Deuxième session,
26e & 27e séances plénières – matin & après-midi
MER/2097

Biodiversité marine: la première semaine des négociations permet de cerner les principales préoccupations des délégations au sujet du futur instrument

Déjà une semaine de travaux s’est écoulée pour la deuxième session de négociations sur un instrument international juridiquement contraignant sur la haute mer: la Conférence intergouvernementale et ses groupes de travail ont discuté, point par point, des différentes options sur trois des quatre thèmes fixés lors de la session d’organisation en avril 2018.

Après avoir achevé l’examen du premier thème (les ressources génétiques marines) en milieu de semaine, les délégations ont fini également, en cette cinquième journée de travaux, le débat sur « les mesures telles que les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées », entamé il y a deux jours.  Au cœur de la discussion étaient non seulement la « relation avec les mesures prévues par les autres instruments, cadres et organes en vigueur », mais également l’application de ces mesures, leur suivi et leur examen. 

En se référant au document établi par la Présidente de la Conférence à partir des discussions de la première session, tenue en septembre 2018, les délégations ont indiqué leurs préférences par rapport aux différentes options proposées.  Elles ont également fait des propositions concrètes pour changer le libellé de certains paragraphes, qui seront transmises au Secrétariat.

Le sentiment général sur les « outils de gestion par zone » est que le processus en cours doit, pour légiférer, s’appuyer sur ce qui existe déjà.  Beaucoup de participants avaient d’ailleurs pris position en ce sens lundi dernier, lors du débat général de cette deuxième session. 

Plusieurs États Membres, comme la Chine, la Fédération de Russie, la Norvège ou encore Monaco, ont ainsi plaidé pour que le processus en cours permette d’établir des outils de gestion par zone sans pour autant porter atteinte aux mesures existantes.  Ils ont insisté pour que le nouvel instrument n’instaure pas une hiérarchisation par rapport aux outils de gestion et mesures relevant des instruments et cadres juridiques en vigueur et des organes mondiaux, régionaux et sectoriels compétents. 

Dans la perspective d’un réseau mondial de gestion par zone, les délégations se sont montrées intéressées en particulier par un système d’« aires marines protégées », le principal outil de gestion par zone envisagé par les délégations.  Ces aires seraient écologiquement représentatives, efficacement protégées et gérées de manière équitable.

En abordant, dans l’après-midi, le troisième chapitre des négociations, intitulé « Étude de l’impact sur l’environnement », les participants se sont penchés sur le « processus » à suivre pour cette étude, pour lequel trois options sont proposées.  La plupart des participants ont privilégié celle qui précise les différentes étapes du processus, à commencer par la vérification de la nécessité de l’étude et la délimitation du champ d'évaluation.

La prochaine réunion de la Conférence intergouvernementale aura lieu lundi 1er avril, à 10 heures.  Les discussions se poursuivront sur la question de l’étude de l’impact sur l’environnement.

CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE SUR UN INSTRUMENT INTERNATIONAL JURIDIQUEMENT CONTRAIGNANT SE RAPPORTANT À LA CONVENTION DES NATIONS UNIES SUR LE DROIT DE LA MER ET PORTANT SUR LA CONSERVATION ET L’UTILISATION DURABLE DE LA BIODIVERSITÉ MARINE DES ZONES NE RELEVANT PAS DE LA JURIDICTION NATIONALE: (A/CONF.232/2019/L.1, A/CONF.232/2019/L.2, A/CONF.232/2019/1 et A/CONF.232/2019/INF.2) A/CONF.232/2019/3

Groupe de travail sur les mesures telles que les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées: suite des travaux

Ce matin, le Groupe de travail informel de la Conférence intergouvernementale chargée d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale s’est penché sur la sous-section 4.2 intitulée « Relation avec les mesures prévues par les autres instruments cadres et organes en vigueur », ainsi que sur celle relative à l’ « Application » (sous-section 4.4) et celles intitulées « Suivi et examen » (sous-section 4.5) et « Objectifs des outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées » (sous-section 4.1).

Les délégations ont précisé leurs préférences pour les différentes options proposées, point par point, dans le document de la présidence pour faciliter les négociations.  Elles ont également fait des propositions concrètes pour changer le libellé de certains paragraphes.  Tous ces commentaires seront envoyés par courriel au Secrétariat de la Conférence.

L’outil de gestion par zone discuté en premier dans les discussions d’aujourd’hui comme dans celles d’hier est le réseau bien relié d’aires marines écologiquement représentatives, efficacement protégées et gérées de manière équitable.  Si le succès de la création d’un tel réseau passe inconditionnellement par la coopération, la cohésion et la complémentarité, comme l’ont souligné les intervenants, leur sentiment général est que le processus en cours doit s’appuyer sur ce qui existe déjà.  Comme l’a souligné le Kenya, il s’agit en fait d’identifier les lacunes du régime juridique actuel, notamment par rapport aux outils de gestion par zone, pour ensuite les combler et les compléter.  La Chine a d’ailleurs catégoriquement rejeté l’idée qu’il puisse y avoir potentiellement une hiérarchie entre l’instrument proposé et les instruments existants. 

La Norvège, la République de Corée, la Fédération de Russie et Monaco font partie des délégations qui ont ainsi insisté sur la reconnaissance des outils de gestion et mesures relevant des instruments et cadres juridiques en vigueur ainsi que des organes mondiaux, régionaux et sectoriels compétents.  Le processus en cours donnerait donc lieu à l’établissement d’outils de gestion par zone sans pour autant porter atteintes aux autres mesures déjà en place.  En l’absence d’un organe compétent pour gérer les questions relatives à ces aires protégées, le processus de négociation du futur instrument pourrait adopter des mesures de gestion par zone.  En revanche, si un organe est compétent dans ce domaine, le processus de négociation pourrait adopter des mesures complémentaires venant à l’appui de celles qui existent déjà.  Le but est de parvenir à un réseau mondial de gestion par zone.

De l’avis de l’Islande, il vaudrait mieux que ce soient les organes sous régionaux qui prennent en charge la tâche d’établir des outils de gestion par zone, plutôt que de le faire au niveau mondial, « parce que les régions avancent à des vitesses différentes et ont chacune leurs spécificités ».

Le Japon et Tuvalu, entre autres, ont soulevé le problème de compatibilité entre les mesures prises sous le régime du nouvel instrument et celles adoptées pour les zones adjacentes relevant de la juridiction nationale.  Cet avis a été appuyé par la Fédération de Russie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’Islande et d’autres délégations, qui ont toutes insisté sur le respect des droits et intérêts légitimes des États côtiers, et ont demandé un processus consultatif inclusif dans le contexte de la création de nouvelles aires marines protégées, pour éviter d’y porter atteinte. 

Comme l’a expliqué la Fédération de Russie, la création de telles zones à proximité des limites des juridictions nationales et du plateau continental des États côtiers aura forcément des répercussions sur ces États.  En effet, comme les activités économiques (pêche, transport maritime international) seront interdites dans les aires marines protégées, ces activités se déplaceront inéluctablement, et potentiellement vers les aires marines sous la juridiction des États côtiers.

S’agissant de l’« application » du futur traité, le Saint-Siège a soulevé la question des juridictions responsables dans le contexte des outils de gestion par zone et, de manière plus large, de l’application du futur accord. 

Pour les États-Unis, ce sont les organes mondiaux, régionaux et sectoriels compétents qui sont chargés de l’application, du suivi et de l’examen des mesures qu’ils auront instituées.  La délégation américaine ne souhaite donc pas qu’il y ait un organe centralisé.  En effet, comme l’a noté le Canada, il va falloir choisir entre deux options: un mécanisme chargé du suivi et de l’examen de l’application du futur traité, ou laisser cela à la charge des États parties.

Greenpeace, qui s’est exprimé au nom de l’Alliance de la haute mer, a argué que les États parties seront les premiers responsables de l’application des mesures adoptées.  Des mesures qui devront être appliquées en particulier par les navires qui battent leur pavillon.

S’agissant des « objectifs des outils de gestion par zone », la plupart des délégations ont dit souscrire à ceux énumérés dans le document de la présidence, qui leur semblent raisonnables, même s’il y a lieu de définir clairement de ce que l’on entend par « les outils de gestion par zone et les aires marines protégées ».

Les petits États insulaires en développement (PEID) ont insisté pour que le libellé des objectifs prenne en compte les contributions des savoirs traditionnels dans les mesures de gestion par zone, y compris les aires marines protégées.

Le délégué du Nigéria est également intervenu dans ce débat pour demander de réduire la « dichotomie » qui ne cesse de grandir entre les outils de gestion par zone et les aires marines protégées.

Groupe de travail informel sur l’« Étude de l’impact sur l’environnement »

Dans l’après-midi, le Groupe de travail informel a commencé à se pencher sur le troisième thème de discussion, à savoir l’« Étude de l’impact sur l’environnement », en commençant par le « processus d’étude de l’impact sur l’environnement » (Sous-section 5.4). 

Le Groupe des 77 et la Chine et le Groupe des États d’Afrique ont demandé l’élimination de l’option 1 qui prévoit que « les détails du processus d’étude de l’impact sur l’environnement seront élaborés à un stade ultérieur ».  Ils ont privilégié l’option III qui précise les différentes étapes de ce processus, à l’instar de l’Union européenne, les pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), le Groupe des Petits États insulaires du Pacifique, le Groupe latino-américain, même si le libellé actuel leur semble trop long et trop détaillé et que certains sous-paragraphes font toujours l’objet de réserves, y compris leur libellé ou le regroupement de certains d’entre eux.

Les délégations ont largement appuyé l’idée d’une liste d’experts qui pourraient mener ces études d’impact sur l’environnement.  Cette liste serait arrêtée par l’organe scientifique/technique prévu par le nouvel instrument.  Les États parties dont les moyens sont limités pourraient ainsi charger ces experts de procéder à ces études, ont souligné la CARICOM et les Petits États insulaires du Pacifique.  Si les États-Unis ont admis que ces études d’impact sur l’environnement puissent être menées par des experts désignés dans une liste, ils n’ont pas voulu que ces impacts soient évalués par eux, estimant que cette tâche revient aux États.

Pour la Chine, partisane d’une approche non contraignante, les études d’impact doivent être décidées par les États parties.  Cet État Membre souhaite d’ailleurs que l’option III soit simplifiée.  La Chine estime également que cette partie de l’instrument ne devrait pas être obligatoire, notamment pour ce qui est du processus de sélection, de la délimitation du champ de l’évaluation, de l’évaluation de l’impact environnemental, de la participation du public, de la publication et de l’examen des rapports.  La Chine est prête à soumettre des libellés spécifiques pour ces étapes.

Pour les États-Unis, c’est également à l’État partie qu’il revient de décider si l’étude de l’impact sur l’environnement est nécessaire, sans interférence ou contrôle d’un organe international.  La Nouvelle-Zélande partage ce point de vue.

La République de Corée s’est exprimée contre l’option III, alors que la Fédération de Russie s’est prononcée en faveur de l’option II qui prévoit d’inclure dans l’instrument un sommaire des étapes du processus d’étude de l’impact sur l’environnement et une définition des rôles, obligations et responsabilités des États concernés.  Pour la délégation russe en effet, c’est aux États « d’être à la barre et de décider ».  Dès lors, elle ne soutient pas les options selon lesquelles il est prévu une vérification ou un réexamen des études par un organe indépendant qui serait créé au titre du nouvel instrument, estimant que « cet organe ne serait jamais en mesure de traiter toutes les études d’impact sur l’environnement menées par les États ».  La Fédération de Russie propose que toute étude d’impact sur l’environnement relève de la législation nationale, et que l’instrument ne contienne donc que des directives non contraignantes pour orienter ces lois.

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