Soixante-quinzième session,
Dialogues virtuels – matin
AG/SHC/4298

Le sort des enfants et des travailleurs migrants examiné par la Troisième Commission au prisme de la pandémie de COVID-19

Si la pandémie actuelle frappe les populations vulnérables de manière disproportionnée, les migrants figurent au premier rang de ses victimes pour des raisons liées à leur statut: tel est le constat qu’ont partagé, aujourd’hui, plusieurs titulaires de mandat venus dialoguer virtuellement avec les membres de la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, sur le sort des enfants et des travailleurs migrants en cette période de crise mondiale.

Les gouvernements doivent prendre conscience que la pandémie de COVID-19 rend la plupart des travailleurs migrants plus vulnérables que les citoyens des pays d’accueil, du fait de leurs difficultés d’accès à l’eau potable, à la santé et aux soins de santé, mais aussi de leur situation irrégulière ou de leur absence de papiers, a souligné le Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Pour M. Can Ünver, la situation est particulièrement alarmante pour les milliers de migrants bloqués aux frontières du monde entier, « en Amérique, en Afrique ou en Asie, ainsi qu’en mer, au large des côtes européennes », à la suite des restrictions imposées par les gouvernements en réaction à la pandémie.  Il est primordial, a-t-il soutenu, que ces mesures -y compris le dépistage et la quarantaine aux points d’entrée– garantissent le respect des principes de non-discrimination, de non-stigmatisation, de confidentialité médicale et de dignité humaine.

M. Ünver a également invité les gouvernements à envisager la suspension temporaire des expulsions ou des retours forcés pendant la pandémie.  De telles actions, menées souvent sans les précautions sanitaires adéquates, peuvent exposer les travailleurs migrants et leur famille à des conditions dangereuses, en particulier dans les pays dont le système de santé est mis à mal, a-t-il alerté.

Convaincu de la nécessité d’intégrer les travailleurs migrants dans les plans de riposte à la pandémie et de relance économique, en tenant compte notamment de la chute des envois de fonds, M. Ünver a aussi fait part de sa préoccupation face aux discours xénophobes associant la maladie de COVID-19 aux migrants en raison de leur ethnicité ou de leur origine. 

La détention des enfants migrants a plus particulièrement préoccupé le Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants qui a déploré que quelque 330 000 enfants sont encore détenus chaque année pour des raisons liées à la migration dans au moins 77 États. 

Bien qu’un consensus soit apparu au sein de la communauté internationale pour dire que la détention nuit à la santé physique, développementale, émotionnelle et psychologique des enfants, peu de pays l’interdisent dans leur législation, a constaté M. Felipe González Morales.  De fait, il n’est pas rare que des enfants migrants soient détenus avec des adultes ou qu’ils soient séparés des membres de leur famille et détenus dans différents établissements.

Toutefois, s’est réjoui M. González Morales, des efforts se font jour pour « interdire ou au moins réduire » le recours à la détention des enfants issus de l’immigration.  Des pratiques prometteuses qui démontrent, selon lui, que la détention de ces mineurs est « effectivement évitable », d’autant plus, a-t-il relevé, que plusieurs pays, en particulier en Amérique latine et en Afrique subsaharienne, ont proscrit cette pratique.

Pour aller plus loin sur cette voie, il a exhorté les États à établir dans leur droit interne une interdiction explicite de la rétention des enfants migrants, qu’ils soient non accompagnés ou avec des familles.  Il les a aussi enjoints à développer des modalités d’accueil adéquates et à promouvoir l’unité familiale tout au long des procédures liées à la migration.

Plusieurs délégations ont profité de ces dialogues pour dénoncer l’émergence de discours nationalistes ou haineux tournés contre les migrants.  La politique migratoire appliqué par les États-Unis le long de leur frontière avec le Mexique a été décriée par plusieurs délégations, dont la Chine qui a notamment sommé le Gouvernement américain de cesser sa politique xénophobe, tandis que la République islamique d’Iran évoquait le ciblage systématique des musulmans par ce même pays.

Sur un sujet connexe, la liberté de religion ou de conviction, le Rapporteur spécial en charge de cette question a averti que les événements liés à la pandémie ont amplifié les effets négatifs qu’ont les différentes formes de discrimination systémique sur le fonctionnement des sociétés.

Selon M. Ahmed Shaheed, les lois et pratiques discriminatoire des États renforcent la vulnérabilité d’individus en raison de leur identité religieuse ou de leur croyance.  Et même si la législation n’établit pas explicitement de discrimination, l’absence de politiques efficaces pour réduire les inégalités continue de compromettre la jouissance égale des droits de l’homme par ces personnes, a relevé le Rapporteur spécial.  Faute d’un meilleur contrôle, a-t-il insisté, ces disparités risquent d’annuler les progrès accomplis dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD).

La couverture de cette séance a été compromise par une série de problèmes d’ordre technique.

La Troisième Commission reprendra son dialogue avec des titulaires de mandat le mercredi 21 octobre, à partir de 10 heures.  

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

Déclarations liminaires de titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, suivies d’un dialogue interactif

Exposé

M. CAN ÜNVER, Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, a tout d’abord indiqué que la trente-deuxième session du Comité, initialement prévue du 30 mars au 9 avril 2020 et reportée en raison de la pandémie de COVID-19, doit à présent se tenir du 6 au 16 avril 2021.

Il a ensuite appelé les gouvernements à être conscients du fait que cette pandémie rend certains travailleurs migrants et les membres de leur famille plus vulnérables que les citoyens, notamment en raison des difficultés d’accès à l’eau potable, à la santé et aux soins de santé, ou lorsqu’ils sont en situation irrégulière ou sans papiers.

Il a tiré la sonnette d’alarme sur la situation de milliers de migrants bloqués aux frontières du monde entier, en Amérique, en Afrique ou en Asie, ainsi qu’en mer au large des côtes européennes, en raison des restrictions imposées aux frontières par les gouvernements en réaction à la pandémie de COVID-19.  Les mesures mises en œuvre aux frontières internationales, y compris le dépistage et la quarantaine aux points d’entrée, doivent garantir le respect des principes de non-discrimination, de non-stigmatisation, de confidentialité médicale et de dignité humaine et ne doivent pas impliquer la détention obligatoire, a-t-il insisté.  De même, les opérations de recherche et de sauvetage doivent se poursuivre, en veillant à la compatibilité avec les priorités de santé publique et en respectant les normes internationales en matière de droits de l’homme.

Il a rappelé la note d’orientation conjointe, publiée le 26 mai 2020 par le Comité et le Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants, qui appelle les gouvernements du monde entier à intégrer les travailleurs migrants dans les plans et politiques nationaux de prévention et de riposte face à la COVID-19.  Cette note invite également les États à inclure les migrants et leur famille dans les politiques de relance économique, notamment en tenant compte de la nécessité de récupérer les flux d’envois de fonds.  Ils sont aussi appelés à revoir le recours à la détention des immigrants en vue de réduire leur population au niveau le plus bas possible.

M. Ünver a de plus appelé les gouvernements à envisager la suspension temporaire des expulsions ou des retours forcés pendant la pandémie, s’inquiétant du nombre élevé de migrants qui ont été expulsés de différents pays dans le contexte de la COVID-19.  Les expulsions effectuées sans précautions sanitaires adéquates peuvent exposer les travailleurs migrants et leur famille à des conditions dangereuses, en particulier dans les pays où les taux d’infection sont plus élevés ou dont le système de santé est mis à mal, a-t-il alerté.  Il a également fait part de sa préoccupation face aux discours ou expressions xénophobes associant la maladie de COVID-19 aux migrants en raison de leur ethnicité ou s’ils sont identifiés comme ressortissants d’un pays particulier.

Poursuivant, M. Ünver a indiqué que le Comité a créé un groupe de travail sur la Convention et le Pacte mondial sur les migrations qui a préparé un projet de document d’orientation sur l’alignement des forums sur les migrations internationales et des examens dans les régions respectives.  Il a également été décidé d’inclure un paragraphe standard dans ses observations finales, afin de noter si un État partie a voté en faveur du Pacte mondial, et lui recommandant de s’efforcer de le mettre en œuvre.  Le Président du Comité a aussi recommandé que les observations finales du Comité soient diffusées en ligne sur le site du Réseau des Nations Unies sur les migrations.  Le Groupe de travail a également préparé un avant-projet d’analyse comparative de la Convention et du Pacte mondial, a-t-il ajouté.

M. Ünver a appelé à la mise en œuvre urgente des dispositions de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et de leur famille.  « Nous espérons en particulier que les États d’accueil feront preuve de courage en ratifiant la Convention, faute de quoi les mots prononcés ou écrits demeureront creux. »  Il a précisé que 55 États sont actuellement parties à la Convention et que les Fidji y ont adhéré en août 2019. 

Le Président du Comité a regretté que 18 États parties n’aient pas encore soumis leur rapport initial ou périodique.  Au cours de sa trente et unième session, le Comité a toutefois tenu des dialogues constructifs avec l’Argentine, la Bosnie-Herzégovine et la Colombie, et a adopté deux listes de questions, l’une concernant le Burkina Faso et l’autre le Belize.  Toutefois, en raison du report de la trente-deuxième session, le Comité a dû reprogrammer l’examen des rapports de Cabo Verde, du Chili, du Paraguay et du Rwanda, ainsi que l’adoption des observations finales s’y rapportant.

M. Ünver a par ailleurs déploré que les ressources prévues pour le fonctionnement du système des organes de traités ne suivent pas le rythme de son rôle et de son importance grandissante.  Il s’est déclaré préoccupé par une possible érosion du système des organes de traités et a appelé à veiller à ce que celui-ci soit suffisamment financé par le budget ordinaire de l’ONU.

Avant de conclure, il a souligné les précieuses contributions des migrants qui se trouvent en première ligne de la riposte à la COVID-19 et appelé à la coopération internationale, au partage des responsabilités, à l’engagement multilatéral et à la solidarité face à cette crise sanitaire. 

Dialogue interactif

Le Mexique a affirmé qu’il est temps de reconnaître que les travailleurs migrants font partie des « héros méconnus » de la pandémie.  Il a demandé des précisions sur la relation entre la pandémie, la désinformation et les discours de haine à l’encontre des communautés de migrants.  La Colombie a, elle, souhaité savoir comment renforcer la protection pour cette population fragilisée par la pandémie.

La République arabe syrienne a voulu connaître l’appréciation de M. Ünver quant à la politique migratoire des États-Unis, citant notamment la séparation des enfants de leurs parents à la frontière avec le Mexique.  À l’heure actuelle, les gouvernements doivent offrir un soutien à leurs citoyens avant tout, a estimé à son tour la Hongrie.  Elle a appelé à mettre l’accent sur des solutions durables de façon à garantir des projets de développement aux pays d’origine pour éviter la migration de masse.  La délégation a par ailleurs signalé que de nombreux pays, dont le sien, ne sont pas parties au Pacte mondial sur les migrations.

La Turquie s’est interrogée sur les obstacles qui entravent l’adhésion et la ratification de la Convention.  De même, la délégation a voulu savoir si l’ONU dispose de suffisamment de mécanismes prenant en compte les droits des migrants.

Suite à ces questions et commentaires, le Président du Comité est revenu sur l’impact de la pandémie sur les migrants, « l’un des groupes les plus vulnérables ».  Il a précisé que la note d’orientation a été envoyée à tous les États parties, déplorant que, pour l’heure, aucune réaction n’ait été enregistrée.  Il a estimé que les discours de haine liés à la pandémie sont un des problèmes « les plus importants » à surmonter, aussi bien pour son Comité que pour d’autres organes conventionnels.  Il a ensuite fait savoir que son Comité travaille actuellement sur un avant-projet de texte concernant le Pace mondial sur les migrations et que ce document sera rendu public le 30 octobre prochain.

À la Syrie, il a répondu qu’il était difficile pour lui de parler d’un pays non partie à la Convention.  Toutefois, la question des mineurs migrants non accompagnés est un sujet très délicat car ces derniers font partie des populations les plus vulnérables.  Cela doit figurer à « notre ordre du jour », a-t-il estimé.

Se tournant vers la Hongrie, il a dit être « un peu triste » de ses commentaires sur le Pacte mondial, rappelant que ce texte n’est pas juridiquement contraignant.  Ce qui est important, c’est la bonne gouvernance mondiale pour gérer la question des migrants.  Que faire alors pour relever tous ces défis?  C’est là que le bât blesse, car il n’est pas toujours aisé de trouver des solutions, mais ce que nous pouvons faire par-dessus tout c’est d’être plus visible et cela passe notamment par une plus grande adhésion à la Convention, a-t-il dit.

Exposé

M. FELIPE GONZÁLEZ MORALES, Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants, a présenté un rapport portant sur l’élimination de la détention des enfants migrants et de leur famille et sur l’obligation de leur fournir des soins et un accueil adéquats.  Chaque jour, partout dans le monde, des enfants migrants sont détenus, seuls ou avec leur famille, sur la base de leur statut migratoire ou de celui de leurs parents, a-t-il rappelé.  Citant l’Étude mondiale des Nations Unies sur les enfants privés de liberté, il a précisé qu’au moins 330 000 enfants sont détenus, chaque année, pour des raisons liées à la migration dans au moins 77 États.

Ces dernières années, a poursuivi M. González Morales, un consensus s’est dégagé au sein de la communauté internationale, selon lequel la détention nuit à la santé physique, développementale, émotionnelle et psychologique des enfants.  Malheureusement, les enfants migrants ne sont pas protégés contre cette pratique néfaste et peu de pays l’interdisent explicitement dans leur législation.  Dans certains pays, les enfants migrants sont détenus avec des adultes.  Dans d’autres, les enfants migrants sont séparés des membres de leur famille et détenus dans différents établissements.

Même dans les pays où il existe des politiques protégeant les enfants contre la détention des migrants, de longues procédures d’évaluation de l’âge ou le manque d’outils fiables à cet effet peuvent entraîner la détention d’enfants issus de l’immigration.  Il arrive aussi que les enfants avec des familles soient détenus, alors que les enfants non accompagnés sont intégrés dans des systèmes d’accueil autres que la détention.  Autre phénomène inquiétant pointé par le Rapporteur spécial: dans un certain nombre de pays, les enfants migrants sont de facto détenus avec leurs parents ou tuteurs en tant qu’« invités » dans des centres de détention, ce qui les rend « juridiquement invisibles ».

Selon M. González Morales, des efforts se font toutefois jour dans certains pays pour interdire ou au moins réduire le recours à la détention des enfants issus de l’immigration.  Des informations reçues de diverses parties prenantes décrivent comment les États, soutenus par la société civile et les institutions nationales des droits de l’homme, développent des pratiques d’accueil et de prise en charge sans recourir à leur détention tant pour les enfants migrants non accompagnés que pour ceux qui ont leur famille.  En Amérique du Sud et centrale et en Afrique subsaharienne, par exemple, les enfants ne sont pas détenus pour des raisons liées à la migration, a indiqué l’expert. 

Certains pays interdisent inconditionnellement le recours à la détention d’immigrants pour tous les enfants dans leurs cadres législatifs et politiques, a-t-il salué.  D’autres pays vont même au-delà en offrant aux enfants migrants une protection renforcée qui leur garantit une orientation rapide vers les services de protection de l’enfance.  Plusieurs pays ont, quant à eux, adopté des politiques s’engageant à mettre fin ou à réduire considérablement la détention des enfants migrants.

Tout en se réjouissant des bonnes pratiques qui démontrent que la détention d’enfants issus de l’immigration est « effectivement évitable », M. González Morales a appelé tous les États Membres à mettre fin à la rétention des enfants migrants.  Plus précisément, il a exhorté les États à établir dans le droit interne une interdiction explicite de la rétention des enfants migrants; à libérer tous les enfants migrants, qu’ils soient non accompagnés ou avec des familles; à renforcer les systèmes nationaux existants de protection de l’enfance et intégrer les enfants migrants non accompagnés dans ces systèmes sans aucune discrimination; à fournir des ressources suffisantes pour le développement de modalités d’accueil adéquates; et à promouvoir l’unité familiale tout au long de l’asile et des autres procédures liées à la migration.

Le Rapporteur spécial a conclu son exposé en informant la Commission que son prochain rapport au Conseil des droits de l’homme, en 2021, portera sur l’impact sur les droits de l’homme des refoulements de migrants.  Quant à son prochain rapport à l’Assemblée générale, il examinera l’impact de la COVID-19 sur les droits humains des migrants.

Dialogue interactif

Quelles bonnes pratiques permettent de mobiliser des ressources pour mettre fin à la détention de mineurs dans des contextes migratoires, a voulu savoir le Mexique, en se disant conscient qu’il reste beaucoup à faire pour aider les enfants à faire face aux défis de la mobilité humaine dans les situations de crise.

La Fédération de Russie a estimé que la question soulevée par le Rapporteur spécial doit être prise au sérieux par tous les États, en particulier ceux dans lesquels de nombreux migrants sont mineurs.  En Russie, a assuré la délégation, les enfants migrants ne sont pas séparés de leurs parents et, quand ils ne sont pas accompagnés, ils ne sont pas détenus mais envoyés dans des centres d’accueil pour enfants, où ils bénéficient du droit au développement et à l’éducation. 

Les migrants doivent avoir accès à la santé, à l’éducation et au travail, et les discriminations doivent être combattues avec tous les moyens juridiques possibles, a plaidé la Turquie qui a précisé que, sur son sol, ces personnes vulnérables bénéficient de tous les services essentiels en cette période de pandémie. 

Quels sont les principaux défis que rencontrent les États dans la mise en œuvre de leur obligation de traiter les enfants migrants en premier lieu comme des enfants, a demandé le Luxembourg, après avoir rappelé qu’il a accueilli 12 mineurs en provenance de camps de réfugiés en Grèce au début de la pandémie.  Ces jeunes sont logés dans une structure adéquate où ils ont reçu un suivi pédagogique et psychologique, élaboré en collaboration avec des acteurs de la société civile, a indiqué la délégation. 

À son tour, l’Union européenne a souhaité savoir comment les États peuvent financer et promouvoir les initiatives pour les droits des enfants migrants de concert avec la société civile.  Elle a également demandé à M. González Morales de partager des exemples de bonnes pratiques sur les modalités d’accueil prenant en compte l’intérêt supérieur de l’enfant et de fournir une évaluation des impacts de la pandémie de COVID-19 sur les enfants migrants. 

Le Bangladesh a mis l’accent sur les effets de la pandémie sur les travailleurs migrants, leur famille et les pays qui dépendent des transferts d’argent.  Ces migrants reviennent souvent dans leur pays sans emploi, ce qui exacerbe encore le problème de la pauvreté, a souligné la délégation, avant de demander au Rapporteur spécial si une évaluation de cette crise pourrait être réalisée dans le cadre de son mandat.

Comment les pays d’origine peuvent-ils mieux dialoguer avec les pays d’accueil pour assurer une meilleure protection des travailleurs migrants, s’est enquis à son tour l’Afghanistan.  La délégation a par ailleurs fait état du déplacement forcé de populations qui fuient les attaques des Taliban et a exhorté ces derniers à répondre favorablement à l’appel au cessez-le-feu général lancé par le Secrétaire général de l’ONU.

La Grèce a indiqué que, bien que confrontée à de nombreux défis dans le domaine de la migration, elle continue de tenir compte des besoins des enfants et des différences entre les femmes et les hommes.  À cette fin, elle a élaboré une législation efficace qui assure l’accès des migrants aux services essentiels et a mis en œuvre, avec l’Union européenne, un programme grâce auquel les enfants migrants non accompagnés peuvent vivre dans de bonnes conditions en Grèce. 

La République arabe syrienne a dénoncé les « réglementations inhumaines » adoptées par les États-Unis contre les immigrants et a souhaité connaître l’avis du Rapporteur spécial sur cette politique de « tolérance zéro », qui a pour effet de séparer les familles. 

La Hongrie a déploré que le rapport de M. González Morales fasse référence au Pacte mondial sur les migrations auquel tous les États Membres n’ont pas adhéré.

Préoccupée par la vulnérabilité des enfants migrants face à la traite des êtres humains, la Suisse a indiqué qu’elle s’employait à sensibiliser les gardes frontières aux droits des migrants, notamment par le biais de formations en ligne sur les risques auxquels sont confrontés les enfants migrants.  Elle a par ailleurs rappelé que la loi suisse prévoyait des alternatives à la détention administrative de migrants. 

Le Liban a mis en exergue les mesures nationales prises pour améliorer les droits des travailleurs domestiques migrants.  La délégation a ainsi fait état d’un programme mené avec le soutien du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et l’Organisation internationale du Travail en vue d’abolir le travail informel.  Même si le « fardeau des crises multiples » auquel le pays doit faire face a entraîné l’interruption du processus de réforme, ce programme et la défense des travailleurs migrants restent prioritaires, a-t-elle assuré. 

Soulignant, elle aussi, l’impact dévastateur de la COVID-19 sur les populations migrantes, l’Érythrée a plaidé pour qu’une approche plus humaine soit adoptée par les États dans le meilleur intérêt des enfants migrants et de leur famille.

Quelles solutions alternatives à la détention administrative et respectueuses de l’état de droit préconisez-vous pour l’accueil des migrants, a demandé la Malaisie, tout en indiquant qu’elle continue d’accueillir un grand nombre de migrants et à leur assurer une intégration.

La République islamique d’Iran a jugé que la réapparition de discours nationalistes et de suprématie raciale menace la protection des migrants, notamment aux États-Unis.  Lorsque les musulmans sont systématiquement ciblés et que les enfants sont séparés de leurs parents, tout le monde devrait se sentir menacé, a martelé la délégation, en exprimant l’espoir que le Rapporteur spécial puisse contribuer à la lutte contre ces « atrocités » dans le cadre de son mandat.  

De l’avis des Philippines, la pandémie a montré combien la contribution des migrants est importante, notamment dans le secteur sanitaire.  Rappelant par ailleurs que le Programme 2030 demande à ce qu’aucun enfant ne soit laissé pour compte, elle a signalé que cela est encore loin d’être le cas dans les pays où des mères migrantes ne peuvent obtenir de certificat de naissance pour leur enfant.   

L’Éthiopie a rappelé qu’elle accueille le plus grand nombre de réfugiés au monde à qui elle octroie abri, nourriture, eau potable et documents officiels, y compris pour les enfants non accompagnés.  Elle a voulu connaître l’évaluation du Rapporteur spécial sur la mise en œuvre du Pacte mondial sur les migrations au regard de la protection des mineurs.

La Chine a déploré que les États-Unis surveillent les migrants le long de leur frontière avec le Mexique et a engagé le Gouvernement américain à respecter ses obligations internationales, cesser toute politique qui viole les droits humains des migrants et lutter contre les discours de haine et la xénophobie. 

Quelles recommandations faites-vous pour garantir la protection de la santé mentale des enfants séparés de leur famille afin d’éviter qu’ils ne subissent des traumatismes psychologiques, a demandé El Salvador, pour qui la défense des droits de l’enfant doit être une priorité en ces temps de pandémie.

L’Ordre souverain de Malte a rappelé que, depuis le IXe siècle, il fournit des services aux plus vulnérables, dont les migrants font partie.  Il a demandé au Rapporteur spécial de préciser la teneur de ses partenariats avec les institutions des droits de l’homme.

Suite à ces interventions, le Rapporteur spécial a constaté que la majorité des interrogations concernent les bonnes pratiques, spécifiquement pour les enfants, mais aussi les moyens de mieux protéger ces derniers dans le contexte de la pandémie.  Lorsque les enfants ne sont pas avec leur famille, l’une des mesures possibles consiste à les intégrer dans le système national de protection de l’enfance, a-t-il relevé.  Mais il existe aussi des modalités de prise en charge communautaires ou en foyers d’accueil pour les enfants non accompagnés comme pour les familles qui migrent avec des enfants.

Pour M. González Morales, l’application de mesures autres que la détention est « faisable » pour les enfants migrants.  Ce n’est pas une utopie, de nombreux pays d’Amérique latine ne pratiquent pas la détention d’enfants migrants, a-t-il fait valoir.  Il y a donc d’autres solutions, mais ces bonnes pratiques spécifiques doivent s’accompagner de mesures plus générales.  Plutôt que de mettre l’accent sur la sécurité, il faut le mettre sur les droits de la personne, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, a plaidé le Rapporteur spécial.  Les droits de l’homme doivent être le socle de la politique migratoire des États, et si des limitations se font jour, elles ne doivent surtout pas être discriminatoires, a-t-il insisté.

S’agissant du Pacte mondial sur les migrations, il a salué le soutien exprimé par nombre de délégations.  Il a rappelé qu’au-delà des avis du Conseil des droits de l’homme et des différents instruments relatifs aux droits humains, la détention des enfants constitue une violation du droit international.  Ce qui est nouveau dans le rapport, c’est que d’autres solutions sont possibles, a-t-il insisté.  Grâce à la Convention relative aux droits de l’enfant, les principes de base sont clairs depuis longtemps.  Il faut à présent que des mesures appropriées soient prises, a-t-il ajouté.

Évoquant la question de la régularisation, le Rapporteur spécial a observé qu’une personne adulte migrante en situation irrégulière a souvent beaucoup de mal à faire valoir ses droits.  Cette situation est exacerbée dans la période actuelle et se pose aussi pour les enfants et les travailleurs migrants, a-t-il souligné.  Il s’est ensuite élevé contre l’utilisation de la détention d’enfants comme mesure de dissuasion pour l’immigration et contre la stigmatisation des migrants.  Aux États-Unis, a constaté l’expert, les pratiques en matière de détention sont appliquées à grande échelle.  « J’ai critiqué cette politique et demandé des visites qui m’ont été refusées », a-t-il dit.  « Au vu de la situation actuelle, je ne pense pas pouvoir m’y rendre dans un avenir proche. »

Exposé

M. AHMED SHAHEED, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, a indiqué avoir fait rapport au Conseil des droits de l’homme sur les liens entre la liberté de religion ou de conviction et le droit à la non-discrimination fondée sur le sexe.  Il a continué à surveiller la question de l’antisémitisme et s’est félicité de la nomination par le Secrétaire général d’un point focal de haut niveau sur l’antisémitisme en réponse à la recommandation figurant dans son rapport.

Le Rapporteur spécial a indiqué qu’après cinq ans de mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD), les discriminations continuent de saper la poursuite du développement durable partout dans le monde.  Les événements récents liés à la pandémie de COVID-19, par exemple, ont mis en évidence les vulnérabilités considérables engendrées par d’innombrables problèmes de sécurité et amplifient, au quotidien, les effets négatifs que diverses formes de discrimination systémique et de violation des droits de l’homme fondamentaux ont sur le fonctionnement de base de nos sociétés, a-t-il alerté.

Les lois et pratiques discriminatoires de l’État, ainsi que le traitement inégal par le reste de la société, créent des environnements dans lesquels certains individus et groupes de personnes continuent d’être plus vulnérables que d’autres en raison de leur identité religieuse ou de leurs croyances, qu’elles soient perçues ou réelles.  Et même si les lois n’établissent pas explicitement de discrimination, l’absence de politiques efficaces pour réduire les inégalités et lutter contre la discrimination continue de compromettre la jouissance égale des droits de l’homme par ces individus et groupes en raison de leur religion ou de leurs convictions.

Dans une plus ou moins large mesure, la discrimination peut donc affecter la manière dont les personnes qui s’identifient à certaines religions ou croyances sont traitées dans toutes les sphères de la société, telles que la politique, l’éducation, l’emploi, les services sociaux et médicaux, le logement, le système pénitentiaire, l’application de la loi et l’administration de la justice en général.  Si elles ne sont pas contrôlées, ces disparités et inégalités continueront de saper les progrès futurs vers la réalisation d’un développement durable et menaceront d’annuler les progrès réalisés dans la mise en œuvre des ODD.  À cet égard, il a encouragé les États à utiliser des indicateurs spécifiques qui mettent en évidence le statut juridique, institutionnel, social ou culturel des populations touchées, mais aussi à collecter des données ventilées par motif de discrimination fondée sur la religion ou la croyance pour améliorer la compréhension des inégalités liées à la religion ou à la croyance.

Dialogue interactif

Suite à cette présentation, plusieurs délégations ont rejeté les parties du rapport mentionnant leur pays, notamment l’Égypte qui a estimé que les informations qui y figurent à son sujet sont fallacieuses et témoignent d’une mauvaise connaissance de la situation.  La délégation a notamment nié l’existence d’une carte d’identité qui serait octroyée à certains groupes de personnes.  Il est également regrettable que l’on parle d’attaques sectaires, alors que le pays subit des attaques terroristes lancées contre différentes communautés.  L’Inde a accusé le Rapporteur spécial d’avoir fait preuve de sélectivité et d’avoir utilisé des généralisations pour simplifier la pluralité du monde.  Dès lors, « nous condamnons la subjectivité du Rapporteur et ses conclusions », a tranché la délégation.

L’Arabie saoudite a souligné que les rapporteurs spéciaux doivent recevoir leurs informations de sources fiables, de même que la Fédération de Russie qui a invité le Rapporteur spécial à vérifier ses informations avant de les publier.  Elle l’a également appelé à se pencher sur la situation de l’église orthodoxe en Ukraine « constamment persécutée par les autorités de Kiev ».

Cuba a également regretté l’absence, dans le rapport, d’informations neutres et vérifiées à son sujet.  La délégation a, par ailleurs, exhorté le Rapporteur spécial à examiner, dans ses prochains rapports, l’impact des mesures coercitives unilatérales sur la liberté de croyance.  L’Iran a de même rejeté les allégations qui le concernent et s’est élevé contre l’islamophobie qui gagne du terrain, notamment aux États-Unis en raison des discours haineux.

La Chine s’est également inquiétée de la situation aux États-Unis où, a-t-elle affirmé, 55% des musulmans estiment être l’objet de discrimination, pour ensuite inviter ce pays à éviter la confrontation et à revenir à la voie du dialogue et de la coopération.  La délégation a en outre évoqué le très grand nombre de groupes religieux qui existent en Chine et a souligné que tout citoyen jouit de la pleine liberté de croyance et de religion.

L’élaboration d’indicateurs proposée par le Rapporteur spécial pour évaluer la discrimination et la persécution a retenu l’attention de plusieurs délégations.  L’Autriche a notamment voulu savoir comment ceux-ci pourraient être harmonisés avec les obligations existantes en matière de présentation de rapports et de mise en œuvre du Programme 2030.

Quel est le plus pertinent des ODD dans le contexte de la promotion de la liberté de religion ou de croyance, a voulu savoir le Danemark, au nom des pays baltes et nordiques.

La Hongrie a fait part de sa tolérance zéro envers l’antisémitisme et d’autres formes d’intolérance religieuse.  Elle a également indiqué que sa politique humanitaire accorde une attention particulière aux chrétiens et aux autres minorités persécutées pour des raisons de religion ou de croyance.

À la lumière de l’actuelle pandémie de COVID-19, les Pays-Bas ont voulu savoir comment accorder une attention suffisante aux formes de discrimination intersectionnelles subies par les personnes appartenant à des communautés religieuses ou de croyance.  De son côté, la Grèce s’est intéressée aux mesures concrètes permettant de parvenir à une coexistence interconfessionnelle, se préoccupant notamment de la participation à la vie culturelle des personnes appartenant à des minorités religieuses.  Dans une même veine, le Royaume-Uni a voulu savoir quelles mesures pratiques permettraient aux États Membres de répondre aux conséquences de la pandémie sur les groupes religieux et de lutter contre la désinformation.

L’Union européenne s’est, elle aussi, préoccupée de l’augmentation de l’intolérance et de la discrimination fondées sur la religion ou la conviction dans le contexte de la pandémie de COVID-19.  Comment les institutions nationales des droits de l’homme peuvent-elles améliorer le suivi de l’impact de la pandémie sur la liberté de religion ou de conviction et sur les personnes appartenant à des minorités religieuses?

Quels sont les enseignements tirés dans le contexte de la pandémie en matière de discrimination sur la base de la religion, a demandé à son tour la Roumanie, après que la Pologne, au nom d’un groupe de pays, se fut déclarée alarmée par les discriminations subies par des minorités religieuses dans certains pays.

Les lois et politiques doivent protéger la liberté de culte, ont insisté à leur tour les États-Unis qui ont demandé au Rapporteur spécial de se pencher sur les violations de la liberté de culte en Chine et en Iran.

Malte a parlé des mesures adoptées au niveau national pour éliminer toute forme de discrimination religieuse; le Brésil a considéré que le rapport est essentiel à la mise en œuvre du Programme 2030 et Israël a souhaité obtenir des informations supplémentaires sur les conséquences de la pandémie sur la discrimination systématique et les moyens d’y faire face.

Existe-t-il un mécanisme de contrôle pour s’assurer que le cadre d’indicateurs au niveau national sera aligné aux normes internationales, s’est enquise à son tour l’Albanie.

Le Maroc a expliqué avoir adopté différentes mesures visant à promouvoir les valeurs de modération et de tolérance consacrées par l’islam.  Il a cité à cet égard la formation d’imams et l’action visant à la déconstruction du discours extrémiste et haineux, ainsi que la restauration des cimetières et lieux de culte juifs.

Comment œuvrer de concert pour attirer l’attention sur le problème de discrimination religieuse, a demandé le Canada qui s’est préoccupé de la situation des Ouïghours et Kazakhs en Chine, et des chrétiens en République populaire démocratique de Corée (RPDC).  La délégation s’est également inquiétée du fait que nombre des millions de filles qui n’ont pas accès à l’éducation sont issues de minorités religieuses.

L’Arménie a voulu savoir comment le Rapporteur spécial compte mettre en œuvre son mandat pour protéger les groupes religieux vivant ou touchés par les conflits.

En réponse à ces questions et commentaires, le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction a d’entrée invité les délégations l’ayant critiqué au sujet du contenu de son rapport à se pencher sur les notes en bas de page qui « indiquent nos sources ».  Les « éléments contenus dans le rapport sont exacts », a-t-il insisté.  Et si certaines délégations ont le sentiment que certaines parties du rapport ressemblent à une « histoire d’horreur », c’est parce que l’expérience de nombre de communautés est absolument « horrible ».  Il a en outre souligné que pratiquement tous les groupes confessionnels de toutes les régions du monde sont cités dans son rapport sans distinction aucune.

Pour ce qui est des indicateurs, le Rapporteur spécial a indiqué qu’ils seront élaborés dans un contexte précis et qu’ils doivent être fiables et « permettre de nous mobiliser ».

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