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Le Secrétaire général insiste sur le multilatéralisme et sur des solutions concrètes pour « rétablir la confiance brisée dans un monde déchiré »

Aujourd’hui, à sa première conférence de l’année 2019, le Secrétaire général de l’ONU a plaidé vigoureusement pour un « multilatéralisme juste » face aux défis mondiaux, un message qu’il entend réitérer au Forum économique de Davos, la semaine prochaine.  « Les mots ne suffisent pas », a-t-il martelé, se disant prêt à « agir de manière efficace » pour arracher les racines de la peur, de la méfiance, de l’anxiété et de la colère. 

« Multilatéralisme ».  C’est le mot que M. António Guterres a dit avoir le plus entendu dans une discussion avec les États Membres, il y a deux jours.  « Il ne fait aucun doute dans mon esprit que les défis mondiaux -changements climatiques, migration, terrorisme, revers de la mondialisation- exigent des solutions mondiales. »

« Nous avons plus que jamais besoin du multilatéralisme », a insisté le Secrétaire général qui a cependant souligné que beaucoup de gens dans le monde ne sont pas convaincus du pouvoir et du but de la coopération internationale.

Le Secrétaire général s’est remémoré son expérience au Gouvernement portugais dans les années 90, et sa perception « naïve » que la mondialisation et le progrès technologique régleraient tous les problèmes du monde.  S’il a fait l’inventaire des bénéfices avérés, comme la réduction de l’extrême pauvreté, il a aussi constaté que les inégalités se sont creusées, dans les pays et entre eux.

Des individus, des secteurs, des régions entières ont été abandonnés, a déploré M. Guterres en faisant remarquer que l’atmosphère de prospérité mondiale avait aggravé le sentiment d’injustice.  Faute d’espoir, un déficit de confiance s’est installé à l’égard des gouvernements, des institutions politiques et des organisations internationales.

Dans un tel contexte, a poursuivi le Secrétaire général, les gens deviennent des cibles faciles pour les nationalistes, les populistes et tous ceux qui profitent de la peur qui est « la marque la plus vendue dans notre monde aujourd’hui ».  La peur fait l’objet de notation, elle gagne des votes, elle génère des clics.

Pour le Chef de l’ONU, les gouvernements et les institutions doivent, en priorité, montrer qu’ils se préoccupent des peurs et des angoisses des gens, en apportant des réponses concrètes.

Les Nations Unies peuvent agir en ce sens dans trois domaines, selon le Secrétaire général, premièrement en démontrant par des solutions concrètes que l’ONU défend les droits et tient compte des problèmes quotidiens des personnes laissées pour compte.  Il a plaidé pour une « mondialisation juste » telle que l’ambitionne le Programme de développement durable à l’horizon 2030.

« Deuxièmement, nous devons montrer la valeur ajoutée de l’ONU. »  Affirmant l’avoir fait sur de nombreux fronts, M. Guterres a mentionné les réalisations du mois dernier: l’approbation du programme de travail de l’Accord de Paris sur les changements climatiques; l’adoption du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et ce, malgré une vaste campagne de désinformation; et celle du Pacte mondial sur les réfugiés.  Il a également cité le cessez-le-feu conclu au Yémen sous les auspices de l’ONU, qui donne l’espoir de mettre fin à la pire catastrophe humanitaire au monde.

Le Secrétaire général a aussi évoqué la réforme de l’ONU, menée dans le but de rendre l’Organisation « plus agile, plus flexible, plus efficiente et plus efficace », car beaucoup la considèrent encore comme une entité lourde et bureaucratique.  Il s’est appuyé sur les résultats obtenus l’année dernière et sur le programme de mise en œuvre de 2019 pour dire que les promesses seront tenues.

« Troisièmement, a-t-il poursuivi, nous devons engager chaque segment de la société dans la bataille pour les valeurs que notre monde doit mener aujourd’hui, et en particulier contre la montée des discours de haine, de la xénophobie et de l’intolérance. »  « N’oublions jamais les leçons des années 1930 », a-t-il lancé avant d’avertir que les discours et les crimes de haine sont des menaces directes aux droits de l’homme, au développement durable, à la paix et à la sécurité.

Le Secrétaire général a expliqué pourquoi il avait chargé son Conseiller spécial pour la prévention du génocide, M. Adama Dieng, de constituer une équipe chargée d’intensifier l’action menée, de définir une stratégie à l’échelle du système de l’ONU et de présenter au plus vite un plan d’action mondial contre les discours et les crimes de haine.

Sur tous ces fronts, le Secrétaire général a clairement reconnu que « les mots ne suffisent pas »: il faut « agir de manière efficace » pour arracher les racines de la peur, de la méfiance, de l’anxiété et de la colère.  Il s’est dit résolu, pour l’année à venir, à faire de l’ONU une plate-forme d’action pour « rétablir la confiance brisée dans un monde déchiré ».

Après sa déclaration à la presse, le Secrétaire général a répondu à de nombreuses questions allant des élections en République démocratique du Congo (RDC) à la situation en Syrie, en passant par la situation financière des Nations Unies.

Il a fait une distinction entre le budget ordinaire de l’ONU et celui du maintien de la paix.  Pour le budget ordinaire, il a reconnu certains problèmes d’arriéré de paiement et fait état de « règles rigides qui sont problématiques ».  Des suggestions seront faites à l’Assemblée générale pour y remédier, a-t-il dit avant d’évoquer aussi la question des liquidités qui connaît « des hauts et des bas ».  

S’agissant du budget des opérations de maintien de la paix, il a rappelé que les États-Unis, dont la part est fixée à 28% par le barème applicable, avaient décidé de n’en payer que 25%.  Or, « je ne peux pas réduire les dépenses de 3% », soit 600 millions de dollars, a dit le Secrétaire général en expliquant que ce sont les rations alimentaires des troupes, les avions et le matériel qui sont en jeu.  Ce fossé devra être couvert de plus en plus par les pays fournisseurs de contingents, alors qu’ils figurent parmi les pays les plus pauvres, a-t-il déploré.

En ce qui concerne la RDC, il a réitéré la position qu’il a exprimée devant l’Assemblée générale il y a deux jours: j’espère que le processus électoral se conclura sans violence, dans le plein respect de la volonté du peuple congolais et des règles juridiques et constitutionnelles du pays.  Il a donc formulé le vœu que toutes les initiatives lancées contribueraient à cet objectif.  Quant à l’appel de l’Union africaine visant à ce que la Cour constitutionnelle congolaise suspende la proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle, le Secrétaire général a précisé: « Je ne crois que ce soit l’Union africaine, je crois que c’était un groupe de chefs d’État réunis par le Président de l’Union africaine.  Ce n’était pas un organe de l’Union africaine. »

Interrogé également sur la situation des droits de l’homme au Zimbabwe, où l’on parle de tirs à balles réelles contre des manifestants frustrés par la situation économique, le Secrétaire général a exprimé sa préoccupation et lancé un appel aux autorités pour qu’elles fassent preuve de retenue.  À propos du Cameroun, il a dit avoir eu plusieurs entretiens avec le Président Paul Biya et avoir proposé ses bons offices, alors que sur place, l’équipe des Nations Unies essaie d’atténuer les tensions.

Très préoccupé aussi par la situation au Soudan, M. Guterres a encouragé le Gouvernement à garantir le respect des droits de l’homme et la protection de la population.  Il a rappelé que le Conseil des droits de l’homme avait la possibilité de prendre des décisions, par exemple créer des commissions d’enquête ou autres instruments. 

Sur la Syrie, le Secrétaire général a estimé que toute solution pour le nord-est du pays doit s’appuyer sur trois principes: l’unité et l’intégrité territoriale de la Syrie; les préoccupations sécuritaires légitimes de pays comme la Turquie; et la reconnaissance de la diversité des populations syriennes.  Pour ce qui est des obstacles à la mise sur pied d’un comité constitutionnel, il a parlé des discussions avec le Comité de négociation syrien, qui regroupe l’opposition, et assuré que l’objectif était d’arriver à une composition équilibrée et acceptée par la population dans son ensemble.  L’Envoyé spécial de l’ONU vient de se rendre en Syrie, a-t-il rappelé en insistant sur le fait qu’il n’y aura pas d’issue à la crise sans une solution politique.

Venant à la situation au Yémen, M. Guterres a assuré que l’ONU allait s’efforcer de faire la lumière sur les échanges de tirs, malgré ses capacités limitées.

Au sujet du meurtre d’un journaliste saoudien, le Secrétaire général a expliqué qu’il n’avait pas le droit de demander une enquête pénale, sauf si mandat lui en était donné par le Conseil de sécurité, en cas de menace à la paix et la sécurité internationales.  L’Assemblée générale peut le faire, a-t-il ajouté.

La République populaire démocratique de Corée (RPDC) a également été au cœur de la conférence de presse.  Le Secrétaire général a affirmé que l’aide humanitaire doit être totalement dissociée des objectifs politiques.  « Nous ne devons jamais refuser une aide humanitaire. »  Il faut, a-t-il ajouté, veiller à ce que les négociations entre les États-Unis et la RPDC commencent en vue de la dénucléarisation de la péninsule coréenne.  « L’ONU ne peut pas à ce stade apporter une valeur ajoutée; il faut que les deux parties se réunissent. »

Au Myanmar, le Secrétaire général a conseillé de régler les problèmes sous-jacents, sans quoi la violence va refaire surface.  « Je suis très frustré par les souffrances de la population au Myanmar et de celles qui vivent au Bangladesh dans des conditions difficiles.  Il faut trouver des solutions adéquates pour les déplacés. »  Tout en exprimant sa reconnaissance au Bangladesh pour avoir accueilli des réfugiés rohingya dans des conditions difficiles, le Secrétaire général a reconnu que les élections dans ce pays n’avaient pas été parfaites et dit avoir encouragé les forces politiques à un dialogue de fond.

Il a ensuite assuré que l’ONU faisait son travail en ce qui concerne l’Inde et le Pakistan: « j’ai proposé mes bons offices pour le dialogue entre les deux pays ».

À propos des camps de « rééducation » pour les Ouïgours en Chine, il n’a pas répondu sur une éventuelle mission sur le terrain de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme pour évaluer la situation, mais a émis l’espoir que les discussions seront couronnées de succès.

Le Secrétaire général a également été interrogé sur le Venezuela, pour lequel il a plaidé en faveur d’une solution politique inclusive, et sur la Colombie, où il a condamné le dernier attentat.  Sur la question de la séparation des enfants migrants de leurs parents, il a réaffirmé le principe fondamental de la réunification des familles et assuré agir « pour réaliser nos objectifs humanitaires ».  À propos des droits de l’homme des migrants en Méditerranée, il a rappelé le principe selon lequel les personnes dont le statut de réfugié est reconnu par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR) ne devraient jamais être rejetées par un pays.

Pour l’Ukraine, il a espéré que la situation dans la zone maritime au large de la Crimée sera résolue.  Il a enfin émis l’espoir que les États-Unis et la Fédération de Russie entameront sans délai les négociations sur le Traité START qui doit être renouvelé en 2021.

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