus jeunes années se sont déroulées dans les camps en Ouganda.  « Le monde nous avait oubliés, nous ne savions pas s’il fallait prendre les armes, tous les jours on avait peur d’être enlevé ou tué, de marcher sur une mine, nous ne savions pas où dormir, que manger », a témoigné M. Ochen.  Son frère a été enlevé le 10 décembre 2003, Journée des droits de l’homme, et il ne l’a plus jamais revu, comme bien d’autres membres de sa communauté.  Se plaindre?  Il l’a fait pendant quelques temps avant de décider d’agir pour la paix et le continent.  Au lieu de prendre les armes, il a opté pour la paix et, à 13 ans, a lancé une initiative pour décourager le recrutement d’enfants dans sa région.  En 2005, il a lancé un réseau africain consacré aux jeunes pour les encourager à « transformer leurs traumatismes et leur douleur en dynamique de paix ». 

2020 c’est bientôt, a lancé M. Ochen, or les armes sont partout sur le continent.  En République démocratique du Congo (RDC), un jeune homme lui a confié qu’il ne pouvait pas poser les armes, que celles-ci lui permettaient de protéger ses parents et d’assurer sa sécurité.  « Je n’avais pas de réponses à cela », avoue-t-il avant de demander le Conseil à l’aider à répondre aux questions suivantes: Comment faire pour que la paix soit gratifiante, pour récompenser les personnes qui œuvrent en sa faveur?  Comment renforcer la confiance entre les Africains?  Comment enrayer l’afflux d’armes sur le continent, alors que l’Afrique en est « submergée »?  Comment remédier à la marginalisation des Africains par les Africains eux-mêmes et dans les normes internationales?

En voyageant en Afrique, M. Ochen a constaté « l’absence d’élan critique ».  Comment donner la volonté aux jeunes d’agir pour transformer la donne? a-t-il encore demandé.  Les jeunes réclament le départ de leurs dirigeants, il y a beaucoup de douleur, de frustration, ils ont envie de revanche et de vengeance, c’est un véritable défi.  L’autre grand défi, a-t-il averti, c’est la migration: les incertitudes sont grandissantes sur le continent, les jeunes partent par milliers à l’étranger pour trouver un travail; ceux qui restent doivent se contenter de très peu.  « On parle de l’inclusion des jeunes, mais le pouvoir est toujours au même endroit », a-t-il accusé. 

Par ailleurs, selon lui, « beaucoup de personnes profitent de la guerre en Afrique et ailleurs, beaucoup ne veulent pas que la guerre s’arrête car ils en tirent profit ».  Mais sur le continent, ceux qui souffrent sont toujours là et souffrent au quotidien; les initiatives lancées ne répondent pas du tout à leurs besoins.  Le jeune militant a demandé « une volonté politique commune des faibles et des puissants de créer un climat d’épanouissement ».  Le Conseil doit comprendre que les jeunes ont perdu espoir en raison de la militarisation du continent.  Si le monde souhaitait réellement le bien de l’Afrique, il réduirait sa coopération militaire et augmenterait les partenariats pour la paix, a argué M. Ochen.  Il a regretté que les interventions extérieures soient le plus souvent « post facto », presque « post mortem »: le moment est venu d’intervenir en amont des conflits pour les prévenir.  Pour ce faire, la médiation doit prendre en compte les griefs des différents groupes, au niveau local.

« Nous soutenons de tout cœur l’initiative faire taire les armes et accueillons le débat d’aujourd’hui comme une preuve de la profonde détermination de l’Union africaine de débarrasser l’Afrique de tout conflit », a affirmé Mme JOANNA WRONECKA (Pologne).  Mme Wronecka a souligné l’importance de la résolution 2250 du Conseil de sécurité, qu’a qualifié de « révolutionnaire » pour « la reconnaissance des besoins et des capacités de la jeunesse dans la prévention et la résolution des conflits. »  « La jeunesse est la pierre angulaire d’un développement et d’une paix durables » a-t-elle lancé avant d’ajouter: « Elle n’a pas seulement besoin d’une éducation de qualité, de formation professionnelle, de renforcement des compétences et d’accès aux technologies et services digitaux; elle a aussi besoin d’emplois décents et d’opportunités d’entreprendre. » « Si la jeunesse demeure exclue des efforts nationaux et internationaux pour bâtir la paix, alors l’instabilité et l’extrémisme continueront à constituer de graves menaces pour nos sociétés » a-t-elle prévenu.  Elle a insisté sur le besoin d’intégrer les jeunes dans tous les processus de prises de décisions relatifs à la paix et à la sécurité.

Pour Mme KELLY KRAFT (États-Unis), parler de paix et de jeunesse ne relève pas d’une abstraction, mais touche à l’humanité même: trop souvent on parle des jeunes en termes de défis plutôt que d’opportunités.  Alors que 60% de la population en Afrique a moins de 25 ans, que l’âge moyen en Afrique est de 20 ans, le continent dispose d’un potentiel qu’il faut parvenir à déverrouiller.  La représentante a exhorté les pays de la région à endiguer les flux d’armes pour promouvoir la sécurité durable.  Hélas, certains dirigeants s’y sont refusés, et dans certains cas, les gouvernements ne défendent que les intérêts d’une élite restreinte au détriment de ceux de la population et surtout des jeunes.  C’est la raison pour laquelle il faut encourager les dirigeants africains à réfléchir à leur postérité et à respecter les limites de leurs mandats.  Il faut également créer les capacités nécessaires pour permettre aux jeunes de faire entendre leurs voix: alors qu’ils sont souvent perçus comme passifs ou fauteurs de troubles, ils sont déjà beaucoup à jouer un rôle positif.  « C’est un devoir pour l’humanité de ne pas accepter que la violence se perpétue en héritage », a insisté Mme Kraft.  Quand les jeunes ont le sentiment d’avoir un avenir et une dignité, ils se fixent des objectifs et renoncent à la violence.  Les opportunités, quand elles sont disponibles, éliminent le désespoir à l’origine de la violence.

M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a déclaré qu’en dépit de l’énorme potentiel qu’ils représentent, les jeunes ne parviennent toujours pas à contribuer de manière significative à la consolidation de la paix, en raison des nombreuses pesanteurs politiques et sociales qui entravent leurs efforts.  C’est fort de ce constat que l’Union africaine a, à travers la Feuille de route de l’Architecture africaine de paix et de sécurité pour la période 2016-2020, réaffirmé sa volonté de promouvoir les politiques d’autonomisation des jeunes, en vue d’accroître leurs apports aux processus de paix, ainsi qu’en matière de reconstruction nationale et de développement post-conflit.  Il s’agit, en d’autres termes, de valoriser le potentiel des jeunes et de les amener à investir leur énergie et leur créativité dans les activités de prévention des conflits et de consolidation de la paix, a-t-il expliqué.

Présentant l’expérience de son pays, qui a par le passé connu un conflit interne, le représentant a déclaré que la Côte d’Ivoire avait mis un accent particulier sur les outils associatifs qui permettent de mieux canaliser la contribution des jeunes à la cohésion sociale et à la consolidation de la paix.  Elle a, par exemple, créé un Parlement des jeunes qui constitue non seulement, un cadre d’expression démocratique et de participation active à la politique gouvernementale de promotion de la réconciliation nationale, mais favorise également l’émergence d’une conscience citoyenne.  Abidjan a également mis en place un cadre juridique, en lien avec la Convention de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), sur les armes légères et de petit calibre et le Traité sur le commerce des armes.  La délégation a plaidé à cet égard en faveur de la poursuite de l’appui de l’Union africaine et des autres partenaires internationaux pour renforcer les capacités des organisations régionales dans la lutte contre la prolifération des armes et le désarmement communautaire, a conclu le représentant.

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a estimé que la mise en œuvre du Plan d’action « faire taire les armes » était bien entamée.  L’Allemagne, qui a fait de la lutte contre la prolifération des armes et des munitions une priorité au sein de ce Conseil, s’est engagée dans un partenariat avec l’Union africaine pour empêcher l’acheminement d’armes dans les zones de conflit et contrôler le flux d’armes dans les États fragiles, a-t-il précisé. 

Les besoins des enfants sont au cœur des efforts d’assistance humanitaire de l’Allemagne, comme dans la région du lac Tchad, où ce pays apporte un soutien psychosocial aux jeunes survivants de la violence sexuelle et sexospécifique, a poursuivi le représentant, qui a également cité en exemple un projet que l’Allemagne appuie à Bamako en vue « d’encourager les jeunes à s’engager au sein d’activités culturelles telles que le rap, le hip-hop et la danse moderne ».  Enfin, M. Heusgen a invité le Conseil de sécurité à écouter davantage les jeunes et à les convier plus fréquemment à ses débats, y voyant là « un facteur crucial pour une paix et une sécurité durables ».

M. JUN ZHANG (Chine) a déclaré que les jeunes sont une force pour la paix, en tant qu’acteurs pleins de potentiels.  « Les jeunes pleins de vitalité sont comme un soleil qui se lève sur nos espoirs », a dit le représentant, citant aussi Nelson Mandela qui aurait déclaré que « les jeunes sont notre plus grande ressource ».  Pourtant, ces jeunes sont victimes de marginalisation, a-t-il déploré, appelant à ce qu’ils soient mieux intégrés dans les synergies des processus de paix, « dans le plein respect du principe des solutions africaines aux crises africaines ». 

La Chine considère que le développement économique est la voie vers la paix et que chaque pays doit pouvoir choisir son modèle de développement, a poursuivi le représentant.  Il faut selon lui renforcer l’action sur le terrain et sortir des « discours creux ».  Pour sa part et depuis le sommet Chine-Afrique de 2018, son pays a mis sur pied des initiatives concrètes.  La Chine va par exemple offrir 50 000 bourses à des étudiants africains en plus de leur ouvrir les portes à des séminaires de formation en Chine.  « Les Africains sont de bons partenaires, des amis pour nous », a-t-il souligné, ajoutant que son gouvernement reste disposé à continuer de travailler avec ses « frères africains » pour parvenir aux objectifs de développement et faire taire les armes. 

Pour M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique), débarrasser l’Afrique, « le continent de la jeunesse », des armes est l’affaire de tous car la tâche est rude et les défis nombreux.  La paix n’est pas seulement l’absence de conflit; elle requiert une approche holistique, a-t-il rappelé.  Il faut agir sur tous les plans et traiter des racines profondes des conflits, qu’elles soient de nature politique ou liées au non-respect des droits de l’homme.  « D’ici à 2050, la moitié de la population du continent aura moins de 25 ans, ce qui ouvre des opportunités considérables en termes d’innovation et de créativité.  Mais s’il n’est pas accompagné, ce bouleversement sera aussi porteur de nouvelles difficultés. »  L’exclusion, politique et sociale, est un facteur de risque, a insisté le représentant, en réclamant des investissements dans une éducation inclusive et de qualité et la création d’un environnement favorable à la participation des jeunes adultes aux processus de paix, y compris aux processus de médiation. 

La résolution 2419 (2018) du Conseil appelle à une inclusion accrue de la jeunesse aux processus de paix.  Ce texte engage toute la communauté internationale à reconnaître les jeunes comme des acteurs à part entière, mais pour cela il faut que chacun change ses pratiques et son attitude, a prévenu M. Pecsteen de Buytswerve.  Enfin les jeunes constituent souvent la majorité des groupes armés en Afrique: leurs points de vue et leurs besoins devraient donc occuper une place centrale dans les processus de réforme du secteur de la sécurité et de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), les programmes de réduction de la violence et la prévention de l’extrémisme violent.

Pour Mme ANNE GUEGUEN (France), la voie de la paix durable en Afrique ne peut se limiter à la seule réponse militaire aux crises et aux menaces; une approche plus large est nécessaire, comme le suggère l’initiative « Faire taire les armes », qui ne saurait être atteindre sans la participation des jeunes.

Beaucoup d’exemples concrets et instructifs d’initiatives conduites par des jeunes femmes et hommes existent déjà sur le continent, a estimé la représentante.  Malheureusement, les jeunes continuent d’être victimes de stéréotypes et de discriminations et ils restent largement exclus des processus de prises de décisions, des institutions politiques et du marché de l’emploi.  Ils sont encore souvent perçus comme des fauteurs de troubles et un vivier pour l’extrémisme violent.  Ces stéréotypes sont fréquemment utilisés pour ignorer leurs revendications et pour brimer leurs droits, voire les réprimer, a poursuivi Mme Gueguen.  Parmi les jeunes, les femmes sont les plus touchées par les injustices et la discrimination sociale et lors des conflits.

La représentante a appelé à garantir à tous les jeunes le respect de leurs droits fondamentaux, dont la liberté d’expression et celle de manifester pacifiquement.  La jeunesse doit pourvoir prendre part aux prises de décisions mais pour cela l’éducation est la priorité absolue car elle constitue la meilleure prévention contre les obscurantismes et les dérives violentes, a-t-elle insisté.  Il est grand temps de saisir pleinement l’immense potentiel des jeunes pour instaurer et maintenir paix et sécurité et construire des sociétés justes et apaisées, a conclu la représentante. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a exprimé la disposition de son pays à relever les obstacles et surmonter les défis en encourageant la coopération avec les organisations régionales et sous-régionales.  « Ignorer les aspirations des jeunes en Afrique, continuer de leur fermer les portes, risque de les pousser vers la radicalisation et l’extrémisme et de faciliter leur recrutement par les groupes terroristes étrangers », a-t-il averti.  Il faut donc répondre à leurs besoins, entendre leur voix, et le Sommet sur le climat la semaine dernière a permis d’aller dans cette direction. 

Les guerres et les conflits qui frappent le continent depuis longtemps contribuent à l’enrôlement d’enfants soldats, brisant leurs rêves, a déploré M. Alotaibi.  En outre, de nombreuses personnes passent de zones de guerre en zones peu sûres.  Il faut résoudre les conflits pour empêcher les déplacements de population, a-t-il ajouté, car 24 millions de réfugiés représentent un fardeau pour ces zones d’accueil.  Pour lui, le terrorisme est l’un des principaux défis du continent africain.  Le nombre de jeunes qui rejoignent les groupes terroristes est considérable.  Il faut donc éliminer le terrorisme en favorisant le respect mutuel et en s’attaquant aux causes profondes du phénomène comme la pauvreté, la marginalisation, le chômage et insister sur la nécessité de donner leur chance aux jeunes pour réaliser leurs objectifs.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a déploré les situations qui prévalent au Soudan du Sud et au Cameroun, pays dans lesquels la marginalisation, la violence et les discriminations touchent en particulier les jeunes.  Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), pas moins de 600 000 jeunes sont privés d’école à cause du conflit interne au Cameroun, a affirmé le représentant, tout en le déplorant.  Son gouvernement, a-t-il précisé, avait octroyé 630 000 dollars d’aide pour les femmes et les filles vivant dans les camps de réfugiés au Soudan du Sud, en particulier les victimes de violences sexuelles et sexistes, a précisé le représentant.  Il a également déclaré que le Royaume-Uni souhaitait travailler avec les pays africains dans le but de réaliser les objectifs communs de développement et de paix.  Cette volonté et les différentes approches existantes seront d’ailleurs abordées lors du prochain Forum Investir en Afrique, qui se tiendra l’année prochaine au Royaume-Uni, a annoncé le délégué.

Rappelant que son pays avait proposé la résolution 2457 (2019) « faire taire les armes en Afrique » en février dernier lors de sa présidence, M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a annoncé la tenue d’une conférence sur ce thème, à Malabo, en novembre prochain.  Car la prolifération des conflits, la progression du terrorisme et l’instabilité sont autant d’entraves au développement.  Si cela empêche les peuples de réaliser leur potentiel, les jeunes et les femmes en sont les principales victimes, a-t-il souligné.

L’Afrique doit se pencher sur les symptômes et les causes profondes des conflits qui conditionnent tous les autres aspects de la vie sur le continent et dont l’origine réside souvent dans les tensions religieuses ethniques et sociales.  Les terroristes et les mercenaires en profitent trop souvent pour semer la terreur et exploiter les jeunes, a dénoncé M. Esono Mbengono.

« La principale ressource de l’Afrique est sa jeunesse », a encore relevé le représentant.  Il faut donc inclure les jeunes dans les divers aspects du développement et dans les processus de résolution des conflits, ce qui permettra de conserver une diversité de perspectives selon lui.  Les jeunes doivent aussi participer aux activités de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR).  À cet égard, il faut pouvoir leur ouvrir le marché du travail et leur permettre de rester dans leur communauté d’origine.  « Faire taire les armes signifie leur élimination complète, contrôlée, effective et transparente » a-t-il enfin martelé.  C’est vital pour l’Afrique qui doit pouvoir compter sur l’appui de la communauté internationale, tandis que les Africains eux-mêmes doivent conjuguer leurs efforts en ce sens.

Pour M. LUIS UGARELLI (Pérou), la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 est l’un des outils permettant de parvenir aux objectifs visant à faire taire les armes en Afrique.  C’est un programme qui nous engage tous, a déclaré le représentant, plaidant en outre pour une synergie entre ce programme et l’Agenda 2063 de l’Union africaine.  Le représentant s’est ensuite réjoui de l’adoption de l’Architecture africaine de paix qui, selon lui, permettra aussi de lutter contre les stéréotypes visant les jeunes et de s’attaquer aux causes de conflits en Afrique. 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a salué les progrès réalisés pour mettre fin aux conflits armés en Afrique, en particulier les accords de paix conclus en République centrafricaine et au Soudan du Sud, et les processus démocratiques en République démocratique du Congo et à Madagascar.  « La majorité des jeunes en Afrique rejettent la violence et recherchent des espaces pour contribuer à la consolidation de la paix et au développement. »  D’où l’importance de leur fournir un appui financier et politique pour les associer aux activités ayant trait à la paix et à la sécurité, a fait valoir le représentant.  La République dominicaine a travaillé avec la Guinée équatoriale comme facilitateur de la résolution 2457 (2019) qui reconnaît la capacité d’action des jeunes pour mettre un terme aux conflits en Afrique.

M. Singer Weisinger a proposé la création d’un « réseau de jeunes africains dans la prévention et la médiation des conflits », en vue de renforcer leur rôle dans le cadre de l’Architecture africaine de paix et de sécurité et de l’Architecture africaine de gouvernance.  Enfin, il a rappelé aux États de l’Union africaine l’importance de l’Instrument international visant à permettre aux États de procéder à l’identification et au traçage rapides et fiables des armes légères et de petit calibre illicites. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a relevé que les États africains consacrent déjà une attention particulière aux jeunes dont le rôle est d’ailleurs reconnu dans l’Agenda 2063: L’Afrique que nous voulons, le principal programme économique et social de l’Union africaine.  L’importance des jeunes et de leur participation est également au cœur de l’initiative de l’Union africaine « Faire taire les armes d’ici à 2020 », a-t-il dit, mais force est de constater que subsistent de nombreux obstacles concrets: les jeunes Africains ne disposent pas suffisamment d’expérience, qu’ils soient privés d’une éducation de base et mésinformés les rend particulièrement vulnérables aux groupes extrémistes et terroristes, qui utilisent les technologies de l’information pour les recruter.  Ceci impose de déployer de nouveaux efforts sur ce point, a-t-il souligné.  Les jeunes radicaux sont aussi utilisés souvent pour atteindre certains objectifs intérieurs et renverser des gouvernements légitimes, une situation à laquelle la communauté internationale devrait accorder davantage d’importance selon le délégué.  Pour lui, il faut des mesures qui aident à intégrer socialement les jeunes, surtout les victimes de conflits armés, et encouragent les organisations de la jeunesse et le dialogue interreligieux.  L’Union africaine fait déjà beaucoup, mais il faut intensifier ses efforts, a insisté la Fédération de Russie, en exprimant sa disposition à partager son expérience dans la lutte contre l’extrémisme. 

M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a souligné trois points concernant la mobilisation des jeunes pour faire les armes.  En premier lieu, a suggéré le représentant, il faut s’attaquer aux vulnérabilités des jeunes en créant un environnement favorable afin qu’ils puissent avoir accès aux opportunités et participer au fonctionnement de la société.  Ce qui les éloignerait des actes de violence, a estimé M. Syihab.  Ceci peut être achevé à travers la lutte contre la pauvreté, l’investissement dans une éducation et formation inclusives, l’emploi et la promotion de la culture de paix.  Ces efforts doivent être focalisés pour ceux qui en ont le plus besoin, à savoir les anciens membres de groupes armés et les jeunes réfugiés. 

En second lieu vient l’intégration de la participation des jeunes dans l’initiative.  C’est important d’engager les jeunes dans les efforts pour endiguer la propagation du terrorisme et leur implication dans les crimes organisés, a indiqué le représentant.  De plus, les processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) devraient tenir compte de leurs besoins.  Nous devons aussi assurer la participation active des jeunes dans les initiatives de justice transitionnelle.  Nous pouvons tirer parti de leur familiarité avec la technologie pour sensibiliser sur ces initiatives et militer pour actions concrètes en appui à la cause.  En troisième lieu vient la cohérence des efforts aux niveaux international, régional et national, a suggéré le représentant.  C’est essentiel que les gouvernements, les acteurs régionaux et tout le système des Nations Unies travaillent en harmonie avec des domaines d’intervention clairement définis.  Mobiliser les jeunes pour faire taire les armes exige de nous un changement de mentalité, a aussi déclaré M. Syihab, qui a voulu que l’on regarde les jeunes non comme victimes ou auteurs de violence mais des puissants agents de changements qui peuvent contribuer positivement au maintien et à la promotion de la paix durable et de la stabilité. 

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a commencé par souligner le rôle important que les jeunes ont à jouer en tant qu’« agents de paix », en particulier en Afrique, dans la mesure où le continent connaît l’expansion démographique la plus rapide au monde, et qu’il pourrait tirer le meilleur parti de ce potentiel.  La jeunesse devrait être représentée au sein des négociations politiques, des processus de paix, de la justice transitionnelle et des efforts de reconstruction, et les États Membres devraient également s’employer à faciliter l’interaction intergénérationnelle dans les processus de paix, a préconisé le représentant.  Après s’être félicité de la mise en œuvre de la Charte africaine de la jeunesse, la délégation a souligné la nécessité de créer des opportunités de formation des jeunes à la consolidation de la paix.  « Opérationnaliser la jeunesse africaine ne peut être la responsabilité d’une seule organisation.  La synergie des efforts déployés au niveau local dans les États africains est nécessaire pour garantir à la jeunesse un impact durable et un rôle de chef de file dans la consolidation de la paix », a estimé le représentant.  Dans cette perspective, le Conseil de sécurité, les organisations régionales et sous-régionales et les acteurs pertinents doivent créer des mécanismes en mesure d’impliquer les jeunes dans la promotion d’une culture de paix, de tolérance et de dialogue interculturel et interreligieux, a ajouté la délégation.

Mme JEANNE D’ARC BYAJE, Observatrice permanente de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) auprès des Nations Unies, a affirmé que « faire taire les armes en Afrique à l’horizon 2020 » est l’une des priorités des chefs d’État et de gouvernement de la sous-région.  L’Afrique centrale assiste à l’éclosion de plusieurs groupes armés qui ont engendré plusieurs conflits déstabilisateurs et dont le dénominateur commun se présente sous plusieurs formes: la marginalisation et l’exclusion sur une base ethnique, confessionnelle, socioéconomique et régionale.

Mme Byaje a aussi rappelé que lorsque l’Union africaine a adopté, en 2013, l’Initiative de faire taire les armes, les chefs d’État de l’Afrique centrale avaient, depuis 2010, adopté la Convention de l’Afrique centrale pour le contrôle des armes légères et de petit calibre, de leurs munitions et toutes pièces et composantes pouvant servir à leur fabrication et assemblage (Convention de Kinshasa).  Cette Convention, entrée en vigueur en mars 2017, vise à aider les États à lutter efficacement contre le flux d’armes illicites et renferme des dispositions relatives au traçage et au marquage, au transfert, à la détention, à la tenue des registres et à la gestion des stocks d’armes légères.

L’intervenante a expliqué que le secrétariat général de la CEEAC a établi une collaboration très étroite avec le Centre régional des Nations Unies pour la paix et le désarmement en Afrique (UNREC) dans le cadre de la mise en œuvre du projet « Soutien aux États africains dans la vision-Faire taire les armes en Afrique d’ici 2020: renforcement des capacités en Afrique centrale ».  Réaliser une paix durable passe d’abord par le démantèlement des causes profondes de ces conflits qui gangrènent la sous-région, affectant au premier chef la vie des membres de la communauté, surtout les enfants et les jeunes pris dans l’engrenage du cercle vicieux de la violence perpétrée par des groupes armés.  Et les jeunes, a-t-elle insisté, paient « un lourd tribut » du fait de « l’augmentation du taux de chômage et de décrochage scolaire qui les pousse à servir de terreau fertile de recrutement pour les instigateurs du terrorisme ». 

Pour faire la promotion de la paix dans sa sous-région, la CEEAC privilégie la prévention des conflits et la gestion des crises en s’attaquant à la prolifération des armes légères et de petit calibre dans le cadre de la Convention de Kinshasa.  Mme Kyaje a également demandé que les groupes de jeunes puissent jouer un rôle prépondérant dans la construction de la paix en contribuant davantage à la réalisation des activités prévues dans le cadre de la Convention de Kinshasa et dans le renforcement de la prévention et des systèmes d’alerte et de réponse rapides.  Dans le même temps, la CEEAC s’efforce d’impliquer d’autres acteurs dont les groupes de femmes et les autres communautés régionales, telle que la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), pour bâtir une coopération sécuritaire interrégionale. 

D’après l’Observatrice permanente, la construction et le rétablissement d’une paix durable bénéficieraient aussi de la solidarité et de l’appui des partenaires bilatéraux et multilatéraux aux initiatives de renforcement des capacités en matière de résolution des conflits et de médiation.  Avec un leadership fort et une volonté politique soutenue de la part des chefs d’État de la sous-région, et l’appropriation de la CEEAC de tous les défis, ainsi qu’un partage et un meilleur échange d’informations et de meilleures pratiques en matière de sécurité, elle s’est dit confiante que l’Afrique centrale sera à même d’endiguer ses défis sécuritaires et de garantir une paix pérenne qui favorise les efforts de développement durable dans la sous-région. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.