Soixante-troisième session,
4e séance plénière – après-midi
FEM/2174

La Commission de la condition de la femme débat d’alliances pour renforcer la protection sociale, les services et les infrastructures en faveur des femmes

« Bien plus qu’une dépense superflue, mobiliser des fonds en faveur de la protection sociale universelle est un investissement en faveur de la plus importante ressource d’un pays: les citoyens. »  Cette déclaration de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, a planté le décor du débat ministériel de haut niveau de cet après-midi, seule activité du deuxième jour de la session annuelle de la Commission de la condition de la femme qui s’est tenue dans la foulée d’une manifestation de haut niveau à l’Assemblée générale sur « Les femmes au pouvoir ».

Après l’ouverture des travaux hier et les nombreux appels pour multiplier les actions en faveur des femmes, les participants ont débattu aujourd’hui sur les moyens de « construire des alliances pour des systèmes de protection sociale, l’accès aux services publics et des infrastructures durables pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles ».  Car, comme l’a relevé Mme Mary Robinson, Présidente du Groupe des Sages, « les femmes sont les grandes oubliées des systèmes de protection sociale ». 

Ce débat, animé par le Ministre de l’égalité, de l’immigration et de l’intégration de l’Irlande, M. David Stanton, a permis aux panélistes et aux délégations d’insister sur la nécessité de bâtir des partenariats pour renforcer les systèmes de protection sociale ciblant les femmes, et partant, renforcer leur autonomisation.  Mme Bachelet, qui fut la première Directrice exécutive d’ONU-Femmes et deux fois Présidente du Chili, a conseillé, à cet égard, de déterminer ce qui peut être fait en matière de protection sociale par le secteur public, d’une part, et par le secteur privé, d’autre part. 

L’ancienne chef d’État chilienne a aussi insisté sur le fait que toute initiative -nationale ou internationale- doit tenir compte de l’aspect genre.  Elle a d’ailleurs promis qu’elle allait s’atteler à ce que le travail des rapporteurs spéciaux prenne en compte la parité des genres, réagissant ainsi à l’interpellation de la Présidente de l’organisation Plan International, Mme Anne-Birgitte Albrectsen, qui a également déploré que les États Membres aient « oublié », lors de la création d’ONU-Femmes, de doter cette agence dédiée aux femmes de fonds adéquats pour mener à bien son travail.

Mme Albrectsen a ensuite plaidé pour une intégration totale du genre dans toutes les politiques sociales.  Par exemple, lorsque l’on prend soin d’une victime de violence sexuelle, il faut en même temps aborder la question de la « masculinité toxique », a-t-elle recommandé.  Elle a aussi préconisé, lorsqu’on investit dans les manuels scolaires, de s’assurer que le contenu comprenne des modules sur le genre et qu’il y ait des images valorisant des femmes.

À sa suite, Mme Mary Robinson, ancienne Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, qui fut la première femme à la tête de l’Irlande, s’est inquiétée spécifiquement de l’absence de protection sociale pour les 740 millions de femmes qui travaillent dans le secteur informel.  Les filles pâtissent elles aussi particulièrement de ce manque, a-t-elle observé, notamment dans le domaine scolaire: l’école peut être une expérience traumatisante pour des filles qui n’ont pas accès à des installations appropriées lorsqu’elles sont en période de menstruation. 

Mme Robinson a regretté que les gouvernements se focalisent le plus souvent sur l’immédiat, c’est-à-dire les échéances électorales, alors qu’il vaut mieux « regarder sur le long terme ».  Elle a pris l’exemple de la question des changements climatiques qui nécessite la réduction urgente des émissions de gaz à effet de serre.  Au lieu de cela, a-t-elle ironisé, les gens deviennent végétariens pour éviter de consommer de la viande.  Selon elle, il faut que la société civile se mobilise davantage pour arriver à des actions de plus grande envergure.

Après ces constats des panélistes, des délégations ont présenté tour à tour les expériences d’alliances qu’elles ont mises en pratiques pour renforcer l’autonomisation des femmes et des filles.

Le Conseiller fédéral et Chef du Ministère de l’intérieur de la Suisse a fait valoir les alliances mises en place dans son pays entre les gouvernants et les populations qui sont régulièrement consultées, par voie référendaire, sur des questions essentielles de la vie publique, y compris les questions de protection sociale. 

En Estonie, a témoigné la Ministre de la santé et du travail, des ONG ont pris l’initiative de créer, en 2002, des centres pour la prise en charge de femmes victimes de violence.  Puis, le Gouvernement a accordé des subventions à ces structures.  Cette alliance a évolué à tel point que ces centres sont désormais entièrement financés par l’État, mais ce sont les organisations de la société civile qui continuent à offrir les services aux victimes, 24 heures sur 24. 

Il faut toutefois « faire attention à la privatisation des services sociaux », a prévenu la représentante de l’organisation Oxfam International, arguant que cela peut conduire à la fourniture de « prestations sociales au rabais » au détriment des femmes. 

En République de Corée, a expliqué la Ministre de l’égalité du genre et de la famille, c’est une alliance de neuf agences nationales qui lutte contre la violence sexuelle et sexiste, un combat redynamisé depuis la vague du mouvement « Me Too ». 

Sur un autre continent, au Nigéria, une alliance avec la Banque africaine du développement (BAD) permet au Gouvernement de financer des programmes de protection sociale qui visent les familles les plus vulnérables.

Même son de cloche chez son voisin du Cameroun.  Mme Marie-Thérèse Abena Ondoa, la Ministre camerounaise de la femme et de la famille, a ainsi parlé d’un ensemble de programmes visant des groupes vulnérables, dont celui des femmes autochtones.  Des campagnes au niveau communautaire permettent aussi de faire face à des problèmes tels que le mariage précoce, les mutilations génitales féminines et la prise en charge des réfugiés.

Une représentante de Handicap International a insisté sur la vulnérabilité spécifique touchant les femmes handicapées.  Celles-ci, en effet, ne peuvent pas facilement bénéficier de services de santé, souffrent plus souvent du chômage ou sont victimes de violence.  Il faut donc améliorer les infrastructures d’accessibilité, tout en mettant sur pied un mécanisme supplémentaire pour aider les enfants de mères handicapées.  Handicap International estime qu’il faut éviter à tout prix que ces enfants ne soient placés de force dans une autre famille. 

Un autre objet de frustration a trait aux services de santé génésiques en faveur de jeunes femmes, a déclaré la représentante d’Ipass Nigeria.  Pour cette ONG, même quand la loi autorise les avortements, les infrastructures de santé ne sont pas forcément accueillantes et elles ont tendance à stigmatiser les femmes, les poussant ainsi à se tourner vers des interventions clandestines très risquées pour leur santé. 

La représentante de la Nouvelle-Zélande a expliqué que les alliances sont incontournables, puisqu’aucun gouvernement ne peut travailler seul.  C’est ainsi que les autorités de son pays collaborent avec les femmes kiwis afin d’améliorer leur sort et « réparer des injustices du passé colonial du Royaume-Uni ». 

« Les alliances au Danemark sont visibles », s’est enorgueillie pour sa part la représentante danoise en faisant remarquer le grand nombre d’ONG faisant partie de la délégation nationale à cette session de la Commission de la condition de la femme.

Demain, mercredi 13 mars, la Commission tiendra, à 10 heures, un dialogue interactif de haut niveau sur la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, avant d’examiner, à 15 heures, des exemples nationaux du lien entre autonomisation de la femme et développement durable. 

 

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