Soixante-troisième session,
14e séance plénière – soir
FEM/2179

La Commission de la condition de la femme achève deux semaines de travaux par un texte « substantiel » qui vise à accélérer l’inclusion sociale des femmes

À l’issue de sa soixante-troisième session, la Commission de la condition de la femme a approuvé aujourd’hui, dans la soirée, un ensemble de conclusions concertées visant à autonomiser les femmes et les filles en renforçant les systèmes de protection sociale et l’accès aux services publics et à des infrastructures durables.

Aux termes des conclusions concertées, intitulées « Les systèmes de protection sociale, l’accès aux services publics et les infrastructures durables au service de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes et des filles », la Commission exhorte les gouvernements, conjointement avec le système des Nations Unies et les organisations régionales et internationales, à renforcer les cadres normatifs, juridiques et politiques afin que les femmes et les filles puissent jouir pleinement et de manière égale de leurs droits et libertés fondamentales.

Long de 24 pages dans sa forme initiale, le texte préconise également de renforcer l’accès des femmes et des filles à la protection sociale et aux services publics, ainsi que de rendre les infrastructures accessibles aux femmes et aux filles, notamment par le biais de stratégies de lutte contre les changements climatiques tenant compte de la problématique femmes-hommes et d’un meilleur accès aux technologies numériques.

Soulignant que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 doit être mis en œuvre de manière globale, la Commission a formulé, dans le texte, une série de recommandations dans ce cadre.  Il s’agit notamment de garantir la participation pleine et égale des femmes à la gouvernance et aux institutions judiciaires.  Il faut également faire en sorte, demande la Commission, que la protection sociale, le service public et des infrastructures durables contribuent à prévenir et à éliminer la violence à l’égard des femmes et des filles.  Prendre des mesures pour réduire et redistribuer la part disproportionnée des femmes et des filles dans les travaux domestiques et les soins non rémunérés, est un autre objectif.

De plus, le texte recommande des systèmes et des mesures de protection sociale plus solides, plus inclusifs et soucieux du genre.  Ces systèmes doivent aider les travailleuses migrantes à accéder à la protection sociale des pays de destination, leur garantir l’accès à la protection de la maternité et promouvoir, entre autres, les congés de maternité et parentaux payés.

Le texte propose ensuite de donner la priorité aux investissements qui contribuent à un partage égal des responsabilités entre hommes et femmes.  Il recommande aussi d’accélérer les progrès dans la réalisation de la couverture sanitaire universelle pour toutes les femmes et les filles.  En outre, il préconise un investissement accru dans les soins de santé avec un accès universel à la santé sexuelle et procréative et aux droits en matière de procréation, conformément au Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement et à la Déclaration et au Programme d’action de Beijing.

Une fois finalisé, le texte des conclusions concertées sera transmis au Conseil économique et social (ECOSOC), dont la Commission est un organe subsidiaire, ainsi qu’à son Forum politique de haut niveau sur le développement durable, qui l’incluront dans leurs travaux.

Ces conclusions concertées, qui sont « peut-être trop longues », sont toutefois « substantielles », a déclaré Mme Geraldine Byrne Nason (Irlande), Présidente de la soixante-troisième session de la Commission de la condition de la femme.  « C’est, sans aucun doute, une période difficile pour les droits des femmes », a-t-elle commenté, mais « raison de plus pour la Commission de s’attaquer de front aux problèmes ». 

La Présidente a regretté que la Commission ne soit pas parvenue à un accord sur un libellé concernant l’accès aux services de santé sexuelle et procréative pour les victimes et les survivantes de la violence sexiste.  Elle a regretté également que la Commission n’ait pas exprimé sa vive préoccupation face à la violence, à la discrimination et aux menaces auxquelles sont confrontées les femmes défenseurs des droits de l’homme.  Néanmoins, a-t-elle reconnu, la Commission a pris des mesures importantes en matière de harcèlement sexuel ainsi que sur les risques encourus par les femmes et les filles lors de la collecte d’eau et de combustible, fournissant ainsi une base solide sur laquelle s’appuyer dans les textes à venir.

À son tour, Mme Phumzile Mlambo-Ngcuka, Directrice exécutive de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), a estimé que les conclusions concertées fournissent suffisamment de matière aux États pour améliorer la vie des femmes et des filles, même si toutes les délégations n’ont pas obtenu tout ce qu’elles souhaitaient lors de la session.  Elle a encouragé les délégués à s’efforcer, à l’avenir, d’ajouter « un nouveau langage audacieux » aux documents finaux de la Commission.  S’adressant aux ministres des finances de leur gouvernement respectif, elle leur a demandé d’investir davantage dans les femmes et les filles.

Avant l’adoption des conclusions concertées, l’Arabie saoudite et le Bahreïn ont indiqué, dans des déclarations identiques, qu’ils ne pouvaient s’associer au consensus sur un texte ne tenant pas compte des « lignes rouges » bien connues de leurs pays.  Le Bahreïn a également demandé des excuses pour le harcèlement qu’il a dit avoir subi de la part de hauts fonctionnaires de l’ONU et membres de la Commission au cours de la session.

Après l’adoption du texte, le Nigéria, parlant au nom du Groupe des États d’Afrique, a exhorté la communauté internationale à faire progresser le droit au développement.  Soulignant l’importance d’un environnement social et économique favorable aux femmes et aux filles pour le développement de l’Afrique, il a demandé aux partenaires du continent de tenir leurs engagements en matière de développement, notamment dans les domaines du renforcement des capacités, du transfert de technologie et de l’aide publique au développement.

Pour sa part, le Brésil a déclaré que sa délégation, bien que non satisfaite du résultat, avait décidé de s’associer au consensus par bonne volonté.  « Dans l’état actuel des choses, les conclusions dont nous sommes saisis constituent, au mieux, une solution de compromis ne reflétant pas bien les positions de tous les États Membres, y compris le mien », a-t-il déclaré, avertissant que le Brésil ne soutiendrait plus l’utilisation de termes et expressions discutables qui sont « source de confusion et de malentendus ».

S’exprimant au nom de l’Union européenne, le Royaume-Uni a remercié la Présidente, la Vice-Présidente et facilitatrice, le Bureau de la Commission et ONU-Femmes de leur patience et de leur ténacité « notamment face aux pressions extérieures inacceptables et hostiles ».  Il a souligné l’engagement de l’Union européenne en faveur de la santé sexuelle et procréative et des droits en matière de procréation, ajoutant que les conclusions concertées devraient clairement indiquer que « le recul des droits des femmes ne sera pas toléré ».

Les Comores, s’exprimant également au nom de 17 autres pays, se sont dites préoccupées par la manière dont les paragraphes relatifs à la famille avaient été traités lors des négociations.  Promouvoir la famille est d’une importance cruciale, en particulier dans le contexte de la protection sociale, a fait valoir cette délégation, jugeant « inacceptable » le refus de considérer des termes se référant à la famille comme un facteur du développement.

D’après l’Argentine, qui s’exprimait également au nom de 11 autres pays, les tentatives inquiétantes d’influencer négativement le cours des négociations de la Commission constituent « une attaque immorale » contre le multilatéralisme, tous les États Membres, le système des Nations Unies, et toutes les femmes et filles dans le monde.  Préoccupée par les tentatives d’affaiblir le niveau de protection des droits des femmes partout dans le monde, la délégation a indiqué qu’elle avait cherché avec ses partenaires à inclure le principe de « non-régression » dans le texte tout en faisant preuve de souplesse afin de parvenir à un consensus.

Certains États Membres n’ont pas pu se joindre au consensus à cause des termes et concepts « controversés et peu clairs » contenus dans les conclusions concertées, a estimé la délégation des États-Unis, qui a aussi regretté que les points de vue de nombreuses délégations n’aient pas été pris en compte.  Soulignant la primauté des parents et des familles qu’ils créent, elle a cité le Président américain, affirmant que « ce sont les parents, et non les bureaucrates, qui savent le mieux éduquer leurs enfants ».  Elle a également noté que les États-Unis ne reconnaissent pas l’avortement comme méthode de planification familiale et ne soutiennent pas l’avortement lorsqu’ils fournissent une aide au niveau mondial.

Au nom du Groupe des États arabes, l’Égypte a estimé que le texte reflétait certains éléments utiles dans des domaines tels que les politiques relatives à la famille, la santé, la lutte contre la violence à l’égard des femmes et le rôle des hommes et des garçons dans la promotion des droits des femmes.  À l’avenir, le Groupe a souhaité qu’un effort sérieux soit entrepris pour améliorer les méthodes de travail de la Commission. 

Plusieurs intervenants ont condamné le harcèlement et la cyberintimidation dirigés contre Mme Koki Muli Grignon (Kenya), qui a facilité les discussions sur les conclusions concertées.  L’observateur du Saint-Siège, pour sa part, a déclaré que le harcèlement, l’intimidation et les brimades n’avaient pas leur place dans les négociations des Nations Unies.  « Les gens ne devraient pas avoir à souffrir pour faire leur travail », a-t-il déclaré, ajoutant que « la force de l’argument doit prévaloir sur l’argument de la force ».

« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question.  Ces droits ne sont jamais acquis.  Vous devrez rester vigilantes votre vie durant » (Simone de Beauvoir), a cité la déléguée du Liban dont le discours et la détermination à faire avancer la cause des femmes lui a valu une ovation de l’assistance.

D’autres pays ont exprimé leur position au cours de la séance, dont le Liechtenstein, la République islamique d’Iran, le Mexique, la Mauritanie, la Chine, Cuba, le Japon, Djibouti, l’Afrique du Sud, le Soudan, le Koweït, la Tunisie et les Émirats arabes unis.  Dans une déclaration de clarification de position, le Guatemala a indiqué s’être joint au consensus mais ne pas soutenir les dispositions sur les droits de la santé reproductive.

En fin de séance, la Commission a approuvé un texte contenant le rapport sur sa soixante-troisième session (E/CN.6/2019/L.1), ainsi que l’ordre du jour provisoire et la documentation de sa soixante-quatrième session (E/CN.6/2019/L.2).

Ouvrant brièvement sa nouvelle session, la Commission de la condition de la femme a élu par acclamation M. Mher Margaryan (Arménie) Président de la Commission à ses soixante-quatrième et soixante-cinquième sessions.  Elle a également élu par acclamation M. Mohammed Sahib Mejid Marzooq (Iraq) à la vice-présidence de sa soixante-quatrième session, et Mme Jo Feldman (Australie) à la vice-présidence de ses soixante-quatrième et soixante-cinquième sessions. 

 

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