Troisième session,
46e séance – matin
MER/2115

Biodiversité marine: l’Alliance de la haute mer invite à l’action, trois jours avant la clôture de la session de la Conférence intergouvernementale

« Levez la tête de vos textes et demandez-vous pourquoi nous sommes là », a déclaré, ce matin, la représentante de Greenpeace, s’exprimant au nom des 40 membres de l’Alliance de la haute mer, au cours d’une matinée marquée par les discussions sur l’article 17 de l’avant-projet d’accord se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

Alors que la troisième session de la Conférence intergouvernementale prendra fin vendredi, les délibérations du Groupe de travail officieux sur « les mesures telles que les outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées », ont ainsi permis d’entendre le plaidoyer de l’Alliance qui a invité les délégations à passer à l’action et à élever le niveau d’ambition, faisant ainsi écho aux appels de plusieurs délégations, dont celles de Cuba et des États fédérés de Micronésie.

« La biodiversité marine se meurt », a tenu à rappeler aux négociateurs l’Alliance de la haute mer en soulignant que les changements que subissent les océans incitent à changer l’approche actuelle pour les protéger.  C’est d’ailleurs dans ce but que l’Alliance a publié, sur son site Internet, une lettre ouverte des scientifiques internationaux pour un accord sur la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

Au cours des travaux, ce matin, les délégations ont examiné l’article 17 de l’avant-projet d’accord dont le paragraphe 1 précise que « les propositions relatives à la [création] [désignation] d’outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées, conformément à la présente partie sont soumises au secrétariat par les États Parties agissant individuellement ou collectivement ».

La Palestine, s’exprimant au nom du Groupe des 77 et la Chine (G77), et le Costa Rica, au nom du groupe CLAM (Core Latin America), ont opté pour le terme « création » au lieu de « désignation ».  L’Équateur a fait le même choix en précisant que les propositions devraient être faites par au moins deux États parties dont l’un doit être adjacent à l’aire marine à créer.  Pour Cuba, qui a marqué sa préférence pour le terme « désignation », il faut que seuls les États parties aient la possibilité de soumettre des propositions.  De son côté, Singapour a souhaité que les propositions mentionnées dans le paragraphe soient faites par la Conférence des Parties, « afin d’éviter la confusion qui se dégage de ce libellé ».  Les États-Unis ont, quant à eux, proposé une reformulation du paragraphe. 

Les négociateurs sont ensuite passés au paragraphe 2 de l’article 17, qui se lit comme suit: « Les États Parties peuvent collaborer avec les parties prenantes concernées à la formulation de propositions. »  Sur ce point, l’Union européenne (UE) a souhaité qu’il soit ajouté la mention suivante: « la société civile ».  Le Sénégal n’a pas dit le contraire, alors que les États-Unis ont proposé que le verbe « peuvent » soit remplacé par « devraient ».  Monaco et d’autres délégations ont aussi demandé que la collaboration se fasse avec le plus large éventail de parties prenantes possible.  Pour l’Inde, il faut préciser que les États parties se doivent surtout de collaborer avec les organes régionaux pertinents.

Abordant la question sous un autre angle, la Norvège a questionné l’utilité de ce paragraphe 2, « puisqu’il n’y a pas de doute sur la possibilité ou la nécessité de collaborer avec les parties prenantes ».  Il faut donc supprimer cette phrase, a proposé la délégation, une idée qui a paru intéressante à la Turquie.

En ce qui concerne le paragraphe 3 de l’article 17, il est rédigé de la manière suivante: « Les propositions sont fondées sur les données scientifiques les plus fiables dont on puisse disposer, ainsi que sur [l’approche] [le principe] de précaution et une approche écosystémique, et tient compte des connaissances traditionnelles des peuples autochtones et des communautés locales. » 

Le Belize, s’exprimant au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a insisté pour que le point sur les connaissances traditionnelles soit placé juste après « les données scientifiques ».  Cette dernière suggestion a rencontré l’assentiment des petits États insulaires en développement (PEID) du Pacifique, dont les États fédérés de Micronésie étaient le porte-parole, ainsi que des Maldives et de la Nouvelle-Zélande.  Les PEID du Pacifique ont ensuite précisé, en réaction à la remarque de la Chine sur la variété des origines des connaissances traditionnelles, que la communauté internationale s’était mise d’accord sur le fait que les connaissances traditionnelles sont comprises comme étant celles des peuples autochtones et des communautés locales. 

Les PEID du Pacifique ont aussi souhaité retenir le terme « principe » plutôt qu’« approche ».  Au contraire, pour les États-Unis, il faut opter pour le terme « approche » de précaution afin de se conformer aux délibérations de la Conférence de Rio de 1992.  Le Japon a acquiescé, ainsi que la Fédération de Russie.  Mais pour Cuba comme pour le Cameroun, le principe 15 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement fait bien référence au « principe de précaution ». 

En examinant le paragraphe 4 de l’article 17, les participants à la Conférence intergouvernementale ont passé en revue un certain nombre d’éléments constitutifs de toute décision de création/désignation de tout outil de gestion par zone, qui sont énumérés en huit alinéas.  Ainsi, on recense, entre autres, des critères comme la description géographique ou spatiale de l’aire qui fait l’objet de la proposition (a); l’information sur les normes et critères appliqués pour identifier l’aire (b); les activités humaines spécifiques dans l’aire, notamment son utilisation par les populations locales des États côtiers adjacents (c); ou encore les éléments relatifs à l’état du milieu marin et à la biodiversité dans l’aire identifiée (d).

De nombreux orateurs ont souhaité que le critère « b) » soit simplement retiré, arguant, comme Maurice, que les normes en la matière ne font pas l’unanimité au sein de la communauté scientifique internationale.  De plus, d’autres organisations internationales ont leurs propres critères et normes.

Le Costa Rica a suggéré que l’on précise le caractère non exhaustif de la liste du paragraphe 4.  Une position défendue également par la Fédération de Russie et la CARICOM, cette dernière proposant de placer la liste en annexe de l’accord et d’y ajouter des éléments du domaine socioéconomique.  Tout en souscrivant à cette idée, l’Érythrée, comme d’autres délégations, a fait des suggestions sur certains critères cités.  De manière générale, la Chine a estimé que la proposition de création des aires marines protégées devait être soumise à une évaluation rigoureuse.   

Alors que chaque délégation ayant pris la parole a commenté l’énumération du paragraphe 4, la Fédération de Russie a estimé qu’il serait opportun de laisser tomber tous ces critères, puisqu’ils seront examinés par des organisations compétentes.  Dans le même sens, la République de Corée a souhaité que ce paragraphe 4 soit tout simplement supprimé, « puisque ces critères pourraient être établis par l’organe scientifique et technique ». 

À ce propos, il est prévu, dans le paragraphe 5 de l’avant-projet, que « [l’Organe] [le Réseau] scientifique et technique élabore selon que de besoin d’autres éléments à inclure dans les propositions, pour examen par la Conférence des Parties ».  En examinant cette disposition, le Canada a promis de faire ultérieurement une proposition sur la question. 

L’Union mondiale pour la conservation de la nature (UICN), soucieuse de voir naître des instruments idoines pour sauver les écosystèmes marins, a souhaité que l’on fasse une distinction nette entre « les outils de gestion par zone » et « les aires marines protégées ».  L’organisation estime en effet que ces dernières n’obéissent pas aux mêmes critères que les autres outils de gestion par zone.  De ce fait, il serait judicieux de créer un article 17 bis rien que pour les aires marines protégées, a suggéré l’UICN.

Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a rappelé que certaines zones avaient déjà été désignées comme protégées par le biais de mécanismes régionaux.  Le PNUE a donc souhaité que les nouveaux critères en discussion soient évalués en tenant compte des processus régionaux existants.  Ce fut également l’avis de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui a parlé de certains « grands critères » existants déjà au sein de certaines institutions de conservation. 

La Conférence intergouvernementale se réunira demain, mercredi 28 août, à partir de 10 heures, avec des discussions au sein du groupe de travail officieux sur le chapitre « ressources génétiques marines, y compris les questions liées au partage des avantages ».

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.