Séminaire international des médias sur la paix au Moyen-Orient
PAL/2235-PI/2272

Le Séminaire des médias sur la paix au Moyen-Orient réfléchit aux écueils du métier dont le phénomène de l’« activisme hashtag »

ANKARA, 11 septembre – L’édition 2019 du Séminaire international des médias sur la paix au Moyen-Orient s’est tenu les 11 et 12 septembre à Ankara, à l’initiative du Département de la communication globale des Nations Unies et du Ministère turc des affaires étrangères.  Journalistes, universitaires, diplomates et autorités gouvernementales se sont assis autour de quatre tables rondes pour parler de la crise humanitaire dans le Territoire palestinien occupé, des difficultés à couvrir la situation à Gaza, des efforts pour écrire sur les femmes dans les conflits et du phénomène de l’« activisme hashtag » sur le conflit israélo-palestinien. 

Ce vingt-sixième Séminaire est un rappel des souffrances du peuple palestinien, a estimé la Directrice de la Division de la communication stratégique des Nations Unies, Mme Seda Pupyanskaya.  Les pressions de plus en plus fortes que subissent les Palestiniens, le recours disproportionné à la force par les Forces de défense israéliennes et le blocus « cruel » de Gaza ont été dénoncés par le représentant du Ministère turc des affaires étrangères, M. Ayda Karamanoglu. 

Le règlement juste et pacifique de la question palestinienne que nous recherchons demeure hélas hors de portée, a concédé le Secrétaire général de l’ONU, dans son message.  Ce but ne pourra être atteint, a martelé M. António Guterres, que lorsque le projet des deux États, Israël et Palestine, vivant côte-à-côte en paix et en sécurité sera devenu une réalité.  En attendant, les populations de Palestine et d’Israël continuent d’endurer vague après vague de violence meurtrière et la crise politique, économique et humanitaire qui persiste dans le Territoire palestinien occupé a atteint des proportions alarmantes. 

Environ deux millions de Palestiniens et Palestiniennes continuent de subir de graves restrictions de leur liberté de circulation et d’accès, de s’enfoncer dans une pauvreté et un chômage toujours plus grands et de n’avoir un accès que trop limité aux services de santé et d’éducation, à l’eau et à l’électricité.  Appelant à la générosité de la communauté internationale, le Secrétaire général a prévenu néanmoins que l’aide humanitaire ou économique ne suffira jamais, à elle seule, à régler le conflit. 

Mais comment couvrir cette situation humanitaire, dans un contexte où l’on décèle une « lassitude » du public face à des informations forcément répétitives sur un très long conflit? Les médias israéliens, qui, il est vrai, ne sont plus autorisés à aller à Gaza depuis 2006, ne couvrent que très peu la situation dans le Territoire palestinien occupé, a constaté une journaliste d’« Haaretz ».  Pour ceux qui le font, la tâche n’est pas facile, a-t-elle dit, en multipliant les « comment »: comment trouver les mots justes pour parler d’une situation difficile et complexe?  Comment accéder aux sources?  Comment aborder une question hautement « émotionnelle »?

Le travail est rendu encore plus ardu par le contrôle « éreintant » des « chiens de garde » israéliens et palestiniens sur tout ce qui paraît dans la presse mais aussi, contrairement à ce que l’on peut croire, par la réticence des autorités palestiniennes, en particulier à Gaza, de parler librement aux journalistes.  Le contexte « impossible » dans lequel travaillent les journalistes n’a cessé d’être décrié.  Si les journalistes étrangers sont plus ou moins en sécurité à Gaza, leurs homologues locaux sont détenus, ciblés voire tués. 

De l’autre côté, les autorités israéliennes n’hésitent pas à déployer des tactiques d’intimidation pour effrayer les médias.  Ailleurs aussi: un journaliste d’Huffington Post a raconté comment ses éditeurs ont commencé à l’interroger sur ses relations avec de jeunes journalistes palestiniens.  « La censure existe bel et bien », a-t-il tranché, expliquant que de nombreux médias ne veulent pas toucher à un conflit « politiquement chargé ».  Les médias israéliens sont accusés d’être biaisés mais les autres peuvent vivre dans la crainte de se faire taxer d’« antisémites », a reconnu un journaliste de +972 Magazine.  Une sorte d’autocensure est donc à l’œuvre.  Nous devons être à « 200% » exacts et impartiaux, a confirmé la journaliste de Haaretz.

Continuez à faire votre travail malgré tous ces problèmes, a encouragé l’Observateur de l’État de Palestine, M. Ryad Mansour.  Vous tous ici avez mis un visage humain au conflit, a renchéri le représentant du Ministère turc des affaires étrangères.  Votre travail n’est pas des plus faciles mais vous pouvez contribuer à bien des égards à créer un avenir meilleur pour le peuple palestinien, y compris en donnant une voix aux sans-voix, a ajouté le Président du Comité sur l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, Cheick Niang.

Les journalistes ont soulevé un autre problème: la difficulté à ne pas verser dans le pathos lorsque l’on couvre les femmes dans les conflits; la tendance naturelle étant de les victimiser ou de les ériger trop vite en héroïnes.  La plupart des médias n’ont pas vraiment de stratégie sexospécifique, ont admis les journalistes qui ont parlé de « Franchissons le pas pour l’égalité des sexes », une initiative d’ONU-Femmes pour que les médias forment leur personnel aux techniques de reportage sexospécifiques.  Les journalistes ont aussi salué le Forum israélien des femmes journalistes lequel a créé une base de données de femmes spécialistes prêtes à servir de sources d’information, un geste de solidarité « crucial » que peuvent exploiter tous les médias, mêmes les concurrents. 

La fiabilité des sources est-elle encore une valeur sûre dans un monde où le phénomène « hashtag » a explosé?  Aujourd’hui, ont rappelé les journalistes, n’importe qui peut de n’importe où accéder à une large audience grâce à son ordinateur et à son portable.  Si les médias sociaux ont facilité l’« activisme citoyen », ils ont aussi ouvert la voie à des campagnes sophistiquées pour propager de fausses rumeurs et manipuler le public.  Son pouvoir de promouvoir la paix comme d’inciter à la violence a fait de l’« activisme hashtag » une question très controversée, ont alerté les journalistes.  Ce qui est perçu par exemple comme de l’activisme par les Palestiniens peut être vu comme une incitation à la haine par les Israéliens.  « Mon combattant de la liberté est ton terroriste », ont résumé les journalistes.  Les médias sociaux, qui ont servi à contourner les « gardiens de l’information » qu’étaient les médias traditionnels, n’ont pas vraiment eu l’impact attendu en Israël, ont tempéré certains, parce que pour réussir une campagne en ligne, le public doit être prêt à y adhérer. 

Les journalistes n’ont pas manqué de fustiger le Président Donald Trump et le Premier Ministre Benyamin Netanyahu qui n’hésitent pas à utiliser twitter pour harceler les journalistes et les discréditer.  Ils nous refusent des interviews mais parlent directement aux gens « par-dessus nos têtes », alors que nous sommes les seuls à pouvoir les tenir responsables de leurs mots et de leurs actes. 

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