Soixante-quinzième session,
Dialogue virtuel – matin
AG/SHC/4294

Troisième Commission : Michelle Bachelet engage les États Membres à « reconstruire en mieux » en privilégiant les droits de l’homme

La Haute-Commissaire aux droits de l’homme a déclaré, ce matin, devant la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, qu’une politique fondée sur les droits de l’homme est profondément utile dans le contexte d’une pandémie, exhortant dans la foulée les États Membres à se saisir de l’occasion que représente la pandémie de COVID-19 pour « reconstruire en mieux ».

Lors de son dialogue interactif virtuel avec les délégations, Mme Michelle Bachelet a également parlé de la situation financière du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), en proie à une crise sévère de trésorerie.  Elle a notamment alerté sur le financement des organes conventionnels dont la situation « est fort préoccupante », rappelant la responsabilité des États Membres de financer les organes qu’ils ont eux-mêmes créer au risque, a-t-elle averti, de s’attendre à des résultats « catastrophiques ». 

Au préalable, Mme Bachelet s’est déclarée convaincue que « nous nous remettrons de la COVID-19 », et a engagé les États à profiter de cette opportunité pour donner la priorité aux droits de l’homme, garantir une société civile dynamique et la liberté des médias et créer des institutions plus responsables.

Nous devons promouvoir des systèmes de protection sociale complets et un accès universel aux soins de santé et à l’éducation.  Nous avons besoin de mesures ciblées pour protéger les plus vulnérables et créer davantage d’emplois verts.  Et les femmes doivent être au cœur des efforts de relèvement, car le respect des droits de la femme est essentiel pour pouvoir « reconstruire en mieux », a-t-elle notamment insisté, soulignant en outre l’importance de l’accès à un vaccin en tant que bien public mondial. 

Mme Bachelet a aussi appuyé les appels lancés en faveur d’un allégement urgent de la dette afin de donner aux pays la possibilité de respecter les droits de leurs populations, notamment en matière de santé, et défendu l’assouplissement  des  sanctions  unilatérales pour permettre aux systèmes médicaux de lutter contre la COVID-19 et de limiter la propagation mondiale de la pandémie. 

La question des sanctions a d’ailleurs mobilisé une bonne partie de son dialogue interactif avec les États Membres, la Fédération de Russie, Cuba et le Venezuela ayant notamment appelé à leur levée.  L’Érythrée a toutefois estimé que les  sanctions peuvent  parfois  servir la défense des droits de  la personne, un point de vue partagé par l’Allemagne  qui a  souligné l’importance des  sanctions, notamment contre le  « régime syrien »  responsable de  « crimes de masse ».  « Ne pas fournir un accès aux fournitures médicales est-elle un appui aux civils », surtout en cette période de pandémie, a rétorqué la République arabe syrienne. 

La Troisième Commission poursuivra ses travaux demain, jeudi 14 octobre, à partir de 10 heures. 

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

Déclaration liminaire d’un haut fonctionnaire du Secrétariat, suivie d’une séance de questions-réponses

Intervenant par visioconférence depuis le Palais Wilson, siège du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) à Genève, Mme Michelle Bachelet, Haute-Commissaire aux droits de l’homme, a présenté son dernier rapport (A/75/36) et passé en revue ses différentes actions menées dans un contexte marqué par la COVID-19.

Pour Mme Bachelet, la pandémie de COVID-19 a engendré des souffrances humaines insoutenables et fait reculer les progrès vers un développement durable et inclusif -et dans certains pays touchés par des conflits- vers la paix et la sécurité.  Dans certains pays, ces coups sérieux portés aux droits de l’homme ont été exacerbés par un durcissement des restrictions imposées aux droits politiques et civiques, à la liberté des médias, à la liberté d’expression ainsi qu’à la participation des populations aux processus de prise de décisions.

Pourtant, a-t-elle fait valoir, une politique fondée sur les droits de l’homme est profondément utile aux décideurs politiques dans le contexte d’une pandémie.  Elle en a voulu pour preuve l’expérience nationale et mondiale face aux épidémies, notamment le VIH, Zika et Ebola, qui ont démontré que les mesures de promotion des droits de l’homme permettent de mettre en place des politiques de santé publique beaucoup plus efficaces. 

Ces mesures sont, selon elle, les plus puissants moteurs de paix, de sécurité, de stabilité sociale, d’un environnement sain et du développement durable car, a-t-elle expliqué, elles constituent un filet de protection qui empêche les pires répercussions face aux chocs imprévisibles.

Mme Bachelet a indiqué que, dès le début de la pandémie de COVID-19, le HCDH a commencé à émettre des notes d’orientation détaillées à l’intention des États et des partenaires de l’ONU concernant les mesures d’urgence à prendre pour protéger l’espace civique, les femmes, les personnes détenues, les peuples autochtones, les migrants, les minorités, les personnes LGBTI ainsi que les personnes âgées ou handicapées. 

J’ai également appelé à l’assouplissement des sanctions pour permettre aux systèmes médicaux de lutter contre la COVID-19 et de limiter la propagation mondiale de la pandémie, a-t-elle indiqué.  Les exemptions humanitaires doivent permettre l’autorisation prompte et flexible pour des fournitures et équipements médicaux essentiels, a précisé la Haute-Commissaire qui a aussi demandé la « suspension » des sanctions dans des cas précis.

Poursuivant, Mme Bachelet a indiqué que les équipes « thématiques et géographiques » du HCDH ont aidé les équipes de pays de l’ONU à intégrer les priorités et les actions en matière de droits de l’homme dans les plans de réponse face à la COVID-19 dans un large éventail de pays.  Les équipes du Commissariat ont également et rapidement mis en œuvre de nouveaux systèmes de surveillance et de gestion de l’information à distance par le biais de téléphones intelligents et d’autres technologies, contribuant à assurer une plus grande visibilité de l’impact de la pandémie sur les populations laissées pour compte, ainsi qu’une assistance mieux ciblée et plus efficace. 

Au Kenya, par exemple, un partenariat a été établi avec des centres de justice sociale communautaires dans les quartiers informels de Nairobi, de Kisumu et des régions côtières afin d’évaluer rapidement l’impact de la pandémie sur les droits de l’homme, y compris l’accès à l’eau et à l’assainissement.  Dans de nombreux pays, notamment au Guatemala et en Colombie, les équipes du HCDH ont poursuivi et renforcé leur travail avec les communautés autochtones, afin de s’assurer qu’elles ne sont pas touchées de manière disproportionnée ou laissées pour compte dans le cadre de la pandémie. 

Mme Bachelet a aussi parlé de l’initiative Surge, qui a été lancée en septembre 2019 pour intensifier les conseils sur les approches fondées sur les droits de l’homme en matière de politiques et de pratiques économiques, ainsi que pour faire progresser l’accent porté par le HCDH aux droits économiques, sociaux et culturels dans le cadre du Programme 2030. 

Elle a cité, dans ce contexte, les directives élaborées au sujet du droit foncier dans le cadre de l’exploitation minière à Madagascar et l’analyse des répercussions de la COVID-19 sur les Afro-péruviens au Pérou.  À mesure que la pandémie s’accélérait, les projets liés à cette initiative étaient à la fois pertinents et rapidement adaptés pour aider les États à concevoir des mesures de réponse et de redressement efficaces et inclusives, a-t-elle commenté.  Ce travail est devenu particulièrement essentiel en Serbie où l’accès de près de 170 000 personnes, principalement des Roms vivant dans des campements non conformes, à l’eau potable, à l’électricité, au logement et à l’assainissement, a pu être cartographié pour la première fois, tandis qu’au Cambodge, les efforts du HCDH ont débouché sur la création de bases de données ventilées sur les groupes désavantagés.

Mme Bachelet a appuyé les appels lancés en faveur d’un allégement urgent de la dette afin de donner aux pays la possibilité de respecter les droits de leurs populations, notamment en matière de santé, d’alimentation et d’eau, de logement et de travail décent.  De son côté le HCDH a renforcé ses efforts pour faire progresser l’accès au droit à la protection sociale et au droit à la santé et continue de plaider en faveur de la reconnaissance du droit à un environnement sain.

Alors que les objectifs de développement durable sont mis à rude épreuve, nous avons besoin de toute urgence d’une coopération internationale renforcée, conformément au droit au développement, pour faire promouvoir tous les droits de l’homme et permettre à tous les peuples de partager les bénéfices des progrès scientifiques et technologiques.  Cela doit inclure, a-t-elle martelé, l’accès à un vaccin en tant que bien public mondial. 

Elle a aussi insisté sur le rôle essentiel que jouent les indicateurs en matière de droits de l’homme pour identifier et faire face aux questions qui, si elles sont ignorées, pourraient engendrer crise ou conflit. 

S’agissant des conflits et des crises humanitaires, a-t-elle enchaîné, il est particulièrement crucial que les informations et les analyses relatives aux droits de l’homme soient intégrées dans les stratégies visant à prévenir, atténuer ou intervenir dans les crises émergentes.  Pour fournir rapidement des informations de qualité sur les situations émergentes et y répondre, le HCDH a mis en place une équipe régionale d’intervention d’urgence dans son Bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest, à Dakar, suite à la création d’équipes similaires dans les Bureaux régionaux pour l’Asie du Sud-Est et l’Afrique australe.  Il est également prévu d’établir d’autres équipes de ce genre dans les autres Bureaux régionaux du HCDH.

De même, a-t-elle poursuivi, nous continuons à intégrer les droits de l’homme dans les opérations de l’ONU déployées dans les situations de conflit et les contextes de crises humanitaires.  Elle a notamment cité le cas de la Syrie où des conseils techniques sont dispensés aux opérations humanitaires, ainsi que le travail du HCDH auprès de la Force conjointe du G5 Sahel.  En outre, a-t-elle poursuivi, nous avons intensifié notre travail en matière de droits de l’homme dans le contexte des processus électoraux, notamment dans le cadre des efforts plus large d’alerte précoce et de prévention déployés par l’ONU, notamment en Bolivie, au Guyana et en Guinée.

Par ailleurs, la Haute-Commissaire aux droits de l’homme a signalé que le Conseil des droits de l’homme (CDH), avec le soutien du HCDH, a été le premier organe intergouvernemental à reprendre ses réunions après l’interruption des travaux due à la pandémie.  De son côté, l’ensemble du système des organes conventionnels a réussi à faire migrer une grande partie de ses travaux en ligne et a adopté près de 200 décisions sur des plaintes individuelles depuis le mois de mars.

Mme Bachelet a ensuite fait part des préoccupations exprimées par certains titulaires de mandat au sujet des contraintes qui entravent leur travail.  Elle a appelé les États à répondre à ces préoccupations en veillant à ce que les procédures spéciales obtiennent des fonds en quantité suffisante pour remplir leur mandat.

« Nous nous remettrons de la COVID-19, et nous devons nous saisir de cette occasion pour reconstruire en mieux », a déclaré Mme Bachelet qui a appelé à l’élaboration d’un monde plus équitable, plus durable, plus sain, et respectueux des droits de l’homme. 

Elle a engagé les États à profiter de cette opportunité pour donner la priorité aux droits de l’homme, garantir une société civile dynamique et la liberté des médias et créer des institutions plus responsables.  Nous devons promouvoir des systèmes de protection sociale complets et un accès universel aux soins de santé et à l’éducation.  Nous avons besoin de mesures ciblées pour protéger les plus vulnérables et créer davantage d’emplois verts.  Et les femmes doivent être au cœur des efforts de relèvement, a-t-elle insisté, soulignant que le respect des droits de la femme est essentiel pour pouvoir « reconstruire en mieux ».

Abordant la grave crise de trésorerie de l’ONU, la Haute-Commissaire s’est enorgueillie de la « grande créativité » dont a fait preuve le HCDH dans l’improvisation de nouvelles méthodes de travail à distance, afin de maintenir son engagement après des gouvernements, des partenaires et des personnes qu’il sert. 

Pour finir, elle a dit compter sur le soutien des États Membres, convaincue, qu’ils tireront de cette terrible crise une compréhension plus approfondie de l’impact préventif et protecteur des normes et des outils en matière de droits de l’homme. 

Dialogue interactif

L’intervention de Mme Bachelet a suscité de nombreuses commentaires et questions de la part des délégations qui ont été nombreuses à se préoccuper de l’impact de la pandémie de COVID-19 sur les droits de l’homme.

Quelles sont les priorités et les approches du HCDH dans le contexte de la pandémie, a ainsi voulu saloir le Japon, après avoir relevé que la crise liée à la COVID-19 est aussi une crise sécuritaire et humaine qui a des répercussions sur les personnes handicapées, les femmes et les personnes touchées par les conflits.

L’Argentine a salué les efforts déployés par le HCDH pour améliorer les plans de riposte à la COVID-19 en tenant compte des groupes vulnérables, tout en déplorant d’absence d’instrument international pour la protection des personnes handicapées.  Que peut-on faire pour élaborer une convention internationale, s’est-elle enquise. 

L’Irlande s’est déclarée inquiète de l’impact de la pandémie sur l’espace civique et la protection des défenseurs des droits de l’homme et a voulu savoir quelles mesures les États pourraient prendre pour assurer la protection des plus vulnérables.  Et que peuvent faire les États Membres pour aider davantage le HCDH dans le contexte pandémique, a enchaîné le Portugal, suivi du Qatar qui a souligné l’importance de la coopération avec le HCDH pendant cette crise.

Le Liechtenstein a dit être particulièrement inquiet pour la réalisation de l’ODD 16, et a aussi voulu connaître les tendances concernant l’impact de la COVID-19 sur les inégalités de genre.  La délégation a également souhaité connaître les observations de la Haute-Commissaire sur les pays élus hier au Conseil des droits de l’homme. 

Dénonçant les représailles visant les défenseurs des droits de l’homme en ligne et hors ligne, les Pays-Bas ont souhaité savoir quelles mesures permettraient d’inclure les travaux de la société civile afin de mieux surmonter les difficultés liées à la pandémie.

Comment les droits de la personne et l’égalité peuvent-ils être intégrés dans le système des Nations Unies pour renforcer l’efficacité de l’action contre la pandémie, s’est interrogée à son tour la Grèce, qui a plaidé pour que les mesures prises contre la COVID-19 respectent le principe de proportionnalité et soient limitées dans le temps, en se concentrant sur les personnes vulnérables.

Quelles recommandations faites-vous aux États dans le cadre de la pandémie, a demandé le Mali, tandis que le Canada a voulu savoir ce que les États doivent faire différemment pour la « deuxième vague » et s’il faut-il continuer d’utiliser la technologie moderne après la pandémie.  Compte tenu des difficultés supplémentaires posées par la pandémie, quels sont les principaux obstacles pour parvenir à l’égalité, ont voulu savoir les Émirats arabes unis.  La Tunisie a elle demandé des précisions sur la participation des ONG dans le contexte de la pandémie.

Quels enseignements avez-vous tiré de 2020 et comment comptez-vous les utiliser pour reconstruire en mieux, a demandé la Roumanie, qui a reconnu que le maintien de mesures exceptionnelles dans un monde post-pandémie représente une menace pour la paix et pour les droits des personnes vulnérables.  Soulignant que la bonne gouvernance contribue à la confiance, la Pologne a voulu savoir ce que peuvent faire les États pour que les mesures contre la pandémie restent proportionnées et ne contribuent pas à réduire l’espace civique.  De son côté, l’Indonésie a jugé que la coopération internationale est essentielle pour faire face au problème de la pandémie, lequel nécessite plus de solidarité et moins de discrimination.  À cet égard, la délégation a voulu savoir si des mécanismes garantissent que le vaccin contre la COVID-19 sera universel et abordable.

Le Myanmar s’est pour sa part interrogé sur le rôle que pourrait jouer le HCDH face à la pandémie en tenant compte de la situation particulière des pays, en mettant l’accent sur les principes d’impartialité et de non-sélectivité.

La Fédération de Russie a fait remarquer qu’en ces temps de crise sanitaire, la situation est particulièrement difficile pour les pays qui subissent des mesures coercitives unilatérales.  Des gens simples souffrent au mépris de leur droit à la vie.  Tout en se félicitant de l’appel lancé par la Haute-Commissaire pour une levée des sanctions, la délégation s’est déclarée déçue de l’absence d’intervention directe du HCDH.

L’appel de la Haute-Commissaire a également été salué par Cuba qui a qualifié l’embargo imposé à son encontre d’« entreprise criminelle », ainsi que par le Venezuela a dénoncé la  « politique d’extermination » des États-Unis et voulu savoir ce que fait le HCDH pour que, dans le cadre de la pandémie, les sanctions soient suspendues pour sauver le plus grand nombre de vies possible. 

L’Allemagne a voulus connaitre l’avis de la Haute-Commissaire au sujet des sanctions ciblées et des mesures visant à lutter contre l’impunité et favoriser la réconciliation, soulignant l’importance des sanctions, notamment contre le « régime syrien », responsable de « crimes de masse ».

Ne pas fournir un accès aux fournitures médicales est-elle un appui aux civils, a rétorqué la République arabe syrienne qui a souligné l’importance d’une approche objective en ce qui la concerne pour que soit bien documentées les souffrances humaines dues notamment au terrorisme.  De son côté, l’Érythrée a fait observer que les sanctions peuvent parfois servir la défense des droits de la personne, tout en appelant à éviter la sélectivité et la politisation des questions relatives aux droits de l’homme.

Le dialogue avec la Haute-Commissaire a également été l’occasion pour certains de se préoccuper des certaines situations de pays.

Après avoir exprimé leur préoccupation quant à la situation des droits de l’homme en Chine, en Iran, en Syrie, au Nicaragua, au Venezuela et en RDC, les États-Unis se sont déclarés déçus de voir le Bureau de la Haute-Commissaire publier en février une base de données des entreprises opérant dans les territoires sous contrôle israélien.  Revenant à la Chine, ils ont voulu savoir quels sont les projets de Mme Bachelet pour répondre aux « abus bien documentés » au Xinjiang alors que les autorités chinoises continuent d’interdire au HCDH d’entreprendre une visite sans entrave et sans contrôle.  Évoquant la situation au Xinjiang, au Tibet et à Hong Kong, le Royaume-Uni a lui aussi demandé à la Haute-Commissaire de livrer son évaluation et de préciser si elle pourra prochainement se rendre dans ces territoires chinois. 

De son côté, la Chine a invité la Haute-Commissaire à résister à la politisation et au « deux poids, deux mesures » dans le domaine des droits de l’homme et a invité le HCDH à ce se pencher sur la situation des États-Unis, qui mènent des arrestations arbitraires, notamment contre des personnes d’ascendance africaine, et refusent le droit à la santé à leur population.  Appelant ce pays, ainsi que le Canada et l’Allemagne, à lutter contre le racisme et la discrimination, la délégation a par ailleurs rejeté les accusations concernant la situation au Tibet, à Hong Kong et au Xinjiang.

La détérioration de la situation au Bélarus a été dénoncée par la Lituanie qui a voulu savoir comment encourager une reprise du dialogue et un rétablissement de la paix sociale, et veiller à la tenue d’enquêtes indépendantes et à ce que les victimes bénéficient d’un accès à la justice.  Réitérant son attachement au multilatéralisme, le Bélarus a dit vouloir prendre ses responsabilités dans le domaines des droits de l’homme et soutenir le développement d’une coopération internationale sur la base des principes d’objectivité, de non-sélectivité et de non-politisation. 

L’Ukraine a mis l’accent sur l’occupation de la Crimée par la Russie, de même que la Lettonie s’est déclarée préoccupée par l’impact négatif de la COVID-19 sur la situation des droits de l’homme en Crimée.  Comment évaluez-vous la situation en Crimée en ce qui concerne le droit à la liberté d’expression, et que pensez-vous du transfert de nombreux citoyens ukrainiens vers d’autres régions de l’Ukraine, a-t-elle demandé à la Haute-Commissaire.  Comment garantir le droit à la santé alors qu’il y a des détentions, des enlèvements et des cas de torture dans les territoires occupés par la Russie, a demandé à son tour la Géorgie.  Comment garantir la protection des droits alors que les forces d’occupation entravent l’assistance humanitaire et l’évacuation des personnes qui nécessitent des soins? 

De son côté, l’Arménie a voulu connaître l’avis de Mme Bachelet sur les mécanismes dont dispose le HCDH pour réagir à cette situation et obtenir un accès au Nagorno-Karabakh afin d’y documenter les violations.  La délégation a notamment qualifié de « lamentable » l’agression menée au Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan et la Turquie dans le contexte de la pandémie.  Cette alliance cible la population civile et les infrastructures critiques, a-t-elle souligné, avant d’accuser l’Armée azerbaïdjanaise d’atrocités.

Les observations de la délégation arménienne ont été rejetées par l’Azerbaïdjan qui a accusé l’Arménie de faire des victimes civiles dans des zones densément peuplées du Nagorno-Karabakh et de recruter des mercenaires au Moyen-Orient.  Il a dit attendre l’avis de Mme Bachelet sur cette situation.  La Turquie a, elle aussi, condamné l’agression de l’Arménie au Haut-Karabakh et le fait que ce pays se présente comme une victime.  Selon elle, l’Azerbaïdjan a le droit de défendre son peuple et son intégrité territoriale.

À son tour, le Pakistan a dit appuyer la création de commissions d’enquête et d’établissement des faits pour examiner la situation de territoires sous occupation étrangère, « comme c’est le cas au Jammu-et-Cachemire », où, a-t-il affirmé, aucun soldat indien n’a été poursuivi pour ses crimes.  La délégation a appelé la communauté internationale à tenir l’Inde pour responsable des crimes commis dans ce territoire.  Accusant le Pakistan d’être un promoteur des violations des droits humains, l’Inde l’a appelé à arrêter ses saillies et à assurer plutôt la protection effective des droits de l’homme, déplorant qu’il utilise à mauvais escient cette plateforme pour parler de son « programme politique néfaste »,

Les Philippines ont dénoncé la militarisation et l’utilisation à motivation politique des droits de l’homme, pour ensuite engager le Conseil des droits de l’homme à consacrer ses efforts et ses ressources limitées à des activités qui font une différence sur le terrain plutôt qu’à des « résolutions hostiles » qui sont au mieux mal informées et au pire politisées.  Également préoccupée par la politisation des droits de l’homme, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a appelé l’Union européenne à se concentrer sur les droits de la personne, tout en invitant le HCDH à se saisir des « bonnes priorités » dans le cadre de son mandat.  La Slovénie a, pour sa part, demandé aux États de coopérer avec la Haute-Commissaire en lui envoyant une invitation permanente. 

La question du financement a également été soulevée à plusieurs reprises, notamment par le Luxembourg qui a plaidé pour un financement prévisible et durable des mécanismes des Nations Unies.  Relevant par ailleurs que, sous prétexte de la COVID-19, la liberté d’expression et l’espace civique connaissent une dégradation, il a aussi voulu savoir quelles mesures concrètes permettraient d’enrayer ce phénomène. 

La République de Corée, qui s’exprimait au nom d’un groupe de pays, a appelé à une coopération étroite entre tous les acteurs des Nations Unies face à la pandémie, et souhaité que le pilier des droits de la personne reçoive les financements nécessaires.  Le sous-financement chronique du pilier des droits de l’homme de l’ONU a suscité la vive inquiétude de la Suisse qui a appelé les États à travailler au renforcement de la base financière du HCDH.  Le Maroc a lui aussi appelé à ce que toutes les ressources soient accordées au Bureau de Mme Bachelet, saluant notamment l’engagement du HCDH en faveur de la protection de l’environnement et de la lutte contre les changements climatiques, notamment dans le contexte de la COVID-19, ainsi que ses efforts en matière de lutte contre le terrorisme et de promotion du numérique.

L’Union européenne a elle aussi demandé aux États d’assurer un financement suffisant des activités du HCDH, qui fait face à une « situation catastrophique », accentuée par la pandémie.  Il convient selon elle de soutenir le système des organes de traité et l’exécution des mandats.  Quelles sont les recommandations issues des consultations initiales qui devraient être mises en œuvre en priorité et comment le HCDH peut-il améliorer le fonctionnement des organes conventionnels, a-t-elle demandé à la Haute-Commissaire.  Elle a également exhorté tous les États à envoyer une invitation permanente aux procédures spéciales, souhaitant notamment savoir si la Chine a autorisé l’accès au Xinjiang.

Le Chili s’est, de son côté prononcé pour un renforcement des organes conventionnels, a fortiori dans le contexte de crise actuel.  Il a voulu connaître l’avis de Mme Bachelet sur les propositions formulées à cette fin et la viabilité des améliorations envisagées.

Le Cameroun, intervenant au nom du Groupe des États d’Afrique, a souligné l’importance de l’indépendance des experts, de la non-ingérence des mandats et du dialogue avec les États parties.  Il a par ailleurs salué les efforts du HCDH en faveur de l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement.

Quels efforts supplémentaires devons-nous mener pour donner une meilleure visibilité à la Décennie des personnes d’ascendance africaine, a pour sa part demandé Djibouti qui a également voulu connaître les obstacles qui empêchent encore l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement.  L’Algérie a recommandé l’intégration de la composante des droits de la personne dans toutes les missions de l’ONU sur le terrain ainsi que le respect des principes de non-ingérence et d’impartialité dans le cadre des organes conventionnels.  De son côté, l’Égypte s’est félicitée de la priorité accordée par le HCDH aux effets des changements climatiques sur les droits de la personne, se disant notamment préoccupée des conséquences de la raréfaction de l’eau potable.  En la matière, le Costa Rica a relevé que la destruction des écosystèmes, aggravée par la COVID-19, menace la réalisation des ODD et l’exercice de nombreux droits humains.

L’Italie est également intervenue pour signaler qu’à compter du 1er décembre prochain, elle assurera la présidence du G20 et qu’à cette occasion, une importance particulière sera accordée aux droits des femmes, à la protection de l’environnement et à l’utilisation de la technologie dans l’intérêt des droits de la personne.  L’Afghanistan a réaffirmé la détermination de son gouvernement à garantir les droits des femmes et des minorités, jugeant que la protection des droits de l’homme est élément crucial du processus de paix.  De son côté, l’Arabie saoudite a indiqué qu’elle procède à des réformes dans le domaine des droits de l’homme, citant notamment la suspension de la peine capitale pour les crimes commis par des mineurs.  La République islamique d’Iran est également intervenue, de même que le Mexique qui a réaffirmé à son attachement au multilatéralisme.

Réponses

Répondant à ces questions et commentaires, lors de cette séance virtuelle ponctuée par de nombreuses interruptions d’ordre technique, la Haute-Commissaire aux droits de l’homme est revenu sur les priorités à établir, suggérant un calendrier approprié et insistant sur l’importance de la garantie du traitement de tous les États sur un pied d’égalité.  Elle a encouragé l’utilisation de l’outil numérique pour la gestion de certains cas, ainsi que pour faciliter le travail de certains experts, y voyant également une solution pour éviter le double emploi.

Mme Bachelet a toutefois signalé que certains mandats ne peuvent pas être mis en œuvre virtuellement, notamment en ce qui concerne le travail de lutte contre la torture qui nécessite des visites sur le terrain.  Elle a en outre indiqué qu’en septembre dernier de nombreuses associations de la société civile, qui généralement ne peuvent pas se déplacer à Genève pour des raisons financières, ont pu participer en ligne aux travaux du Conseil des droits de l’homme.

S’agissant du financement des organes conventionnels, elle a indiqué que le budget ordinaire adopté par l’Assemblée générale pour 2020 ne couvre pas le déficit de 2019 et que les perspectives pour 2021 restent « fort préoccupantes ».  Les titulaires de mandat doivent pouvoir s’acquitter de leur mandat, mais les ressources sont insuffisantes, s’est-elle inquiétée, pour ensuite insister sur la responsabilité des États Membres en matière de financement.  Ils doivent financer les organes qu’ils ont eux-mêmes créer et ce n’est pas le cas, a-t-elle regretté.  Il faut un renforcement du processus, faute de quoi les mécanismes des droits de l’homme risquent de voir leurs efforts se solder par un échec, a-t-elle averti.  C’est pourquoi, elle a insisté pour que l’examen intergouvernemental de 2020 se penche sur la question afin d’essayer de trouver une « solution sur le plan financier ».

Poursuivant, Mme Bachelet a estimé que la pandémie avait permis de souligner l’importance des droits de la personne.  Elle a indiqué que son Bureau redouble d’efforts pour mettre l’accent sur la prévention et partant déployer une démarche stratégique.  Elle a invité les États Membres au respect des normes universelles qui établissent des règles de bases en matière de justice, de paix et de sécurité, en bénéficiant de l’assistance technique et des conseils dispensés par l’ONU.

Sur le volet de la coopération entre New York et Genève, a-t-elle enchaîné, le HCDH essaie de « jeter un pont pour un partage véritable de l’information ».  Mme Bachelet a aussi parlé des efforts déployés à l’échelle du système de l’ONU pour élaborer une sorte de « forum civique » afin d’appuyer la participation de la société civile.  Cela est crucial pour tous les partenaires du système, a-t-elle souligné.  « C’est un système en ligne, convivial, en plusieurs langues, permettant la participation d’universitaires et d’acteurs de la société civile. »  Elle a également renvoyé aux initiatives concluantes de pays pauvres mais qui ont adopté d’excellentes mesures grâce à leur « grand esprit communautaire », avant d’encourager la collecte de données ventilées pour lancer des programmes sans laissés pour compte, notamment parmi les catégories les plus vulnérables.

Dans ses réponses, la Haute-Commissaire aux droits de l’homme a également évoqué la situation au Xinjiang et à Hong Kong et a fait savoir que son Bureau suit de très près l’application de la loi sur la sécurité nationale en Chine.  Elle a dit avoir exprimé ses préoccupations « publiquement et en bilatérale » et reçu une invitation du Gouvernement chinois à se rendre au Xinjiang où elle ira « dès que possible ».  Elle a par ailleurs encouragé le G20 à créer un fonds pour la protection sociale et à appuyer la couverture sanitaire universelle.

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