Soixante-quinzième session,
19e séance – après-midi
AG/J/3631

La Sixième Commission termine les travaux de fond de son « extraordinaire » soixante-quinzième session en adoptant sans vote 20 projets de texte

Au terme de sa soixante-quinzième session, entamée le 6 octobre dernier et rendue « extraordinaire » par les circonstances difficiles imposées par la pandémie de COVID-19, comme l’a reconnu son Président, la Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a adopté cet après-midi, sans vote, dans l’esprit de consensus qui prévaut en son sein, 19 projets de résolution et un projet de décision. 

Les quelques délégations qui se sont exprimées n’ont pas fait mystère des nombreux problèmes liés à la pandémie qu’elles ont rencontrés lors de leurs discussions.  La Commission a, en outre, approuvé le programme de travail provisoire de sa prochaine session, qui devrait se tenir du 4 octobre au 18 novembre 2021.  Le Président de la Commission, M. Milenko Skoknic, du Chili, a espéré que le déroulement de la prochaine session sera « plus ou moins normal ».

Après plus de six semaines de débats, et comme il est de coutume, la Commission transmet à l’Assemblée générale une série de textes portant sur des questions aussi variées que les crimes contre l’humanité, l’expulsion des étrangers, le principe de compétence universelle ou bien encore les mesures visant à éliminer le terrorisme international. 

Fait marquant, l’Assemblée générale ayant déjà décidé que la soixante-douzième session de la Commission du droit international (CDI) serait reportée à une date ultérieure pour cause de pandémie, le débat annuel à ce sujet n’a pas eu lieu.  La Sixième Commission recommande donc à l’Assemblée de prendre note des rapports présentés oralement sur les activités de la CDI par le Président désigné et, « une fois de plus », du rapport de sa session précédente.  Soit une « reconduction technique », comme l’a expliqué la Colombie en présentant le projet de résolution sur la CDI (A/C.6/75/L.12).

Dans le projet de résolution intitulé « Responsabilité pénale des fonctionnaires et des experts en mission des Nations Unies » (A/C.6/75/L.9), l’Assemblée générale prierait « instamment » le Secrétaire général de veiller à ce que sa politique de tolérance zéro à l’égard des comportements criminels tels que l’exploitation et les atteintes sexuelles, la fraude et la corruption soit « pleinement appliquée, de manière cohérente et concertée ».

La Commission a ensuite adopté un projet de résolution sur le rapport de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) sur les travaux de sa cinquante-troisième session (A/C.6/75/L.17), présenté par l’Autriche, par lequel l’Assemblée se féliciterait de l’entrée en vigueur le 12 septembre 2020 de la Convention des Nations Unies sur les accords de règlement internationaux issus de la médiation, dite Convention de Singapour.  Elle saluerait également l’achèvement du Guide juridique sur les instruments de droit uniforme dans le domaine des contrats commerciaux internationaux établi par le secrétariat de la CNUDCI, en coordination avec la Conférence de La Haye de droit international privé et l’Institut international pour l’unification du droit privé.

Dans un autre texte consacré au Programme d’assistance des Nations Unies aux fins de l’enseignement, de l’étude, de la diffusion et d’une compréhension plus large du droit international (A/C.6/75/L.10), l’Assemblée générale approuverait les directives du Secrétaire général visant à renforcer ledit Programme et l’autoriserait à exécuter en 2021 certaines activités qui seront financées au moyen du budget ordinaire.

Dans le projet de résolution intitulé « Crimes contre l’humanité » (A/C.6/75/L.20), introduit par la Géorgie, l’Assemblée prendrait note du projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité présenté par la Commission du droit international (CDI) et relèverait la recommandation de cette dernière d’élaborer une convention sur ledit projet. 

La possibilité de l’élaboration d’une convention est également mentionnée dans le projet de résolution intitulé « Expulsion des étrangers », présenté par le Honduras (A/C.6/75/L.18).  Avec ce texte, l’Assemblée générale prendrait note de la recommandation de la CDI d’élaborer un tel instrument sur la base de son projet d’articles et déciderait d’inscrire à l’ordre du jour provisoire de sa soixante-dix-huitième session cette question afin d’examiner « la forme » que pourraient prendre les articles.

Par le projet de résolution sur l’état des Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949 relatifs à la protection des victimes des conflits armés (A/C.6/75/L.11), présenté par la Suède, l’Assemblée se féliciterait de l’acceptation universelle des Conventions de Genève et engagerait tous les États parties qui ne l’ont pas encore fait à envisager d’adhérer dès que possible aux Protocoles additionnels. 

La sixième Commission a ensuite adopté un projet de résolution sur l’examen de mesures propres à renforcer la protection et la sécurité des missions et des représentants diplomatiques et consulaires (A/C.6/75/L.16).  Par ce projet, introduit par le Finlande, l’Assemblée condamnerait « énergiquement » tous les actes de violence visant ces missions et représentants et prierait instamment les États de se conformer strictement aux règles applicables du droit international régissant la protection et l’inviolabilité des locaux de ces missions. 

Aux termes du texte consacré au rapport du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation (A/C.6/75/L.3), l’Assemblée générale prendrait acte dudit rapport et déciderait que le Comité spécial tiendra sa prochaine session du 16 au 24 février 2021.  S’agissant de l’état de droit aux niveaux national et international (A/C.6/75/L.4), l’Assemblée réaffirmerait qu’il est impératif de faire respecter et de promouvoir l’état de droit au niveau international conformément aux principes consacrés par la Charte des Nations Unies. 

Par le projet de résolution intitulé « Portée et application du principe de compétence universelle » (A/C.6/75/L.13), présenté par le Ghana, l’Assemblée générale, ayant à l’esprit la diversité des points de vue exprimés par les États, notamment « les préoccupations formulées concernant l’application abusive ou impropre du principe de compétence universelle », déciderait que la Sixième Commission continuerait d’examiner ce point et inscrirait cette question à l’ordre du jour provisoire de sa prochaine session. 

En ce qui concerne la responsabilité des organisations internationales (A/C.6/75/L.19), l’Assemblée générale, par un texte défendu par le Brésil, prendrait note « une nouvelle fois » des articles de la CDI sur le sujet et les recommanderait à l’attention des gouvernements et des organisations internationales, « sans que cela préjuge de leur adoption éventuelle ou de toute autre mesure appropriée qui pourrait être prise ». 

Avec le texte sur le renforcement et la promotion du régime conventionnel international (A/C.6/75/L.15), introduit par Singapour, l’Assemblée générale réaffirmerait l’importance d’enregistrer et de publier les traités et de les rendre accessibles et soulignerait que le règlement destiné à mettre en application l’Article 102 de la Charte sur ce sujet doit être « utile et adapté aux États Membres ».  L’Assemblée engagerait en outre le Secrétaire général à mettre au point un système d’enregistrement des traités en ligne afin de faciliter le dépôt aux fins de leur enregistrement, en complément des moyens existants, à savoir la forme électronique ou le support papier.

Dans son projet de résolution sur les mesures visant à éliminer le terrorisme international (A/C.6/75/L.14), présenté par le Canada, l’Assemblée se déclarerait gravement préoccupée par la « menace terrible et grandissante » que représentent les combattants terroristes étrangers et appellerait les États à s’attaquer à ce problème.  Elle réaffirmerait en outre que les mesures prises par les États pour lutter contre le terrorisme doivent respecter les principes de la Charte et le droit international.

La Commission a ensuite adopté le projet de résolution relatif au rapport du Comité des relations avec le pays hôte (A/C.6/75/L.2).  L’Assemblée générale y ferait siennes les recommandations et conclusions du Comité et prendrait « au sérieux » le nombre croissant des inquiétudes exprimées par les missions permanentes en ce qui concerne l’exercice normal de leurs fonctions.  Elle prierait le pays hôte de lever toutes les restrictions aux déplacements qu’il continue d’imposer au personnel de certaines missions et aux fonctionnaires du Secrétariat ayant la nationalité de certains pays, notamment les restrictions aux déplacements « plus rigoureuses » imposées aux représentants permanents et aux représentants en visite de deux missions.  L’Assemblée attendrait enfin du pays hôte qu’il délivre rapidement des visas d’entrée aux représentants des États Membres et aux membres du Secrétariat, conformément à l’Accord de Siège. 

De plus, la Commission a adopté des projets de résolution par lesquels l’Assemblée générale octroierait le statut d’observateur à la Station d’accueil de l’initiative des petits États insulaires en développement (SIDS DOCK) (A/C.6/75/L.5), à l’Institut de coopération économique régionale pour l’Asie centrale (A/C.6/75/L.6), à l’Organisation asiatique de coopération forestière (A/C.6/75/L.7) et à l’Alliance mondiale des terres arides (A/C.6/75/L.8).

Elle a par ailleurs décidé de renvoyer l’examen du point sur la protection des personnes en cas de catastrophe à sa prochaine session.  Elle a également décidé de reporter sa décision concernant l’octroi du statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale à huit organisations intergouvernementales: Conseil de coopération des États de langue turcique; Union économique eurasiatique; Communauté des démocraties; secrétariat de la Convention de Ramsar sur les zones humides; Fonds pour l’environnement mondial; Organisation internationale des employeurs; Confédération syndicale internationale; et Forum de Boao pour l’Asie.

En fin de séance, la Commission a adopté, au titre de la revitalisation des travaux de l’Assemblée générale et sous forme de projet de décision (A/C.6/75/L.21), le programme de travail provisoire de sa soixante-seizième session.

DÉCISIONS CONCERNANT LES PROJETS DE RÉSOLUTION

Explications de position

Crimes contre l’humanité (A/C.6/75/L.20)

Le Mexique, au nom d’un groupe de pays, a déploré que le texte ne soit qu’une « reconduction technique », alors que des propositions avaient été faites.  Le texte actuel donne l’impression que la Commission du droit international (CDI) n’a pas discuté dans le fond de la question du crime contre l’humanité, ce qui est faux.  Il a mis en garde contre le risque de débattre éternellement du sujet, alors qu’il serait possible de parvenir à un résultat sur la base des recommandations de la CDI. 

État des Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949 relatifs à la protection des victimes des conflits armés (A/C.6/75/L.11)

Les Philippines ont refusé d’adhérer au consensus sur toute référence à la Cour pénale internationale (CPI) et au Statut de Rome, dont elles se sont retirées en 2019.  Elles ont dénoncé la politisation des droits de l’homme.

L’état de droit aux niveaux national et international (A/C.6/75/L.4)

La République arabe syrienne a tenu à se dissocier de la mention faite, dans le rapport du Secrétaire général sur l’état de droit, du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011.  La Syrie nourrit en effet des graves doutes sur la licéité de ce mécanisme, a dit la délégation.

Renforcement et promotion du régime conventionnel international (A/C.6/75/L.15)

La délégation de l’Espagne a rappelé que son pays a fait, lors des négociations, une proposition permettant d’améliorer les délais d’enregistrement des traités, en ouvrant la possibilité de se servir de traductions faites à titre gracieux dans l’une des six langues officielles de l’ONU.  Il n’y a pas eu de consensus sur cette proposition, qui aurait pourtant permis de fortifier le multilinguisme, a-t-elle constaté.  La raison qui a fait échouer cette proposition est la préférence donnée à une autre hypothèse, celle de demander davantage de ressources pour ces enregistrements.  L’Espagne continuera de faire des propositions sur le fondement des « forces » de l’ONU, dont fait partie le multilinguisme.

La délégation de l’Égypte a expliqué s’être ralliée au consensus, en dépit du manque d’ouverture dont ont fait preuve les coauteurs du projet de résolution.  L’Égypte avait fait des propositions, mais ces dernières ont été rejetées, a-t-elle déploré, avant de s’interroger sur le manque « d’objectivité » des coauteurs face à des propositions qui ne cherchaient qu’à défendre l’état de droit, un des objectifs de la Sixième Commission.

À son tour, la Turquie a regretté que la délégation auteur du projet n’ait pas fait preuve d’ouverture et se soit montrée « accusatoire » sans être objective et constructive.

Revitalisation des travaux de l’Assemblée générale (A/C.6/75/L.21)

L’Australie a jugé que cette session a montré à quel point il était possible d’être « efficace », en limitant le temps consacré aux débats.  La délégation encourage la Commission et son Bureau à poursuivre sur cette voie.  Elle a également jugé important que les délégations mettent à disposition leurs déclarations écrites par voie électronique, de manière à ce que la pratique des États soit mieux documentée, et que ces déclarations soient mieux citées et prises en compte, y compris par la Commission du droit international (CDI), qui fait régulièrement référence à ces dernières, a dit la délégation.

Le Mexique a dit son inquiétude après avoir appris que le portail PaperSmart avait été fermé.  Or, ce dernier permettait de documenter la pratique des États et formaliser l’opinio juris.  Il est donc nécessaire que le Secrétariat fasse en sorte que la CDI puisse avoir accès aux déclarations des délégations, a dit la délégation.  Elle a également plaidé en faveur d’une révision des méthodes de travail.  Avec la pandémie, le travail en ligne n’a pas été facile, justifiant une modification du Règlement intérieur de l’Assemblée générale.

La délégation de Cuba a également déploré la disparition du portail PaperSmart.  Elle a souhaité que toute modification des méthodes de travail de la Sixième Commission ou du Règlement intérieur de l’Assemblée générale fasse l’objet de discussions préalables.

La délégation du Canada a souscrit à la déclaration du Mexique s’agissant de la capacité de la Commission à répondre aux défis du XXIe siècle.

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