Soixante-quinzième session,
Dialogues virtuels – matin
AG/SHC/4296

La Troisième Commission passe au crible les entraves au droit au développement et les effets des sanctions unilatérales en temps de COVID-19

Bien que son concept reste controversé, le droit au développement a mobilisé aujourd’hui l’attention de la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles.  Une série de dialogues virtuels entre plusieurs titulaires de mandat et les délégations ont permis d’y voir plus clair sur les obstacles auxquels se heurte la réalisation de ce droit, notamment du fait de sanctions unilatérales aggravées par la COVID-19, mais aussi sur le projet de convention en voie d’élaboration.

Sur ce dernier point, le Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement a indiqué que son instance a reçu la première mouture de ce projet d’instrument juridique contraignant, finalisée en octobre dernier après avoir été visée par une dizaine d’experts.  L’examen formel de ce texte par le Groupe de travail devrait avoir lieu en novembre, si l’évolution de la pandémie le permet, a précisé M. Zamir Akram.

D’après lui, ce projet de convention ne crée pas de nouveaux concepts, normes, droits ou obligations.  Il s’inspire en effet très largement de la Déclaration universelle des droits de l’homme et des neuf traités essentiels afférant aux droits de l’homme, ainsi que de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de la Déclaration sur le droit au développement.

Sur un plan plus concret, le droit au développement dépend en grande partie du financement par les États de politiques et de pratiques de développement.  C’est ce que s’est employé à démontrer le Rapporteur spécial sur le droit au développement en présentant son rapport à la Commission.  M. Saad Alfarargi a notamment insisté sur la participation, le consentement et l’accès à l’information dans les pratiques des banques multilatérales et des institutions de financement du développement.

Il a aussi averti du poids des flux financiers illicites dans la mobilisation des ressources nationales et internationales, se prononçant à cet égard pour la création d’un organisme fiscal des Nations Unies, à la fois inclusif, intergouvernemental et financé, pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales tout en favorisant la coopération pour le développement.

La pandémie de COVID-19 représente un autre écueil pour le droit au développement, a reconnu implicitement M. Alfarargi en évoquant les réponses multilatérales aux impacts économiques mondiaux de cette crise, en particulier les mesures prises par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale.  Il a souligné le besoin urgent de financement des pays en développement, à commencer par les pays africains qui « n’ont pas l’espace budgétaire nécessaire pour une réponse sanitaire et financière adéquate ».

Pour le Rapporteur spécial, la coopération internationale peut être renforcée grâce à la mise en œuvre efficace des principaux instruments multilatéraux, tels que le Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement, les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies et les conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT).  Plusieurs délégations ont souhaité ajouter à cette liste la levée des mesures coercitives unilatérales qui continuent d’être imposées à leurs pays en pleine pandémie.

Ces mesures empêchent la pleine jouissance des droits de l’homme et mettent à mal le développement et la stabilité des pays visés, a dénoncé le Venezuela.  Cuba a, elle, constaté que les États-Unis « transforment cette crise en enjeu politique » en renforçant leur embargo, tandis que la République arabe syrienne évoquait une violation de son droit au développement du fait des sanctions américaines et européennes.  Une position partagée par la République islamique d’Iran, selon laquelle la « punition » infligée aux populations civiles relève du crime contre l’humanité.

Les Nations Unies ont souligné à maintes reprises les « effets dévastateurs » des sanctions unilatérales ainsi que la nécessité de faire preuve de solidarité au cours de la pandémie, a rappelé la Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, venue présenter un rapport sur ce thème.  Mme Alena Douhan a ajouté que, depuis sa prise de fonctions en mars, elle a appelé à la suspension ou à la réduction de toutes les sanctions unilatérales qui pourraient empêcher les transactions financières pour l’achat de médicaments, d’équipements médicaux, de nourriture et d’autres biens essentiels.

Or, a-t-elle observé, un certain nombre de pays n’ont pas levé ou minimisé ces mesures, mais les ont plutôt étendues.  Parmi eux, les États-Unis ont élargi leurs sanctions en accusant en outre la Chine de propager la COVID-19.  Sur le plan humanitaire, a-t-elle poursuivi, des pays ciblés comme la Syrie, Cuba, l’Iran ou encore le Soudan font face à des obstacles pour l’achat d’équipements médicaux et de médicaments parce que les fabricants ne traitent pas avec les États et les entreprises ciblés.  Les banques sont également réticentes à autoriser des transferts par crainte de sanctions secondaires.

Les sanctions unilatérales, imposées à environ 20% des États Membres de l’ONU, exacerbent les calamités liées à la pandémie et constituent une discrimination à l’encontre des populations des pays ciblés, a averti la Rapporteuse spéciale.  Elle a également indiqué que les exemptions humanitaires sont inefficaces et inadéquates.

La Troisième Commission reprendra son examen de la promotion et de la protection des droits de l’homme le lundi 19 octobre, à 10 heures. 

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

Déclarations liminaires de titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, suivies d’un dialogue interactif

Exposé

M. ZAMIR AKRAM, Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement, a d’entrée indiqué que son Groupe ne s’est pas réuni depuis l’année dernière en raison de la pandémie de COVID-19 et que la réunion prévue en mai 2020 devrait se dérouler du 2 au 6 novembre à Genève.  Il a toutefois donné quelques informations sur les activités entreprises avant l’arrivée de la pandémie. 

Il a indiqué que le Conseil des droits de l’homme (CDH) a prié le Groupe de préparer un projet d’instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement pour 2019.  À cette fin, une équipe de rédaction de cinq experts de renom international a été sélectionnée en tenant compte de la représentation géographique et de la parité.  L’équipe a pris en considération la richesse des documents issus des précédentes sessions du Groupe de travail ainsi que les contributions des États Membres contenues dans un questionnaire détaillé sur la portée et le contenu du projet d’instrument juridiquement contraignant.  Une première mouture a été distribuée à un groupe de 10 experts afin qu’ils fassent part de leurs suggestions éventuelles, et le projet de convention a été finalisé en octobre 2019 puis transmis par voie électronique au Groupe de travail en janvier 2020.  L’examen de ce projet de convention devrait se faire au mois de novembre à condition que le Groupe de travail puisse se réunir.

Le projet de convention contient un préambule et 36 articles, organisé en cinq parties, a-t-il détaillé.  Il est revenu sur le contenu de chaque partie, expliquant que tous les efforts ont été déployés pour que le texte se fonde sur les instruments juridiques internationaux existants et ne crée pas de nouveaux concepts, normes, droits ou obligations.  La teneur de ce texte ainsi que la structure de ce projet de convention s’inspirent très largement de la Déclaration universelle des droits de l’homme et des neuf traités essentiels afférant aux droits de l’homme, ainsi que de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de la Déclaration sur le droit au développement.

Reconnaissant que le concept même du droit au développement et l’élaboration d’une convention sur le droit au développement restent controversés, M. Akram s’est engagé à veiller à ce que le processus soit inclusif et transparent.

Dialogue interactif

Suite à cette présentation, les délégations ont formulé plusieurs questions et commentaires qui seront transmis au Rapporteur du Groupe de travail qui n’a pas pu participer au dialogue interactif en raison d’un problème technique.

Au nom du Mouvement des pays non alignés, l’Azerbaïdjan a appelé à accorder la priorité à l’élaboration d’une convention sur le droit au développement et recommandé la convocation d’une conférence internationale de haut niveau sur le droit au développement, parrainée par l’ONU.

Estimant que le droit au développement doit être transversal dans le système onusien, la Chine a elle aussi appelé l’ensemble de la communauté internationale à coopérer sur l’élaboration de la convention.  L’Algérie, qui a fait part de sa grande reconnaissance pour l’élaboration du projet de convention, a souligné que le droit au développement doit être la clef de voûte des efforts à venir de la communauté internationale.

Notant que la pandémie de COVID-19 a provoqué une crise mondiale qui touche directement les pays en développement, le Pakistan a souligné que la reconstruction doit être l’occasion de tenir compte des inégalités.  L’heure est venue d’afficher une solidarité pour reconstruire en mieux, a acquiescé la Malaisie qui a voulu savoir comment le Groupe de travail envisage de mettre plus en avant le droit au développement.  Le Bangladesh a regretté que les inégalités se soient exacerbées à cause de la pandémie, préconisant de travailler sur une approche axée sur l’humain.  Alors que nous engageons nos efforts de reconstruction pour réaliser le droit au développement, quels sont les défis à relever aujourd’hui?

Cuba a insisté sur le caractère inaliénable du droit au développement, taclant les États-Unis qui, a décrié la délégation, refusent de reconnaître l’existence de ce droit et appelant à la levée du blocus « criminel » imposé à son pays depuis 60 ans et qui a été durci durant la pandémie.  De son côté, le Venezuela s’est interrogé sur les conséquences des sanctions unilatérales sur le droit au développement.

Exposé

M. SAAD ALFARARGI, Rapporteur spécial sur le droit au développement, a présenté son rapport thématique sur les dimensions internationales du financement des politiques et pratiques de développement dans la perspective du droit au développement.

Dans son rapport, M. Alfarargi souligne quatre domaines clefs.  Le premier est la participation, le consentement et l’accès à l’information dans les pratiques des banques multilatérales de développement et des institutions de financement du développement.  Le rapport évalue des principes essentiels tels que le consentement libre, préalable et éclairé, les évaluations d’impact environnemental et les processus de consultation.  Le deuxième domaine exploré est la mobilisation des ressources nationales et internationales, ce qui comprend des questions telles que les flux financiers illicites, l’aide publique au développement et les partenariats public-privé.  Pour le Rapporteur spécial, il importe de répondre aux défis que posent la fraude et l’évasion fiscales aux pays en développement en particulier.

Le troisième domaine couvert est la coopération internationale en tant que principe clef du financement, du développement et du droit au développement, a précisé M. Alfarargi.  Le rapport met l’accent sur les dialogues intergouvernementaux sur le financement du développement organisés sous l’égide des Nations Unies, la coopération fiscale et les prêts financiers.  Il souligne aussi l’importance d’une coopération fiscale internationale efficace pour contrer les coûts de l’évasion et de la fraude fiscales et appelle à une augmentation du financement du développement durable par les banques multilatérales de développement et les institutions de financement du développement sur la base de prêts concessionnels et de subventions.

Quatrièmement, a poursuivi le Rapporteur spécial, les réponses internationales et multilatérales aux impacts économiques mondiaux de la pandémie de COVID-19 sont étudiées.  Il est notamment question des mesures prises par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, de même que du besoin urgent de financement des pays en développement, et en particulier des pays africains qui n’ont pas l’espace budgétaire nécessaire pour une réponse sanitaire et financière adéquate.

Le rapport se conclut sur des recommandations invitant à intégrer les principes de participation, de consentement préalable, libre et éclairé et d’accès à l’information dans les politiques et pratiques de financement du développement.  Pour M. Alfarargi, la coopération internationale peut être renforcée grâce à la mise en œuvre efficace des principaux instruments multilatéraux, tels que les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies et les conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT).

Afin de lutter contre les flux financiers illicites, le Rapporteur spécial s’est prononcé pour la création d’un organisme fiscal des Nations Unies, à la fois inclusif et intergouvernemental, et doté d’un mandat et de ressources pour assurer la coopération en vue de favoriser la mobilisation des ressources nationales.  En outre, il a appelé à une réponse à la pandémie fondée sur les droits de l’homme afin de protéger le droit au développement.

Dialogue interactif

Au cours du dialogue interactif qui a suivi cette présentation, Cuba a souligné que les pays en développement sont particulièrement affectés par la pandémie de COVID-19, d’où la nécessité d’une coopération internationale accrue.  La délégation a cependant constaté que les États-Unis « transforment cette crise en enjeu politique » en menant des actions coercitives unilatérales.  Elle a souhaité que le Rapporteur spécial précise les incidences de ces mesures sur le droit au développement.

La République arabe syrienne a estimé que l’exercice du droit au développement exige le respect du droit international et la promotion de relations amicales entre les États.  Comment ces principes s’appliquent-ils à la Syrie qui est soumise à des mesures coercitives unilatérales en violation de son droit au développement, s’est-elle interrogée.  La levée des mesures de coercition est indispensable en cette période de pandémie, a renchéri l’Iran, qui s’est inquiété des répercussions de ces mesures unilatérales sur le droit au développement.  Selon lui, la punition infligée par certains pays à des populations civiles relève du crime contre l’humanité. 

À son tour, le Venezuela a estimé qu’en cette période de crise mondiale, la question de la coopération internationale se pose avec plus d’acuité lorsque des mesures coercitives unilatérales sont imposées à des populations, aggravant leurs vulnérabilités et entravant leur développement.  Ces mesures empêchent la pleine jouissance des droits de l’homme et mettent à mal la stabilité de pays confrontés de plein fouet à la pandémie, a souligné la délégation, demandant au Rapporteur spécial de livrer son avis sur les effets de cette situation sur le droit au développement.

Également préoccupée par les effets des mesures unilatérales sur les populations, la Fédération de Russie s’est dite convaincue qu’une mise en œuvre effective du Programme 2030 ne sera possible qu’avec le soutien actif des ONG mais aussi des États Membres.  Elle s’est aussi déclarée en désaccord avec l’idée selon laquelle il serait nécessaire de renouveler le concept de multilatéralisme.  Il n’a pas vieilli, a-t-elle assuré, avant d’appeler la communauté internationale à continuer de respecter ses principes et non des intérêts nationaux étroits.

L’Union européenne a souligné que les États ont la responsabilité de garantir que le droit au développement soit exercé par leurs propres citoyens.  Elle a réaffirmé à cet égard son souhait que soit mis en place un mécanisme international pour la réalisation du droit au développement, se disant prête à dialoguer avec toutes les parties prenantes.  Comment pouvons-nous parvenir à un consensus qui débouche sur une solution applicable? a-t-elle demandé.

Le Cameroun, qui s’exprimait au nom du Groupe des États d’Afrique, a rappelé que le droit au développement fait partie intégrante des droits de l’homme.  Dans ce cadre, les États ont le devoir de coopérer pour promouvoir le développement le plus rapide des pays en développement, a-t-il plaidé, se félicitant de la recommandation du Rapporteur spécial en faveur d’une augmentation substantielle de l’aide publique au développement.  Il a voulu savoir comment M. Alfarargi entend corréler l’appel lancé dans ce sens par le Secrétaire général aux pays développés avec l’exercice de son mandat.

Le droit au développement est un droit inaliénable qui se révèle crucial pour la réalisation des droits de la personne, a fait valoir la Chine, plaidant pour que les pays adoptent une démarche axée sur l’individu et la coopération.  Observant que l’unilatéralisme et le protectionnisme progressent, elle a regretté que la mise en œuvre du droit au développement n’ait pas atteint le niveau escompté, en partie en raison de la pandémie.  Appelant à l’application effective du Programme d’action d’Addis-Abeba, elle a également invité les pays à promouvoir le développement durable afin de garantir l’exercice du droit au développement dans les meilleurs délais.

La Malaisie a souhaité avoir des précisions sur les conséquences de la COVID-19 sur le financement du développement, tandis que l’Algérie a souligné que l’exercice du droit au développement requiert une coopération plus vaste, notamment pour faire face à la pandémie et reconstruire en mieux.  S’agissant du financement du développement, elle a voulu savoir comment l’ONU pourrait intervenir de manière adéquate. 

L’Éthiopie a souligné, elle aussi, l’importance de la coopération internationale, réaffirmant le caractère crucial de la mise en œuvre du Plan d’action d’Addis-Abeba et du Programme 2030.  La pandémie a entravé les progrès à long terme et a des conséquences sur l’emploi et la production, a souligné la délégation, indiquant souffrir également de phénomènes climatiques extrêmes qui entraînent des problèmes alimentaires.  Cette situation met en péril la mise en œuvre des ODD et les aspirations en matière de droit au développement, a-t-elle averti.

Le Rapporteur spécial a répondu aux questions et observations des délégations en observant que nombre d’entre elles portaient sur les moyens d’atténuer les impacts de la pandémie et de rendre les États de l’hémisphère Sud plus résilients.  Il a indiqué que son rapport évoque les pratiques optimales des États pour trouver des ressources financières supplémentaires grâce à des mécanismes novateurs et conformes aux objectifs du Plan d’action d’Addis-Abeba et du Programme 2030.  Selon le Rapporteur spécial, ces activités doivent se poursuivre pour garantir l’amélioration des indicateurs économiques et l’égalité femmes-hommes, mais aussi pour appuyer les pays en développement.  À cet égard, a-t-il souligné, il importe que des ressources financières soient mobilisées pour soutenir les acteurs de production vulnérables aux niveaux national et international.  Il faut pour cela se pencher sur le secteur financier dans son ensemble et promouvoir la stabilité économique, dans le plein respect des droits de l’homme.

En réponse à l’Algérie, M. Alfarargi a précisé que son rapport suggère dans ses recommandations la mise en place d’une commission chargée d’assurer une meilleure disponibilité des ressources financière en veillant aux flux financiers illicites, y compris la fraude et l’évasion fiscales.  Tous les pays devraient pouvoir y participer sur un pied d’égalité, a-t-il plaidé, jugeant crucial d’éliminer les pratiques néfastes et de parvenir à une harmonisation à l’échelle internationale.

Avant de conclure, le Rapporteur spécial a insisté sur les perturbations causées à son travail par la pandémie, laquelle pose aussi de grands problèmes aux acteurs du développement.  Il a assuré qu’en dépit des circonstances difficiles, il entendait poursuivre ses échanges dans les différentes instances pertinentes.  M. Alfarargi a ajouté que les recommandations de son rapport se fondent non seulement sur la Déclaration relative au droit au développement mais aussi sur les principes du multilatéralisme.  La seule façon de surmonter le choc actuel est d’agir de concert, a-t-il fait valoir, jugeant essentiel que les pays en développement puissent pouvoir compter sur le multilatéralisme et sur un filet de sécurité international.  Enfin, il a annoncé que le rapport qu’il présentera au Conseil des droits de l’homme en 2021 se concentrera sur les changements climatiques dans le contexte du droit au développement.

Exposé

Mme ALENA DOUHAN, Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, a indiqué que son rapport offre une évaluation de l’impact humanitaire des sanctions unilatérales sur la jouissance des droits de l’homme dans le contexte de la pandémie de COVID-19.  Les Nations Unies et d’autres organisations gouvernementales et non gouvernementales ont proclamé à maintes reprises les effets dévastateurs des sanctions unilatérales ainsi que la nécessité de faire preuve de solidarité et de respecter pleinement tous les droits de l’homme au cours de la pandémie, a-t-elle rappelé.

Elle a dit avoir appelé à plusieurs reprises, depuis sa prise de fonctions, en mars 2020, à la levée ou au moins à la suspension ou à la réduction de toutes les sanctions unilatérales, en particulier celles qui pourraient empêcher les transactions financières pour l’achat de médicaments, d’équipements médicaux, de nourriture et d’autres biens essentiels.  Elle a insisté sur le fait que les exemptions humanitaires existantes ne fonctionnent pas et a déploré qu’un certain nombre de pays aient étendu les sanctions unilatérales au lieu de les lever ou de les assouplir.  Depuis le début de la pandémie de COVID-19, les États-Unis ont notamment étendu leur recours et leurs menaces de recours aux sanctions, notamment dans le cadre d’une tentative d’accuser la Chine d’être responsable de la propagation de la maladie.  Elle a notamment cité la mise en œuvre de la Caesar Act et de la Global Magnitsky Act ainsi que l’imposition de sanctions secondaires.

Poursuivant, Mme Douhan a donné quelques exemples de l’impact humanitaire des sanctions unilatérales dans le contexte de la pandémie de COVID-19.  La Syrie, Cuba, l’Iran et le Soudan font face à des obstacles dans l’achat d’équipements médicaux et de médicaments parce que leurs fabricants ne peuvent pas traiter avec les États et les entreprises ciblés, et les banques sont réticentes à autoriser des transferts par crainte de sanctions secondaires.

En conséquence, la Syrie ne peut effectuer que 100 tests de COVID-19 par jour, Cuba a un accès très limité à l’aide humanitaire, l’Iran ne peut pas utiliser des actifs étrangers pour payer les importations humanitaires, tandis que l’augmentation des retards et des coûts des transferts bancaires ont entraîné une augmentation du prix des équipements médicaux, de la nourriture et d’autres biens essentiels au Venezuela, au Soudan et dans d’autres pays.

Citant Human Rights Watch, Mme Douhan a aussi signalé que les désinfectants, y compris le savon, sont « pratiquement inexistants » dans les hôpitaux vénézuéliens.  La Syrie n’a pas pu importer les produits nécessaires au fonctionnement des scanners et des ventilateurs et ne peut pas utiliser la télémédecine pour diagnostiquer les patients atteints de COVID-19.  Et en Iran, les médecins ne peuvent plus accéder aux bases de données médicales.

Ces sanctions unilatérales, et bien d’autres, empêchent les États sanctionnés de lutter efficacement contre la pandémie de COVID-19 et de protéger leurs populations, s’est-elle alarmée.  Et la pandémie a rendu leurs répercussions humanitaires négatives plus flagrantes et plus désastreuses.  L’impossibilité d’obtenir des médicaments, des soins médicaux, de la nourriture, de l’électricité et du carburant entraîne la violation du droit à la vie des personnes infectées par la COVID-19, ainsi que de celles qui ne peuvent obtenir ni aide médicale, ni médicaments alors qu’elles souffrent d’autres maladies.  Les sanctions unilatérales, imposées à environ 20% des États Membres des Nations Unies, constituent donc une discrimination à l’encontre des populations des pays ciblés, a-t-elle souligné.

La Rapporteuse spéciale a également indiqué que les exemptions humanitaires restent inefficaces, peu rentables et inadéquates.  À ses yeux, les exemptions doivent être conçues en présumant que l’objectif déclaré est réellement humanitaire.

Dialogue interactif

Notant que la pandémie a montré les inégalités et l’hypocrisie de ce monde, le Zimbabwe a voulu savoir comment lancer un plaidoyer au sein des Nations Unies pour obtenir la levée totale des mesures unilatérales.  De son côté, la Fédération de Russie a regretté que l’appel de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme en faveur d’une révision ou d’une suspension des « sanctions sectorielles radicales » soit resté lettre morte.

Cuba a signalé que le blocus imposé à son encontre a été renforcé durant la pandémie et qu’elle avait enregistré une perte de 430 millions de dollars entre avril et octobre.  L’Iran a également regretté que les États-Unis aient intensifié ces mesures, notamment à l’encontre de la population iranienne, alertant que cela a également un impact extraterritorial et une incidence sur la souveraineté d’autres États et à la liberté du commerce.

La Syrie a décrié les répercussions socioéconomiques et sanitaires désastreuses des mesures coercitives unilatérales sur sa population.  Les États-Unis et l’Union européenne prétendent qu’elles sont ciblées et qu’elles ne visent pas les populations, mais c’est faux! a-t-elle dénoncé.

Il est totalement faux de dire, comme aime à le souligner l’Union européenne, que les mesures sélectives ont une portée limitée, a renchéri le Venezuela.  Cela fait des années que le Venezuela condamne ces mesures inhumaines, immorales et criminelles qui sont imposées par les États-Unis et l’Union européenne et qui ne sont rien de moins qu’un châtiment collectif perpétré pour asphyxier des populations entières.

Le Bélarus a voulu savoir quelles étaient les causes profondes qui empêchent la levée des sanctions compte tenu de leurs conséquences humanitaires.  L’heure est venue de faire preuve de solidarité et compassion, a estimé la Malaisie qui s’est interrogée sur les moyens de faire face aux mesures qui entravent la réponse de plusieurs pays à la COVID-19.

Au nom du Mouvement des pays non alignés, l’Azerbaïdjan a marqué son opposition aux mesures imposées unilatéralement par certains États qui, a-t-il averti, peuvent conduire à l’érosion et à la violation de la Charte des Nations Unies, du droit international et des droits de l’homme, ainsi qu’à l’utilisation et à la menace de l’utilisation de la force.

Dans quelles mesures ces pratiques entravent-elles la mise en œuvre du Programme à l’horizon 2030 dans un contexte de pandémie, a demandé à son tour le Nicaragua qui a par ailleurs déploré la « ferme opposition » des pays qui imposent ces mesures à les lever.  Nonobstant les répercussions de la pandémie, les États-Unis et d’autres pays continuent de mettre à mal la chaîne d’approvisionnement des pays, entravant le développement économique des pays, a dénoncé de son côté la Chine.

Suite à ces questions et commentaires, la Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme est revenue sur les contraintes financières auxquelles elle se heurte dans l’exercice de son mandat et qui ont notamment retardé la possibilité de faire des déplacements.

Elle a ensuite indiqué que certaines sanctions sont tellement utilisées que « nous en oublions le motif ».  De fait, le fondement juridique de l’imposition de ces mesures n’est parfois pas analysé, et les populations et pays visés ne sont pas toujours conscients de la situation.  Elle a aussi appelé à se montrer prudent quant à leurs effets humanitaires possibles.

Elle a expliqué que la situation est particulièrement difficile dans le contexte de la COVID-19.  Lorsque des sanctions sont imposées ou restent d’actualité dans le contexte de la pandémie, les pays sont privés des outils économiques nécessaires pour prêter assistance à leur population et sont de fait dépendants de l’aide humanitaire.  Il s’agit là d’un fardeau économique considérable qui repose sur les épaules de la communauté internationale qui se doit de fournir une aide constante, a-t-elle signalé.  Elle a ensuite appelé le système de l’ONU à agir et devenir une enceinte de dialogue entre les pays sanctionnés et ceux qui sanctionnent.

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