Soixante-quinzième session,
18e & 19e séances – matin & après-midi
AG/12280

Assemblée générale: le Président de la CPI rappelle que son institution, sous le feu des sanctions américaines, a fermement planté « le drapeau de l’établissement des responsabilités »

Le Président de la Cour pénale internationale (CPI), M.  Chile Eboe-Osuji a prononcé, aujourd’hui, devant l’Assemblée générale, un vibrant plaidoyer en faveur de la Cour qui, bien que perfectible, a réussi, depuis sa création dans les années 90 lors d’un « moment de lucidité de l’histoire », à desserrer le « joug de la tyrannie » et à planter fermement « le drapeau de l’établissement des responsabilités ».  « Serait-il possible aujourd’hui de créer la CPI au vu des circonstances géopolitiques? », a demandé le Président.

Certaines délégations n’ont pas ménagé leurs critiques à l’égard de la Cour, tandis que d’autres ont volé à son secours, en dénonçant les sanctions prises par les États-Unis à l’encontre de sa Procureure.  Après avoir entendu une quarantaine d’intervenants, l’Assemblée a adopté sa résolution annuelle sur le rapport de la Cour.  Le texte rappelle entre autres que la prochaine session de l’Assemblée des États parties au Statut de Rome, au cours de laquelle un nouveau procureur sera choisi, se tiendra du 7 au 17 décembre 2020.  L’Assemblée a ensuite entendu le Président de la Cour internationale de Justice (CIJ).

La CPI s’est bien acquittée de sa tâche de punir les crimes les plus graves qui choquent la conscience du monde, a d’emblée déclaré son Président, tout en ajoutant que son succès ne peut être considéré pour acquis.  « Ne nous reposons pas sur nos lauriers. »  Il a en effet voulu que l’on ne sous-estime pas l’ampleur des menaces qui pèsent sur la Cour.  Le Président a rappelé que, selon l’Union africaine, la quête pour l’établissement des responsabilités ne peut se limiter aux situations en Afrique. 

L’humanité tout entière et pas seulement les victimes africaines des atrocités, mérite l’intérêt de la Cour, a déclaré le Président, en y voyant une position « très raisonnable ».  Néanmoins, ce que je ne peux défendre, a-t-il prévenu, c’est la version réductrice d’une telle objection, qui voudrait que même les victimes africaines ne devraient bénéficier du travail de la Cour, tant que cette dernière ne répond pas aux besoins des autres victimes dans le monde.  « Je n’accepte pas un tel argument », a martelé le Président.  

M. Eboe-Osuji a aussi dénoncé, parmi ces menaces, les dispositions « belliqueuses » de certains acteurs mondiaux des plus puissants.  Certains promettent même de détruire la Cour car ils la perçoivent comme « inamicale » pour leurs intérêts et objectifs politiques, a-t-il dit, en y voyant le signe de l’importance symbolique de la Cour.  Le Président a, enfin, averti que la CPI, si elle venait à être détruite par ceux qui préfèrent un monde sans elle, ne pourrait pas être remplacée rapidement par un autre organe. 

Les délégations ont été nombreuses à lui apporter leur soutien, à commencer par l’Allemagne, qui s’exprimait au nom de 67 États parties au Statut de Rome.  Elle a insisté sur son engagement à préserver l’intégrité et l’indépendance de la Cour et rejeté toute menace formulée à son endroit.  « Les sanctions doivent être prises contre les auteurs de crimes graves, et pas contre ceux qui recherchent la justice », a dit l’Allemagne.  Son homologue de la Belgique a exhorté les États-Unis à revenir sur ces sanctions.

Même son de cloche du côté de la Norvège qui, au nom des pays nordiques, a rappelé que la CPI est confrontée à une « opposition politique constante » ainsi qu’à des tentatives de l’empêcher d’exécuter son mandat.  « Nous sommes préoccupés par les mesures prises à l’encontre de la Cour, de ses dirigeants et de son personnel. »  La Norvège a insisté sur le fait que l’efficacité de la CPI dépend de la coopération avec les États et avec le Conseil de sécurité.  Le Conseil, dans les deux affaires renvoyées à la Cour, n’est pas intervenu sur les 16 cas de non-coopération rapportés par la CPI, a dit la Norvège.

Dans ce contexte, les délégations, telles que l’Union européenne ou bien encore l’Espagne, ont été nombreuses à souligner l’importance du remplacement de six juges et du Procureur de la Cour.  Les Pays-Bas ont souhaité que les prochaines nominations se fassent sur la base du mérite et des résultats individuels des candidats.  En cette période « extrêmement importante » pour la Cour et sa crédibilité, la Slovénie a insisté sur l’élection des candidats « les plus compétents et à la haute moralité ».

D’autres délégations n’ont pas ménagé leurs critiques, à l’instar des Philippines, qui ont expliqué que leur décision de se retirer du Statut de Rome est une manifestation de leur volonté de se dresser contre ceux « qui politisent » les droits de l’homme.  « Beaucoup oublient que le Statut de Rome est ancré dans le principe de complémentarité et non de substitution. »  « La Cour pénale doit être juste, impartiale et complémentaire et ne doit pas être soumise à des interventions politiques qui dénaturent son action », a appuyé Cuba.

La Chine a estimé que certains agissements de la CPI prêtent le flanc aux « polémiques » telles que l’extension indue de ses compétences.  L’impartialité de la Cour est cruciale pour que celle-ci jouisse de la confiance de la communauté internationale.  Dans une explication de vote, les États-Unis ont fait part de leur volonté de protéger leur personnel contre les poursuites « illicites et injustes » de la CPI. 

La conduite de la CPI, ainsi que sa faiblesse institutionnelle et son mépris pour la souveraineté des États non parties au Statut de Rome, nous laissent à penser qu’un changement est nécessaire, y compris par le biais d’un amendement au Statut de Rome, ont déclaré les États-Unis dont « les pressions » sur la Cour ont pourtant été dénoncées par la Fédération de Russie qui en ont voulu pour preuve l’absence d’enquête sur les crimes commis en Iraq ou en Afghanistan.  

Dans son intervention, le Président de la CIJ, M. Abdulqawi Ahmed Yusuf, a indiqué que depuis le 1er août 2019, le rôle de la Cour est demeuré très chargé, avec 15 affaires contentieuses impliquant des États de toutes les régions du monde.  La Cour, a-t-il dit, est prête « aujourd’hui plus que jamais », à poursuivre son action mais l’une des règles fondamentales de son Statut, c’est l’acceptation par les États de sa compétence, exprimée au moyen d’une déclaration de reconnaissance de sa juridiction obligatoire ou d’une clause compromissoire insérée dans un traité multilatéral ou bilatéral. 

Le Président a donc demandé à l’Assemblée générale d’user, une fois encore, de son autorité pour recommander l’insertion de ces clauses compromissoires, en particulier dans les traités multilatéraux.  Pareilles clauses faciliteraient le règlement pacifique des différends et renforceraient la place centrale de l’état de droit dans l’ordre multilatéral.  

L’Assemblée générale poursuivra son débat sur le rapport de la CIJ demain, mardi 3 novembre, à partir de 10 heures.

RAPPORT DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE (CPI)

Pour l’examen de cette question, l’Assemblée générale était saisie du rapport annuel de la CPI pour la période allant du 1er août 2019 au 31 juillet 2020 (A/75/324); et des rapports du Secrétaire général sur les dépenses engagées et remboursements reçus par l’Organisation des Nations Unies au titre de l’assistance fournie à la Cour (A/75/321 et Corr.1); et sur les informations sur l’application de l’article 3 de l’Accord régissant les relations entre l’Organisation des Nations Unies et la Cour (A/75/323)

Déclarations liminaires

M. VOLKAN BOZKIR, Président de l’Assemblée générale, a salué les modalités de travail à distance qui ont permis à la CPI de continuer à fonctionner et de rouvrir son siège au mois de juin.  Il a rappelé le premier alinéa du préambule du Statut de Rome qui stipule « conscients que tous les peuples sont unis par des liens étroits et que leurs cultures forment un patrimoine commun, et soucieux du fait que cette mosaïque délicate puisse être brisée à tout moment ».  Cet héritage commun de l’humanité « est délicat » et peut être menacé à tout instant.  Il faut agir avec courage et détermination, car si elle n’est pas universelle, la justice n’est pas justice, a dit le Président.

Juge CHILE EBOE-OSUJI, Président de la Cour pénale internationale, a indiqué que si la Cour est distincte de l’ONU, « nous n’en sommes pas moins membres de la même famille », en ajoutant que la graine qui allait donner naissance à la CPI avait été semée lors des premières années d’existence des Nations Unies.  La Cour s’est bien acquittée de sa tâche de punir les crimes les plus graves qui choquent la conscience du monde, a déclaré le Président.  Il a indiqué que l’évaluation du travail de la Cour doit aller au-delà du décompte des affaires traitées et des verdicts rendus, pour embrasser une vision d’ensemble.  Une telle approche nous dira alors que la CPI a réussi à desserrer le joug odieux de la tyrannie en faisant triompher l’esprit de notre humanité commune, a affirmé M. Eboe-Osuji.

Le Président a indiqué que pas un jour ne passe sans que la Cour ne reçoive un email de quelqu’un dans le monde se plaignant d’une injustice.  Si la Cour n’est pas toujours compétente, il semble qu’elle soit vue par les individus comme une lueur d’espoir, lorsque la justice leur est refusée dans leur pays.  « Cela en dit beaucoup sur la valeur de la CPI. »  Cela montre, a ajouté le Président, que la Cour a planté « fermement le drapeau de l’établissement des responsabilités » en défendant l’état de droit et en rendant justice aux victimes des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et des crimes d’agression, tout en œuvrant à leur prévention.

Mais, a prévenu le Président, ne prenons pour acquis le succès de cet instrument permanent d’établissement des responsabilités qu’est la CPI.  « Ne nous reposons pas sur nos lauriers. »  Nous ne devons pas sous-estimer, a-t-il mis en garde, l’ampleur des menaces qui pèsent sur la Cour.  Pour illustrer la gravité de ces menaces, le Président a posé une question: « serait-il possible aujourd’hui de créer une CPI au vu des circonstances géopolitiques? »  Il a rappelé que les conflits armés sont les principaux vecteurs de la commission des crimes qui relèvent de la compétence de la Cour.  Énumérant tous les conflits en cours dans le monde, de la Syrie au Myanmar, en passant par le Soudan du Sud et le conflit israélo-palestinien, le Président a souligné que le Conseil de sécurité s’est montré, « de manière décourageante », incapable de s’accorder pour braquer les projecteurs d’un établissement international et indépendant des responsabilités sur les conflits les plus violents.

Pendant ce temps, l’Union africaine a décidé que cette quête pour l’établissement des responsabilités ne peut se limiter aux situations en Afrique.  Elle doit être menée dans d’autres points du globe.  Invoquant Martin Luther King, selon lequel « une injustice quelque part est une injustice partout », le Président a déclaré que l’humanité tout entière et pas seulement les victimes africaines d’atrocités, mérite l’intérêt de la Cour.  Il s’agit là d’une position « très raisonnable ».  Néanmoins, ce que je ne peux défendre, a poursuivi le Président, c’est la version réductrice d’une telle objection, qui voudrait que même les victimes africaines ne devraient bénéficier du travail de la Cour, tant qu’elle ne répond pas aux besoins des victimes dans le monde.  « Je n’accepte pas un tel argument », a martelé le Président

Il a dénoncé, parmi les menaces qui pèsent sur la Cour, les dispositions « belliqueuses » de certains acteurs mondiaux des plus puissants.  Certains promettent même de détruire la Cour car ils la perçoivent comme « inamicale » pour leurs intérêts et objectifs politiques.  C’est ironique mais les attaques contre la Cour menées par ces grandes puissances sont la démonstration symbolique de la valeur de la CPI pour l’humanité, a estimé le Président.  Cela montre que la Cour ne peut être ignorée de ceux qui pourraient avoir un certain intérêt géopolitique à laisser des victimes innocentes à la merci de crimes odieux.  Il a averti que la CPI, si elle venait à être détruite par ceux qui préfèrent un monde sans elle, ne pourrait pas être remplacée rapidement par un autre organe.

Le Président a insisté sur ce « moment de lucidité dans l’histoire » qui a permis la création de la CPI dans les années 90.  Cette Cour n’est pas un instrument parfait, a-t-il reconnu, tout en encourageant les États à surmonter leurs préoccupations face à certaines caractéristiques de la Cour.  Vos propres constitutions, comme toute construction humaine, ne sont pas sans défaut non plus, a lancé le Président.  Il a néanmoins souligné la nécessité « indéniable » d’améliorer le fonctionnement du système mis en place par le Statut de Rome, qui comme toute construction humaine est perfectible.  « À la Cour, nous sommes bien conscients d’une telle nécessité », a-t-il affirmé, en mentionnant l’examen auquel la CPI s’est soumise volontairement au début de l’année.  Rappelant qu’il s’agissait du premier examen approfondi des activités de la Cour depuis sa création, le Président s’est dit confiant que les observations et recommandations contenues dans le rapport final « nous inciteront à procéder aux améliorations » qui permettront à la Cour de consolider les valeurs positives qu’elle porte pour l’humanité.

En conclusion, M. Eboe-Osuji a jugé que la morale de l’histoire est la suivante: « Nous avons à notre disposition un instrument d’espoir pour l’établissement des responsabilités qui a été, de manière improbable, créé lorsqu’une opportunité rare s’est présentée, pendant un moment de lucidité de l’histoire. »  Nous devons, tout à la fois, le préserver et l’améliorer, parce que, si nous le perdons, il ne serait pas remplacé de sitôt.

Déclarations

Mme YOKA BRANDT (Pays-Bas) a affirmé que la lutte contre l’impunité constitue la principale priorité des Pays-Bas.  « La justice doit passer », a-t-elle affirmé.

Mais elle a regretté que le droit pénal international et la CPI elle-même soient confrontés à des questionnements émanant du Conseil de sécurité, en particulier dans le cas de la Syrie.  La déléguée a insisté sur le fait que la CPI doit travailler dans l’indépendance et que des États qui n’y sont pas parties ne peuvent pas s’opposer à son fonctionnement, rappelant sa désapprobation devant les sanctions infligées au Procureur de la Cour, Mme Fatou Bensouda.

Les Pays-Bas prônent un renforcement de la Cour qui garantirait l’indispensable impunité par des arrêts de haute qualité et appuient la prochaine nomination d’un nouveau procureur et de nouveaux juges sur la base de leur mérite et leurs résultats individuels.  La déléguée a par ailleurs déploré les mandats en souffrance et assuré « qu’il y a encore beaucoup à faire », priant les États de mieux coopérer par des accords juridiques-cadres pour la présentation de témoins et l’application des peines.  Elle a ajouté que « le Conseil de Sécurité serait avisé de suivre les affaires renvoyées devant la Cour ».  En conclusion, elle a fait savoir son intention d’actualiser le projet de résolution sur la CPI en 2021.

Mme MONA JUUL (Norvège), au nom des pays nordiques, a confirmé le rôle de la CPI comme une cour de dernier ressort, et sa nature d’institution centrale pour l’application du principe de responsabilité et la recherche de la justice, éléments essentiels d’une paix durable, de la sécurité et de la réconciliation.  Mais, a-t-elle déploré, la CPI est confrontée à une « opposition politique constante » ainsi qu’à des tentatives de l’empêcher d’exécuter son mandat.  Elle a confirmé que les pays nordiques sont préoccupés par les mesures prises à l’encontre de la Cour, de ses dirigeants et de son personnel, qui « sapent notre ambition commune de lutter contre l’impunité », et s’est engagée à défendre la Cour contre toute interférence.  La représentante a ajouté que les États parties et la Cour se sont engagés dans un vaste examen visant à renforcer le système du Statut de Rome et améliorer son fonctionnement.  Elle a déclaré que tous les États de la planète aspirent à faire rendre des comptes aux auteurs des crimes les plus graves, et que l’augmentation du nombre d’États parties permettra à la Cour de poursuivre ces crimes avec plus d’efficacité.

L’efficacité de la CPI dépend fortement de la coopération avec les États, les autres participants et les organisations internationales, a rappelé la représentante, insistant aussi sur l’importance de la coopération avec l’ONU et toutes ses entités.  Elle a mis l’accent sur le besoin d’une coopération accrue avec le Conseil de sécurité, notant avec préoccupation que le Conseil, dans les deux affaires renvoyées à la Cour, n’est pas intervenu sur les 16 cas de non-coopération rapportés par la CPI.  Les pays nordiques souhaitent que le Conseil de sécurité développe une approche plus cohérente sur les renvois à la CPI, notant qu’il n’a pas été capable de lui renvoyer la situation en Syrie.  La représentante s’est aussi dite préoccupée par la situation au Myanmar, et par les violations patentes des droits de l’homme dans l’État rakhine.  Demandant aux autorités du Myanmar de mener des enquêtes crédibles conformes aux normes internationales, elle a noté qu’une saisine de la Cour par le Conseil de sécurité reste le moyen le plus robuste d’obtenir l’application du principe de responsabilité au Myanmar.  Par ailleurs, les pays nordiques continuent d’appuyer les mécanismes d’enquête en Syrie et au Myanmar établis par d’autres organes de l’ONU.

M. BJÖRN OLOF SKOOG, Chef de la délégation de l’Union européenne, a rappelé que la Cour pénale internationale (CPI) devait travailler en toute indépendance et sans ingérence extérieure.  L’Union européenne (UE) s’oppose à toutes les mesures qui entraveraient l’exercice des fonctions judiciaires de la Cour et nuiraient à ses enquêtes.  Selon elle, « les attaques contre l’indépendance de la Cour sont autant d’attaques contre le système multilatéral ».  Profondément préoccupée par les menaces répétées et les mesures prises à l’encontre de la Cour et de ses fonctionnaires, le délégué a assuré que l’UE continuerait à les défendre contre toute ingérence extérieure.  Avec le processus de révision en cours, l’élection du prochain procureur et de six nouveaux juges, la CPI se trouve actuellement à un moment crucial, a-t-il commenté.  La Cour et les États parties doivent donner suite à l’examen des experts indépendants, pour assurer sa bonne gouvernance, son efficacité, et renforcer le système du Statut de Rome.  M. Skoog a souligné l’importance d’élire des personnes compétentes, moralement irréprochables, d’assurer l’égalité des sexes et la diversité géographique, et de représenter équitablement les principaux systèmes juridiques du monde. 

Se félicitant de l’assistance fournie par les États à la Cour, le délégué a cité l’arrestation, la remise et le transfert en juin dernier de M. Ali Kushayb, soupçonné de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qui auraient été commis dans la région du Darfour au Soudan, comme un bon exemple de ladite assistance.  Enfin, il a rappelé que la CPI était un tribunal de dernier recours qui complétait, sans les remplacer, les tribunaux nationaux.  « Il appartient principalement aux tribunaux nationaux d’enquêter et de poursuivre les crimes internationaux graves. »  À cet égard, l’UE estime que les programmes de réforme juridique et judiciaire des Nations Unies pourraient aider à renforcer les capacités nationales et contribuer à la promotion de l’état de droit aux niveaux national et international. 

Au nom de 67 États parties au Statut de Rome, M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a apporté son soutien indéfectible à la CPI.  Nous continuerons de nous acquitter de nos obligations, a affirmé le délégué, en exhortant tous les pays à coopérer avec la Cour.  Il a rappelé que cette Cour est un instrument de dernier recours qui n’intervient que lorsque les États ne peuvent ou ne veulent pas lancer des procédures au niveau national.  Il a insisté sur l’engagement à préserver l’intégrité et l’indépendance de la Cour et rejeté toute menace formulée à son endroit.  Les sanctions doivent être prises contre les auteurs de crimes graves, et pas contre ceux qui recherchent la justice, a affirmé le délégué.  En conclusion, il a défendu un ordre international régi par des règles, estimant que la justice pénale internationale en est un pilier indispensable.

Mme ANA SILVIA RODRÍGUEZ ABASCAL (Cuba) a déclaré que Cuba souhaitait mettre fin à l’impunité et s’est inquiétée d’une situation internationale marquée par la course aux armements, des conflits multiples et l’usage d’armes non traditionnelles.  Autant d’abus qui rendent nécessaire le recours à une institution autonome compétente pour les crimes les plus graves.  Néanmoins, la déléguée a noté, au vu des Articles 13 (b) et 16 du Statut de Rome, que la Cour pénale internationale (CPI) est loin d’être indépendante, car elle est soumise à l’influence du Conseil de sécurité dont les mesures violent les obligations d’impartialité envers les pays en développement.  « La Cour pénale doit être juste, impartiale et complémentaire et ne doit pas être soumise à des intervention politiques qui dénaturent son action. »  Pour Cuba, la CPI doit respecter le consentement de l’État en vertu de l’article 11 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités et doit s’abstenir de procédures contre des individus ressortissants d’États qui ne sont pas parties au Statut de Rome.  Bien que n’y étant pas partie, Cuba entend participer aux discussions sur son rapport annuel et reste attachée à la lutte contre l’impunité et aux principes incarnés par la Cour autant qu’au besoin d’indépendance et de transparence de cette institution, a conclu la déléguée.

M. RICHARD ARBEITER (Canada) a salué les efforts déployés par la Cour pour poursuivre ses activités malgré la pandémie et pour examiner les informations fournies dans le cadre des enquêtes, de manière à garantir le respect du principe de complémentarité.  Il a également appuyé les efforts visant à renforcer la hiérarchisation des affaires, pour que la justice soit rendue aussi rapidement que possible.  Il s’est félicité de l’enquête menée par le Procureur sur la situation au Myanmar et au Bangladesh, tout en reconnaissant les limites inhérentes à l’obligation de la Cour de rester dans son champ de compétence.  Le Canada a ensuite demandé au Conseil de sécurité de renvoyer à la CPI la situation au Myanmar.  Un tel renvoi garantirait que la Cour a la compétence nécessaire pour enquêter sur toute l’étendue des crimes énumérés dans le Statut de Rome, a-t-il justifié.  Le délégué a mis l’accent sur la coopération internationale, essentielle pour un succès durable de la Cour, tout en se disant préoccupé du fait que des demandes d’arrestation et de remise restent en suspens à l’encontre de 14 personnes.  « La Cour ne peut réussir dans son travail que si tous les États parties donnent effet aux mandats d’arrêt et soutiennent pleinement et activement les enquêtes en cours. » 

À l’instar de l’Allemagne, le Canada a jugé « inacceptables » les menaces et les attaques « sans précédent » dont la Cour a fait l’objet l’année dernière.  Son délégué a accueilli favorablement les résultats des discussions sur les moyens possibles de renforcer la Cour, qui ont abouti à la décision de l’Assemblée des États parties à la CPI d’établir un processus d’examen de la Cour par des experts indépendants.  Le pays a appuyé d’autres efforts visant à accroître la responsabilisation quand sont commises des atrocités, comme le projet d’articles de la Commission du droit international (CDI) concernant l’élaboration d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  À ce sujet, il s’est réjoui du retrait de la définition désuète du terme « genre » contenue actuellement dans le Statut de Rome.  Si des négociations sur un tel instrument devaient s’amorcer, le Canada demanderait le réexamen des définitions provisoires de « grossesse forcée » et de « violence sexuelle » afin de tenir compte des discussions récentes au sein de la communauté internationale, a-t-il annoncé. 

M. MOHAMED A. M. NFATI (Libye) a dit attendre que la CPI joue son rôle face aux crimes perpétrés dans son pays, compte tenu des fosses communes que l’on ne cesse de découvrir.  La compétence de la CPI doit aussi s’étendre aux crimes commis dans le sud, dont l’utilisation des mines antipersonnel.  Nous ne refusons pas de coopérer avec la CPI et les questions en suspens le sont uniquement à cause du contexte sécuritaire, a affirmé le représentant qui a tout de même mis en avant « la compétence » des tribunaux libyens.  Nous avons, a-t-il professé, une justice « intègre, compétente et indépendante », à même de se saisir et de se prononcer sur les crimes les plus graves.  Cette justice ne sera que meilleure quand la paix, la sécurité et l’autorité de l’État seront rétablies sur l’ensemble du territoire libyen, a promis le représentant. 

M. EDGAR DANIEL LEAL MATTA (Guatemala) a réaffirmé son soutien à la CPI et à la lutte contre l’impunité.  Décrivant la Cour comme un rouage essentiel de la justice internationale, il s’est réjoui du soutien des États parties et de leur coopération avec les Nations Unies.  Affirmant qu’il faut mieux asseoir l’autorité de cet organe et maintenir le principe de la complémentarité, il a rappelé que le renforcement des systèmes judiciaires nationaux constitue un des piliers principaux du Statut de Rome et que « la Cour ne saurait se substituer aux tribunaux nationaux ».  Le délégué a également souhaité un renforcement de la coopération avec le Conseil de sécurité et des échanges réguliers avec le Conseil et insisté sur la nécessité pour les États de fournir des ressources suffisantes à la Cour pour assurer la lutte contre l’impunité.  Il s’est en conclusion déclaré favorable à un régime véritablement universel de la Cour, en vue de consolider la paix et la sécurité internationales.

M. LUKE ROUGHTON (Nouvelle-Zélande) a déclaré soutenir la CPI en tant que « pilier central » de l’ordre international fondé sur des règles, et a encouragé tous les États parties à prendre dûment en considération le rapport et ses recommandations.  Soutenant le rôle de la Cour en tant qu’institution judiciaire indépendante, le représentant a insisté sur le fait que cette indépendance doit être respectée et protégée.  Les actes posés dernièrement contre la Cour et ses fonctionnaires risquent de saper cette institution judiciaire internationale « essentielle » et soulignent la nécessité pour les États Membres de redoubler d’efforts pour soutenir la Cour et l’état de droit international. 

Malgré l’importance de la coopération et des efforts des États pour soutenir la Cour dans tout processus de réforme ou de changement, le représentant a réaffirmé que la responsabilité première de prendre des mesures fortes et appropriées face aux crimes internationaux incombe d’abord aux États concernés.  La Cour est un tribunal indépendant « de dernier recours », a-t-il insisté.

Mme MARIA ANGELA ABRERA PONCE (Philippines) s’est désassociée du projet de résolution, expliquant que la décision de son pays de se retirer du Statut de Rome est une manifestation de sa volonté de se dresser contre ceux « qui politisent » les droits de l’homme et ignorent les organes « indépendants et opérationnels » qui rendent justice aux Philippines.  Comme dans toutes les démocraties, « les roues de la justice tournent parfois lentement, mais elles tournent », a lancé la représentante. 

En dépit de son retrait du Statut de Rome, les Philippines, a dit la représentante, réaffirment leur engagement à lutter contre l’impunité pour les crimes graves.  Le pays s’est d’ailleurs doté des lois pertinentes.  Elle a ajouté que « beaucoup » oublient que le Statut de Rome est ancré dans le principe de complémentarité et non de substitution.  Ce sont les États, a-t-elle insisté, qui ont la responsabilité première de poursuivre les crimes les plus graves.  La CPI ne peut exercer sa compétence que lorsque les systèmes juridiques nationaux échouent ou sont incapables de le faire.  La CPI n’a jamais été conçue pour se substituer aux tribunaux nationaux, comme certains essaient de le faire croire. 

La CPI ne fonctionne pas en vase clos.  Elle opère en complémentarité avec les juridictions nationales et en étroite coopération avec les Nations Unies, a souligné M. BRIAN PATRICK FLYNN (Irlande).  Il a salué le fait que plusieurs entités, départements, bureaux, conseillers spéciaux et représentants du Secrétaire général aient apporté un appui substantiel à la Cour sur un large éventail de questions.  Le représentant a ajouté que quand son pays siégera au Conseil de sécurité, il fera de l’établissement des responsabilités « un principe clef ».  Il a donc appuyé le Code de conduite relatif à l’action du Conseil en cas de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, de même que l’initiative franco-mexicaine encourageant les membres permanents du Conseil à renoncer à leur droit de veto en cas d’atrocités de masse.  

Le représentant a insisté sur les prérogatives du Conseil de saisir la Cour et a recommandé un « suivi actif » pour garantir la coopération avec la Cour, en particulier en vue de l’arrestation des individus frappés d’un mandat d’arrêt.  Il a demandé aux États de réfléchir aux moyens de mieux coopérer avec la Cour.  Le représentant a aussi salué les efforts consentis cette année, malgré les défis de la COVID-19 pour répondre aux besoins des victimes, grâce au Fonds spécial auquel l’Irlande verse une contribution annuelle.  Il a présenté ses condoléances après le décès inopiné, en avril 2020, de Felipe Michelini, Président du Conseil d’administration du Fonds spécial et souhaité la bienvenue à Kiribati qui a ratifié le Statut de Rome, le 26 novembre 2019.  En conclusion, le représentant a dénoncé les actes posés contre la CPI, ses hauts fonctionnaires et son personnel. 

M. MITCHELL FIFIELD (Australie) a déclaré que la responsabilité première de poursuivre les auteurs de crimes, y compris les plus graves, incombe aux États eux-mêmes.  La CPI doit donc respecter le principe de complémentarité qui la fonde.  Il a également appelé de ses vœux la désignation prochaine de dirigeants « valables » afin de permettre à la CPI de bien remplir son mandat.  Le représentant a également salué les conclusions du Groupe d’experts indépendants, émettant aussi le vœu de voir la CPI mieux accomplir son mandat sur la base des recommandations dudit Groupe. 

Mme DARJA BAVDAŽ KURET (Slovénie) a estimé qu’il est « plus important que jamais » de soutenir l’indépendance et l’impartialité de la Cour dans la lutte contre l’impunité, car c’est là une condition préalable à l’état de droit.  Il ne devrait donc y avoir aucune ingérence dans le travail de la justice pénale internationale.  La représentante a souligné que la coopération des États parties avec la Cour n’est pas un choix politique, mais une obligation juridique internationale.  Elle s’est donc dite préoccupée par la non-exécution de 14 mandats d’arrêt lancés par la Cour, il y a plusieurs années.  Mme Kuret a plaidé en faveur d’une coopération accrue entre le Conseil de sécurité et la Cour, au nom de l’efficacité et de la crédibilité de cette dernière.  Il convient aussi de rechercher des solutions pour les victimes qui ne relèvent pas de la compétence de la Cour.

Alors que la CPI traverse actuellement une période « extrêmement importante » pour ses travaux futurs et sa crédibilité, la représentante a insisté sur l’élection des candidats « les plus compétents et à la haute moralité ».  Nous devons tous lutter pour une Cour impartiale, indépendante, universelle et efficace qui rend des jugements de grande qualité et place les droits des victimes au centre de ses travaux.  Cela exigera des efforts conjoints de toutes les parties prenantes, a conclu la représentante.

M. TAREQ MD ARIFUL ISLAM (Bangladesh), qui a conjointement parrainé le projet de résolution sur le Rapport annuel de la CPI, a mis l’accent sur la situation de conflit chez son voisin, le Myanmar.  Il s’est félicité de ce que la Chambre préliminaire ait décidé d’ouvrir une enquête sur la situation des Rohingya.  Les organisations de la société et d’autres acteurs ont organisé des campagnes de sensibilisation à ces enquêtes.  Le représentant a appuyé l’appel du Canada visant à ce que le Conseil de sécurité renvoie la situation des Rohingya à la CPI.  Il a aussi appuyé les efforts constants de la Cour pour élargir sa coopération dans la région et appelé le Myanmar et son système judiciaire à coopérer aux enquêtes. 

Réitérant l’appui de son pays à la CPI, M. RICARDO GARCÍA (Espagne) a rappelé qu’il avait, l’année dernière, regretté les obstacles et attaques infligés à la Cour qui vont à l’encontre des intérêts et du fonctionnement légitime de cet organe.  Il a souligné sa portée universelle et la nécessité pour les États de se montrer « loyaux » tout en étant critiques et de protéger la CPI contre les « ingérences indues ».  La Cour, a-t-il déclaré, doit être consolidée et l’ensemble des interlocuteurs doivent être entendus.  Il faut renforcer les rapports de coopération administrative et juridique dans l’intérêt de la justice, tout en garantissant à la Cour des ressources suffisantes.  À cet égard, le délégué a rappelé l’aide apportée par l’Espagne au Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour le financement de sa mise en place.  Il a ensuite félicité la Cour d’avoir poursuivi avec détermination son travail dans les conditions difficiles de la pandémie.  Le délégué a ensuite insisté sur l’importance des critères de compétence technique et d’expérience qui, plus que tous autres, doivent présider à la nomination du procureur et des juges de la Cour.  « Leur choix est fondamental, a-t-il assuré, car il contribuera à écrire l’histoire de cette institution. »  

M. GIORGI MIKELADZE (Géorgie) a apporté son soutien indéfectible à la CPI.  La CPI est à la croisée des chemins, a-t-il relevé, en mentionnant le remplacement à venir de six juges et du Procureur.  Il a mentionné le nom du candidat de son pays à l’un de ces postes.  L’enquête ouverte sur les crimes russes commis en Géorgie en 2008 est un exemple de la détermination de la CPI à lutter contre l’impunité, a-t-il dit.  Il a promis l’appui de son pays en vue du renforcement institutionnel et budgétaire de la Cour.  « Nous sommes prêts à coopérer pour que justice soit rendue s’agissant des crimes internationaux les plus graves commis en Géorgie et ailleurs », a conclu le délégué.

M. IVAN ŠIMONOVIĆ (Croatie) s’est félicité du travail effectué durant la pandémie par la CPI.  Selon lui, la Cour joue un rôle crucial dans la prévention d’atrocités, en envoyant un message clair aux auteurs de crimes et en portant assistance aux victimes.  Appuyant les travaux de la CPI, la Croatie appelle à l’acceptation universelle de ses décisions.  Elle soutient en outre le processus d’examen du fonctionnement de la CPI, qui servira à la rendre plus « forte, indépendante et impartiale ».  « Il dépend de nous d’analyser le rapport et d’entreprendre des mesures concrètes », a dit le délégué.  Appelant à l’élection de juges qualifiés et impartiaux, il a jugé important que le Procureur et les juges ne subissent « aucune pression » dans leur travail.  Victime d’une « agression brutale » dans les années 90, la Croatie sait combien le travail de la CPI est important.  Heureux d’annoncer le lancement d’activités de préparation nationale pour la ratification des amendements adoptés au sein de l’Assemblée générale, le délégué a appelé les États Membres ne l’ayant pas encore fait à ratifier le Statut de Rome, et, ce faisant, à joindre la lutte mondiale contre l’impunité.

M. ALIE KABBA (Sierra Leone) a réaffirmé son soutien indéfectible à la Cour en tant qu’institution judiciaire indépendante et impartiale.  Il a salué une Cour qui s’efforce d’être « une organisation universelle, réactive, souple et résistante », dans une perspective cohérente d'amélioration continue.  Reconnaissant l’importance qu’il y a à ce que la Cour soit dotée de juges « qualifiés, compétents, expérimentés, moralement irréprochables, impartiaux et intègres », le représentant a attiré l’attention sur la candidature de la juge Miatta Maria Samba que son pays présente pour la période 2021-2030.  Dans le contexte des défis et des menaces qui pèsent sur la Cour, le représentant a tenu à insister sur l’attachement de son pays au Statut de Rome.

La Cour pénale internationale (CPI) est un outil inestimable de promotion des droits de l’homme et de lutte contre l’impunité, a déclaré Mme MARÍA DEL CARMEN SQUEFF (Argentine).  Elle a précisé que l’Argentine a été le premier pays à adhérer aux quatre accords de coopération suggérés par la CPI.  Elle a ainsi précisé que l’Argentine a adhéré à l’Accord de Kampala visant à « activer » le « crime d’agression » d’un pays contre un autre pays, qui s’est ajouté en 2017 aux trois chefs d’inculpation déjà en vigueur.  La déléguée a souligné l’importance de la prochaine session de l’Assemblée des États parties au Statut de Rome de la CPI qui sera l’occasion de nommer plusieurs juges ainsi qu’un successeur au Procureur, Mme Fatou Bensouda, dont le mandat vient à échéance.  Elle a particulièrement salué le travail de Mme Bensouda en précisant que son Bureau a su mener des enquêtes importantes dans diverses parties du monde.  En conclusion, la délégation réitère l’importance que revêt la Cour pour mettre fin à l’impunité des crimes les plus graves à portée internationale, conformément aux principes de la Charte des Nations Unies.  

M. MILENKO ESTEBAN SKOKNIC TAPIA (Chili) a salué le travail ardu de la Cour dont elle s’est acquittée dans des circonstances inédites avec la crise de COVID-19.  Il s’est déclaré déçu par les mesures prises contre la Cour.  Il s’est félicité, en revanche, de la coopération entre la CPI et l’ONU, notamment la comparution de fonctionnaires de l’ONU qui témoignent dans plusieurs affaires.  La coopération entre l’ONU, la Cour et le Conseil de sécurité est vitale, a insisté le représentant, arguant que cette synergie devrait reposer sur la coopération totale des États parties.  L’ultime enjeu est que la CPI puisse pleinement s’acquitter de ses fonctions.  L’universalisation reste un défi, a-t-il admis, appelant la CPI à continuer à exercer ses fonctions en coopération avec les organisations régionales et internationales.  Il a regretté le retrait de deux États, les exhortant à envisager de revenir sur leur décision.  Il a enfin invité tous les États parties à redoubler d’efforts pour promouvoir davantage l’efficacité et la présence de la Cour dans le système judiciaire international.  

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a rappelé que son pays milite pour la fin de l’impunité pour les crimes les plus graves de portée internationale.  La CPI ayant un rôle important à jouer à cet égard, le Royaume-Uni continue de lui apporter un soutien financier, pratique et politique important.  Il applique actuellement la peine privative de liberté de M. Ahmed Al Faki Al Mahdi, démontrant ainsi sa coopération continue avec la Cour.  Le Royaume-Uni reconnaît les graves défis auxquels la Cour est actuellement confrontée et reste convaincu que les fonctionnaires de la Cour doivent être en mesure d’exécuter leur travail de manière indépendante et impartiale, « sans crainte de sanctions ».

M. Allen a rappelé que sa délégation avait clairement indiqué que la CPI devait changer pour pouvoir faire face à l’avenir avec confiance.  Le Royaume-Uni continue donc d’appuyer une réforme « positive » de la Cour, afin qu’elle fonctionne le plus efficacement possible.  « Une réforme significative est un processus, pas un événement.  Ledit processus requiert une attention particulière et déterminée pendant une période prolongée, dans de nombreux aspects des travaux de la Cour », a précisé le délégué.  Il a jugé « vitale » l’élection des meilleurs juges et procureurs possibles pour l’avenir de la CPI.  Pour cette raison, le Royaume-Uni a choisi la juge Joanna Korner comme candidate aux prochaines élections à la magistrature de la CPI.  « La juge Korner a une vision claire des changements positifs qu’elle peut apporter à la Cour, comme le démontrent ses engagements publics. »  Elle est l’un des meilleurs juges du Royaume-Uni, offrant près de 30 ans d’expérience judiciaire, jugeant certaines des affaires les plus complexes et les plus difficiles, a expliqué M. Allen.  Elle a occupé pendant huit ans les fonctions de Procureure principal au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.  Elle est également ferme sur la nécessité de soutenir les victimes, y compris des violences sexuelle et sexistes les plus effroyables, a plaidé M. Allen.  

M. KAWASE TARO (Japon) a confirmé que son pays est un fervent défenseur de la Cour pénale internationale (CPI) en raison de son rôle central pour la promotion de l’état de droit et de la lutte contre l’impunité.  Il a rappelé que le Japon est le plus grand bailleur de fonds de la Cour et son premier fournisseur en ressources humaines.  Le délégué a ajouté que la Cour, en tant qu’organe permanent, doit s’universaliser, ce qui justifie les efforts du Japon pour promouvoir l’adhésion d’États asiatiques au Statut de Rome.  Cette universalisation implique à ses yeux une meilleure coopération avec les États non parties à la Cour et un rappel important du principe clef de la complémentarité inscrit dans le Statut de Rome afin de réduire les hésitations des États non parties à y adhérer.  La Cour pénale est un organe judiciaire mais aussi une organisation internationale, a-t-il précisé, ce qui implique l’obligation pour les États parties d’en assurer la bonne gouvernance.  Il s’est enfin félicité de l’examen du bilan de la Cour dans le rapport publié le 31 décembre, en souhaitant qu’il contribue au renforcement de sa puissance institutionnelle.

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a déclaré que la CPI est « plus nécessaire que jamais », alors que des atrocités continuent d’être commises à travers le monde et que les États ne luttent pas assez vigoureusement contre l’impunité des auteurs des crimes les plus graves.  Pour cette raison, la Suisse continuera de respecter ses obligations de coopération prévues par le Statut de Rome.  Elle invite tous les États à coopérer pleinement avec la Cour pour lui permettre de s’acquitter de son mandat et de s’assurer que justice est rendue aux victimes des crimes les plus graves.  La représentante a constaté des attaques contre le multilatéralisme et les institutions internationales en général, y compris la CPI, « prise pour cible ».  « Face à la récente escalade des attaques menées contre la Cour, des signaux forts sont nécessaires. »  Nous devons réaffirmer notre soutien à la justice pénale internationale ainsi qu’à la CPI, qui représente son élément central, indépendant et impartial, a-t-elle insisté.  En tant qu’institution judiciaire indépendante régie uniquement par le droit, la pression politique à son endroit « n’a donc pas sa place ». 

Mme Baersiwyl a espéré que la prochaine Assemblée des États parties prendra des décisions majeures qui auront un impact sur la capacité d’action de la CPI.  L’examen de la CPI par un groupe d’experts indépendants a créé une dynamique positive en vue de travailler ensemble pour une CPI plus efficiente et efficace.  Elle a espéré que tous les acteurs concernés feront leur possible pour donner suite aux recommandations formulées dans le rapport des experts, car la CPI ne peut être à la hauteur de l’ambition du Statut de Rome et des attentes des victimes que si elle dispose des meilleurs collaborateurs.  « Nous encourageons tous les États à nominer et à élire les candidats les plus qualifiés à la magistrature et au Bureau du Procureur. »

Ayant observé avec une grande inquiétude les attaques politiques et les sanctions contre la Cour et son personnel, Mme MARIA ANGELA ZAPPIA (Italie) a appelé tous les États Membres à respecter l’intégrité et l’indépendance de l’institution.  Les États parties au Statut de Rome ont une « responsabilité particulière » dans la défense de l’intégrité et de l’indépendance de la Cour, a insisté la représentante.  Elle fait observer que les plus de 11 000 victimes qui participent aux procédures couvertes par le dernier rapport, témoignent du statut de la Cour comme « institution indispensable », certes de dernier recours.  L’accent mis sur les victimes est un « élément essentiel » de l’action internationale.  C’est la raison pour laquelle, a expliqué le représentant, mon pays a décidé de contribuer au Fonds au profit des victimes, soutenant ainsi les efforts pour leur offrir un soutien physique, psychologique et matériel.

Préoccupée par les mandats d’arrêt non exécutés contre 14 personnes, la représentante a appelé les États à honorer leurs obligations en vertu du Statut de la CPI et de la Charte de l’ONU.  Elle a regretté que la Cour n’ait reçu « aucune réponse substantielle » aux 16 cas de non-coopération communiqués au Conseil de sécurité.  La représentante a également noté avec inquiétude qu’aucun nouvel accord n’a été conclu entre la Cour et les États sur la réinstallation des témoins, l’application des peines et la mise en liberté provisoire et définitive des suspects ou des accusés.  Estimant qu’une coopération plus approfondie et plus étendue entre États constitue la clef du succès de la CPI, elle a rappelé l’importance qu’il y a à ce que les nouveaux juges et le prochain procureur soient élus sur la base de leur compétence, de leur professionnalisme, de leur solide expérience et de leur intégrité morale.  Ils doivent, a-t-elle ajouté, être représentatifs des principales traditions juridiques du monde.   

Mme MERJE MÄGI (Estonie) a souligné que les États ont la responsabilité première de prévenir et de poursuivre les crimes internationaux.  La CPI complète les tribunaux nationaux, sans les remplacer, et son efficacité dépend donc inévitablement de la coopération des États.  Tous les États doivent coopérer pleinement avec la CPI pour l’arrestation et le transfèrement des suspects.  S’agissant des prochaines élections, elle a souligné que la qualité des magistrats est essentielle à la qualité des décisions prises par la Cour.  La représentante a aussi appelé à davantage d’efforts pour protéger les victimes et les témoins.  En tant que donateur régulier au Fonds au profit des victimes, l’Estonie, a-t-elle dit, encourage les États et les autres donateurs à verser des contributions volontaires.  Félicitant enfin Kiribati pour son adhésion au Statut de Rome, la représentante a appelé tous les gouvernements manquants à faire de même. 

M. LI KAI (Chine) a noté les sanctions prises contre le Procureur de la CPI.  Mon pays s’est toujours opposé à la prise de sanctions unilatérales, a-t-il dit, en dénonçant un tel « harcèlement » qui sape un ordre international gouverné par des règles.  Il a exhorté la CPI à demeurer impartiale, en mettant en garde contre tout abus et politisation dans la conduite de ses travaux.  Il a toutefois souligné certains agissements de la CPI prêtant le flanc aux « polémiques » telles que l’extension indue de ses compétences.  Le délégué a appelé au respect du principe de complémentarité et à la prudence, afin de répondre aux préoccupations légitimes exprimées quant aux activités de la Cour.  Enfin, il a estimé que la préservation de l’impartialité de la Cour est cruciale pour que celle-ci jouisse de la confiance de la communauté internationale.

M. RÓBERT CHATRNÚCH (Slovaquie) a fait part de sa préoccupation après l’adoption de mesures contre la CPI, notamment contre ses fonctionnaires.  La CPI en tant qu’organisation intergouvernementale, par définition indépendante et impartiale, ne doit pas être soumise à de telles mesures.  Au lieu de saper l’institution centrale dans la lutte contre l’impunité, nous devons concentrer tous nos efforts et nous engager dans un dialogue basé sur des valeurs partagées pour renforcer l’ordre international et empêcher l’impunité, a tancé le représentant.  Il a également estimé que le Conseil de sécurité pouvait agir en vertu de l’Article 13 (b) du Statut de Rome pour déférer une situation au Procureur de la Cour, lorsque des crimes internationaux sont commis et que les autorités nationales qui sont au premier chef responsables de la poursuite de ces crimes ne sont pas en mesure de le faire.  Sans cela, les résultats escomptés ne seront pas atteints, a-t-il prévenu, prenant en exemple les cas du Darfour, du Soudan, et de la Libye.  Par ailleurs, le processus de révision en cours de la CPI offre une occasion « délicate », non seulement de revoir les relations de l’ONU avec la Cour, mais aussi d’explorer d’autres moyens d’approfondir la coopération et la coordination entre les deux, a encore jugé le représentant slovaque. 

M. CHEIKH NIANG (Sénégal) a voulu rendre un « vibrant hommage » à toutes celles et tous ceux qui, au sein de la Cour et ailleurs, s’engagent au quotidien pour que les victimes des crimes de masse aient droit à la justice.  Il s’agit tout particulièrement de Mme Fatou Bensouda, Procureure de la CPI qui, pendant tout son mandat, a poursuivi avec détermination, engagement et professionnalisme, sur tous les continents, le combat contre les auteurs des crimes de masse.  

M. Niang a également souhaité rappeler que la Cour ne saurait atteindre ses aspirations à mettre fin à l’impunité et à contribuer à la prévention des crimes de masse sans un appui ferme et constant de la communauté internationale.  Elle n’arrivera à exécuter son mandat de façon optimale qu’avec une protection collective et agissante de son indépendance par l’ensemble des parties prenantes. 

À cette fin, nous devons faire preuve de volonté et de détermination en conjuguant nos efforts pour fortifier la coopération et insuffler une nouvelle dynamique par un dialogue franc et constructif au sein de l’Assemblée des États parties.  Nous devons également poursuivre, sans relâche, notre travail pour la ratification universelle du Statut de Rome et l’intégration de ses normes dans le droit interne des États.  Nous devons enfin maintenir notre engagement à renforcer la complémentarité en soutenant les systèmes judiciaires nationaux pour qu’ils soient à même de juger les crimes les plus graves, a conclu le représentant sénégalais.

M. CRISTIAN ESPINOSA CAÑIZARES (Équateur) a appuyé un ordre international fondé sur des règles dont la CPI est partie intégrante puisqu’elle joue un rôle central dans la lutte contre l’impunité, composante essentielle d’une paix, une sécurité et une réconciliation durables.  La CPI, première et unique Cour pénale internationale au monde, est un élément essentiel de l’architecture multilatérale qui défend l’état de droit et incarne l’engagement collectif de lutter contre l’impunité.  Le représentant a exhorté tous les États à pleinement coopérer avec la CPI pour qu’elle puisse s’acquitter de son important mandat qui est de rendre justice aux victimes des crimes les plus graves.  Il a rappelé que la Cour est un tribunal de dernier recours et que, partant, il est de la responsabilité première des autorités nationales d’enquêter et de juger les crimes énoncés dans le Statut de Rome. 

La CPI, a rappelé le représentant, n’intervient que dans les cas où les États ne peuvent ou ne veulent pas lancer les procédures requises.  Il a donc rejeté toute mesure unilatérale contre l’indépendance de la CPI et de ses fonctionnaires.  Il a salué la Procureure, Mme Fatou Bensouda, qui a réussi, en dépit de la pandémie de COVID-19, à émettre des mandats d’arrêt et à poursuivre les affaires en cours.  Il a conclu en plaidant pour que la Cour et le Fonds au profit des victimes soient dotés des ressources financières nécessaires. 

M. RODRIGO A. CARAZO (Costa Rica) a déploré les attaques contre la Cour qui compromettent son fonctionnement.  L’examen du rapport de la Cour, a-t-il estimé, offre l’occasion de revoir son organisation et son budget, en diminuant par exemple les dépenses superflues et les fonctions qui se chevauchent mais aussi d’influer sur la culture interne et sur l’efficacité de l’institution.  Le Groupe d’experts indépendants, a-t-il ajouté, ne demande pas une réforme du Statut de Rome mais une réforme du fonctionnement de la Cour, ce qui implique un dialogue entre les États sur le type de leadership nécessaire à une Cour « robuste et axée sur son mandat ». 

Le représentant a jugé important d’élire « une nouvelle génération » de juges et de procureurs qui allient clarté de vue et compétences indispensables à la direction d’une institution de cette importance.  Le candidat Claudio Gaudines répond parfaitement à ces critères, a souligné le représentant.

M. WOO JIN HWANG (République de Corée) a défendu les poursuites contre les auteurs de crimes horribles qui choquent la conscience de l’humanité, comme faisant partie intégrante de l’état de droit, lequel constitue une plateforme solide pour la réalisation de l’objectif 16 de développement durable.  Toutefois, a rappelé le représentant, la CPI ne peut exister sans l’active coopération d’une mosaïque de parties prenantes, en particulier les États parties au Statut de Rome, à chaque étape des procédures.  Il s’est d’ailleurs félicité de l’exécution de mandats d’arrêt cette année. 

Le représentant a plaidé pour un meilleur équilibre géographique au sein de la CPI, ce qui est la base même d’une bonne coopération avec les États parties du monde entier.  Il a applaudi à son tour l’adhésion de Kiribati au Statut de Rome en novembre dernier et a renouvelé son engagement en faveur de l’universalité dudit Statut, notamment dans la région asiatique.  Ratifier le Statut ne veut pas dire renoncer à sa souveraineté puisque la Cour repose sur le principe de la complémentarité.  Le représentant a salué le rapport du Groupe d’experts sur l’examen de la CPI, présenté en septembre.  Il a espéré que la dix-neuvième session de l’Assemblée des États parties aboutira à l’élection, par consensus, d’un procureur hautement compétent.  Ce consensus est « indispensable » pour permettre au nouveau procureur de relever tous les défis à venir, a souligné le représentant.

M. YURIY VITRENKO (Ukraine) a jugé important que la Cour bénéficie de la coopération de tous les États.  Il a rappelé que son pays a signé le Statut de Rome en 2000 et accepté la compétence de la CPI sur les crimes qui auraient été commis sur son territoire depuis le 21 novembre 2013.  La Cour sera compétente, quelle que soit la nationalité des auteurs des crimes, y compris les ressortissants d’États tiers, a souligné le représentant.  Il a salué le travail de la Procureure et espéré l’ouverture d’une enquête sur les crimes commis en Crimée.  La demande de justice du peuple ukrainien est « intacte », de même que son soutien à la CPI, a conclu le délégué.

M. SAMSON SUNDAY ITEGBOJE (Nigéria) a insisté sur la coopération des États, des organisations internationales et de la société civile avec la Cour, pour garantir des enquêtes approfondies, l’exécution des mandats d’arrêt, la protection des témoins ou encore l’exécution des peines.  Le représentant a salué les réalisations de la Cour au fil des années, malgré des conditions « parfois difficiles et des réticences ».  Mais, a regretté le délégué, force est de constater que la lutte contre l’impunité n’est pas encore gagnée, que le caractère sacré de la vie humaine est toujours profané, que des armes interdites sont toujours déployées pour commettre des atrocités de masse, et que les auteurs de ces crimes restent souvent impunis. 

À ce jour, a souligné le représentant, le Nigéria a pleinement coopéré avec la CPI et continuera de le faire, qu’il s’agisse des faits imputés à Boko Haram ou à ses forces de sécurité.  Nous avons démontré, « sans l’ombre d’un doute », s’est enorgueilli le représentant, que notre pays peut et veut arrêter, enquêter, poursuivre et condamner les auteurs des crimes les plus graves.  Plusieurs réunions ont eu lieu entre le Gouvernement fédéral du Nigéria et le Bureau de la Procureure de la CPI, au cours desquelles des questions ont été posées, des réponses apportées et des documents soumis, y compris des documents classifiés, conformément à l’obligation de coopérer, en vertu du Statut de Rome.  Le Nigéria, a ajouté le représentant, s’est engagé à renforcer et à défendre l’indépendance de la CPI, en assurant un processus de sélection proactif, équitable, informé et transparent du prochain procureur.  Nous prenons très au sérieux, a tenu à répéter le représentant, les allégations de violations des droits de l’homme et autres violations faites contre l’Armée nationale.  Nous menons une enquête approfondie et, lorsque les faits sont crédibles, les soldats sont traduits en justice.

Alors que nous célébrons le soixante-quinzième anniversaire des Nations Unies, a estimé M. ANDREAS MAVROYIANNIS (Chypre), nous devrions nous souvenir des premiers tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, il y a sept décennies, qui ont jeté les bases du droit pénal international moderne et de l’ordre juridique international actuel, sans oublier la notion de justice pénale « supranationale ».  Le représentant a souligné que, 22 ans après l’adoption du Statut de Rome, la Cour s’est imposée comme une institution « mature » et forte de 123 États parties, elle reflète à présent la position de la communauté internationale contre l’impunité pour génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crime d’agression.  Estimant qu’en vertu du Statut de Rome, la saisine de la Cour par le Conseil de sécurité demeure le meilleur moyen d’établir les responsabilités pour les crimes les plus graves, le représentant a ajouté sa voix à celle des autres États Membres qui se sont engagés à défendre et à préserver l’intégrité du Statut, « sans être découragés par les mesures ou les menaces contre la Cour, ses fonctionnaires et ceux qui coopèrent avec elle ».

La Cour, a insisté le représentant, demeure un mécanisme d’une grande valeur pour l’humanité.  Elle est la seule institution judiciaire internationale permanente à rendre justice aux victimes des crimes les plus graves, lorsque toutes les autres juridictions ont échoué.  Rappelant que la Cour dépend des États eux-mêmes, pour l’arrestation et le transfèrement des suspects, entre autres, il a appelé à l’amélioration des relations « inestimables » entre la CPI et l’ONU, sur la base de l’accord qui les lie et de leurs mandats, lesquels se renforcent mutuellement.  Une coopération efficace entre les deux organisations est essentielle pour la faculté de la Cour de s’acquitter de ses fonctions, a-t-il conclu. 

M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a estimé que la Cour a besoin d’une nouvelle impulsion pour être plus efficace et plus persuasive dans la lutte internationale contre l’impunité.  Il a salué le Groupe d’experts indépendants, guidé « très habilement » par le juge Richard Goldstone, qui a produit un rapport sur un large éventail de recommandations pour faire de la CPI une institution plus forte.  Le plus grand défi reste toutefois les décisions sur l’avenir de la Cour, dont sa direction et le suivi des recommandations du Groupe d’experts indépendants.

Au nom de l’Autriche, de la Belgique, du Costa Rica, de Chypre, de l’Espagne, de l’Estonie, de la Finlande, de l’Irlande, du Luxembourg, du Portugal, de la République tchèque, de la Sierra Leone, de la Slovénie, de la Suède et de la Suisse, le représentant du Liechtenstein a regretté qu’il n’ait pas été possible de faire une mise à jour factuelle du projet de résolution dont est saisie l’Assemblée, bien qu’il a dit comprendre la nécessité d’un report technique cette année, en raison des « extraordinaires » circonstances liées à la pandémie de COVID-19.  Il a en effet jugé important de rappeler que, depuis le 17 juillet 2018, la CPI est en mesure d’exercer sa compétence sur le « crime d’agression ». Les États parties ont également décidé, par consensus, d’ajouter plusieurs éléments constitutifs du crime de guerre, y compris celui d’affamer intentionnellement les civils dans les conflits armés nationaux.  Le représentant a aussi cité les références à une coopération importante entre la CPI et les mécanismes d’établissement des responsabilités mis en place de l’ONU.  Ces progrès illustrent la valeur du Statut de Rome, ratifié par deux tiers des États Membres de l’ONU, soit bien plus que le nombre d’États qui ont a accepté la juridiction obligatoire de la Cour internationale de Justice (CIJ).

Le représentant du Mexique a rappelé que son pays est partie au Statut de Rome depuis 2006, coauteur d’une résolution biannuelle encourageant les États d’Amérique latine à signer ledit Statut.  Il a ajouté que l’élection d’un nouveau procureur et de six juges aura un impact qui dépassera la durée de leur mandat, compte tenu de l’importance tant juridique que médiatique de leurs décisions.  Le Mexique, a-t-il annoncé, présente la candidature d’une femme « parfaitement qualifiée » pour siéger à la Cour.  Le représentant a particulièrement insisté sur la nature complémentaire de la Cour, rappelant que la responsabilité première des poursuites et des enquêtes revient aux États et à leurs tribunaux souverains.

Il a par ailleurs attiré l’attention sur le fait que la CPI et l’ONU poursuivent les mêmes objectifs, comme la protection des personnes en temps de guerre.  Les deux organisations devraient éviter les chevauchements.  Il revient aussi aux États Membres de protéger la Cour de l’ingérence des États.  Le représentant a conclu en appelant les autres États à se joindre à l’initiative franco-mexicaine visant à obtenir des membres permanents du Conseil de sécurité qu’ils renoncent à leur droit de veto en cas d’atrocités de masse.

Le représentant du Myanmar a déclaré que son pays se dissocie de la résolution adoptée aujourd’hui, car aucune disposition de la Charte des Nations Unies ne dispose que la CPI a la primauté sur les juridictions nationales.  Nous rejetons la décision prise le 14 novembre 2019 par la Procureure de la CPI relative à l’ouverture d’une enquête dans l’État rakhine.  Nous voyons, s’est indigné le représentant, une violation du droit international, dont la Charte des Nations Unies et la Convention de Vienne sur le droit des traités.  Nous voyons aussi une violation de notre souveraineté et de notre intégrité territoriale.  Dans ce contexte, le représentant a jugé « important » de veiller à ce que le Statut de Rome n’empiète pas sur le droit international, au risque de menacer l’ordre international.  Le Myanmar ne reconnaîtra jamais cette institution et ne coopérera jamais avec elle, a prévenu le représentant. 

La situation qui prévaut dans l’État rakhine, a-t-il expliqué, est la conséquence directe des activités d’un groupe bien connu qui menace la paix et la sécurité des population et s’en prend aux minorités ethniques et religieuses, y compris aux hindouistes.  Avec le Bangladesh, a affirmé le représentant, le Myanmar cherche à trouver des solutions.  Il a insisté sur le fait que sa participation à ce débat ne constitue en aucun cas une reconnaissance de la CPI.  Bien au contraire, nous déplorons que des délégations aient saisi la Cour de la situation dans l’État rakhine. 

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a souligné que la CPI, au cours d’une période marquée par la pandémie de COVID-19, s’est saisie de plus de 10 affaires, ce qui indique combien sa charge de travail demeure élevée.  Le représentant s’est félicité de ce que la Cour ait réussi à mettre rapidement en œuvre des dispositions visant à atténuer l’impact de la COVID-19 sur ses activités.  Il a salué le récent transfèrement d’un suspect à la CPI, sous le coup d’un mandat d’arrêt pendant 13 ans.  Une autre évolution encourageante concerne les activités du Fonds au profit des victimes, s’est réjoui le représentant.  Visant à concilier justice rétributive et réparatrice, le Statut de Rome contient un ensemble novateur de dispositions sur les droits des victimes, qui permet à ces dernières à la fois de participer aux procédures et de demander réparation, a-t-il également souligné. 

Le représentant a considéré que l’universalité du Statut de Rome reste essentielle pour surmonter l’impression de sélectivité.  Je suis heureux de rappeler non seulement que tous les pays d’Amérique du Sud sont parties au Statut de Rome, mais aussi que ces pays représentent le deuxième groupe régional parmi les États parties, derrière le Groupe des États d’Afrique.  Pour M. Costa Filho, les relations entre la CPI et les Nations Unies doivent encore être améliorées, l’Organisation devant assumer de plus grandes responsabilités pour fournir à la CPI des moyens adaptés à l’exécution de ses mandats.  À cet égard, il a demandé que le coût des saisines de la Cour par le Conseil de sécurité soient pris en charge, au moins partiellement, par le budget de l’ONU.  Le financement par l’ONU des saisines renforcerait la crédibilité de la Cour et de l’Organisation, la situation actuelle n’étant de ce point de vue ni juste ni viable, a prévenu le représentant. 

M. JHON GUERRA SANSONETTI (Venezuela) a rappelé que la Cour pénale internationale (CPI) est un tribunal de dernier ressort et que les autorités nationales ont la responsabilité principale de l’enquête et de l’instruction des crimes prévus par le Statut de Rome.  Le représentant a déclaré qu’il avait saisi la CPI des mesures coercitives unilatérales imposées principalement par les États-Unis.  Ces mesures, a-t-il accusé, contreviennent au droit international qui protège les États des ingérences étrangères et représentent une « calamité » pour la population vénézuélienne, ayant beaucoup accru le taux de mortalité chez les enfants comme chez les adultes, et enfreint son droit à l’alimentation, à la santé et à l’éducation.  Il a vu dans ces mesures d’une échelle sans précédent « une attaque généralisée et systématique contre la population civile » qui s’apparente à l’un des délits internationaux prévus par le Statut de Rome, le « crime d’extermination », inscrit dans l’Article 7 (b) dudit Statut.

Par ailleurs, le représentant a condamné les mesures unilatérales coercitives imposées par le Gouvernement des États Unis contre la Cour et ses membres, qu’il considère comme une grave attaque contre le multilatéralisme et l’indépendance du pouvoir judiciaire international.  De même, il a rejeté l’ouverture d’un examen préliminaire par le Procureur de la Cour contre le Président du Venezuela à la demande d’un groupe de pays qui a demandé à plusieurs reprises la destitution du Président constitutionnel en raison d’une série de violations systématiques des droits de l’homme durant les violentes manifestations de l’opposition en 2017.  « Nous considérons que cet examen représente une diatribe juridique qui aboutit à la négation du travail d’enquête des tribunaux nationaux », a-t-il déclaré.  Néanmoins, le Venezuela réaffirme son engagement à collaborer avec la Cour pour apporter toutes les informations nécessaires.

Le représentant du Luxembourg a déclaré que la CPI, première cour pénale internationale permanente, représente l’une des avancées les plus importantes dans la justice pénale internationale et la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves: le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression.  La CPI constitue un des principaux piliers de notre système multilatéral fondé sur des règles et l’état de droit.  Or cet ordre mondial, dont la Cour représente une composante cruciale, est mis à rude épreuve.  Le représentant s’est dit profondément préoccupé par les sanctions contre la Procureure de la CPI et un membre de son bureau, ces mesures risquant de mettre en cause l’indépendance de la Cour et de compliquer son travail 

Le représentant a souligné, une fois de plus, son soutien indéfectible à la CPI, qualifiant les attaques contre l’indépendance de la Cour d’« attaques contre le système multilatéral basé sur le respect des règles ».  Il a répété que le Luxembourg soutient l’action indispensable de la CPI pour mettre fin à l’impunité et rendre justice aux victimes des crimes les plus graves à portée internationale.  La lutte contre l’impunité, a insisté le représentant, n’est pas seulement une question de justice et de responsabilité, mais aussi un élément indispensable à la reconstruction sociale et politique d’un pays postconflit.  En tant qu’État partie au Statut de Rome, le Luxembourg continuera à s’engager pour la promotion universelle du Statut de Rome, a-t-il assuré. 

M. ALBERTO ESTEBAN CABALLERO GENNARI (Paraguay) a appelé au renforcement du principe d’indépendance et d’impartialité judiciaire de la CPI, qui est un des piliers de l’état de droit aux niveaux national et international. Partant, le travail de ses magistrats ne doit souffrir aucune obstruction car il est fondamental tant pour juger des individus ayant commis les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale, que pour le fonctionnement efficace de la CPI. Le délégué a lancé un appel à tous les États, indépendamment du fait qu’ils soient parties au Statut de Rome, ou à ses amendements, ainsi qu’à tous les acteurs de la communauté internationale, à coopérer avec la Cour pour garantir son indépendance et impartialité, faciliter ses enquêtes et exécuter ses décisions visant au jugement des accusés. Il a aussi salué le travail des organisations non gouvernementales, de la société civile et du monde universitaire pour sensibiliser aux vertus du système de justice multilatéral. 

Mme KAREN VAN VLIERBERGE (Belgique) s’est alignée sur la déclaration de l’Union européenne, sa délégation se joignant également aux déclarations qui ont été prononcées respectivement par l’Allemagne et le Liechtenstein au nom de plusieurs États parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  La Belgique exprime à nouveau son soutien ferme et indéfectible à la CPI, pilier de la lutte contre l’impunité et, de façon plus générale, de l’état de droit, a-t-elle ajouté, avançant qu’un tel soutien doit être d’autant plus réitéré que la Cour est menacée.  Est-il encore nécessaire de rappeler que sa mission première est de rendre justice aux victimes des crimes les plus atroces qui méritent que leur condition soit reconnue et leurs dommages, autant que possible, réparés, a ensuite demandé Mme Van Vlierberge.  Cette mission vient en complément de l’action des juridictions pénales nationales, premières compétentes pour la poursuite des crimes graves de droit international, et, à ce titre, « elle devrait nous rassembler tous et non nous diviser ». 

Déplorant l’application de sanctions à l’encontre de la Cour et plus particulièrement à l’encontre du Procureur et des membres de son Bureau, ainsi que la poursuite des menaces de la part des autorités américaines, la représentante a estimé que « ces attaques entravent le bon fonctionnement de la Cour, mettent à mal son intégrité et menacent son indépendance ».  « S’attaquer à la Cour pénale internationale, c’est s’attaquer à nos valeurs et à nos intérêts essentiels, et cela est inacceptable », a-t-elle résumé.  

Mme Van Vlierberge a conclu son intervention en assurant, qu’avec ses partenaires, la Belgique se tenait prête à réagir et venir en aide à la Cour afin de contrer les effets de ces mesures de façon concrète et pratique.  Elle a appelé les États-Unis à revenir sur celles-ci.

Mme MARY ELIZABETH FLORES (Honduras) a souligné que la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) ne s’applique qu’aux États qui, de façon explicite ou tacite, se sont soumis à sa juridiction obligatoire.  Elle a ainsi émis une réserve sur le paragraphe de la déclaration faite aujourd’hui au nom de 67 États parties, « qui stigmatise ouvertement un État qui n’est pas partie au Statut de Rome ».  Outre les États-Unis, a-t-elle argué, plusieurs autres États exercent « jalousement » leurs compétences souveraines par rapport aux traités auxquels ils ne sont pas parties, y compris le Statut de Rome, et il importe de respecter cette position tant qu’ils n’y ont pas souscrit, ni autorisé la CPI à exercer sa compétence sur leur territoire.  Parmi ces États, il y a trois membres permanents du Conseil de sécurité, a noté le Honduras.  

M. LUIS UGARELLI (Pérou) a déclaré que dans un contexte marqué par les conflits et les urgences humanitaires, la Cour pénale a besoin, en tant que première et seule cour pénale internationale permanente au monde, du ferme soutien de la communauté internationale et de la coopération déterminée des États parties.  Les institutions et la légitimité de la Cour doivent être renforcées.  Il est impératif d’éviter que les normes établies par le Statut de Rome ne soient pas sapées, a plaidé le représentant, indiquant que son pays s’est associé à la déclaration commune prononcée par l’Allemagne.  

Il a également dit avoir pris note des progrès judiciaires importants réalisés par la Cour dans des circonstances sans précédent.  Il a réitéré l’importance qu’il y a à financer correctement la Cour.  Il faut chercher les moyens d’assurer un financement prévisible qui permette à la Cour d’examiner adéquatement toutes les affaires dont elle est saisie.  C’est un aspect essentiel de la promotion de la justice, a plaidé le représentant.  

Il a aussi dit qu’obtenir la nomination d’un nouveau procureur est de la « plus haute importance » pour un fonctionnement normal de la Cour.  Il a exprimé la disposition de son pays à parvenir à un consensus sur le candidat.  La nomination d’un nouveau procureur, a-t-il insisté, requiert notre unité pour identifier un fonctionnaire doté d’une expérience marquée et ayant des antécédents reconnus dans la défense du système du Statut de Rome et de son efficacité, a conclu le représentant. 

Estimant que la CPI n’a pas été à la hauteur de certains de ses idéaux fondamentaux, M. MAJED S. F. BAMYA de l’État de Palestine, a reproché à la Cour d’appliquer aujourd’hui une justice « sélective », en fonction du lieu où ont été commis les crimes.  Faire fonctionner une cour universelle permanente est un chemin difficile et semé d’embûches, a-t-il averti, appelant les États parties à redoubler d’efforts pour la voir réussir son mandat.  Non seulement les États-Unis ont critiqué cette Cour, mais ils l’ont dissuadée de poursuivre son mandat, s’est insurgé le délégué.  Jugeant cette situation « pathétique », il a regretté de voir les juges « attaqués » et les criminels de guerre « protégés ».  Les sanctions à l’égard de la CPI s’apparentent à un « déni de justice » pour la Palestine, alors que les Palestiniens sont victimes de « crimes récurrents » et que les auteurs de ces crimes contre le peuple palestinien ne sont pas inquiétés.  La Palestine a appelé les États parties à opposer un « front uni » à cette situation, et à ce que la justice soit rendue quelle que soit l’origine géographique des auteurs et des victimes.

Explications de position

Les États-Unis se sont opposés à toute tentative d’imposer la compétence de la CPI à des États non parties au Statut de Rome, dont eux-mêmes et Israël.  Nous entendons, ont-ils martelé, protéger notre personnel des poursuites « illicites et injustes » de la CPI.  Les États-Unis ont souligné leur détermination à exercer leur propre compétence juridictionnelle.  La conduite de la CPI, sa faiblesse institutionnelle et son mépris pour la souveraineté des États non parties au Statut de Rome, nous font penser qu’un changement est nécessaire, y compris par le biais d’un amendement au Statut de Rome, ont estimé les États-Unis.  Confessant avoir entendu les déclarations de certains délégués « avec tristesse », ils ont rappelé qu’ils sont à la pointe de la lutte contre l’impunité.  Nous demandons tout simplement le respect de notre position: la CPI n’a pas compétence pour juger des ressortissants américains. 

La Fédération de Russie s’est aussi dissociée du consensus sur la résolution, en raison de la politique du deux poids deux mesures qui caractérise une Cour qu’elle ne reconnaît par ailleurs pas.  Cette Cour, a-t-elle estimé, connaît de nombreux dysfonctionnements: les personnes qui prétendent travailler sur les situations ne connaissent absolument rien des réalités.  La Fédération de Russie a décrit un climat de peur, de terreur et de violence, y compris au Bureau de la Procureure.  Il semble même que les juges participent rarement à la rédaction de leurs arrêts, laissant cette tâche à des « simples collaborateurs ». 

On a l’impression, a avoué la Fédération de Russie, que la CPI ne rend pas justice, privilégiant les actions politiquement motivées.  Nous en voulons pour preuve, a-t-elle dit, la manière dont la CPI s’est saisie de la situation au Soudan du Sud et au Myanmar, sans oublier la manière « infondée » dont elle veut étendre sa compétence à des États non parties au Statut de Rome, tout en s’abstenant d’enquêter sur tous les crimes commis en Iraq ou en Afghanistan.  C’est une attitude, a diagnostiqué la Fédération de Russie, qu’il faut attribuer aux pressions politiques exercées par les États-Unis. 

Le Fédération de Russie a rappelé qu’elle a été l’une des initiatrices du Tribunal de Nuremberg et à sa contribution « inestimable » à la justice de l’après-guerre.  Les institutions actuelles ne remplissent pas ce rôle, a-t-elle poursuivi, affirmant qu’elles sont au contraire devenues des « outils de pression à géométrie variable ».  Nous voyons des États saluer le travail de la CPI, sans jamais tenir compte de ses dysfonctionnements.  Nous voyons même des pays déplorer les sanctions imposées par les États-Unis à la CPI, en oubliant qu’eux-mêmes imposent des sanctions similaires à des individus et des États, sans jamais s’interroger sur le bien-fondé de leurs décisions.  Nous demandons aux délégations de se concentrer sur les crimes commis dans le Donbass et ceux commis par Mikheil Saakachvili en Ukraine, a conclu la Fédération de Russie.  

Israël s’est à son tour dissocié de la résolution.  Il s’est attardé sur les problèmes de gestion interne de la Cour, sa jurisprudence « incohérente » et sa culture interne.  Il a noté un écart « regrettable » entre les attentes et la manière dont la Cour s’acquitte de sa mission.  Cette Cour connaît des problèmes de légitimité qui pourraient nuire à sa mission, a prévenu Israël. 

Droits de réponse

Répondant au Myanmar, le Bangladesh a nié l’existence d’éléments terroristes sur son territoire.  Nous pratiquons la tolérance zéro face au terrorisme, a-t-il dit, en rappelant ses grands succès dans la lutte antiterroriste.  Il a rappelé l’attachement de son pays au Statut de Rome et rappelé que la solution au problème des Rohingya, né au Myanmar, est entre les mains de ce pays.  Aucun Rohingya n’a voulu rentrer au Myanmar car les conditions ne sont pas réunies, a dit le Bangladesh, en invitant ledit Myanmar à rendre justice aux victimes rohingya et à coopérer avec le Bureau du Procureur de la CPI. 

La situation humanitaire dans l’État rakhine s’expliquait par les attaques des groupes terroristes contre nos forces armées, a répété le Myanmar qui a rappelé l’accord bilatéral passé avec le Bangladesh en 2017 concernant le rapatriement des réfugiés.  Nous sommes prêts à accueillir les populations, a affirmé le Myanmar, en rappelant aussi l’accord trilatéral passé avec le Haut-Commissariat des Nations unis pour les réfugiés (HCR) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Nous sommes donc déçus, a-t-il dit, de l’approche choisie par le Bangladesh qui, « au lieu de régler les problèmes à l’amiable », chercher systématiquement à convaincre la communauté internationale de nous imposer des sanctions.  Cela ne peut contribuer en rien à régler le problème de manière pacifique et durable.  Exercer des pressions sur nous ne résoudra pas les problèmes, a prévenu le Myanmar. 

RAPPORT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

L’Assemblée générale était saisie du Rapport de la CIJ (A/75/4) et de celui du Secrétaire général (A/75/313).

Déclarations liminaires

Le Président de l’Assemblée générale, M. VOLKAN BOZKIR, a reconnu le rôle important que la Cour internationale de Justice (CIJ) a joué, notamment par sa contribution au maintien de la paix et de la sécurité internationales.  La Cour est le seul organe principal des Nations Unies qui ne soit pas basé à New York, mais la distance physique entre l’Assemblée générale et la Cour a été surmontée, grâce à de solides échanges au fil des ans, y compris le rapport de la CIJ qui est soumis à l’Assemblée depuis 1968.  Le Président a salué le fonctionnement continu de la Cour tout au long de la pandémie de COVID-19, garantissant la continuité de ses mandats et l’exercice de ses fonctions judiciaires.

Le respect des décisions, jugements et avis consultatifs de la Cour est essentiel pour faire respecter la Charte et le droit international, a dit M. Bozkir.  Actuellement, 74 États ont fait une déclaration acceptant la compétence de la Cour comme obligatoire.  Par ses résolutions, a-t-il rappelé, l’Assemblée a encouragé à plusieurs reprises les États qui ne l’ont pas encore fait à envisager d’accepter la compétence de la Cour conformément à son Statut.  L’impact de la Cour sur le développement progressif du droit international ne peut être sous-estimé, en particulier par ses efforts pour développer une meilleure compréhension des règles et principes à différents niveaux.

Cette année, a souligné le Président, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité éliront cinq juges à la Cour.  « Il est important que, malgré les défis auxquels nous sommes encore confrontés concernant les réunions en personne ici à New York, nous trouvions des solutions pour que les élections ne soient pas retardées.  En tant que Président de l’Assemblée générale, je collabore à cette fin avec le Conseil de sécurité et le Secrétariat », a-t-il assuré.  Le renforcement du rôle du multilatéralisme est une priorité pour moi à cette session, a ajouté M. Bozkir, et l’ordre juridique international sous-tend le système multilatéral.  Par conséquent, il s’est engagé à soutenir fermement la Cour.

M. ABDULQAWI AHMED YUSUF, Président de la Cour internationale de Justice (CIJ), a indiqué que depuis le 1er août 2019, le rôle de la Cour est demeuré très chargé.  Actuellement, 15 affaires contentieuses impliquant des États de toutes les régions du monde et portant sur un large éventail de sujets sont pendantes.  Les contentieux portent notamment sur la délimitation maritime, les relations diplomatiques, les réparations pour des violations de l’interdiction du recours à la force et des violations alléguées de traités bilatéraux et multilatéraux concernant, entre autres, l’élimination de la discrimination raciale, la prévention du génocide et la répression du financement du terrorisme. 

Par ailleurs, en mars 2020, la Cour, comme les autres organes de l’Organisation des Nations Unies, a soudainement dû composer avec les restrictions découlant de la pandémie de COVID-19.  Elle a réagi très promptement en adaptant sans délai ses méthodes de travail.  Elle a commencé à tenir régulièrement des réunions à distance afin de garder le cap, puis a apporté des changements spécifiques à son Règlement afin d’inscrire dans un cadre plus clair ce passage à une salle d’audience hybride, qui permet une participation à la fois virtuelle et présentielle.  

Le 22 juin 2020, la Cour a ainsi amendé l’article 59 de son Règlement en lui ajoutant un nouveau paragraphe qui précise que, lorsque des raisons sanitaires, des motifs de sécurité ou d’autres motifs impérieux l’exigent, elle peut décider de tenir tout ou partie de ses audiences par liaison vidéo.  Pour respecter l’Article 46 du Statut et l’article 59 du Règlement de la Cour, ces audiences par liaison vidéo restent accessibles au public puisque diffusées sur Internet.  

La Cour a également modifié le paragraphe 2 de l’article 94 de son Règlement afin de se ménager clairement la possibilité de procéder à la lecture de sa décision dans une affaire, par liaison vidéo, lorsque des raisons sanitaires, des motifs de sécurité ou d’autres motifs impérieux l’exigent.  Pendant la période considérée, la Cour a tenu des audiences dans cinq affaires, rendu quatre décisions judiciaires, et en est actuellement au stade du délibéré dans quatre autres affaires, dans lesquelles elle rendra ses arrêts avant son renouvellement triennal de février 2021. 

Ainsi, le 8 novembre 2019, la Cour a rendu son arrêt sur les exceptions préliminaires en l’affaire relative à l’Application de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine contre Fédération de Russie).  Le 14 juillet 2020, elle a rendu deux arrêts dans les affaires de l’appel concernant la compétence du Conseil de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) en vertu de l’article 84 de la Convention relative à l’aviation civile internationale (Arabie saoudite, Bahreïn, Égypte et Émirats arabes unis contre Qatar) et de l’appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI en vertu de l’article II, section 2, de l’accord de 1944 relatif au transit des services aériens internationaux (Bahreïn, Égypte et Émirats arabes unis contre Qatar).  

Enfin, le 23 janvier 2020, la Cour a rendu une ordonnance sur la demande en indication de mesures conservatoires présentée dans l’affaire relative à l’Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie contre Myanmar).  Par ailleurs quatre affaires sont en délibéré: une sur le fond, l’affaire relative aux Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale contre France), deux dans lesquelles la Cour examine des exceptions préliminaires (à savoir l’affaire relative à l’application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Qatar contre Émirats arabes unis) et l’affaire relative à des violations alléguées du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique d’Iran contre États-Unis d’Amérique), et une dernière sur la compétence qui concerne la sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (Guyana contre Venezuela). 

M. Yusuf a ensuite abordé certains développements récents concernant diverses questions.  Il a ainsi indiqué que compte tenu du succès du programme Judicial Fellows, la Cour souhaite le rendre « aussi accessible que possible » à de talentueux jeunes diplômés en droit issus de tous les pays.  La Cour souhaite aussi établir un fonds destiné à rendre ce programme plus facile d’accès aux étudiants brillants des universités du monde entier, et non pas seulement à ceux des universités richement dotées dans quelques pays développés.  À ce titre, M. Yusuf s’est félicité de ce qu’un certain nombre d’États, de tous les groupes régionaux, aient montré leur intérêt pour la création d’un tel fonds et s’emploient activement à élaborer un projet de résolution qui devrait être soumis à l’Assemblée générale au cours de la présente session.  

Le Président a aussi évoqué les relations de la Cour avec le pays hôte qu’il a assuré avoir toujours été « excellentes ».  Cependant, ces relations connaissent « quelques tensions » liées au projet de rénovation du Palais de la Paix.  Ce Palais, centenaire, a besoin de travaux de rénovation mais nous devons déplorer, a dit le Président, l’absence d’informations concrètes et adéquates sur les implications de cette rénovation sur le fonctionnement de la Cour et ses activités judiciaires.  Il a estimé que le Gouvernement néerlandais ne saurait prendre une décision sans consulter la Cour.  Les travaux devraient en effet durer huit ans. 

M. Yusuf, dont c’est le dernier discours en tant que Président de la CIJ, a déclaré que la confiance croissante que les États ont placée en la Cour ces dernières années est une profonde source de fierté.  Pour autant la force de la Cour ne tient pas seulement à la confiance placée en elle.  Elle découle également de ses règles de procédure, de ses méthodes de travail, de la qualité de sa jurisprudence et du dévouement total de ses juges.  C’est pour cette raison que, ces trois dernières années, la Cour a continué de réviser son Règlement et qu’elle a apporté des modifications à certaines dispositions.   

La Cour est prête, « aujourd’hui plus que jamais », à poursuivre son action, dans les limites dictées par son Statut.  La Cour est prête, « aujourd’hui plus que jamais », à poursuivre son action, dans les limites dictées par son Statut.  Mais, l’une des règles fondamentales de ce Statut, c’est l’acceptation par les États de sa compétence, a rappelé le Président qui a ajouté que cette acceptation s’exprime le plus souvent au moyen d’une déclaration de reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour ou d’une clause compromissoire insérée dans un traité multilatéral ou bilatéral.  Mais, l’une des règles fondamentales de ce Statut, c’est l’acceptation par les États de sa compétence, a rappelé le Président, qui a ajouté que cette acceptation s’exprime le plus souvent au moyen d’une déclaration de reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour ou d’une clause compromissoire insérée dans un traité multilatéral ou bilatéral.  Le Président a donc demandé à l’Assemblée générale d’user, une fois encore, de son autorité pour recommander l’insertion de ces clauses compromissoires, en particulier dans les traités multilatéraux.  Pareilles clauses faciliteraient le règlement pacifique des différends et renforceraient la place centrale de l’état de droit dans l’ordre multilatéral, a conclu le Président.  

Déclarations

Au nom du Groupe de Visegrad, Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a estimé que, parmi les affaires traitées par la CIJ sur les différends territoriaux et maritimes, celles requérant une attention particulière portent en premier lieu de violations des droits de l’homme.  Elle a expliqué qu’en l’absence d’une cour internationale chargée d’examiner les différends liés aux instruments des droits de l’homme, le recours à la CIJ, organe judiciaire véritablement universel, s’impose naturellement.  Il revient à la Cour de donner aux parties une interprétation adéquate des dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ou de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.  La représentante a conclu en rappelant l’obligation faite aux parties à un conflit d’accepter en toute bonne foi les décisions de la CIJ, et ce, pour maintenir la norme juridique du règlement pacifique des différends internationaux.  

La représentante de l’Australie, au nom également du Canada et de la Nouvelle-Zélande, a déclaré qu’alors que l’ONU célèbre son soixante-quinzième anniversaire, il convient de se rappeler que l’ordre international fondé sur des règles constitue « notre meilleur espoir » d’instaurer la paix et la sécurité.  Ces trois pays ont soutenu l’initiative visant à la création d’un fonds spécial pour le programme relatif aux Judicial Fellows de la CIJ, qui permet à des boursiers d’acquérir une expérience professionnelle à la Cour, favorisant la diversité géographique et linguistique des praticiens du droit.  La représentante a indiqué que ces trois pays acceptent la juridiction obligatoire de la CIJ, témoignant de la confiance qu’ils lui accordent.  Selon eux, cette acceptation par d’autres États réduira les problèmes de compétence et permettra à l’institution de se pencher plus rapidement sur le fond des litiges.  Elle a en outre attendu la contribution des juges que l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité nommeront ou renommeront à la CIJ plus tard cette année.  Enfin, la représentante a salué la résilience de la Cour et sa capacité à limiter les perturbations en adoptant des mesures pour contenir la propagation du virus, et pour préserver la santé et le bien-être des juges et de son personnel, tout en assurant la continuité des activités dans le cadre de son mandat. 

M. JOSÉ LUIS FIALHO ROCHA (Cabo Verde), au nom de la Communauté des pays de langue portugaise, a dit que la Communauté est gouvernée par les principes démocratiques et de l’état de droit, avant de marquer son accord avec la déclaration du Président de la CIJ.  Il a loué le rôle important joué par la CIJ et noté son caractère universel.  La Cour promeut l’état de droit et a contribué de manière remarquable à la clarification du droit international.  Le représentant a salué la large adhésion des États aux décisions de la Cour, ce qui souligne son acceptation par la communauté internationale.  Il a également noté la vaste diversité géographique des affaires soumises à la CIJ et salué la prise en compte par la Cour des décisions rendues par d’autres organes juridiques internationaux.  La Cour continuera de relever les défis et de satisfaire les attentes placées en elle, a assuré le délégué, en lui marquant sa reconnaissance.

Au nom de la Finlande, de l’Islande, de la Norvège et de la Suède, M. RASMUS JARAK NEXØ JENSEN (Danemark) a estimé que le grand nombre d’affaires soumises à la CIJ prouve la confiance en cette institution.  Il a plus particulièrement mentionné l’affaire Gambie c. Myanmar au sujet de l’application de la Convention sur la prévention et la prévention du crime de génocide, sur laquelle elle a pris des mesures provisoires le 23 janvier.  Le Danemark a estimé que cette affaire offre à la Cour l’occasion de développer sa jurisprudence sur les obligations erga omnes et erga omnes partes.  La CIJ est au cœur de l’ordre international fondé sur des règles, un rôle qui n’a jamais été aussi important qu’en ce moment où le multilatéralisme doit relever de nouveaux défis.  

Le représentant a dit attendre l’élection de cinq nouveaux juges et a encouragé tous les États à voter, en se fondant sur le mérite et le respect de l’équilibre entre les sexes, et la représentation de tous les systèmes juridiques, des cultures et des langues du monde.  Il a mis en avant l’intérêt accordé par la Cour aux jeunes qui jouent un rôle vital dans la promotion de l’état de droit dans les pays développés et en développement. 

Au nom du Mouvement des pays non alignés, M. TOFIG MUSAYEV (Azerbaïdjan) a insisté sur le rôle de la CIJ en tant qu’institution chargée d’incarner le règlement pacifique des différends internationaux.  Notant que le Conseil de sécurité n’a pas demandé d’avis consultatif à la Cour, le représentant a attiré l’attention sur cet aspect du travail de la Cour, interprète du droit international.  Il a aussi invité l’Assemblée générale et les autres organes des Nations Unies à solliciter les avis consultatifs à la Cour.  Il a enfin de nouveau demandé à Israël, Puissance occupante, de respecter pleinement l’avis consultatif du 9 juillet 2004 de la Cour internationale de Justice sur les conséquences juridiques de l’édification du mur dans le territoire palestinien occupé.

M. PEDRO LUIS PEDROSO Cuesta (Cuba) a réitéré l’attachement de son pays à l’application « stricte » du droit international et au travail de la Cour, essentiel pour le développement du droit international.  Elle a donc regretté le non-respect des avis et décisions de la Cour par certains États, tout en reconnaissant les « imperfections » de ses mécanismes et ses liens avec le Conseil de sécurité qui pénalisent particulièrement les pays en voie de développement.  Le représentant a insisté sur l’importance des avis consultatifs et s’est félicité de la publication des ressources de la Cour en ligne, ce qui est « précieux » pour des pays en développement auxquels manquent les informations juridiques.

Le représentante a indiqué que son pays tient tout particulièrement aux décisions de la Cour sur la licéité des armes nucléaires et sur la construction du mur de séparation dans le territoire palestinien occupé. Il a conclu en réclamant l’application du droit international au litige entre la Cour et le pays hôte et en plaidant pour que la Cour soit dotée des ressources nécessaires à la bonne exécution de son mandat.

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