8633e séance – matin
CS/13973

Prévention et résolution des conflits en Afrique: le Conseil de sécurité appelé à renforcer son soutien aux initiatives régionales

Le Conseil de sécurité a été appelé, ce matin, à « sortir des mots et passer aux actes » pour renforcer son appui aux organisations régionales africaines dans la prévention des conflits sur le continent, plutôt que de devoir régler des crises déjà en cours.  Les outils sont là, mais ils ne sont pas utilisés, ont déploré plusieurs orateurs.

Parce que les États voisins ont une meilleure compréhension que des acteurs extérieurs, ils sont davantage légitimes et susceptibles d’apporter une réponse plus rapidement que l’ONU, d’autant plus qu’ils ont un intérêt immédiat à la stabilité régionale, a expliqué Mme Liberata Mulamula, Directrice associée de l’Institut des études africaines de l’Université George Washington. 

Originaire de Tanzanie, Mme Mulamula, qui fut directement engagée dans les efforts de paix comme Secrétaire exécutive de la Conférence internationale des Grands Lacs de 2006 à 2011, a estimé que les initiatives prises au niveau international, ou même au sein de l’Union africaine, n’avaient que peu d’effets quand elles restaient coupées des initiatives locales.  En outre, elles interviennent souvent trop tard, comme lors de la crise au Burundi en 2010.  Appelant le Conseil de sécurité à « consacrer des ressources à la hauteur de ses promesses en matière de prévention », elle a suggéré que, pour le même coût annuel que la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) -plus d’un milliard de dollars- on pourrait mettre en œuvre « beaucoup de plans régionaux ».

Les trois femmes invitées à s’exprimer devant le Conseil ont toutes insisté sur le rôle que doivent jouer leurs congénères en matière de paix et de sécurité.  Malgré les plans d’action et textes existants pour le formaliser, comme la résolution 1325 (2000), les moyens manquent pour les mettre en œuvre, a regretté Mme Mulamula, qui a aussi présenté le Réseau des femmes africaines pour la prévention des conflits et la médiation, « FemWise-Africa », créé par l’Union africaine en mars 2017, qui se tient « à la disposition du Conseil », « prêt à se déployer » dans toutes les initiatives de prévention.

Après tout, « ce sont les femmes et les enfants qui sont les plus touchés en temps de guerre » et il faut apprendre à écouter les souffrances des populations, a insisté Mme Naledi Maite, représentante de South African Women in Dialogue (SAWID), alors que Mme Linda Vilazaki, représentante de l’African Women in Dialogue (AfWID) déplorait que le continent n’ait pas su mettre en place les mécanismes permettant de tirer parti de l’expérience des femmes au profit de tous.  Elle a présenté l’AfWID comme un « festival d’idées » aspirant à mettre en relation les Africaines entre elles pour les aider à surmonter leurs différences.  « Si vous voulez que les choses soient faites, confiez-les aux femmes – si vous voulez qu’on en parle, donnez-les aux hommes », a conclu Mme Mulamula.

En ouverture des débats, le Secrétaire général, M. António Guterres, a cité comme exemples de coopération fructueuse le récent accord conclu au Soudan après avoir été négocié par l’Union européenne et l’Éthiopie ainsi que les efforts communs entre son Représentant spécial pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et l’Union africaine pour soutenir des processus électoraux en Sierra Leone, au Nigéria et au Sénégal. 

L’idée d’impliquer davantage les organisations régionales fait consensus de longue date.  « On en parle depuis longtemps, mais il faudrait agir maintenant », ont relevé les États-Unis, appelant le Conseil à s’interroger sur ce qu’il doit « faire avant un conflit ». 

« Investir en amont des conflits est beaucoup moins coûteux en vies humaines, mais aussi financièrement », a ajouté la France, qui, en matière de prévention, a recommandé la rédaction d’un « rapport régulier du Secrétaire général » visant à évaluer les risques que font peser sur la paix et la sécurité les changements climatiques.  Ceux-ci ont été identifiés par M. Guterres, aux côtés du terrorisme, comme une  « menace croissante ».

Tout en saluant le renforcement de la coopération en amont des conflits entre l’Union africaine et l’ONU depuis la signature, en 2017, d’un Cadre stratégique pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité, la Côte d’Ivoire a prévenu que les efforts conjoints ne seraient efficaces que s’ils reposent sur l’identification des signes précurseurs des conflits, en tenant compte de divers indicateurs sociopolitiques, économiques, climatiques et environnementaux.

L’Observatrice permanente de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, région traversée par de nombreux conflits, a souligné que la prévention impliquait de se pencher sur des problèmes systémiques, notamment liés à la gouvernance, à la criminalité et au terrorisme.

Mais alors que l’Indonésie appelait, elle aussi, l’ONU à s’appuyer sur les organisations régionales et à leur fournir les ressources nécessaires en matière de prévention et de résolution des conflits, le Pérou a estimé que la réussite des initiatives était conditionnée par un « mandat des parties concernées ». 

« Il n’y a pas de solution type » adaptée à toutes les situations, a remarqué le Royaume-Uni.  Prenant l’exemple de la Libye, il a estimé que la communauté internationale devait « suivre une feuille de route unique » et appuyer le rôle de l’Envoyé spécial du Secrétaire général.  Mais, a-t-il ajouté, cela « ne signifie pas qu’il faille minimiser les voix des acteurs régionaux ».

La Fédération de Russie s’est cependant interrogée sur la volonté politique de prévenir les conflits et a lancé une mise en garde: « entre diplomatie préventive et pressions politiques, la frontière est parfois ténue », a-t-elle observé, en dénonçant l’opération menée par l’OTAN en Libye en 2011, qui a conduit, selon elle, à la propagation du terrorisme dans la région.  « Nous n’avons pas besoin d’un type d’intervention qui se passe de l’appui des Nations Unies », a insisté le représentant.  Quant à la Chine, elle a répété qu’il fallait aider les pays africains à régler leurs problèmes par eux-mêmes, leur faire confiance et éviter de chercher les solutions à leur place.

PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE

La centralité de la diplomatie préventive, de la prévention et de la résolution des conflits (S/2019/786)

Déclarations

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a rappelé que l’ONU et ses partenaires – États Membres, organisations régionales et sous-régionales, communautés économiques régionales et autres – ont fait des progrès considérables en matière de prévention.  « En Gambie, une action commune de l’Union africaine (UA), de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’ONU et des pays voisins a empêché une crise politique de s’aggraver et permis de soutenir une transition pacifique et démocratique il y a deux ans », s’est-il félicité.  À Madagascar, nous avons collaboré avec l’UA, l’Union européenne, la Communauté de développement de l’Afrique australe et l’Organisation internationale de la Francophonie afin de faciliter le dialogue qui a contribué aux élections présidentielles pacifiques de 2018, a ajouté le Chef de l’Organisation, avant de citer aussi en exemple les efforts conjoints de l’UA, de la Communauté des pays de langue portugaise, de la CEDEAO et de l’UE, « déterminants dans la résolution des tensions politiques en Guinée-Bissau ».  Et au Cameroun, le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique centrale collabore avec les autorités et les parties prenantes nationales et régionales pour soutenir les efforts visant à remédier aux causes profondes de la crise dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest par le biais d’un dialogue inclusif.

Poursuivant, M. Guterres a rappelé que le récent accord conclu au Soudan, négocié par l’UE et l’Éthiopie, offre à la communauté internationale l’occasion d’appuyer la paix « dans un pays en proie à de terribles conflits et de nombreuses souffrances ».  Et son Représentant spécial pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, a encore fait valoir le haut fonctionnaire, a mené des efforts communs avec la CEDEAO et l’UA pour soutenir des processus électoraux pacifiques et inclusifs en Sierra Leone, au Nigéria et au Sénégal.  Il a ensuite identifié le terrorisme comme une menace croissante pour tout le continent.  « Au Sahel, des groupes terroristes attaquent régulièrement les forces de sécurité locales et internationales, y compris nos Casques bleus de la MINUSMA.  La violence se propage vers les États côtiers du golfe de Guinée.  Au Nigéria, Boko Haram et ses factions dissidentes terrorisent les communautés locales et attaquent les forces de sécurité, malgré les efforts de la Force multinationale mixte.  Nous voyons des réseaux terroristes se propager dans toute la Libye et l’Afrique du Nord, s’étendre à travers le Sahel jusqu’à la région du lac Tchad et apparaître en République démocratique du Congo et au Mozambique.  C’est une bataille que nous ne sommes pas en train de gagner », a mis en garde le Secrétaire général.  Selon lui, il ne s’agit pas seulement d’une question régionale, « mais d’un danger évident » et immédiat pour la paix et la sécurité dans le monde. 

S’il s’est félicité du Sommet de la CEDEAO qui s’est tenu le mois dernier à Ouagadougou et de l’engagement renouvelé des États membres à participer financièrement et militairement à la lutte contre le terrorisme, il a assuré qu’il faut prendre conscience que les répercussions de la crise en Libye s’intensifient et se propagent dans toute la région, « avec des armes et des combattants qui traversent sans cesse les frontières ».  Alors que son Représentant spécial pour la Libye s’emploie à prévenir une nouvelle escalade de la violence et à encourager un retour au processus politique, M. Guterres a rappelé qu’il avait déjà transmis au Président du Conseil de sécurité la proposition du Conseil de paix et de sécurité de l’UA, qui augure de la perspective d’un renforcement de la coopération avec cette organisation régionale en Libye.

« La paix au Mali est également essentielle à la paix au Sahel », a-t-il ensuite déclaré.  « Malgré les terribles attentats perpétrés la semaine dernière dans la région de Mopti, j’espère que le projet d’un dialogue politique inclusif facilitera la mise en œuvre de l’accord de paix de 2015. »  Après avoir félicité le Conseil de la levée des restrictions géographiques imposées au ravitaillement apporté par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) à la Force conjointe du G5 Sahel, le haut fonctionnaire a toutefois considéré cette mesure comme « insuffisante ».  Je vous exhorte à nouveau, a-t-il lancé à l’adresse des membres du Conseil, à donner aux opérations africaines de maintien de la paix et de lutte contre le terrorisme des mandats clairs, portés par un financement prévisible et durable grâce à des contributions obligatoires.

Pour le Secrétaire général, aucun doute: le développement durable et inclusif, s’il est un but en soi, est aussi le moyen le plus efficace de traiter les causes profondes des conflits, de l’extrémisme et du terrorisme.  « Pour prévenir les conflits et bâtir des communautés et des sociétés résilientes, il est essentiel de lutter contre la pauvreté et les inégalités, de renforcer les institutions publiques et la société civile et de promouvoir les droits humains, des objectifs qui sont au cœur du Programme de développement durable à l’horizon 2030 comme de l’Agenda 2063 de l’UA ».  La lutte contre la crise climatique est une autre mesure préventive indispensable, a-t-il exhorté.  Les risques liés aux phénomènes climatiques, notamment les sécheresses, les inondations et l’évolution des régimes pluviométriques, se conjuguent souvent aux facteurs politiques, sociaux et économiques.  « Nous devons de toute urgence réduire les émissions afin d’éviter des conséquences catastrophiques », a plaidé le Chef de l’Organisation.  En outre, près de la moitié des 1,3 milliard de personnes vivant en Afrique est âgée de moins de 15 ans.  Offrir à cette génération des opportunités en matière d’éducation, de formation et d’emploi doit être au cœur de toute stratégie de développement, sachant aussi que les femmes et les jeunes sont des « acteurs clefs de l’édification de sociétés pacifiques ». 

Après avoir appuyé l’initiative Silence the Guns 2020 de l’UA, le Secrétaire général a évoqué le partenariat stratégique renforcé avec l’UA sur la paix et la sécurité, basé sur l’accord-cadre conjoint de 2017.  Un partenariat encore « démontré en février lorsque le Conseil a adopté à l’unanimité la résolution 2457 sur les mesures à prendre pour mettre fin aux conflits en Afrique grâce au renforcement de la coopération et du partenariat internationaux », a noté M. Guterres.  « Nos plus grandes missions de maintien de la paix se trouvent sur le continent africain et plus de 80 000 Casques bleus y servent.  L’Afrique est maintenant la plus grande région fournissant des contingents.  Nous devons à ces Casques bleus notre soutien solide et uni, grâce à un financement solide et à des mandats solides », a-t-il insisté.  La prévention des conflits est difficile à quantifier et peut ne pas faire l’actualité.  Mais aucune nouvelle n’est bonne pour les personnes au service desquelles nous sommes.  « La prévention présente d’énormes avantages », a-t-il ajouté, en concluant que l’engagement vigoureux du Conseil de sécurité, en coopération avec des partenaires régionaux et sous-régionaux, « est plus que jamais nécessaire » à cet égard.

Mme LIBERATA MULAMULA, Directrice associée de l’Institut des Études africaines de l’Université George Washington, a regretté que la communauté internationale n’ait pas été à la hauteur dans la prévention des conflits.  Elle a indiqué qu’elle vient de Tanzanie, un pays qui s’est activement impliqué dans la résolution des conflits dans la région des Grands Lacs et qu’elle a, elle-même, servi comme Secrétaire exécutive de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs de 2006 à 2011, laquelle puise son origine dans le génocide au Rwanda et les crises dans la région.  La signature du Pacte pour la paix, la stabilité et le développement dans la région des Grands Lacs témoigne de la détermination politique des États à prendre leurs responsabilités en matière de prévention, a-t-elle analysé.

La complexité des questions traitées et la violence cyclique que connaissait la région, prouvent que toute tentative sérieuse en faveur de la paix et de la sécurité dans la région doit s’appuyer sur une approche et un cadre régionaux, parce que les pays voisins ayant une meilleure compréhension que des acteurs extérieurs, ils en tirent davantage de légitimité et sont susceptibles d’apporter une réponse plus rapidement que l’ONU; d’autant qu’ils ont un intérêt direct à la stabilité régionale.  Son rôle en tant que Secrétaire exécutive, a-t-elle expliqué, était de faciliter le dialogue et d’essayer d’identifier les causes déclenchant les hostilités entre communautés et pays de la région: ce n’était pas facile mais comme le dit un vieux dicton, « si vous voulez faire quelque chose, demandez à une femme, si vous voulez juste en parler, demandez à un homme ».

Elle devait forger des partenariats et renforcer les capacités locales pour prévenir et résoudre les conflits car les initiatives prises au niveau international, ou même au sein de l’Union africaine, n’avaient eu que peu d’effets étant coupées des initiatives locales.  Or, l’implication régionale et nationale est indispensable pour prévenir la résurgence des conflits, a argué Mme Mulamula.  Les différentes interventions étaient dans l’ensemble survenues trop tard, comme au plus fort de la crise au Burundi en 2010, lorsque la Commission de consolidation de la paix avait annulé sa mission en raison de l’insécurité dans le pays. 

S’agissant du rôle des femmes, les dirigeants ont souligné en 2005 leur rôle dans la prévention et la résolution des conflits.  Mais malgré les plans d’action et textes existants, la violence contre les femmes demeure très répandue dans la région, l’absence des femmes dans les processus officiels en Afrique, qu’elles ne soient pas assises autour de la table lors de l’adoption des plans de paix le montre: il y a encore beaucoup à faire, le rôle des femmes n’est pas assez reconnu ni mis en œuvre, a poursuivi l’intervenante.  En mars 2017,  l’Union africaine a donc créé le Réseau des femmes africaines pour la prévention des conflits et la médiation, « FemWise-Africa », qui vise à renforcer leur rôle dans les processus de médiation.

FemWise-Africa était ainsi au Burundi en juin dernier pour prendre contact avec les parties prenantes à la veille des élections générales.  La délégation a été frappée par le fait que les Burundais eux-mêmes étaient très réceptifs à cette initiative; « c’est un bon exemple de diplomatie préventive qui doit être répliqué », a-t-elle estimé.  Le réseau a également organisé une réunion en Algérie sur l’initiative de l’UA « Faire taire les armes d’ici à 2020 »: la vraie question est, « y arriverons-nous »?  Comment renforcer le rôle et le leadership de femmes?

Mme Mulamula a donc demandé au Conseil de reconnaître ces efforts et d’appuyer le réseau FemWise-Africa avec les ressources nécessaires, car il a pour but de lancer des actions concrètes et durables en faveur de la paix.  Inutile pour les femmes de prouver qu’elles ont un impact sur le terrain, il s’agit plutôt de renforcer leur rôle actif en se souvenant que la prévention coûte toujours moins cher que de devoir faire face à une crise dans un pays et pour ses voisins.  Le Conseil doit y consacrer des ressources à la hauteur de ses promesses en matière de prévention, a-t-elle insisté: le moment est vraiment venu de considérer les femmes comme des agents de la paix et pas seulement comme des victimes.

En conclusion, elle a émis quelques recommandations au Conseil: privilégier l’approche régionale pour résoudre les conflits en Afrique, les mécanismes régionaux, notamment juridiques, existent déjà, comme la résolution 1325 sur le rôle des femmes qui n’est « pas mise en œuvre faute de ressources »; elle a par exemple estimé que le coût annuel de plus d’un milliard de dollars consacré à la MONUSCO permettrait de mettre en œuvre beaucoup de plans régionaux.  Le Conseil doit donc renforcer les capacités des organisations de femmes impliquées dans la prévention et la médiation; les différentes initiatives régionales et internationales resteront sans effet si elles ne tiennent pas compte des initiatives locales et de leur appropriation locale, a-t-elle encore souligné.  « Rien ne doit se faire pour nous sans nous », a-t-elle argué, en affirmant que le réseau FemWise-Africa est à la disposition du Conseil, qu’il est prêt à se déployer dans toutes les organisations de maintien et de prévention de la paix.  Elle a cité en conclusion les mots de la chanteuse sud-africaine, Yvonne Chaka-Chaka, pour qui les femmes sont « des hommes bien organisés » 

Mme NALEDI MAITE, représentante de South African Women in Dialogue (SAWID), a déclaré que « ce sont les femmes et les enfants qui sont les plus touchés en temps de guerre ».  Elle a rappelé que son association avait été créée après la tenue d’une session du dialogue de paix intercongolais en Afrique du Sud en 2002.  SAWID a soutenu l’organisation de forums pour la paix avec les femmes du Burundi en 2004 et du Soudan du Sud en 2007 et a participé à plusieurs missions d’observation électorales en Afrique, a-t-elle expliqué. 

Mme Maite a dit retirer trois enseignements majeurs de son expérience: d’abord les femmes doivent exprimer leur propre point de vue et non celui des organisations auxquelles elles appartiennent, ensuite les déléguées ne doivent pas être choisies seulement parmi les femmes éduquées de la classe moyenne, enfin les rencontres doivent se dérouler dans un espace protégé, loin des caméras, permettant un échange intime et l’émergence d’un sentiment de communauté. 

« Le plus souvent, les initiatives comme SAWID sont regardées comme faisant partie des ‘approches douces’ pour prévenir les conflits », alors que dans les situations de post-conflit, ce type d’approche est souvent négligé au profit de grands projets d’infrastructure, a-t-elle regretté.  Pour elle, « les gouvernements doivent reconnaître que rebâtir les liens sociaux, entendre la souffrance des citoyens et investir activement dans la guérison des nations ne constituent en aucun cas une ‘approche douce’ ». 

Mme LINDA VILAZAKI, African Women in Dialogue (AfWID), s’est félicitée qu’un nombre considérable d’Africaines occupe des postes à responsabilité aux niveaux local et international, tout en déplorant le fait qu’en tant que continent, « nous n’avons pas réussi à mettre en place de mécanisme capable de tirer parti de leur expérience et expertise au profit de tous ».  Souvent, nous sommes invités par d’autres en dehors de l’Afrique, par exemple le Forum de Davos ou la Commission de la condition de la femme à l’ONU.  Cette prise de conscience a conduit à s’inspirer du modèle de South African Women in Dialogue, a expliqué l’intervenante, en disant que c’est de là qu’est née la plateforme AfWID, laquelle a réuni, l’an dernier, un millier de femmes en provenance de 16 États Membres de la Communauté de développement de l’Afrique australe, entre autres.  Mme Vilazaki a annoncé que, fort de cette expérience, l’édition 2019 de ce dialogue était sur le point de se tenir, avec de nouveau 1000 participantes en provenance, cette fois-ci, de 55 pays.

Conçue pour être inclusive, ouverte à tous et à toutes, horizontale et non-partisane, la plateforme AfWID est un « festival » d’idées, dont le seul ordre du jour consiste à mettre en relation les Africaines entre elles, pour qu’elles partagent leurs pratiques optimales dans le cadre des activités qu’elles mènent au sein de leurs villages, de leurs villes et de leurs communautés.  « Le dialogue a la capacité de nous aider à surmonter nos différences et à distinguer ce qui nous relie les unes aux autres », a expliqué la représentante, en demandant aux États Membres de consentir un effort, sur les plans administratif et financier, pour faciliter la venue de ces femmes qui, pour nombre d’entre elles, n’ont jamais quitté leur village natal.  « Nous ne sommes pas naïves et savons que la poursuite d’une Afrique pacifique n’est pas un idéal auquel tout le monde aspire et qu’il y aura des résistances contre le changement de statu quo », a déclaré Mme Vilazaki.  Mais elle a considéré que soutenir des dialogues inclusifs comme celui porté par AfWID est le meilleur moyen de donner effet à l’Article 33 de la Charte des Nations Unies, qui stipule que « les parties à tout différend […] doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d’enquête, de médiation ».  Elle a donc demandé au Conseil de sécurité d’apporter son appui à la pratique du dialogue inclusif défendu par AfWID.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a réaffirmé l’importance des principes de la Charte des Nations Unies, en particulier du Chapitre VI.  Selon lui, l’accord de transition conclu au Soudan est une preuve récente du succès de la médiation lorsqu’il s’agit d’atténuer les tensions.  Soulignant à quel point le Conseil de sécurité importe dans le règlement des conflits, le représentant a affirmé qu’il était particulièrement efficace lorsqu’il travaillait de concert avec les organisations régionales.  Il a ensuite plaidé pour une politique de soutien financier davantage prévisible pour les opérations de paix conduite par l’Union africaine et autorisées par le Conseil de sécurité.  C’est à ce titre que le Koweït, qui privilégie la diplomatie préventive, a récemment parrainé des forums sur ce sujet et encourage le recrutement d’équipes de médiation pour maintenir la paix.  « Une mobilisation rapide est essentielle », a-t-il souligné.

M. TIEMOKO MORIKO (Côte d’Ivoire) a déclaré que la signature, le 19 avril 2017 par les Nations Unies et l’Union africaine, du Cadre stratégique pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité avait institutionnalisé une coopération plus prévisible, systématique et stratégique entre ces deux organisations.  Cet instrument leur permet désormais d’intervenir plus rapidement et de manière plus cohérente et décisive pour prévenir, gérer et régler les conflits sur le continent.  Les efforts conjoints déployés par ces acteurs ne seront cependant efficaces que s’ils reposent sur l’identification des signes précurseurs des conflits en tenant compte de divers indicateurs sociopolitiques, économiques, climatiques et environnementaux.  C’est à cette condition qu’ils pourront prévenir le surgissement de crises, ou dans les cas où elles ont déjà éclaté, leur apporter des réponses efficaces et pérennes, a-t-il dit.

Le représentant a par ailleurs indiqué qu’en plaçant le Système d’alerte précoce au cœur de l’Architecture africaine de paix et de sécurité(APSA), l’Union africaine avait démontré sa volonté d’accroître ses capacités d’anticipation et de prévention des conflits.  Témoignant d’une volonté d’anticipation similaire, la Communauté de États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est dotée d’un mécanisme d’alerte précoce dénommé ECOWARN, qui lui a permis, au cours des dernières années, de mener de nombreuses actions de diplomatie préventive.  Mais pour être efficaces, les efforts de prévention et de règlement des conflits doivent s’inscrire dans une démarche collective et coordonnée, permettant la synergie des initiatives onusiennes, de l’Union africaine et des organisations régionales, a-t-il aussi plaidé.

M. VASSILY A. NEBANZIA (Fédération de Russie) s’est interrogé sur la volonté politique concernant la prévention des conflits, surtout sur le continent africain, alors que la diplomatie préventive et les médiations sont plus nécessaires que jamais.  Il est inutile de « réinventer la roue »,  a-t-il estimé, l’ONU disposant selon lui de tous les outils dont elle a besoin sur le sujet.  Le Secrétaire général s’est dit disposé à renforcer ce potentiel, « tant mieux », mais la voix de l’Afrique doit être prise en compte pour les questions de paix et de sécurité sur le continent, a plaidé le représentant.  Le plus important pour la délégation russe, c’est que les pays africains eux-mêmes jouent leur rôle dans la prévention et la résolution des conflits, sur le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États.

Tout un éventail de mécanismes et d’instruments de prévention ont fleuri ces dernières années pour prévenir les conflits, comme par exemple le système continental d’alerte rapide ou l’Accord-cadre entre l’ONU et l’Union africaine signé 2017.  En pratique, il a constaté des résultats intéressants comme en République centrafricaine ou au Soudan du Sud, grâce à l’implication de l’UA, ou dans les élections pacifiques en République démocratique du Congo (RDC) et au Nigéria.  Les organisations sous-régionales aussi jouent un rôle important, a-t-il poursuivi en notant la prévention réussie d’une crise politique à Madagascar.  Le délégué a donc appuyé sans réserve le renforcement de la coopération entre l’ONU et l’UA, sur la base du respect mutuel et dans le cadre des initiatives régionales.  Et en gardant à l’esprit qu’entre la diplomatie préventive et les pressions politiques, la frontière est parfois ténue, a fait observer le délégué.  Certains efforts sont parfois « tout à fait inutiles », comme l’opération de l’OTAN en Libye, qui a conduit à la propagation du terrorisme dans la région: « nous n’avons pas besoin de ce type d’action, conduite sans l’appui des Nations Unies », a-t-il prévenu au terme de son intervention.

Pour Mme KAREN VAN VLIERBERGE, (Belgique), « lorsqu’une crise pointe à l’horizon, les États voisins, la sous-région et le continent sont souvent les mieux placés pour agir rapidement et efficacement ».  La représentante a ajouté que l’histoire de son pays lui permettait de mesurer toute la valeur de l’intégration régionale.  « À terme, les opérations de paix de l’Union africaine devront pouvoir bénéficier d’un financement plus prévisible, plus durable et plus souple », a-t-elle ajouté.

La représentante a cité les résultats obtenus en Gambie et en Guinée-Bissau comme des exemples de l’efficacité de l’implication des acteurs sous-régionaux.  Concernant la République centrafricaine, elle a estimé que les visites conjointes de haut niveau UA - Nations Unies constituaient « un outil efficace de suivi de la situation ».  Au Burkina Faso, au Niger et au Nigéria, elle a salué le travail de renforcement de capacités mené par le Bureau des Nations Unies en Afrique de l’Ouest et au Sahel afin de prévenir « les conflits entre éleveurs et agriculteurs et les conflits de nature communautaire », une tâche qui mérite selon elle une approche régionale. 

La complémentarité entre acteurs sous-régionaux, régionaux et les Nations Unies est tout aussi importante pour les missions de médiation a estimé la représentante, saluant au passage des « progrès accomplis dans l’opérationnalisation de l’Unité de soutien à la médiation de l’Union africaine et le dépècement du réseau de femmes médiatrices FemWise-Africa. »

M. LUIS UGARELLI (Pérou) a plaidé pour une meilleure intégration des organisations régionales et sous-régionales en matière de prévention et de résolution pacifique des conflits.  De son point de vue, il faudrait analyser et tirer profit de l’expérience acquise avec l’Architecture de paix de l’Union africaine et les mécanismes d’alerte précoce mis en place sur le continent.  Pour aller plus loin, il faudrait selon la délégation également créer des mécanismes innovants destinés à surmonter les éventuelles réticences de certains États à agir de façon préventive en situation de crise.  De tels mécanismes seraient pertinents dans des cas où les processus électoraux de pays en transition ou en consolidation de la paix peuvent éviter le retour à l’instabilité.  Il serait également avantageux de compléter ces mécanismes par des systèmes nationaux, a ajouté le représentant. 

Quand l’ONU, l’UA et les autres organisations sous-régionales coordonnent leurs efforts, « c’est là que nous réussissons le mieux », a estimé M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni).  Il faut créer suffisamment d’espace pour permettre aux organisations régionales de jouer leur rôle et celles-ci doivent faire des progrès, notamment au Burundi pour sortir de la crise avant les élections de 2020.  Cependant, il n’y a pas de solution adaptée à tous les conflits: en Libye par exemple, la communauté internationale doit suivre une feuille de route unique en appuyant le rôle de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour ce pays, mais ça ne signifie pas qu’il faille minimiser les voix des acteurs régionaux, a fait remarquer le représentant: il faut en fait mobiliser tous les acteurs; la prévention des conflits nécessitant des capacités d’analyses et des ressources considérables.  La semaine dernière, le Conseil a discuté de la mobilisation de la jeunesse, dont la contribution, comme celle des femmes, est indispensable, a-t-il ajouté, avant de saluer le réseau FemWise-Africa. 

Alors que la prévention est devenue un moyen d’action indispensable au sein de l’ONU, M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a déclaré que le Conseil de sécurité, compte tenu de ses responsabilités en matière de paix et de sécurité, doit jouer un rôle majeur à cet effet pour résoudre les crises et relever les défis.  À ce titre, la délégation a souligné l’importance des organisations régionales dans le règlement pacifique des conflits, comme le prévoit le chapitre VIII de la Charte des Nations Unies.  Elle estime dans ce contexte, qu’il faut continuer de renforcer les rapprochements stratégiques entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales.  Dans le même esprit, la délégation s’est dit d’avis qu’il faut parallèlement renforcer la participation des jeunes et des femmes aux efforts de construction et de transformation des sociétés et réaliser les objectifs de l’initiative Faire taire les armes à l’horizon 2020, du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.

M. JUERGEN SCHULZ (Allemagne) a rappelé que le Chapitre VI de la Charte des Nations Unies offrait un panel d’outils pertinent en matière de prévention et de résolution des conflits.  C’est pourquoi l’Allemagne encourage les États Membres à se saisir de tous ces outils existants et à leur disposition.  Parmi ces outils, il y a le Fonds pour la consolidation de la paix, qui est un exemple du succès des efforts visant à avoir un impact rapide sur les conflits en Afrique.  L’Allemagne offre une seconde contribution de 15 millions de dollars pour 2019, portant le total de son appui financier à ce fonds à 30 millions de dollars pour cette année. 

Comme autre outil à disposition de la prévention et de résolution des conflits, le représentant a également cité la médiation qui, selon lui, peut aider à combler les divisions idéologiques entre les sociétés.  À ce titre, l’Allemagne estime que l’Unité de soutien à la médiation du Secrétariat des Nations Unies– qui bénéficie de son soutien financier- devrait rester un acteur fort de la médiation, avec le groupe des amis de la médiation. 

En plus de ces outils, le Conseil de sécurité lui-même, par son mandat, a une responsabilité en matière de paix et de sécurité en Afrique, a ajouté le délégué.  Pour le représentant, le Conseil doit agir plus rapidement pour éviter des escalades et sauver des vies; identifier les graves violations des droits de l’homme qui mènent aux conflits; contrer les effets des changements climatiques en tant qu’outil de stabilisation et de prévention des conflits; mieux cibler les personnes visées par ses sanctions; entendre davantage les membres de la société civile; renforcer sa coopération avec l’Union africaine et les organisations régionales, ou encore se réformer pour entendre la voix des pays africains. 

« Investir en amont les conflits est beaucoup moins coûteux en vies humaines, mais aussi financièrement », a plaidé M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France).  Il a salué « les réformes engagées pour rendre le système des Nations Unies plus efficace en vue de prévenir les crises », prenant l’exemple de l’amélioration de la situation à Madagascar.  Cependant, le représentant a regretté que le Conseil de sécurité ne se saisisse pas assez souvent « des situations qui présentent des risques de conflit susceptibles de porter atteinte à la paix et à la sécurité internationales ».  Il a aussi estimé que la Commission de la consolidation de la paix pourrait inscrire davantage de situations à risque et faire davantage de recommandations au Conseil. 

Le délégué a appelé à « coordonner les efforts dans un souci d’efficacité », saluant le partenariat entre l’ONU, l’Union africaine et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui a porté ses fruits au Burkina Faso en 2015 et en Gambie en 2016.  Au Soudan, ce sont « l’Union africaine et l’Éthiopie qui étaient les plus à même de faire émerger un accord », les Nations Unies et « tous les amis du Soudan » ayant veillé à ne pas créer d’interférences.  M. de Rivière a, en conclusion, recommandé la présentation d’un rapport régulier du Secrétaire général afin d’évaluer les risques que les changements climatiques font peser sur la paix et la sécurité dans le monde.

M. JUN ZHANG (Chine) a déclaré qu’il fallait aider les pays africains à régler leurs problèmes par eux-mêmes.  Il faut leur faire confiance et éviter de chercher à s’en occuper à leur place et de s’ingérer dans leurs affaires intérieures.  Pour le représentant, il est au contraire nécessaire de tirer profit des expériences régionales et sous-régionales, avant de souligner qu’il faut recourir aux mesures prévues au Chapitre VI de la Charte plutôt qu’à celles figurant au Chapitre VII, a insisté le représentant.  Il a également déclaré qu’accompagner les pays africains et promouvoir le développement durable est un moyen de stabiliser les pays du continent.  C’est exactement cela que s’emploie à faire la Chine, dont les contingents de Casques bleus sont déployés dans cinq pays africains.  La Chine est également présente depuis plusieurs années dans le golfe d’Aden, a rappelé le représentant, avant de préciser que son gouvernement avait versé 100 millions de yuans pour la création d’une force africaine et contribué à hauteur de 300 millions à l’opérationnalisation de la Force conjointe du G5 Sahel.  La Chine « aime et respecte l’Afrique et les Africains », a assuré en conclusion la délégation.

Si la meilleure façon d’épargner les souffrances des conflits aux populations c’est de les éviter, M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a insisté sur le rôle de l’ONU et particulièrement du Conseil et des organisations régionales dans la prévention des conflits. 

Pour une diplomatie préventive efficace, il est indispensable de garantir l’appui et les ressources nécessaires aux médiations déployées et de renforcer la coopération entre l’ONU et l’Union africaine.  De même, il faut s’assurer que le développement de l’Afrique puisse compter sur les ressources humaines et économiques nécessaires: de ce développement, dépendent la paix et la stabilité mondiales, ce qui est dans l’intérêt de la communauté internationale de le garantir.  Enfin, des fonds prévisibles et durables doivent être alloués aux opérations de paix conduites par l’Union africaine, après évaluation au cas par cas des besoins par l’ONU.

Ces questions et notamment la centralité de la diplomatie préventive, la prévention et la résolution des conflits, seront au cœur de la réunion ministérielle organisée à l’appui de l’initiative Faire taire les armes, qui se tiendra à Malabo en novembre prochain et à laquelle seront invités, parmi d’autres, les membres du Conseil, a précisé la Guinée équatoriale.

Il y a consensus sur le rôle des Africains dans la résolution des conflits sur le continent, a affirmé Mme KELLY KRAFT (États-Unis), en regrettant que ce débat revienne sans cesse depuis 25 ans sans avancer.  « Il existe un large consensus sur le fait que la prévention, la gestion ou la résolution des conflits en Afrique exigent que les Africains eux-mêmes donnent le cap, en orientant les processus de paix et en favorisant la conciliation avec les parties prenantes locales.  Des parties extérieures telles que les États-Unis peuvent contribuer en fournissant un soutien pour faire avancer la recherche de la paix, mais la paix ne peut être imposée de l’étranger.  Pourtant, les conflits en Afrique ont des ramifications internationales, évidentes dans les flux de réfugiés et les dommages environnementaux, par exemple, mais aussi en termes purement humanitaires.  Un large consensus existe également selon lequel le vieil adage « mieux vaut prévenir que guérir » s’applique particulièrement aux conflits en Afrique, a souligné la représentante.

« Ces mots n’ont pas été écrits récemment.  Ils n’ont pas été écrits cette année, ni même cette décennie.  Ils proviennent d’un rapport de 1994 de l’Institut de la paix des États-Unis sur la prévention des conflits en Afrique.  Vingt-cinq ans plus tard, on en parle toujours? Allons-nous continuer à avoir la même conversation? Sommes-nous satisfaits de cela? », s’est interrogée Mme Kraft.  Ce Conseil se réunit pratiquement toutes les semaines pour débattre des régions du monde touchées par les conflits et l’instabilité.  Mais trop souvent, nous publions des déclarations, imposons des sanctions, créons des commissions et établissons des missions de maintien de la paix pour régler les conflits après leur éclatement.  S’il y a un message que je souhaite communiquer, c’est ce que le Conseil peut –et devrait– faire pour régler les conflits avant qu’ils n’éclatent.

Elle a donc proposé quatre mesures à prendre avant le conflit.  Premièrement, a plaidé la délégation américaine, nous devrions utiliser des résolutions et des déclarations pour cibler les facteurs de conflit: « Nos résolutions doivent organiser des actions spécifiques axées sur les causes profondes - pas seulement rassembler des mots agréables sur le papier. »  Deuxièmement, nous devrions utiliser les systèmes d’alerte précoce et les outils analytiques à notre disposition, en veillant à nous concentrer sur les domaines dans lesquels un conflit pourrait émerger, « pas seulement là où il se trouve déjà ».  Troisièmement, a poursuivi Mme Kraft, étant donné que les pays voisins portent souvent le fardeau des retombées des conflits, la coordination avec les organismes régionaux et sous-régionaux devrait être renforcée.  Enfin, le Conseil de sécurité doit continuer à intégrer les femmes, la paix et la sécurité dans tous ses travaux car, « comme le Président Trump nous l’a rappelé dans ses remarques devant l’Assemblée générale, les pays qui autonomisent les femmes sont plus riches, plus sûrs et plus stables politiquement ».

Une grande partie de l’engagement bilatéral des États-Unis sur le continent est axée sur la diplomatie préventive.  Au Burkina Faso, les États-Unis mettent à l’essai un programme de 13,5 millions de dollars visant à prévenir les conflits.  Et plus tard ce mois-ci, une délégation américaine se rendra au Burkina Faso pour développer une programmation aux côtés du Gouvernement, de la société civile et d’autres partenaires locaux et internationaux.  Washington investit également des millions de dollars dans l’aide au développement chaque année pour compléter leurs efforts diplomatiques, ainsi qu’une assistance technique à l’UA, à la CEDEAO et à plusieurs États Membres dans le cadre de notre soutien au système d’alerte précoce continental. 

M. PAWEŁ RADOMSKI (Pologne) a déploré que la diplomatie préventive ne soit pas toujours reconnue comme un outil indispensable du travail du Conseil de sécurité, en dépit de son rôle primordial.  Pour autant, la diplomatie préventive ne peut à elle seule résoudre les crises.  Pour la Pologne, le développement économique doit être un des outils de la prévention des conflits.  À cette fin, il faut mobiliser toutes les ressources, y compris les ressources privées, pour permettre un développement économique, facteur de paix.

M DIAN TRAINSAYAH DJANI (Indonésie) a déploré que le Conseil et la communauté internationale soient souvent trop occupés à réagir aux conflits pour avoir le temps de les prévenir car cette approche n’est pas soutenable et trop coûteuse.  Se tourner vers une culture de la prévention est donc une nécessité et une approche doit être adoptée en ce sens.  Le Conseil peut ainsi renforcer sa coopération avec les autres branches du système des Nations Unies pour adopter approche globale.  En effet l’ONU ne manque pas d’outils de prévention, a fait observer le représentant, en citant les exemples du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ou de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), qui œuvrent à la promotion de la bonne gouvernance. 

Cependant, l’ONU ne peut agir seule pour prévenir et résoudre les conflits en Afrique, a poursuivi le représentant.  Alors que les peuples aspirent à un continent à l’abri des conflits, les organisations régionales et sous régionales jouent un rôle croissant et il faut garantir et consolider avec elles un partenariat robuste.  Pour l’Indonésie, il convient d’évaluer les avantages comparatifs de chacune de ces organisations, qui ont une connaissance sans pareil des conflits et des parties prenantes sur le continent.  Elles ont pour elles la proximité géographique et aussi un intérêt à résoudre les crises dès que les premiers signes de tension sont identifiés. 

Ceci impose que l’ONU les écoute et travaille avec elles.  De même, l’ONU doit veiller à toujours apporter son expertise politique et son soutien logistique aux missions de l’Union africaine, ainsi que des ressources adéquates, afin que l’Union africaine puisse assumer ses responsabilités, notamment par ses missions de paix.

Enfin l’ONU et les organisations régionales doivent conjuguer leurs efforts dans les missions de médiation et aider l’Afrique à développer les médiations régionales.  À cet égard, le représentant a estimé que l’Union africaine et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) -dont les membres travaillent beaucoup en matière de prévention- avaient beaucoup à apprendre l’une de l’autre.  Mais les organisations régionales ont une action limitée si le Conseil ne fait pas de son côté le nécessaire pour maintenir la paix, a conclu le représentant. 

M. JERRY MATTHEWS MATJILA, (Afrique du Sud) a cité Nelson Mandela, qui avait écrit depuis sa prison de Robin Island: « Quand nous aurons combattu et réduit ce pays en cendre, nous devrons nous asseoir ensemble et parler des problèmes de la reconstruction – l’homme noir et l’homme blanc, l’Africain et l’Afrikaner » Il y a vu un parfait résumé des mérites de la diplomatie préventive. 

Le représentant a salué les médiations conjointes Nations Unies - Union africaine, notamment en République centrafricaine, au Soudan du Sud et au Soudan.  Il s’est félicité de la récente mise en œuvre du fonds pour la paix de l’Union africaine, dont la dotation actuelle s’élève à 115 millions de dollars, ce qui renforcera ses capacités de médiation et de prévention des conflits, a-t-il estimé.  « On ne pourra jamais assez souligner le rôle des femmes et des jeunes dans la prévention et la résolution des conflits », a-t-il ajouté par ailleurs. 

M. NEVILLE MELVIN GERTZE (Namibie) a déclaré que l’expérience de son pays tout comme celle du Soudan, témoignaient des succès que la médiation peut obtenir sur le chemin de la paix.  Depuis la création de l’ONU et du Conseil de sécurité, la nature des conflits a changé, a ensuite fait observer le représentant.  De ce fait, les Nations Unies et le Conseil de sécurité doivent s’adapter.  Le Conseil de sécurité ne doit plus seulement être réactif; il doit être proactif et jouer un rôle préventif dans les conflits.  C’est pourquoi il est important d’identifier les causes externes des conflits, comme les changements climatiques ou l’insécurité alimentaire, et de s’y attaquer.  La Namibie est en outre en faveur d’une coopération plus étroite entre le Conseil de sécurité et l’Union africaine.  Cette coopération doit se traduire aussi par un financement pérenne et prévisible des opérations de paix conduites par l’Union africaine et autorisées par le Conseil de sécurité, a-t-il plaidé.

M. Gertze a ensuite rappelé que c’est durant la présidence namibienne du Conseil de sécurité, que ce dernier a adopté, à l’unanimité sa résolution 1325 (2000) sur les femmes, la paix et la sécurité.  Pour cette raison, la Namibie continue de plaider pour l’intégration des femmes dans les processus de paix.  Une étude de l’International Peace Institute montre que les femmes y sont impliquées, 35% des accords de paix ont des chances de durer 15 ans au moins, a-t-il conclu. 

M. TAYE ATSKESELASSIE AMDE (Éthiopie) a dit fermement croire que la prévention des conflits et la médiation étaient des outils essentiels pour la stabilité, la paix et le développement.  Pour cette raison, il croit à la coopération entre les Nations Unies et l’Union africaine, tout comme au besoin de financement pérenne et prévisible des opérations conduites par l’Union africaine et autorisées par le Conseil de Sécurité. 

Le représentant a également dit croire en l’inclusivité et en la construction de consensus nationaux pour la résolution de conflits intra-étatiques.  « La paix ne dure que si le développement est inclusif, que si la sécurité des citoyens est garantie, que si les jeunes et les femmes sont activement impliqués dans les processus de prises de décisions et si les barrières entravant leur potentiel économique sont levées », a-t-il insisté, ajoutant qu’il fallait écouter les aspirations des populations, notamment des jeunes et des femmes.

M. Amde a ensuite observé que, dans certains pays en conflit, l’absence d’État, d’infrastructures, tout comme la corruption et la mauvaise gouvernance avaient poussé nombre de jeunes dans les mains des groupes terroristes.  Il est par conséquent crucial de continuer à investir dans la jeunesse, dans la bonne gouvernance et dans la capacité des États et dans les communautés locales. 

En ce qui le concerne, l’Éthiopie reste engagée à mettre en œuvre l’Architecture de paix et de sécurité de l’Union africaine, et l’initiative « faire taire les armes d’ici à 2020 ».  L’Éthiopie est en outre championne de la mise en œuvre des objectifs du mécanisme d’alerte et de réponse précoce de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), qui vise à prévenir les conflits violents, a indiqué le représentant. 

Mme JEANNE D’ARC BYAJE, Observatrice permanente de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale - CEEAC,  a rappelé que la région était le théâtre de toutes sortes de conflits récurrents dont les racines remontent à la période 1992-1998, quand sept des 11 États membres de l’organisation avaient connu des guerres violentes et des génocides qui l’avaient obligée à choisir de nouvelles orientations. 

Auparavant centrée sur la promotion de la coopération et le développement économique, la CEEAC a changé d’objectif en 1999 avec la création du COPAX, son conseil de paix et de sécurité de l’Afrique centrale, qui se concentre sur la prévention des conflits et les mécanismes d’alerte rapide, a expliqué l’Observatrice permanente.

Cependant, prévenir des conflits de nature différente dans cette région en ébullition s’est avéré très ardu et impose de se pencher sur des problèmes systémiques, notamment liés à la gouvernance, a expliqué Mme Byaje.  Ainsi, les tensions ont tendance à augmenter durant les processus électoraux; la criminalité, le terrorisme et les migrations qui en découlent dévorent les ressources qui devraient être dévolues au développement; des traditions anciennes comme le pastoralisme, sont devenues des sources de conflits, ainsi que l’apparition de groupes armés venus piller les ressources naturelles.

La collaboration de tous les acteurs régionaux est indispensable pour lutter contre la prolifération des armes légères et pour lutter contre ces défis, a poursuivi Mme Byaje.  La prévention des conflits doit aussi évoluer et devenir plus complexe et sophistiquée.  C’est pourquoi les organisations régionales essaient de creuser d’autres pistes endogènes.  Des progrès ont ainsi pu être réalisés grâce à des missions de bons offices qui ont permis de réduire les hostilités, parfois de résoudre les crises politiques.  L’engagement des Nations Unies et de l’Union européenne a été essentiel aux côtés des organisations régionales en République centrafricaine, en République démocratique du Congo ou au Cameroun.

La CEEAC renforce actuellement son architecture avec son Mécanisme d’alerte rapide de l’Afrique centrale (MARAC) et la Force multinationale d’Afrique centrale ,qui ont l’avantage d’être proches du terrain, a encore expliqué l’Observatrice permanente.  Mais, les processus de prises de décisions sont trop lents, qui réclament le feu vert de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement.  De même, le manque de ressources logistiques, humaines et financières constitue une entrave à la capacité de réaction de l’organisation.  Pour relever ces défis, la CEEAC appelle ses partenaires financiers à renforcer leur coopération et à soutenir ses initiatives.

Mme FATIMA KYARI MOHAMMED, Représentante permanente de l’Union africaine auprès des Nations Unies, a déclaré qu’aucune organisation à elle seule n’était en mesure de répondre à toutes les transformations et évolutions et des défis auxquels la communauté internationale ou l’Afrique sont confrontées.  C’est dans ce contexte que la coopération et la diplomatie préventive sont nécessaires, a-t-elle dit.  Poursuivant, elle a déclaré que l’Union africaine avait développé des mécanismes montrant les avantages comparatifs de son action et expertise.  Ainsi, elle s’est dotée d’outils et de mécanismes de prévention et de diplomatie, notamment l’Architecture africaine de paix et de sécurité et le Groupe des sages qui, depuis son établissement en 2007, a beaucoup contribué à la paix sur le continent.  La commission de l’UA dispose en outre d’une unité de la médiation, ainsi que 13 bureaux de liaison établis sur l’ensemble du continent, a encore fait valoir Mme Mohammed.

En outre, les partenariats stratégiques gagnent également en importance, notamment avec le Cadre de coopération entre l’UA et l’ONU signé en avril 2017, en plus des réunions consultatives entre l’Union africaine et le Conseil de sécurité qui renforcent la capacité collective à évaluer les défis et les moyens de les aborder.  L’adoption de la résolution 2457 (2019) sur la coopération entre les Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales dans le maintien de la paix et de la sécurité (Faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020) est encore un exemple du renforcement de ces partenariats stratégiques, a-t-elle plaidé. 

Par ailleurs, pour la représentante, la question de la participation des femmes aux processus de paix et de résolution des conflits est également prise à cœur par l’Union africaine, comme le montrent les initiatives FemWise-Africa et Youth for Peace, tout comme la désignation par le Président de la commission de l’Union africaine d’une Envoyée spéciale pour la jeunesse.  Dans une autre mesure, des démarches de diplomatie préventive, visant à éviter les conflits, ont été lancées au Cameroun, au Soudan, en Libye ou encore dans la Corne de l’Afrique et la région des Grands Lacs, a indiqué en conclusion la représentante, pour s’en féliciter.

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