8700e séance – après-midi
CS/14074

Conseil de sécurité: un compromis permet de proroger pour six mois le mandat du mécanisme humanitaire transfrontalier en Syrie

« Même si tout le monde autour de cette table est insatisfait, le compromis permet tout de même de sauver des millions de vies syriennes », s’est réjouie l’Indonésie alors que le Conseil de sécurité venait d’adopter par vote, ce soir, la résolution 2504 (2020) prorogeant de six mois le mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière en Syrie dont le mandat prenait fin à minuit.

La résolution a été adoptée par 11 voix pour et les abstentions de la Chine, des États-Unis, de la Fédération de Russie et du Royaume-Uni, mais pour des raisons différentes.  Si la Fédération de Russie a retiré son texte concurrent, elle a tout de même demandé un vote sur son amendement, rejeté par 7 voix contre, 3 voix pour et 5 abstentions, consistant à inclure les principes directeurs de l’aide humanitaire énoncés dans la résolution 46/182 de l’Assemblée générale.  Il y est dit que « la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’unité nationale des États doivent être pleinement respectées, en conformité avec la Charte des Nations Unies.  Dans ce contexte, l’aide humanitaire devrait être fournie avec le consentement du pays touché et en principe, sur la base d’un appel du pays touché ». 

La résolution 2504 adoptée aujourd’hui renouvelle, pour six mois, jusqu’au 10 juillet 2020, les paragraphes 2 et 3 de la résolution 2165 (2014), à l’exclusion des postes frontière de Yaroubiyé et de Ramta.  Les agences humanitaires des Nations Unies et leurs partenaires d’exécution sont donc autorisés à continuer d’utiliser les routes franchissant les lignes de conflit ainsi que les postes frontière de Bab el-Salam et Bab el-Haoua afin que l’aide humanitaire, y compris les fournitures médicales et chirurgicales, parvienne par les voies les plus directes aux personnes qui en ont besoin dans toute la Syrie, en en notifiant les autorités syriennes. 

Le mécanisme de surveillance, placé sous l’autorité du Secrétaire général, est maintenu pour superviser, avec l’assentiment des pays voisins de la Syrie concernés, le chargement dans les installations de l’ONU de tous les envois humanitaires, de même que toute inspection subséquente des envois par les autorités douanières des pays voisins, en vue de leur passage en Syrie aux deux postes frontière, avec notification de l’ONU aux autorités syriennes.

Le Conseil demande au Secrétaire général de lui faire, d’ici à la fin du mois de février 2020, un rapport sur la faisabilité de voies alternatives au poste frontière de Yaroubiyé et d’effectuer, dans les six mois, un examen indépendant des opérations humanitaires entre les lignes de front et les frontières, dont il rendra compte par écrit, y compris des recommandations sur le renforcement du mécanisme de surveillance.

Le texte de la résolution que nous avions présenté, le 14 novembre dernier, a rappelé la Belgique, porte-plume avec l’Allemagne, prévoyait trois postes frontière.  Mais, apparemment, s’est-elle résignée, celui de Yaroubiyé qui se trouve dans le nord-est de la Syrie n’a pas fait l’unanimité, alors même qu’il permet d’apporter une aide médicale à plus de 1,4 million de personnes et que les Nations Unies et les acteurs humanitaires l’estiment « crucial ».  La France a aussi dénoncé le fait que le mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière n’ait été renouvelé que pour six mois au lieu de 12 et que sa portée ait été réduite, en passant de quatre à deux postes frontière.  Demain à Yaroubiyé, s’est désolée l’Allemagne, 1,4 million de Syriens vont se réveiller dans l’incertitude de pouvoir recevoir une aide humanitaire. 

Les postes frontière avec la Jordanie et l’Iraq ne sont plus vraiment utilisés comme l’ont confirmé les rapports du Secrétariat de l’ONU, a rétorqué la Fédération de Russie, avant d’être accusée par l’Estonie de n’avoir pas fait de suggestions « concrètes » pour améliorer la résolution.  L’amendement présenté « à la dernière minute » n’aurait rien changé au fonctionnement du mécanisme, puisque l’acheminement de l’aide ne nécessite pas le consentement du pays touché, a tranché l’Estonie, dans un argument repris en chœur.  Les porte-plumes, s’est offusquée la Syrie, ont consulté les membres du Conseil de sécurité et nos pays voisins.  Pourquoi n’avez-vous pas consulté le Gouvernement syrien? a-t-elle demandé, devant une violation manifeste de la résolution 46/182 de l’Assemblée générale. 

Parce que le consentement de la Syrie n’est pas nécessaire, a répété le Royaume-Uni qui n’a pas caché sa déception devant une résolution qui ne répond pas aux besoins humanitaires des Syriens.  Mais le veto n’était pas envisageable, ont renchéri les États-Unis.  « Après des mois de négociation », la résolution est la seule solution pour continuer à apporter de l’aide humanitaire aux populations syriennes.  Mais qu’est-ce qui ne vous convenait pas?  Nous ne le savons pas toujours, a avoué la Fédération de Russie qui a appelé les organisations humanitaires à gagner la confiance des autorités syriennes, « sinon nous n’y arriverons pas », a-t-elle prévenu, en insistant sur le consentement du pays hôte. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Texte du projet de résolution (S/2020/24)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant ses résolutions 2042 (2012), 2043 (2012), 2118 (2013), 2139 (2014), 2165 (2014), 2175 (2014), 2191 (2014), 2209 (2015), 2235 (2015), 2254 (2015), 2258 (2015), 2268 (2016), 2286 (2016), 2332 (2016), 2336 (2016), 2393 (2017), 2401 (2018) et 2449 (2018) et les déclarations de sa présidence des 3 août 2011 (S/PRST/2011/16), 21 mars 2012 (S/PRST/2012/6), 5 avril 2012 (S/PRST/2012/10), 2 octobre 2013 (S/PRST/2013/15), 24 avril 2015 (S/PRST/2015/10), 17 août 2015 (S/PRST/2015/15) et 8 octobre 2019 (S/PRST/2019/12),

Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la Syrie, ainsi qu’aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies,

Soulignant que plus de 11,1 millions en Syrie ont besoin d’assistance humanitaire et que le mécanisme transfrontières demeure une solution temporaire d’urgence permettant de répondre aux besoins d’aide humanitaire des populations auxquelles il est impossible d’accéder dans le cadre des opérations menées en Syrie,

Rappelant que toutes les parties doivent respecter les dispositions du droit international humanitaire sur la question et les principes directeurs de l’Organisation des Nations Unies relatifs à l’aide humanitaire d’urgence, soulignant qu’il importe, dans le cadre de l’aide humanitaire, de défendre les principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance, et rappelant qu’il importe également que les convois humanitaires parviennent à leurs destinataires,

Considérant que la situation humanitaire catastrophique qui règne en Syrie continue de faire peser une menace sur la paix et la sécurité dans la région,

Soulignant que l’Article 25 de la Charte des Nations Unies fait obligation aux États Membres d’accepter et d’appliquer ses décisions,

1.    Exhorte toutes les parties à garantir qu’une aide humanitaire plus efficace et respectueuse des principes établis sera fournie durablement à la Syrie en 2020;

2.    Exige de nouveau que toutes les parties, en particulier les autorités syriennes, s’acquittent sans délai des obligations que leur impose le droit international, notamment, selon les cas, le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, exige également qu’elles appliquent sans délai l’ensemble des dispositions de ses résolutions sur la question, notamment les résolutions 2139 (2014), 2165 (2014), 2191 (2014), 2258 (2015), 2332 (2016), 2393 (2017), 2401 (2018) et 2449 (2018), et réaffirme que certaines des exactions commises en Syrie pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité;

3.    Décide de prolonger l’application des mesures prises aux paragraphes 2 et 3 de sa résolution 2165 (2014), pour une période de six mois, à savoir jusqu’au 10 juillet 2020, à l’exclusion des dispositions concernant les points de passage de Ramta et de Yaroubiyé;

4.    Exige que toutes les parties accordent aux convois humanitaires des entités des Nations Unies et de leurs partenaires d’exécution, notamment ceux qui transportent des fournitures médicales et chirurgicales, un accès sûr, durable et sans entrave à toutes les zones et populations recensées dans le cadre de l’évaluation des besoins réalisée par les entités des Nations Unies dans toutes les régions de la Syrie;

5.    Déclare de nouveau qu’en l’absence de règlement politique du conflit syrien, la situation continuera de se dégrader et exige à nouveau que toutes les dispositions de la résolution 2254 (2015) soient appliquées sans délai pour faciliter une transition politique conduite par les Syriens et prise en main par eux, conformément au Communiqué de Genève et comme énoncé dans les Déclarations du Groupe international de soutien pour la Syrie, en vue de mettre un terme au conflit, et souligne une fois encore que c’est au peuple syrien qu’il appartient de décider de l’avenir de son pays;

6.    Prie le Secrétaire général de lui faire rapport avant la fin du mois de février 2020 sur la faisabilité de recourir à d’autres modalités au point de passage de Yaroubiyé, afin de faire en sorte que l’aide humanitaire, y compris les fournitures médicales et chirurgicales, parvienne par les voies les plus directes aux personnes qui en ont besoin dans toute la Syrie,

7.    Demande aux organismes humanitaires des Nations Unies d’améliorer la surveillance de l’acheminement et de la distribution des envois de secours des Nations Unies et de leur livraison sur le territoire syrien, et prie le Secrétaire général de mener, dans un délai de six mois à compter de l’adoption de la présente résolution, un examen indépendant des opérations humanitaires dans le cadre desquelles les organismes des Nations Unies franchissent les lignes de front et les frontières, dont il rendra compte par écrit, en y incluant des recommandations sur les moyens de renforcer encore le Mécanisme de surveillance des Nations Unies, afin que l’aide humanitaire puisse être acheminée aux populations qui en ont besoin par les voies les plus directes, en tenant compte des vues des parties intéressées, notamment les autorités syriennes, les pays voisins de la Syrie concernés et les organismes humanitaires des Nations Unies et leurs partenaires d’exécution,;

8.    Prie le Secrétaire général de lui faire chaque mois le point de la situation et de lui soumettre régulièrement, et au moins tous les 60 jours, un rapport sur l’application des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014), 2191 (2014), 2258 (2015), 2332 (2016), 2393 (2017), 2401 (2018) et 2449 (2018) et celle de la présente résolution ainsi que sur le respect de leurs dispositions par toutes les parties concernées en Syrie, et le prie également de continuer de lui faire part, dans ses rapports, de l’évolution d’ensemble de l’accès des agents humanitaires des Nations Unies à travers les frontières et les lignes de front, et de lui communiquer des informations plus détaillées sur l’aide humanitaire fournie dans le cadre des opérations humanitaires transfrontières des entités des Nations Unies, y compris le nombre de bénéficiaires, les lieux de livraison de l’aide dans les districts et le volume et la nature des marchandises livrées;

9.    Réaffirme qu’en cas de non-respect de la présente résolution ou des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014), 2191 (2014), 2258 (2015), 2332 (2016), 2393 (2017), 2401 (2018) et 2449 (2018), il prendra d’autres mesures, en vertu de la Charte des Nations Unies;

10.   Décide de rester activement saisi de la question.

Déclarations après le vote

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a proposé un amendement oral au paragraphe 6 du dispositif de la résolution pour remplacer les termes « conformément aux principes humanitaires d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance» par « conformément aux principes directeurs de l’assistance humanitaire définis par la résolution pertinente de l’Assemblée générale ».

Également au nom de l’Allemagne, l’autre porte-plume de la résolution, M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a rappelé que ce sont 11 millions de Syriens qui ont besoin d’assistance humanitaire.  Depuis 2014, a-t-il souligné, ce sont les opérations transfrontalières qui apportent du secours aux Syriens et depuis le 14 novembre dernier, les porte-plumes n’ont épargné aucun effort pour parvenir à un texte consensuel, en consultant tous les membres du Conseil et les pays voisins de la Syrie.  Le 20 décembre dernier, des divisions « profondes » ont été mises à jour quand le Conseil tablait sur la prorogation de l’aide transfrontalière.  Le texte que nous avions présenté ce jour-là prévoyait trois postes frontière, mais apparemment, celui de Yaroubiyé qui se trouve dans le nord-est de la Syrie n’a pas fait l’unanimité, alors même qu’il permet d’apporter une aide médicale à plus de 1,4 million de personnes et que les Nations Unies et les acteurs humanitaires l’estiment « crucial ».  Alors que se poursuit l’escalade militaire, deux millions de personnes dépendent du mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière, a plaidé le représentant, avant de préciser que l’amendement proposé par la Fédération de Russie contredit la pratique même dudit mécanisme. 

Pour Mme ANNE GUEGUEN (France), il était essentiel que le mécanisme d’aide humanitaire transfrontalière pour la Syrie soit renouvelé aujourd’hui, date de son expiration.  Elle a tout de même vivement regretté que la résolution que le Conseil vient d’adopter en réduise la portée, en passant de 4 à 2 points de passage et d’une durée de 12 mois à une durée de 6 mois seulement.  Il n’y a aujourd’hui pas d’alternative à ce mécanisme, a-t-elle poursuivi, un mécanisme dont la vie de 4 millions de Syriens dépend.  Pourquoi?  Parce que le régime syrien continue d’instrumentaliser l’aide aux populations dans le besoin à des fins politiques, au mépris du droit international humanitaire et des principes humanitaires, en accordant les autorisations au compte-gouttes, en sélectionnant les bénéficiaires, en détournant l’aide.  Cette donne-là n’a pas changé au cours des derniers mois, a tranché Mme Gueguen avant de rappeler que chaque jour, l’aide humanitaire transfrontalière permet d’apporter une assistance vitale à 2,7 millions de personnes dans le nord-ouest et 1,3 million de personnes dans le nord-est de la Syrie.  Ces personnes, sans cette aide, dépendraient entièrement du régime de Damas, a souligné la représentante, plutôt que des Nations Unies et des acteurs humanitaires, et se retrouveraient à sa merci.

La France, a souligné la représentante, s’est engagée de bonne foi et activement dans les négociations menées par les porte-plumes.  Elle déplore vivement que le point de passage de Yaroubiyé n’ait pu être maintenu car il revêt une importance cruciale.  Il permet en effet d’acheminer 40% de l’aide médicale dans le nord-est, des médicaments qui ne peuvent y parvenir via les convois acheminés depuis Damas.  La France, a-t-elle poursuivi, regrette aussi que l’Organisation mondiale de la Santé se retrouve désormais dans l’impossibilité d’acheminer le convoi de 8 à 10 camions qui était prévu dans les prochaines semaines.

Alors que l’écrasante majorité du Conseil soutenait le renouvellement dans son intégralité de ce mécanisme vital, à travers le maintien de l’autorisation de passage par al-Yaroubiyah, la Fédération de Russie, a accusé la représentante, a de nouveau cédé aux exigences d’un régime « criminel ».  C’est faire bien peu de cas des vies humaines qui sont en jeu ainsi que des principes de neutralité, d’humanité, d’indépendance, et d’impartialité de l’aide humanitaire, s’est-elle impatientée.  L’intransigeance de la Fédération de Russie sur ce point est moralement et humainement incompréhensible et inacceptable pour la France.  La représentante a ajouté que le mandat que le Conseil de sécurité vient de donner au Secrétaire général de présenter d’ici à la fin du mois de février des options pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire, y compris des médicaments, dans le nord-est, est dans ce contexte essentiel.  Elle en a, dès lors, appelé à la responsabilité de tous, et en premier lieu de la Fédération de Russie, pour prendre une décision qui tire les conséquences de l’analyse des options qui leur seront présentées par le Secrétaire général.  Le mandat du mécanisme n’a été renouvelé que pour une durée de six mois, alors que les opérations humanitaires ont besoin de prévisibilité et de stabilité pour être préparées et conduites de manière efficace.  Il est urgent, a conclu la représentante, de remettre le processus politique sur les rails et ne plus instrumentaliser l’aide humanitaire.  « La survie des Syriens en dépend. »

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a indiqué que ce texte de compromis permettra de poursuivre l’assistance humanitaire dans le nord-ouest de la Syrie, là où il n’y a pas d’autre alternative pour recevoir cette aide.  C’est un signal important pour la population syrienne même si, a avoué le représentant, avec l’Allemagne, nous aurions espéré un texte plus ambitieux et un mandat pour toutes les personnes qui dépendent du mécanisme.  Le représentant s’est, en effet, dit déçu que le Conseil n’ait pu obtenir ce résultat dans une résolution purement humanitaire.  Il a appelé le régime syrien à autoriser l’aide humanitaire sur tout son territoire, dans la neutralité et sans obstacle.

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a estimé que la logique de la suppression de deux points de passage importants se fonde sur des arguments politiques et non pas humanitaires.  Une telle situation appelle à une profonde réflexion, a dit le représentant qui s’est tout de même réjoui de ce que ce mécanisme « partiel » permettra de sauver des millions de vie.  Il a regretté le manque de souplesse de la part de certaines délégations et a espéré qu’elles tiendront compte à l’avenir des vies à sauver.

M. MONCEF BAATI (Tunisie) s’est félicité de l’adoption de la résolution, saluant le travail des porte-plumes humanitaires qui ont œuvré pour sortir de l’impasse.  Il a rappelé que la responsabilité du Conseil de sécurité est de sauver des vies et d’apporter de l’aide à ceux qui en ont le plus besoin en Syrie.  Le règlement définitif du conflit syrien, a-t-il souligné, passe par un dialogue politique sous l’égide de l’ONU. 

M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a salué les porte-plumes pour leur « persévérance », soulignant l’importance du mécanisme.  Notant que l’avenir du poste frontière de Yaroubiyé demeure flou, elle a accusé la Fédération de Russie de n’avoir pas pris part à toutes les consultations et de n’avoir pas fait de suggestions « concrètes » pour améliorer le texte.  L’amendement présenté « à la dernière minute » n’aurait rien changé au fonctionnement du mécanisme, puisque l’acheminement de l’aide ne nécessite pas le consentement du pays hôte. 

M. JUN ZHANG (Chine) a dit que son pays accorde une importance capitale à la situation humanitaire en Syrie mais qu’il a des réserves sur la mise en œuvre du mécanisme.  Le représentant a en effet reproché au texte de faire peu de cas du consentement du pays hôte.  L’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière doit se faire, a-t-il martelé, avec l’accord du Gouvernement syrien.  Il a demandé au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) de coordonner son action avec ledit Gouvernement et de suivre « à la lettre » les principes directeurs de l’aide humanitaire tels que définis par l’Assemblée générale.  Lors des négociations, a affirmé le représentant, nous avons tout fait pour parvenir à un compromis.  Il a d’ailleurs jugé que le texte adopté aujourd’hui est une  solution « réaliste » pour permettre au mécanisme de poursuivre son mandat.

Mme INGA RHONDA KING (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a souligné que malgré les intérêts divergents, son pays a préféré soutenir le texte, puisqu’il n’y a pas de solution parfaite.  Nous avons également fait ce choix pour préserver la dignité humaine, a-t-elle ajouté.  Elle a dit attendre avec impatience le rapport du Secrétaire général et n’a pas manqué de féliciter les porte-plumes pour leurs efforts, y compris le Koweït qui y était associé avant la fin de son mandat au Conseil en décembre dernier. 

M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a salué l’adoption de la résolution, « au bout d’un processus de longue haleine ».  C’est la vie des civils qui est en jeu et le Conseil se devait de traiter de cette question urgente.  Même si tout le monde autour de cette table est insatisfait, le compromis permet tout de même de sauver des millions de vies syriennes, s’est-il réjoui.  Il a toutefois estimé que le poste frontière de Yaroubiyé reste nécessaire pour l’aide médicale et a dit attendre avec intérêt les options du Secrétaire général.  Ce mécanisme répond à une situation précise et nous espérons que le conflit syrien va se toucher à sa fin pour qu’il ne soit plus nécessaire, a conclu le représentant.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a expliqué que son pays s’est abstenu sur la résolution pour ne pas empêcher l’aide humanitaire vers Edleb, « la seule province qui en a vraiment besoin ».  Il a dit ne pas comprendre pourquoi des délégations ont refusé le dialogue.  Qu’est-ce qui ne vous convenait pas exactement?  Nous ne le savons pas toujours, s’est-il étonné, avant de rappeler que l’assistance humanitaire doit se départir des influences politiques.  Accusant des délégations de vouloir avancer leur propre agenda, le représentant a affirmé que les postes frontière avec la Jordanie et l’Iraq ne sont plus vraiment utilisés comme l’ont confirmé les rapports du Secrétariat de l’ONU.  Toute aide humanitaire, a-t-il ajouté, doit se faire avec le consentement du pays hôte.  Le représentant a aussi demandé que l’on libère les couloirs de transport de l’assistance humanitaire pour prévenir les détournements et assurer la sécurité.  Il faut aussi gagner la confiance des autorités syriennes, a-t-il dit, en s’étonnant que personne n’en fasse grand cas.  « Sans cette confiance, nous n’y arriverons pas », a-t-il averti, tout en rappelant l’importance des principes directeurs de l’assistance humanitaire, dont le consentement du pays bénéficiaire, a-t-il une nouvelle fois martelé. 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni), qui s’est abstenue sur la résolution, a regretté qu’aujourd’hui les membres du Conseil de sécurité aient décidé pour la première fois de faire de la « politique politicienne » avec l’aide humanitaire.  Elle a reproché à la Fédération de Russie de jouer avec la vie des Syriens du nord-ouest et du nord-est.  La résolution, a-t-elle tranché, ne répond pas aux besoins d’aide humanitaire des Syriens.  Cette aide, a-t-elle martelé, ne devrait pas être soumise au marchandage.  Les Nations Unies, qui coordonnent cette aide, ont demandé quatre postes frontière mais le Conseil de sécurité ne leur en assuré que deux.  Plus de 1,4 million de personnes, s’est indignée la représentante, dépendent de l’acheminement de l’aide humanitaire et médicale par le poste frontière de Yaroubiyé qui a été supprimé.  La Fédération de Russie, a-t-elle relevé, nous dit que l’Assemblée générale a consacré, dans ses principes directeurs, le consentement du pays hôte.  Nous avons plutôt retenu, a-t-elle souligné, les principes de neutralité, d’impartialité, d’humanité et d’indépendance et la nécessité que l’aide parvienne à ceux qui ont besoin sans distinction aucune.  Nous avons du mal à croire, a-t-elle tranché, que nous pouvons faire confiance au régime syrien pour apporter l’aide humanitaire dans le nord-est.

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a salué les porte-plumes dont le Koweït qui ne fait plus partie du Conseil de sécurité.  Il s’est réjoui de la bonne nouvelle qui sera connue demain matin à Edleb quand les populations apprendront qu’elles pourront bénéficier de l’aide humanitaire.  Il a néanmoins regretté que 1,4 million de personnes à Yaroubiyé vont se réveiller dans l’incertitude, ne sachant quelle suite sera réservée au mécanisme d’aide humanitaire.  Il a invité la Fédération de Russie à peser de tout son poids pour que la dizaine de camions en attente dans cette région puissent atteindre les populations dans le besoin.

Mme KELLY CRAFT (États-Unis) s’est également abstenue sur la résolution parce qu’« après des mois de négociation », ce texte était la seule solution pour continuer à apporter de l’aide humanitaire au peuple syrien.  Dès lors, le veto n’était pas envisageable même si le comportement de la Fédération de Russie est « incompréhensible ».  Pourquoi, s’est demandée la représentante, ce pays refuse-t-il de maintenir le niveau d’aide actuel au risque d’en priver plus de 1,4 million de Syriens?  La Syrie, a-t-elle accusé, a décidé d’utiliser la privation comme arme de guerre et la Fédération de Russie la soutient.  C’est un comportement « effarant », a avoué la représentante.  Nous avions, a-t-elle dit, réclamé quatre postes frontière voire cinq et en l’occurrence, le consentement du régime syrien n’était pas nécessaire.  Ce qui s’est passé aujourd’hui, a affirmé la représentante, est un coup porté au Conseil de sécurité qui est pris en otage.  Dans six mois, a-t-elle prévenu, nous ferons tout pour rétablir l’autorité du Conseil et répondre aux besoins humanitaires de tous les Syriens.

M. DINH QUY DANG (Viet Nam) a dit avoir voté en faveur du texte parce que le mécanisme et les points de passage sont cruciaux pour apporter de l’aide humanitaire en Syrie.  Il a salué le travail de l’OCHA en Syrie et a estimé qu’il doit pouvoir poursuivre son travail.  Il a aussi rappelé que le Gouvernement syrien est le premier responsable de l’aide humanitaire. 

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a jugé déplorable de voir cette scène « inhumaine » se dérouler devant ses yeux: un Conseil de sécurité qui vote contre l’Assemblée générale comme s’il existait deux Chartes des Nations Unies.  Il est tout aussi déplorable, a-t-il ajouté, que la résolution 46/182 invoquée par la Fédération de Russie ait été écartée au profit des intérêts politiques.  Dès le début de la guerre terroriste lancée contre la Syrie, mon Gouvernement, a affirmé le représentant, a fait des efforts inlassables pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et ce malgré le blocus et les mesures unilatérales coercitives qu’il subit.  Les acteurs humanitaires syriens ont dûment coopéré avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et l’OCHA ainsi qu’avec 27 ONG humanitaires, et ce, dans le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté nationale. 

Aujourd’hui, ce sont les pays occidentaux qui n’hésitent pas à violer la Charte pour diffamer le Gouvernement syrien et prolonger la crise.  L’OCHA, a accusé le représentant, a pris le parti de ces pays, comme en témoigne son « hostilité » à l’égard de mon Gouvernement syrien.  Il a accusé le Bureau de la coordination des affaires humanitaires d’avoir inclus dans ses rapports de fausses informations.  Où est l’éthique et où est l’esprit de partenariat que doivent avoir les acteurs humanitaires à l’égard des gouvernements, y compris le Gouvernement syrien?

Le représentant s’est aussi interrogé sur le rôle des porte-plumes qui rédigent une résolution prétendument humanitaire tout en livrant une guerre contre son gouvernement et en pillant les richesses du pays.  Ils veulent ignorer que le centre humanitaire doit être Damas et non pas d’autres capitales, a-t-il dit, en s’étonnant que son homologue de la Belgique ait dit avoir tenu des consultations avec les membres du Conseil de sécurité et des pays voisins de la Syrie.  Pourquoi n’avez-vous pas consulté le Gouvernement syrien? a demandé le représentant, devant une violation manifeste de la résolution 46/182 de l’Assemblée générale.  Ces porte-plumes font fi l’évolution de la situation sur le terrain depuis juillet 2014, dont le fait que le Gouvernement syrien a repris le contrôle de toutes les régions assiégées ou difficiles d’accès, a souligné le représentant.

Reprenant la parole Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a voulu « défendre les Nations Unies et OCHA » que son homologue de la Syrie a critiqués.  Elle a salué leur travail auprès des populations syriennes, tout en appelant les autorités du pays à leur apporter le soutien nécessaire. 

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