8641e séance – matin
CS/13987

Alors que ferme la mission de maintien de la paix, les membres du Conseil de sécurité se disent préoccupés par l’instabilité et l’insécurité en Haïti

Alors que la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) achevait ses deux années d’existence, le Conseil de sécurité a exprimé ce matin son inquiétude pour l’avenir d’Haïti, qui s’apprête, après 15 années, à vivre pour la première fois sans mission de maintien de la paix. 

Comme l’ont souligné la plupart des États Membres, mais aussi le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix, et le représentant d’Haïti, la transition vers le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), qui entre en fonctions demain, s’effectue dans un contexte difficile, marqué par une crise multidimensionnelle qui associe l’impunité, la corruption, la violence -notamment celle des gangs- à une grave crise institutionnelle, aggravée par une situation économique et humanitaire désastreuse.

Dans un pays sans gouvernement depuis sept mois, les tâches clefs de l’exécutif, comme la conclusion d’un budget indispensable à la marche de l’État, restent dans l’impasse, a insisté Jean-Pierre Lacroix, en présentant le dernier rapport du Secrétaire général sur la MINUJUSTH. 

Le Secrétaire général adjoint a évoqué un cercle vicieux par lequel l’insécurité alimente l’instabilité politique et génère une paralysie générale.  Haïti continue d’avoir besoin du soutien de la communauté internationale et des Nations Unies, a-t-il constaté, assurant à cette occasion que la fin du maintien de la paix ne signifierait pas la fin des efforts de l’ONU pour honorer les droits des victimes du choléra et des atteintes sexuelles.

Les membres du Conseil ont principalement insisté sur deux urgences pour résoudre toutes les autres: la formation dans les plus brefs délais d’un nouveau Gouvernement et le renforcement de la Police nationale haïtienne pour garantir l’ordre public et institutionnel. 

Outre l’impossible formation d’un gouvernement, faute de validation d’un premier ministre par le Parlement, les élections législatives prévues le 27 octobre ont été reportées sine die.  Or, « les troubles politiques alimentent l’anarchie et l’insécurité », a insisté l’Afrique du Sud. 

La France, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Indonésie, ont appelé les responsables à engager au plus vite un dialogue inclusif, même si, comme l’a reconnu l’Union européenne, tous les efforts sont jusqu’à présent restés vains.  Il est cependant de la responsabilité première du Président Jovenel Moïse d’engager ce « dialogue véritable » et ce sera aussi la priorité du Bureau intégré, a insisté la France.

« Tout État de droit nécessite un minimum de services de maintien de l’ordre, respectueux des droits de l’homme », a rappelé l’Union européenne .  Or, la Police nationale haïtienne, « l’une des rares institutions stables » du pays, reste largement insuffisante avec 15 000 personnes pour 11 millions d’habitants, soit « trois fois moins qu’en Europe », alors que le niveau de violence lié aux gangs explose.  L’Allemagne a d’ailleurs appelé en la matière à lutter contre l’impunité des gangs, qui ont pris le contrôle de quartiers entiers, aggravant encore le sort des populations.

Car Haïti reste confronté à une crise humanitaire qui ne cède pas, ont rappelé de nombreux intervenants - dont la Fédération de Russie, qui l’a qualifiée de « navrante »: 2,6 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire et, sans aide, des milliers de personnes supplémentaires vont souffrir encore plus, a prévenu le Koweït.  Déjà, 60% de la population vit sous le seuil de la pauvreté et plus de 40% n’a pas accès aux soins, a précisé la Présidente de l’ECOSOC, Mme Mona JUUL.  Près de 85% des diplômés ont quitté le pays et 36% des jeunes sont au chômage, avec le risque que ce manque de perspectives peut entraîner en termes de stabilité et d’attractivité pour les organisations criminelles et de violence, a-t-elle souligné.  Et pourtant Haïti reste la crise humanitaire la moins bien financée, a déploré la Pologne.

Haïti continuera d’avoir besoin d’une assistance clef, ont conclu les États-Unis, premier donateur d’aide au pays, qui ont dressé une longue liste de besoins, allant de l’organisation des élections aux droits de l’homme, la justice ou la réduction de la violence.  Mais c’est le Gouvernement d’Haïti qui a la responsabilité finale du succès de la nouvelle mission qui s’ouvre avec le BINUH, ont-ils fait valoir. 

C’est vrai, nous sommes encore loin de la stabilité et du développement à long terme, a reconnu le représentant d’Haïti, qui a noté que la mission de maintien de la paix fermait, après 15 ans, alors que la crise redouble face à « un peuple appauvri tout au long de son histoire ». 

LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI - S/2019/805

Déclarations

M. JEAN PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a déclaré qu’aujourd’hui, en ce dernier jour du mandat de la MINUJUSTH, et avec les Haïtiens eux-mêmes, se refermait la page du maintien de la paix en Haïti.  M. Lacroix a ajouté que la communauté internationale devait réfléchir aux succès comme aux échecs de ces 15 dernières années pour entrer dans la prochaine étape du partenariat d’Haïti avec les Nations Unies. 

Le Secrétaire général adjoint a reconnu que la situation actuelle était préoccupante, marquée par une grave crise politique et d’importants défis socioéconomiques à relever.  Déplorant le cercle vicieux par lequel l’insécurité alimente l’instabilité politique, il a rappelé les principaux éléments de la crise à la fois politique, sécuritaire et humanitaire qui frappent Haïti. 

M. Lacroix a ainsi averti que, si les élections législatives ne peuvent se tenir, le vide institutionnel paralysera politiquement le pays dès le début de l’an prochain.  Sur le front de la sécurité, il a souligné que les capacités de la Police nationale haïtienne à endiguer les violences contre les institutions nationales et celles des gangs armés étaient mises à rude épreuve.  « La pénurie de carburant sape le bon fonctionnement des hôpitaux, des orphelinats, des unités de protection civile et d’autres services publics d’urgence », a en outre fait observer M. Lacroix. 

Pour le Secrétaire général adjoint, la capacité et la responsabilité de sortir de la crise, qui risque de saper les progrès accomplis au cours des dernières années, est du ressort des Haïtiens de toutes sensibilités politiques.  Seuls leur engagement en faveur d’un dialogue politique de bonne foi, leur rejet de la violence, et leur volonté de rechercher des compromis peuvent tracer le chemin pour trouver les solutions permettant de traiter, par des réformes, les racines les plus profondes, politiques et institutionnelles, de l’instabilité récurrence en Haïti, a-t-il affirmé.  Il a ainsi salué les efforts de la Représentante spéciale, Mme Helen La Lime, pour entretenir le dialogue et promouvoir des solutions haïtiennes aux défis actuels, efforts qui devront être poursuivis dans le cadre de la nouvelle configuration des Nations Unies dans le pays. 

Après avoir rendu hommage aux 188 Casques bleus tués au cours des 15 dernières années et salué la mémoire de toutes les victimes du tremblement de terre de 2010, M. Lacroix s’est livré à un bilan de la MINUSTAH, marqué notamment par une baisse de la criminalité, des améliorations dans le secteur de la justice et le développement des infrastructures.  Il s’est dit convaincu que la solution à la répétition des crises en Haïti nécessitait la prise en compte constante des liens entre paix, sécurité et développement.  « La stabilité durable doit s’ancrer dans le développement durable », a-t-il ainsi estimé.  Sur ce point, il a insisté sur le fait que le principe de lien étroit entre la paix, la sécurité et le développement avait guidé toute la planification pour la transition du maintien de la paix en Haïti, cela en identifiant les priorités spécifiques de l’ONU au cours de la prochaine période et en prévoyant un soutien intégré à leur mise en œuvre.  « Le début des opérations du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti, demain, va marquer un renouveau de l’engagement des Nations Unies en faveur de la stabilité et de la prospérité d’Haïti », a-t-il assuré en conclusion.

Mme KELLY CRAFT (États-Unis) a déclaré qu’en tant que premier pays contributeur en Haïti, les États-Unis saluent une transition conduite après 15 ans de maintien de la paix vers une mission politique spéciale.  Cette transition montre comment l’ONU peut modifier ses missions pour refléter l’évolution des situations sur le terrain, a ajouté la représentante.  Elle a notamment mis en avant le développement de la Police nationale haïtienne, qui est désormais en mesure d’assurer sa mission malgré les contraintes de ressources disponibles. 

Haïti continuera d’avoir besoin d’une assistance clef, a toutefois reconnu la représentante, évoquant l’organisation des élections, les domaines des droits de l’homme et de la justice ou encore la réduction de la violence, notamment la violence relative aux gangs.  Mais le Gouvernement d’Haïti a la responsabilité finale du succès de cette mission, a encore fait observer Mme Kelly, qui l’a encouragé à saisir cette occasion et à coopérer avec le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti et en appelant la communauté internationale à investir dans le pays.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a dit être préoccupé par le contexte et la dégradation de la situation politique, économique et sécuritaire dans lesquels vit Haïti, « ce pays frère ».  C’est pourquoi le Pérou estime qu’un dialogue politique inclusif doit être engagé entre les parties, y compris pour parvenir à l’adoption d’une loi électorale.  Du point de vue du Pérou, il ne fait aucun doute que le renforcement institutionnel est la clef pour trouver des solutions aux causes structurelles de la situation en Haïti.  Le sens de l’intérêt général et la lutte contre la corruption doivent guider ces efforts, a dit le représentant.

M. Meza-Cuadra a ensuite insisté sur les efforts que le Gouvernement haïtien a déjà consentis, citant notamment l’adoption du Plan stratégique pour le développement ou l’amélioration des capacités opérationnelles de la Police nationale haïtienne.  Mais, afin de protéger ces efforts et renforcer la confiance de la population, le Pérou estime que ces mesures doivent être soutenues par des ressources suffisantes.  Le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) jouera à cet égard , à compter de demain un rôle essentiel et en étroite coopération avec les autres entités concernant Haïti, comme le Groupe consultatif spécial sur Haïti de l’ECOSOC.  Il faudra également travailler avec les communautés locales, notamment les jeunes, dans le but de lutter contre la violence, a conclu le représentant. 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a rappelé que, pour la première fois depuis 2004, Haïti ne pourra plus compter sur une mission de maintien de la paix.  La mission politique qui s’ouvre doit pouvoir compter sur le soutien du Conseil et de la communauté internationale.  Les défis nombreux, de la situation économique à l’insécurité alimentaire, des effets des changements climatiques au niveau de violence, sont sources de vive préoccupation qui peuvent toutes faire dérailler les efforts de consolidation de la paix et de stabilisation, a estimé le représentant. 

Il est dans ce contexte indispensable de renforcer les capacités de la Police nationale haïtienne et de la doter d’équipements adéquats, a poursuivi M. Singer Weisinger.  À cet égard, le représentant a salué le programme de réduction de la violence communautaire, y voyant un exemple d’initiative pouvant aider à consolider l’état de droit.  Toutefois, compte tenu de la situation humanitaire, une réflexion profonde sur les stratégies à engager pour aider la population, en étroite collaboration avec le Gouvernement et les acteurs sociaux, sera indispensable pour garantir le succès de la transition, a-t-il averti.

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a salué les efforts de la Police nationale haïtienne pour assurer le maintien de la paix et de la stabilité dans le pays.  Se référant au rapport du Secrétaire général, il a estimé nécessaire de résoudre les problèmes logistiques que rencontre la police, en premier lieu les pénuries d’équipements, afin de lui permettre de tenir son rôle de pilier de l’état de droit et du redressement. 

Le représentant a appelé à la tenue d’un dialogue national complet et inclusif, seul moyen, selon lui, d’avancer sur la voie de la stabilité politique en Haïti.  S’agissant de la présence de l’ONU dans le pays, il a souligné que le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti, parce qu’il ne s’occupera pas de consolidation de la paix, laissera au Gouvernement haïtien toute latitude pour promouvoir activement la paix et la stabilité.  Le Bureau intégré et l’Équipe de pays de l’ONU sont des catalyseurs de l’amélioration de la situation en Haïti, a-t-il estimé.

Mme SHERAZ GASRI (France) a noté que la transition en Haïti s’effectuait sur le terrain sur fond d’une crise multidimensionnelle et a appelé à se montrer « lucide » sur la gravité de la crise que traverse le pays depuis un an: les institutions politiques ne fonctionnent plus, en l’absence notamment de gouvernement et une crise constitutionnelle se profile avec le report des élections législatives.  De plus, la violence est généralisée et la corruption, endémique.  La population subit une crise économique de plein fouet et exige un meilleur accès aux services de base, a encore déploré la représentante. 

Si la résolution de cette crise est entre les mains des Haïtiens eux-mêmes, la communauté internationale doit continuer de soutenir Haïti, a jugé Mme Gasri, notamment à travers l’action du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) et ce, « dès demain ».  Il est cependant de la responsabilité du Président Jovenel Moïse d’engager un dialogue inclusif et véritable, et ce sera la priorité de la Représentante spéciale du Secrétaire général de favoriser ce dialogue, a conclu la représentante. 

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a espéré que, compte tenu de la situation dans laquelle est plongé le pays, le Président Jovenel Moïse et les partis d’opposition feront preuve de bonne volonté et exploreront toutes le voies et moyens pour rompre ce cycle et s’engager dans un dialogue inclusif.  À cet égard, il est sérieusement préoccupant que les élections prévues le 27 octobre aient été reportées de manière indéfinie à cause du manque de budget pour mettre en œuvre la loi électorale, a déploré le représentant. 

M. Lewicki a également observé que le rapport du Secrétaire général montrait que les forces de police haïtiennes n’étaient pas en mesure de faire face aux groupes violents qui contrôlent aujourd’hui certaines zones de Port-au-Prince.  Tout ce qui a été acquis pourrait être perdu en un clin d’œil si des financements suffisants ne sont pas déployés, avec un soutien approprié et continu de la communauté internationale, a prévenu le représentant.  Il a par ailleurs fait observer que les objectifs de la stratégie de sortie de la MINUJUSTH n’avaient pas été atteints, ce qui, a-t-il conclu, crée un contexte exigeant.

M. DAVID CLAY (Royaume-Uni) a dit reconnaître, comme les autres délégations, que la situation politique en Haïti restait précaire.  Mais un soutien financier ou sécuritaire externe ne peut seul régler les problèmes profonds qui sapent la sécurité et la bonne gouvernance dans ce pays, a-t-il affirmé.  Selon lui, les dirigeants haïtiens doivent s’engager dans un dialogue politique inclusif et lutter contre la corruption et l’impunité qui touchent ce pays.  Ce sont là les premières mesures à prendre pour ramener la paix et la stabilité dans ce pays, a insisté le représentant. 

M. MANSOUR AYYAD SH.  A.  ALOTAIBI (Koweït) s’est dit très préoccupé par la situation politique et l’état de la sécurité actuels dans le pays, avec une crise constitutionnelle, l’échec des négociations en vue de la formation d’un gouvernement et le report des élections.  L’impunité signalée dans le dernier rapport en date du Secrétaire général et la corruption imposent de conduire des enquêtes, essentielles pour rétablir la confiance des Haïtiens et les convaincre de l’importance des moyens démocratiques et pacifiques.  Sur le plan humanitaire, la situation met en péril l’accès des personnels aux populations alors qu’il y a 2,6 millions de personnes qui souffrent d’insécurité alimentaire: sans aide, des milliers de personnes supplémentaires vont souffrir encore plus a prévenu le représentant.

Face à ces défis, M. Alotaibi a appelé à l’ouverture d’un dialogue inclusif, invitant chacun à mettre de côté ses divergences pour le bien du pays.  Quant aux élections, il a mis en garde contre toute pression en faveur de leur tenue alors que le pays n’est pas prêt.  Il a plutôt exhorté le BINUH et les partenaires régionaux et internationaux à renforcer leur soutien à Haïti.

M. JUERGEN SCHULZ (Allemagne) a notamment tenu à saluer le rôle des femmes et des hommes des missions de l’ONU déployées en Haïti, et qui ont accompagné le pays sur la voie du développement durable.  Il a salué le démarrage de l’activité du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti et appuyé la mise au point d’indicateurs, une approche nouvelle reflétant l’importance du lien mutuel entre paix, sécurité et développement.  Rappelant qu’Haïti est un des pays les plus vulnérables aux conséquences néfastes des changements climatiques, il a plaidé pour que le Conseil de sécurité intègre les effets sur la sécurité de ce phénomène dans tous ses processus de décision. 

Le représentant a insisté sur le fait que, compte tenu de la gravité de la situation aux plan politique, sécuritaire et humanitaire décrite par le Secrétaire général adjoint, la transition vers le nouveau partenariat de l’ONU dans le pays devait s’effectuer sans heurts.  Il a recommandé à cet égard que les Haïtiens, le Gouvernement haïtien et l’ensemble des partenaires d’Haïti examinent de manière approfondie les causes de la situation actuelle et tirent des enseignements des 15 dernières années afin de progresser sur la voie de la stabilité et du développement durable. 

M. HAITAO WU (Chine) constatant que la situation s’était considérablement dégradée en Haïti, a appelé les parties haïtiennes à s’engager dans un dialogue pour trouver des solutions de paix et de développement.  Les pays qui ont une influence en Haïti devraient eux aussi s’engager à aider les parties à parvenir à ces objectifs, a-t-il ajouté.

Alors que le BINUH commencera ses activités officiellement demain, M. Wu a appelé les autorités haïtiennes à travailler en étroite coopération avec le Bureau , afin de parvenir aux objectifs de développement en Haïti.  Il a aussi rappelé que la Chine, engagée auprès d’Haïti, avait perdu huit soldats dans le cadre du maintien de la paix dans ce pays. 

M. ALEXANDER V.  REPKIN (Fédération de Russie) a rappelé que les forces de sécurité haïtiennes allaient récupérer la pleine responsabilité du maintien de l’ordre.  Au cours des derniers mois, la Russie a surveillé la situation sociale et politique du pays qui a fait que les élections prévues en octobre n’auront pas lieu, ce qui est « regrettable » car seul un processus électoral pacifique et inclusif peut apporter la stabilité, a insisté le représentant.

D’ici là, et alors qu’actuellement prévaut une situation économique et humanitaire « navrante », il est indispensable de confirmer un Premier Ministre dans les délais les plus brefs, a poursuivi le représentant.  Malheureusement, toutes les tentatives de dialogue élargi ont été vaines, a-t-il déploré, alors que c’est la seule façon efficace de régler les contradictions entre les parties en présence.  L’utilisation de la force n’a jamais apporté de stabilité politique ou de stabilité économique et les forces en présence doivent y réfléchir et entamer les discussions, a encore déclaré le représentant. 

Personne ne veut réitérer l’expérience de 2000, quand l’ONU avait dû se retirer, a rappelé M. Repkin, qui a souhaité que la présence de l’ONU et de la communauté internationale permette de soutenir l’espoir et la confiance de la population.

M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a rappelé que la nouvelle mission aurait pour tâches principales d’accompagner le Gouvernement haïtien dans la consolidation de la stabilité politique, la bonne gouvernance, l’état de droit et l’instauration d’un dialogue inclusif interhaïtien.  Cet appui visera également le renforcement de la protection des droits de l’homme, la planification ainsi que l’organisation d’élections libres et transparentes, a ajouté le représentant. 

Après avoir salué l’identification de nouveaux indicateurs destinés à mesurer les progrès en matière de développement durable et les actions du Gouvernement pour réduire les actes de violence, M. Ipo a abordé la situation politique dans le pays, se disant préoccupé par le risque de crise constitutionnelle et par le rejet, par le Parlement, des appels du Président Jovenel Moïse en faveur d’un dialogue inclusif. 

Le représentant a noté qu’Haïti, frappé par la pénurie de carburant, peinait à adopter les lois de finance dans un contexte d’absence d’appuis budgétaires extérieurs.  Il a ensuite déploré la persistance des activités des gangs armés et rappelé que 1,3 million de personnes avaient besoin d’une aide humanitaire d’urgence.  Dans ce contexte, le représentant a exhorté les parties prenantes à autoriser le Président haïtien à gouverner par ordonnance jusqu’au renouvellement du Parlement, et à s’entendre sur des mesures multisectorielles pour restaurer la confiance de la population dans les institutions publiques et attirer les investissements étrangers. 

Mme KAREN VAN VLIERBERGE (Belgique) a estimé que la transition historique dans laquelle se trouve Haïti se déroulait « dans des conditions difficiles », tant ce pays fait face à de multiples défis en matière de bonne gouvernance, d’état de droit, de police nationale, de lutte contre la corruption et de promotion des droits humains.  Pour cette raison, la Belgique juge nécessaire et urgent de lancer un dialogue national inclusif en vue de relever tous ces défis politiques sociaux et économiques. 

Pour Mme Van Vlierberge , le sentiment d’impunité et d’insécurité constituent les sources de frustrations principales de la population.  De ce fait, la Belgique estime qu’une réforme du système judiciaire et l’éradication de la corruption seront essentielles pour rétablir la confiance des citoyens.  Dans le même temps, elle regrette que les élections prévues en octobre ne puissent se tenir dans les délais.  Ceci pourrait constituer une source supplémentaire de frustrations, a prévenu la représentante. 

Pour M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale), avec cette transition, Haïti entame une période cruciale qui appelle son élite politique à redoubler d’efforts et à procéder à un « examen de conscience » sur l’avenir du pays, dans le cadre d’une nouvelle forme de coopération avec les Nations Unies.  La situation politique a vu les tensions entre le Gouvernement et l’opposition redoubler au cours de l’année et cette instabilité ne peut être corrigée que par un dialogue inclusif, essence même d’une gouvernance démocratique, a-t-il insisté.

Il est indispensable de former au plus vite un nouveau gouvernement pour éviter de bloquer les programmes de développement, a poursuivi M. Ndong Mba.  Mais pour ce faire, toutes les parties doivent surmonter leurs divergences.  La rénovation du pouvoir législatif est une étape décisive pour consolider la démocratie et impose d’adopter sans tarder une loi électorale.  La transition vers le BINUH s’effectue dans une contexte difficile, a souligné le représentant, pour qui,  « malheureusement », la situation risque de se dégrader encore dans les prochains mois.

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a exprimé sa préoccupation devant les récents développements politiques en Haïti, qui ont conduit à de fortes tensions.  L’Afrique du Sud appelle donc les parties haïtiennes à s’entendre pour la formation d’un gouvernement, en commençant par la désignation d’un Premier Ministre.  C’est une question urgente, a lancé le représentant, avant de saluer les initiatives lancées par le Président Jovenel Moïse pour rassembler les parties prenantes haïtiennes. 

M. Matjila a également jugé essentiel de s’attaquer aux causes profondes qui ont conduit à cette situation et pour parvenir au développement durable.  Ces causes incluent notamment l’impunité qui prévaut dans ce pays.  C’est pourquoi l’Afrique du Sud estime qu’une réforme du système judiciaire jouera un rôle majeur dans la consolidation de la confiance.  Le représentant a dit attendre de travailler avec le BINUH, l’Équipe de pays et les partenaires internationaux d’Haïti, afin de soutenir ces réformes et d’affronter les défis multidimensionnels que connaît la société haïtienne.

M. PATRICK SAINT-HILAIRE (Haïti), a insisté pour que l’ONU continue d’examiner « de manière globale » les principaux déterminants de la crise haïtienne, afin de contribuer à la mise en œuvre de solutions durables.  Or, a-t-il constaté, « les moyens mis en place ne sont pas encore à la dimension des défis à relever ».  Pour le représentant, il est important que l’ONU redouble d’efforts dans le cadre des priorités définies par les autorités nationales, et que ses actions s’articulent autour des trois piliers que sont la paix et la sécurité, les droits de l’homme et le développement durable.

M. Saint-Hilaire a assuré que le Président haïtien avait pleinement conscience de la délicate situation politique du pays et de ses conséquences néfastes sur tous les aspects de la vie quotidienne, d’où, a-t-il dit, la nécessité d’un véritable dialogue national.  « C’est par le dialogue, et pas autrement, que nous pourrons surmonter la crise actuelle », a-t-il insisté. 

Concernant la sécurité, le représentant a abondé dans le sens du Secrétaire général en déclarant que les forces de l’ordre, pour réduire la violence communautaire, avaient besoin d’une formation continue, de ressources suffisantes et d’équipements adaptés afin de protéger et de servir « toutes les couches de la population haïtienne ».  D’autre part, il a indiqué que le peuple et le Gouvernement haïtien espéraient que l’accompagnement « responsable » des Nations Unies pour lutter contre le choléra se poursuivrait, avec les niveaux de ressources nécessaires, au-delà de la fermeture de la MINUJUSTH. 

M. Saint-Hilaire a par ailleurs salué la qualité du travail accompli par le Groupe consultatif ad hoc de l’ECOSOC sur Haïti et souhaité qu’il collabore avec le nouveau Bureau intégré, la question du développement à long terme se posant « dans toute son acuité ».  Il a conclu en appelant les Haïtiens du pays et de l’étranger à rechercher ensemble, dans le cadre d’un dialogue authentique, des solutions salutaires et pérennes aux problèmes « qui compromettent la stabilité politique, économique, sociale et environnementale de notre pays, jadis Perle des Antilles ». 

Mme MONA JUUL, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a rappelé qu’Haïti était à l’ordre du jour de l’ECOSOC depuis 1999 à travers le Groupe consultatif ad hoc sur Haïti.  Ce groupe a été créé à la demande du Conseil de sécurité sur la base de l’Article 65 de la Charte des Nations Unies, qui dispose que le Conseil économique et social peut fournir des informations au Conseil de sécurité et l’assister si celui-ci le demande.  Le Groupe a pour mandat de faire des recommandations en matière de développement à Haïti, a-t-elle expliqué.

Mme Juul a ensuite indiqué que le dernier rapport du Groupe sonnait l’alerte à l’intention de la communauté internationale.  Le rapport montre en effet qu’Haïti vit encore une situation économique et sociale tendue, avec de gros besoins en aide humanitaire.  Cependant, ce ne sont pas ces facteurs purement liés au développement qui sont à la base de la détérioration de la situation politique et sécuritaire que connaît le pays, a-t-elle affirmé.

Cela dit, les chiffres parlent d’eux-mêmes, a énuméré la Présidente de l’ECOSOC: 60% de la population vit sous le seuil de pauvreté et plus de 40% n’a pas accès aux soins de santé et aux services de nutrition.  Par ailleurs, 2,6 millions de personnes sont actuellement confrontées à l’insécurité alimentaire et ont besoin d’aide humanitaire.  Ce nombre est deux fois supérieur à celui de 2018.  En outre 36% des jeunes sont sans emplois et 85% des diplômés quittent le pays en quête de perspectives ailleurs.  Mme Juul a insisté sur les risques que la situation dans laquelle se trouve la jeunesse peut entraîner en termes de stabilité, d’attractivité pour les organisations criminelles et de violence. 

Pour améliorer la vie des Haïtiens et garantir la paix, il faut prendre des mesures majeures visant à réduire la pauvreté, améliorer l’accès à l’éducation, à la santé, au travail décent, a poursuivi Mme Juul.  Il faut également élaborer des stratégies pour l’adaptation aux changements climatiques, car Haïti y est très sensible. 

À l’heure de la transition de la présence des Nations Unies en Haïti, il est plus que jamais nécessaire de renforcer sa configuration « développement », avec un plus grand engagement de la communauté internationale, a estimé la Présidente de l’ECOSOC.  Il faut tirer des leçons de précédentes expériences de transition et donner des ressources suffisantes à l’Équipe de pays des Nations Unies, afin qu’elle puisse mieux faire son travail.  Et à cet égard, le besoin de coopération continue de l’ECOSOC avec le Conseil de sécurité est évident, a conclu Mme Juul. 

M SILVIO GONZALO, de l’Union européenne, a exprimé l’inquiétude de l’Union européenne face à la situation générale d’Haïti, entré dans une profonde crise multidimensionnelle et qui, confronté à des défis majeurs et urgents, reste depuis près de sept mois dans l’attente de ratification du nouveau gouvernement.  L’opposition exige un dialogue véritable qui, malheureusement et malgré plusieurs tentatives, n’a toujours pas eu lieu.  Ces dernières semaines ont vu le blocage économique du pays et une forte dégradation de la situation sécuritaire, a rappelé le représentant.

Face aux échecs répétés de dialogue, l’Union européenne a tenté des rencontres avec des parlementaires de l’opposition modérée et plus radicale pour identifier les points de blocage.  Mais les élections du 27 octobre ont été reportées à une date indéterminée faute de loi électorale, a encore déploré M. Gonzalo.

Par ailleurs, tout état de droit nécessite un minium de service de maintien de l’ordre public, respectueux des droits de l’homme, a poursuivi le représentant.  La Police nationale haïtienne constitue aujourd’hui l’une des rares institutions stables mais reste largement insuffisante avec 15 000 personnes pour 11 millions d’habitants, soit trois fois moins qu’en Europe.  Alors que le niveau de violence lié aux gangs explose, le vrai défi réside dans le manque de moyens de la Police nationale haïtienne et il est essentiel que celle-ci et le système judiciaire soient préparés et équipés de manière à assumer leur tâche actuellement assumée par les Nations Unies, a conclu M. Gonzalo. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.