8727e séance – matin
CS/14114

Conseil de sécurité: Face à l’incapacité des garants d’Astana à faire taire les armes dans le nord-ouest de la Syrie, l’ONU doit prendre le relais, estiment plusieurs délégations

Deux semaines après la dernière réunion du Conseil de sécurité sur la situation en Syrie, deux hauts-représentants de l’ONU ont de nouveau appelé, ce matin, à une cessation immédiate des hostilités dans le nord-ouest syrien, confronté à une véritable catastrophe humanitaire.  Devant la gravité de la situation, qui ne cesse de se détériorer, la France a appelé à un véritable « sursaut » et, comme plusieurs autres délégations, a argué que face à l’incapacité des garants d’Astana de faire taire les armes, l’ONU doit prendre le relais.

Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence a indiqué que « l’horreur » s’est encore accrue dans le nord-ouest de la Syrie depuis la catastrophe humanitaire du 6 février dernier.  Au moins 100 civils ont été tués entre le 1er et le 16 février, dont 35 enfants, a ajouté M. Mark Lowcock, avant de préciser que plus de 90% de ces morts se sont produites dans les zones non contrôlées par le Gouvernement.  Un tel mépris de la vie des civils est contraire au droit international, a-t-il asséné, ajoutant que près de 900 000 personnes ont été déplacées depuis le 1er décembre, dont 500 000 enfants. 

L’Envoyé spécial des Nations Unies a reconnu, à son tour, qu’il n’y a eu aucun progrès en Syrie depuis sa dernière apparition au Conseil de sécurité il y a deux semaines, qu’il s’agisse de la violence ou du processus politique.  Les hostilités se poursuivent, y compris des bombardements aériens et terrestres, a indiqué M. Geir Pedersen.  Les combats se rapprochent des zones densément peuplées telles que la ville d’Edleb et le point de passage transfrontalier de Bab el-Haoua qui a la plus grande concentration de déplacés dans le nord-ouest de la Syrie. 

M. Pedersen a mentionné des confrontations répétées entre les forces gouvernementales turques et syriennes et l’engagement actif de la Fédération de Russie dans les opérations militaires du Gouvernement syrien.  Il a invité la Turquie et la Fédération de Russie, les deux garants de l’Accord de désescalade d’Edleb, à jouer un rôle majeur pour faire taire les armes.  Les dernières réunions entre ces deux parties, y compris au niveau présidentiel, n’ont pas permis d’aboutir à un accord en ce sens, a déploré l’Envoyé spécial. 

Devant le manque de progrès, plusieurs délégations ont critiqué le processus d’Astana dont les garants –la Fédération de Russie, l’Iran et la Turquie- avaient délimité par l’Accord du 4 mai 2017 quatre zones de désescalade.  Face à l’incapacité de ces garants de faire taire les armes, il faut que nous puissions agir collectivement, a tranché la France, en appelant le Conseil à un sursaut.  Elle a demandé à M. Pedersen de présenter des propositions concrètes.  Le Conseil, ont renchéri les États-Unis, sous-traite depuis trop longtemps l’établissement des cessez-le-feu à la Russie et au processus d’Astana.  Nous ne pouvons plus leur faire confiance et la voie la plus claire pour obtenir une fin immédiate de la violence dans le nord-ouest, c’est de voir les Nations Unies assumer la responsabilité « totale » d’une initiative de cessez-le-feu.  Ce doit être la priorité « la plus urgente » du Secrétaire général et de son Envoyé spécial, ont-ils pressé. 

Ce Conseil, ont-ils insisté, ne peut laisser la Syrie, la Russie et l’Iran soumettre les Syriens, après avoir échoué à mettre fin à l’assaut du « régime d’Assad » par un cessez-le-feu facilité par l’ONU.  Comment répondre à vos accusations quand vous continuez d’affirmer que nous bombardons des écoles, des hôpitaux et des civils? s’est résigné la Fédération de Russie.  Bien entendu, cela parle à tout le monde, mais qui peut véritablement valider de telles accusations.  Elle a appelé les États concernés à cesser de protéger des terroristes qui stockent des armes « de type occidental » dans les écoles et les hôpitaux de la province Edleb et s’est étonnée que cette réalité ne les empêche pas de vouloir établir la distinction entre les « bons Syriens » et ceux qui sont proches du Gouvernement syrien.

La Fédération de Russie a assuré qu’elle travaille avec la Turquie et l’Iran pour aider les Syriens à aller de l’avant, y compris dans le cadre de la Commission constitutionnelle.  Imposer des solutions de l’extérieur est contraire au principe sur lequel « nous nous sommes tous entendus », à savoir celui de l’appropriation nationale du processus politique, a-t-elle martelé.  La Turquie a confirmé poursuivre ses contacts avec Moscou, « protecteur du régime », pour revenir au respect des cadres relatifs à Edleb.  Elle a accusé le « tyran de Damas » de vouloir « une Syrie sans peuple et sans Syriens » et de se maintenir au pouvoir coûte que coûte.  « Nous ne laisserons pas une telle situation se produire », a-t-elle promis, en parlant d’un régime, dont la simple présence au Conseil est « une insulte » pour des millions de Syriens. 

Comment le régime terroriste d’Erdogan peut-il prétendre vouloir protéger le peuple syrien? a réagi la Syrie qui a qualifié la Turquie de « mandataire de l’Occident ».  Ceux qui font l’apologie de l’agression turque devraient se rappeler qu’Edleb fait partie intégrante de la Syrie.  Nous avons agi par légitime défense, s’est défendue la Turquie, et nous continuerons de le faire par tous les moyens nécessaires.  Soutenue par les États-Unis, en tant qu’« alliée de l’OTAN », la Turquie a prévenu qu’elle ne retirera pas ses troupes ni n’évacuera ses postes d’observation, justifiant sa présence par le mémorandum signé avec la Fédération de Russie en septembre 2018 pour préserver le statut de zone de désescalade d’Edleb.  Ne perdez pas espoir ont dit les États-Unis, aux Syriens.  Dans les jours à venir, nous n’épargnerons aucun effort, y compris en travaillant avec nos alliés, pour isoler diplomatiquement et économiquement le « régime d’Assad » et pour vous fournir des secours, des ressources et enfin, cette paix qui vous a si longtemps échappé. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT                                       

Déclarations

M. GEIR OTTO PEDERSEN, Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, a reconnu qu’il n’y a eu aucun progrès en Syrie depuis sa dernière apparition au Conseil de sécurité il y a deux semaines, que ce soit sur la violence en cours ou sur le processus politique.  Par visioconférence depuis Genève, l’Envoyé spécial a relevé que les hostilités se poursuivent, y compris des bombardements aériens et terrestres.  Il a souligné que l’offensive actuelle a causé le déplacement de près de 900 000 civils depuis le 1er décembre dernier, tandis que des centaines de personnes ont perdu la vie au cours de la même période.  Les combats se rapprochent des zones densément peuplées telle que la ville d’Edleb et le point de passage transfrontalier de Bab el-Haoua qui a la plus grande concentration de déplacés dans le nord-ouest de la Syrie et qui sert également de bouée de sauvetage humanitaire.  Plus de quatre déplacés sur cinq sont des femmes ou des enfants qui font face à des menaces particulières pour leur sécurité.  De jeunes enfants meurent de froid et la possibilité de voir des souffrances encore plus atroces ne cesse d’augmenter du fait qu’un nombre croissant de personnes sont encerclées dans un espace toujours plus petit.

M. Pedersen a indiqué que le Gouvernement syrien et ses alliés ont repris le contrôle de toute la partie est de l’autoroute M5 et de plusieurs territoires à l’ouest de celle-ci, y compris les faubourgs d’Alep.  Des zones résidentielles d’Alep, qui étaient auparavant la cible d’attaques depuis la zone de désescalade, semblent désormais hors de portée.  Le Ministre de la défense turque a annoncé le déploiement d’autres renforts dans la zone de désescalade d’Edleb.  Les confrontations répétées entre les forces gouvernementales turques et celles de la Syrie se poursuivent alors que la Fédération de Russie soutient activement les opérations militaires du Gouvernement syrien.  Hay’at Tahrir el-Cham, l’Organisation de libération du Levant (HTS) et d’autres groupes terroristes ont maintenu une grande présence à Edleb.  L’Envoyé spécial a rappelé que les résolutions 2253 (2015) et 2254 (2015) du Conseil de sécurité appellent les États Membres à combattre ces groupes terroristes.  Il a tout de même souligné que les opérations militaires de toutes les parties, y compris contre ou venant de ces groupes terroristes, doivent respecter le droit international humanitaire, dont la protection des personnes et infrastructures civiles.  Il a aussi demandé que soit respecté le principe de proportionnalité. 

M. Pedersen a invité la Turquie et la Fédération de Russie, les deux garants de l’Accord de désescalade d’Edleb, à jouer un rôle majeur pour faire taire les armes.  Leurs dernières réunions, y compris au niveau présidentiel, n’ont pas permis d’aboutir à un accord.  Il a estimé qu’en s’appuyant sur la coopération internationale et les résolutions du Conseil de sécurité, et en tenant compte du respect de la souveraineté de la Syrie, il est possible de trouver une solution au problème des groupes terroristes d’Edleb sans créer des souffrances humaines inacceptables. 

Les combats, a-t-il aussi annoncé, ont repris dans le nord des faubourgs d’Alep.  De même, la résurgence de Daech est inquiétante.  M. Pedersen a relevé des attaques du groupe terroriste dans le nord-est de la Syrie, notamment dans la région désertique des environs de Homs et dans d’autres zones.  La semaine dernière, un communiquée de l’armée syrienne faisait mention d’une riposte de la défense aérienne contre des attaques ennemies venant du Golan syrien occupé.  L’Envoyé spécial a également parlé des tensions dans le nord-est, rappelant que le porte-parole de la coalition menée par les États-Unis a fait état des tirs à l’arme légère des milices locales contre une patrouille américaine dont un soldat a été tué.  Le média public syrien a pour sa part évoqué la mort d’un civil.  Selon M. Pedersen, cet épisode montre la nécessité de procéder à des arrangements durables dans le nord-est, en tenant compte de tous les acteurs et avec pour but ultime de restaurer la souveraineté syrienne, son unité, son indépendance et son intégrité territoriale, en vertu de la résolution 2254. 

Sur le plan politique, l’Envoyé spécial a dit qu’il avait espéré que le lancement des travaux de la Commission constitutionnelle aurait été l’opportunité de renforcer la confiance et de faire avancer le processus politique.  Cela n’a pas été le cas, a-t-il déploré, en disant travailler à la relance du processus.  En dépit des divergences, il a dit espérer que les réunions de la Commission pourront bientôt reprendre à Genève.  M. Pedersen a plaidé pour la libération des détenus, notamment les femmes et les enfants, tout en demandant que soient publiées des informations sur les détenus et les personnes disparues.  Selon lui, un accord politique durable, en droite ligne de la résolution 2254, nécessite un processus plus large.  Cela passe par le renforcement de la confiance et cela doit se faire étape après étape.  Les souffrances que vivent les Syriens aujourd’hui doivent rappeler à la communauté internationale que l’approche politique est la seule voie possible.  Pour terminer, M. Pedersen a relevé que les Syriens piégés par les combats et qui envoient des messages sur leur sort, ont l’impression de ne pas être entendus.  Il a, de ce fait, appelé de nouveau au respect du droit international humanitaire et à un cessez-le-feu immédiat à Edleb, et partant dans tout le pays.  La communauté internationale et les membres du Conseil doivent travailler à une solution politique, a-t-il souligné. 

M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a indiqué que l’horreur s’est encore accrue dans le nord-ouest de la Syrie depuis la catastrophe humanitaire qui s’est produite le 6 février.  Au moins 100 civils ont été tués entre le 1er et le 16 février, dont 35 enfants, a-t-il ajouté avant de préciser que plus de 90% de ces morts se sont produites dans les zones non contrôlées par le Gouvernement.  Il a indiqué qu’un tel mépris de la vie des civils est contraire au droit international.  Les lignes de front à Edleb et à l’ouest d’Alep se déplacent rapidement.  Près de 900 000 personnes ont été déplacées depuis le 1er décembre, plus de 500 000 étant des enfants, a-t-il dit, ajoutant que les conditions sont « terribles ».  « Aucun endroit n’est sûr à Edleb. »

M. Lowcock a indiqué qu’avec le nombre important de personnes déplacées, la population de la ville de Dana est devenue très dense.  Il a mis en garde contre le coût humain exorbitant des hostilités si elles devaient toucher cette zone.  « Nous avons donné aux parties de nouvelles cartes montrant tous les lieux où se trouveraient des personnes déplacées », a indiqué le Coordonnateur des secours d’urgence en appelant les parties à les protéger. 

Il a aussi indiqué que, à Edleb et Alep, le prix des produits de base a augmenté de 70%, tandis que 72 centres de soin ont cessé leurs activités.  Les opérations humanitaires continuent depuis la Turquie mais les efforts sont insuffisants, a-t-il reconnu.  « Nous devrions publier dans les prochains jours un plan révisé qui nécessitera la mobilisation de 500 millions de dollars pour porter assistance à 1,1 million de personnes. »  M. Lowcock a indiqué travailler avec la Turquie pour que l’ouverture du point de passage de Bab al-Hawa soit étendue à sept jours par semaine.  M. Lowcock a également indiqué avoir demandé au Gouvernement syrien la permission de dépêcher une mission depuis Damas vers les zones dont les autorités ont récemment pris le contrôle.  Enfin, le Secrétaire général adjoint a appelé à un cessez-le-feu immédiat et au respect du droit international.

Mme KELLY CRAFT (États-Unis) a commencé par reprendre les gros titres de la presse sur la Syrie: « Ça ressemble à la fin du monde » d’après le New York Times, « Un point de basculement: Des enfants morts de froid avec l’offensive sur Edleb », pour  Al Jazeera, « Ces gens supplient le monde de les écouter », selon CNN, ou encore « L’impasse de la Turquie et de la Russie en Syrie jette des millions de réfugiés dans le chaos », selon le Wall Street Journal.  Combien de jours encore allons-nous supporter ces titres? s’est impatientée la représentante.  La campagne militaire menée par le régime, la Russie, l’Iran et le Hezbollah équivaut à un rejet total des efforts de l’ONU et du Conseil de sécurité pour faciliter un processus politique en Syrie, a-t-elle tranché.  Elle s’est dit fascinée d’entendre la Russie parler, « sans sourciller », de cessez-le-feu et de solutions politiques alors même que ses avions bombardent hôpitaux et homes d’enfants.  Le « régime d’Assad » déclaré déjà sa victoire militaire et promet de poursuivre son assaut dans le nord-ouest pendant que des enfants meurent de froid à Edleb, s’est indignée la représentante. 

Ce Conseil, a-t-elle dit, ne peut laisser la Syrie, la Russie et l’Iran soumettre les Syriens, après avoir échoué à mettre fin à l’assaut du « régime d’Assad » par un cessez-le-feu facilité par l’ONU.  Les opérations militaires, a ajouté la représentante, ont pour but de contourner le Conseil de sécurité et de l’empêcher de mettre en œuvre la résolution 2254.  Le Président Trump et les États-Unis veulent, a-t-elle martelé, que la Russie mette fin à son soutien aux atrocités du « régime d’Assad » et s’engage en faveur d’un règlement politique.  L’issue de ce conflit, a-t-elle prévenu, pèsera lourdement sur la crédibilité et l’autorité morale du Conseil.  Si nous ne respectons pas unanimement les engagements de la résolution 2254 et que nous ne rétablissons pas l’ancienne zone de désescalade dans la région d’Edleb, qui à l’avenir pourrait nous faire confiance? s’est-elle demandé.  Comment serait perçu un tel précédent sinon comme un fait troublant?

Les États-Unis, a indiqué la représentante, soutiennent les intérêts légitimes de leur allié de l’OTAN, la Turquie, qui a fait plus que tout autre pour les réfugiés syriens.  Elle a rejeté les accusations de la Russie selon lesquelles la Turquie serait à l’origine de la violence dans le nord-ouest de la Syrie.  C’est le « régime d’Assad » et la Russie, et certainement pas la Turquie, qui ont orchestré et exécuté l’offensive militaire, a-t-elle tranché.  Les États-Unis, a-t-elle annoncé, continuent de coordonner leurs efforts diplomatiques avec la Turquie pour rétablir le cessez-le-feu dans la zone de désescalade d’Edleb et repousser les forces syriennes sur les lignes de cessez-le-feu dessinées à Sotchi.  Pour la représentante, le Conseil a « sous-traité » depuis trop longtemps l’établissement des cessez-le-feu à la Russie et au processus d’Astana.  Nous ne pouvons plus leur faire confiance et la voie la plus claire pour obtenir une fin immédiate de la violence dans le nord-ouest, c’est de voir les Nations Unies assumer la responsabilité « totale » d’une initiative de cessez-le-feu.  Ce doit être la priorité la plus urgente du Secrétaire général et de son Envoyé spécial.

Ne perdez pas espoir, a-t-elle conclu en s’adressant aux hommes, femmes et enfants syriens de la province d’Edleb.  « Dans les jours à venir, les États-Unis n’épargneront aucun effort, y compris en travaillant avec leurs alliés pour isoler diplomatiquement et économiquement le « régime d’Assad » et pour vous fournir des secours, des ressources et enfin, cette paix qui vous a si longtemps échappé ».  « Quels seront les gros titres de demain et qu’allons-nous faire », a-t-elle conclu, cette fois, à l’adresse de ses homologues du Conseil.

J’ai très peu à ajouter après l’intervention de ma collègue américaine et les deux exposés, a déclaré M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) en constatant  que «  nous sommes les témoins d’un cauchemar ».  Il a cité la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme pour laquelle « il est inimaginable que l’on bombarde des personnes qui vivent dans des abris de fortune ».  Il s’est aussi fait l’écho de la représentante américaine en déclarant que le format d’Astana ne fonctionne plus et que l’ONU doit prendre les choses en main.  Le moment est venu pour le Secrétaire général d’entrer dans l’arène.

Le représentant a demandé au « régime syrien » de cesser ses attaques contre les forces turques.  Il n’y a pas de solution militaire au conflit, a-t-il asséné, même si la Syrie, la Russie et la Turquie tentent aujourd’hui de nous démontrer le contraire.  Cette situation doit cesser, a-t-il plaidé pour éviter « la pire tragédie du XXIe siècle ».  Bientôt, a-t-il prévenu, il y aura plus de Syriens à l’étranger qu’en Syrie et ceux qui resteront le feront au péril de leur vie.  Le représentant a appelé à des efforts inlassables pour la réconciliation et la lutte contre l’impunité.  Il a demandé à son collègue russe d’arrêter d’appuyer le Gouvernement syrien.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a indiqué que 93% des décès enregistrés en Syrie depuis le 1er janvier sont imputables au Gouvernement et à ses alliés.  S’adressant aux délégations russe et syrienne, elle a lancé: « Que faites-vous pour protéger les civils?  Quand cela va-t-il cesser? »  Elle a estimé que le processus d’Astana, qui dure depuis trop longtemps, ne fonctionne plus.  Elle a suggéré qu’un processus onusien le remplace.  Mme Pierce a expliqué l’inertie du Conseil sur ce dossier en raison du veto russe brandi à de nombreuses reprises pour protéger la Syrie. 

« Les attaques contre la Turquie doivent cesser », a par ailleurs demandé la représentante.  Elle s’est dit inquiète des conséquences de l’escalade en cours pour la Turquie, pays qui accueille des millions de réfugiés.  Pour régler le conflit en Syrie, la déléguée a appelé à un cessez-le-feu durable à Edleb et à une solution politique.  Elle a déploré que les travaux de la Commission constitutionnelle soient au point mort.  Enfin, Mme Pierce a apporté son appui à tout accord politique qui serait trouvé sous les auspices de l’ONU. 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a exprimé sa profonde préoccupation en ce qui concerne la situation en général en Syrie et en particulier dans le nord-ouest, évoquant des violations du droit international humanitaire qui rendent impossible d’avancer vers une solution politique négociée.  Il a regretté l’impossibilité de convoquer la Commission constitutionnelle jusqu’à présent, la possibilité qu’elle remplisse son mandat paraissant très lointaine.  Il faut trouver un juste milieu qui permette d’aborder la situation alarmante de la population civile dans le nord-ouest et en même temps de protéger le processus politique, a recommandé le représentant.  Il a rappelé qu’il y a 900 000 personnes déplacées, dont la moitié sont des enfants, qui attendent des solutions, qui meurent de faim et de froid.  Il a aussi plaidé pour que les réfugiés syriens puissent revenir chez eux de manière sûre, digne et volontaire, ou aller vivre là où bon leur semble. 

M. Singer Weisinger a demandé un cessez-le-feu immédiat dans le nord-ouest de la Syrie, la « priorité absolue » selon lui, les parties devant revenir à la table des négociations avec les Nations Unies au centre de ces efforts.  En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme à Edleb, il a appelé à respecter le droit international, y compris le droit international humanitaire aux fins de protéger les civils.  Il a aussi plaidé pour un accès humanitaire garanti à la population dans le besoin.

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) s’est dit confiant que les parties syriennes réalisent pleinement l’importance de la Commission constitutionnelle et qu’elles assumeront leurs responsabilités pour finalement se mettre d’accord sur les principes constitutionnels.  La communauté internationale doit leur faire confiance et fermement appuyer un processus politique dirigé par les Syriens eux-mêmes, conformément à la résolution 2254 (2015).  Mais la situation dans le nord-ouest de la Syrie est extrêmement troublante, a avoué le représentant.  « C’est un cauchemar.  C’est un cauchemar pour le Conseil et la communauté internationale dans son ensemble. »  Mais, a-t-il déploré, ce n’est pas un cauchemar pour tous ces déplacés ni pour ces mères qui essayent de protéger leurs enfants menacés par le froid.  « Non, tout simplement leur réalité, celle qu’ils doivent subir ».  Le représentant a donc appelé à une désescalade immédiate et à la protection des personnes et infrastructures civiles.  Il a aussi appelé à la création d’un environnement favorable au dialogue pour donner une chance à la Commission constitutionnelle ou à la réforme constitutionnelle.  Enfin, a-t-il martelé, il faut éviter les provocations que ce soit dans les discours ou dans les actes.  Ce qu’il faut, ce sont des actions concrètes pour mettre fin aux souffrances humaines, a martelé le représentant. 

Si Mme HARSHANA BHASKAR GOOLAB (Afrique du Sud) a reconnu le droit de la Syrie de rétablir son contrôle sur l’ensemble de son territoire, elle s’est tout de même dite préoccupée par le conflit dans le nord-ouest du pays, en particulier son impact sur la situation humanitaire.  Elle a exhorté toutes les parties à rechercher un règlement pacifique du conflit, lequel requiert la cessation des hostilités et une solution respectueuse de la souveraineté et de l’intégrité territoriales du pays.  Les appuis extérieurs aux groupes armés doivent cesser immédiatement, a-t-elle dit, étant donné que l’on ne peut laisser des acteurs étrangers profiter de ce conflit dévastateur pour pousser leurs intérêts.  La représentante s’est inquiétée de la situation humanitaire et a réitéré son appel à toutes les parties pour qu’elles honorent leurs obligations en vertu du droit international, s’agissant en particulier de la protection des personnes et infrastructures civiles. 

La seule solution, a-t-elle poursuivi, c’est la solution politique, par le biais d’un dialogue entre tous les Syriens, y compris les femmes et les groupes religieux.  Elle a appelé tous les membres de la Commission constitutionnelle à se mettre d’accord sur un ordre du jour afin d’avancer vers des discussions véritables sur le projet de constitution, élément essentiel d’une solution durable au conflit.  Le processus politique doit être dirigé par les Syriens eux-mêmes.  Les ingérences étrangères ne peuvent que nuire à son succès, a prévenu la représentante.  Pressé de voir des progrès crédibles, elle a souligné l’importance qu’il y a à rétablir la confiance entre les parties.  Elle a donc prôné la libération des prisonniers et a dit attendre avec impatience les résultats du travail du Groupe de travail sur les détenus et les personnes disparues.  La levée des mesures économiques imposées à la Syrie devrait également être envisagée pour assurer des progrès sur le front politique, a conclu la représentante.

Mme INGA RHONDA KING (Saint Vincent-et-les Grenadines) a réitéré ses précédents appels à cesser immédiatement les hostilités et à mettre fin aux souffrances du peuple syrien.  Elle a prévenu que continuer sur le chemin militaire actuel ne mettrait pas fin au conflit.  Cela ne fera que causer des déplacements de personnes supplémentaires et empêchera de fournir l’aide humanitaire vitale.  Elle a exprimé son soutien au travail de l’Envoyé spécial et notamment ses récents efforts pour favoriser une solution politique, en invitant les parties au dialogue.

Saint-Vincent-et-les Grenadines réaffirme son respect pour la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de la Syrie, a déclaré la représentante en soulignant le droit de tous les peuples à l’autodétermination et la nécessité d’offrir au peuple syrien un processus politique équilibré et inclusif.  Elle a ensuite expliqué que la présence d’entités terroristes désignées ainsi par l’ONU nécessite des opérations militaires, tout en rappelant que celles-ci ne sont pas exemptes de leurs obligations en droit international et en droit international des droits de l’homme.  Elle a enfin plaidé en faveur de mesures de confiance pour assurer le succès du processus politique, invitant à régler la question des personnes détenues et disparues, ainsi qu’à créer les conditions nécessaires pour le retour des réfugiés et des déplacés.

Pour M. HAITAO WU ( Chine), la priorité est de faire avancer le processus de paix en Syrie selon le principe de l’appropriation nationale et en gardant le cap vers le règlement politique « seule façon de mettre fin à la crise syrienne ».  La création de la Commission constitutionnelle est un bon point de départ, a estimé le représentant, en ajoutant que les divergences entre les parties syriennes doivent être réglées par le dialogue.  Il a appelé à l’esprit de compromis et au consensus.  Le terrorisme en Syrie, a-t-il martelé, doit être éradiqué parce qu’il a hypothéqué le processus politique syrien.  Edleb en est devenu un vivier.  Le représentant a tout de même voulu que toutes les parties concernées respectent le droit international.  Quant aux Nations Unies, elles doivent pouvoir fournir l’aide humanitaire, sans politisation aucune, a souligné le représentant.

M. ABDOU ABARRY (Niger) a appuyé les efforts opiniâtres de l’Envoyé spécial et l’a encouragé à œuvrer pour dissiper la méfiance et les crispations entre les parties.  La mise sur pied de la Commission constitutionnelle avait donné une lueur d’espoir qui est en passe de s’éteindre, a-t-il regretté.  La lutte contre le terrorisme doit se dérouler dans le respect du droit, a poursuivi le représentant.  Il a exhorté les parties à s’acquitter de leurs obligations en vue de parvenir à un cessez-le-feu.  Le dénouement de la crise doit se faire sur une base politique, non militaire, a-t-il dit, en jugeant urgent de remettre sur les rails le processus politique.  Enfin, il a estimé que les membres du Conseil ne peuvent rester indifférents à la situation en Syrie.  « Il est temps que le Conseil prenne ses responsabilités, il en va de sa crédibilité », a conclu le délégué. 

M. HAI ANH PHAM (Viet Nam) a fait observer que la Commission constitutionnelle est considérée comme « le portier » du processus de paix en Syrie.  Pour que « la porte » demeure ouverte et praticable, a souligné le représentant, il faut suffisamment de confiance entre les parties.  Il faut donc multiplier les mesures en ce sens.  La seule manière d’amener la paix au peuple syrien, a-t-il poursuivi, c’est de trouver une solution globale et crédible conforme au droit international, à la Charte et surtout aux résolutions du Conseil de sécurité, y compris la résolution 2254 (2015).  Cette solution exige une volonté politique forte de la part de toutes les parties pertinentes et il est donc regrettable de constater un manque de progrès dans les discussions en cours, a estimé le représentant. 

Il s’est dit profondément préoccupé par l’escalade de la situation dans le nord-ouest du pays et par son impact sur le bien-être de quatre millions de personnes.  Il a appelé toutes les parties à faire preuve d’un maximum de retenue pour éviter toute autre détérioration de la situation.  La lutte contre le terrorisme est une obligation mais la protection des civils et la prévention des souffrances humaines sont également des impératifs, a martelé le représentant.  La voie la plus viable vers la paix, la stabilité et le développement en Syrie et dans la région, a-t-il conclu, c’est un Conseil de sécurité et une communauté internationale qui appuient les efforts diplomatiques dans le plein respect du droit international et de la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est dit « un peu et en même temps pas vraiment » étonné que les questions humanitaires surgissent au cours de ce débat.  Le représentant a relevé « l’invitation de dernière minute » que le Conseil a envoyée au Coordonnateur des secours d’urgence, dont « les motivations sont claires ».  Mais, a-t-il fait observer, le Conseil de sécurité organise déjà une réunion d’information mensuelle sur la situation humanitaire en Syrie.  Pour ma part, a-t-il dit, je m’en tiendrai à ce qui est prévu à l’ordre du jour à savoir la situation politique.  Nous travaillons, a-t-il affirmé, avec la Turquie et l’Iran pour aider les Syriens à aller de l’avant, y compris dans le cadre de la Commission constitutionnelle.  Imposer des solutions de l’extérieur est contraire au principe sur lequel « nous nous sommes tous entendus », à savoir celui de l’appropriation nationale du processus politique.

Dans ce contexte, a estimé le représentant, il faut cesser de protéger les terroristes, notamment ceux du HTS.  Ces terroristes, a-t-il accusé, stockent des armes « de type occidental » dans des écoles et des hôpitaux de la province Edleb mais ces faits n’empêchent pas certains États de vouloir établir la distinction entre les « bons Syriens » et ceux qui sont proches du Gouvernement syrien.  Comment répondre à vos accusations quand vous continuez d’affirmer que nous bombardons des écoles, des hôpitaux et des civils? s’est résigné le représentant.  « Bien entendu cela parle à tout le monde, mais qui peut véritablement valider de telles accusations?».  Comptez de façon objective le nombre des infrastructures civiles détruites à Edleb dans le cadre de la lutte antiterroriste à Edleb et vous verrez que les chiffres sont bien moins importants que ceux de la Coalition.

Le représentant a donc appelé tous ceux qui ont une influence en Syrie à obtenir des parties qu’elles mettent fin aux attaques contre les installations russes et contre les civils et à cesser de les utiliser comme boucliers humains.  Il a milité pour la mise en place de couloirs humanitaires et le lancement des efforts de relèvement post-conflit de la Syrie.  Il s’est demandé à ce propos ce que l’on pense des sanctions qui empêchent le fonctionnement des écoles et des hôpitaux?  Commentant à l’avance la réunion en formule Aria que le Conseil a prévu de tenir cet après-midi sur le sort des enfants syriens, le représentant a souligné qu’il faut donner la priorité à la question humanitaire.  Il a d’ailleurs accusé certains donateurs de refuser de débloquer les fonds alors même que l’hiver bat son plein, a-t-il accusé.  Quant à l’acheminement de l’aide humanitaire, il a rappelé que la partie syrienne a proposé en vain des solutions alternatives à la fermeture du point de passage de Yarubiyé.  Ne parlons-nous pas d’« urgence » humanitaire? s’est-il étonné.

M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a souligné que la Commission constitutionnelle est dysfonctionnelle et que peu de progrès ont été réalisés pour convoquer sa troisième session, alors que pendant ce temps la guerre en Syrie bat son plein.  Il a noté que le régime syrien continue de bloquer tout progrès vers la désescalade, avant de lancer un appel: « n’oublions pas ».  C’est pourquoi son pays se joint aujourd’hui à ceux qui appellent à un cessez-le-feu immédiat dans tout le pays et à un accès humanitaire sans entrave.  « Malheureusement, le régime syrien et la Russie ont préféré une solution militaire à une solution politique.  C’est une grave erreur », a estimé le représentant.  « Nos collègues syriens ici doivent comprendre que les balles russes et iraniennes ne libéreront pas leur nation ».

L’Estonie et les membres de l’Union européenne (UE) restent pleinement déterminés à trouver une solution politique crédible et de longue durée pour mettre fin au conflit en Syrie, a assuré  M. Jürgenson en s’appuyant sur la résolution 2254 du Conseil de sécurité et le Communiqué de Genève de 2012.  Cela implique une commission constitutionnelle qui fonctionne, une transition politique avec des élections libres et justes, la libération des personnes arbitrairement détenues, et la traduction en justice de ceux qui ont violé les droits de l’homme et commis des crimes contre l’humanité.  L’Estonie soutient les mécanismes de responsabilisation en place, a dit le représentant avant de prédire une isolation internationale de la Syrie si Damas ignore les exigences de la résolution 2254 et continue à mener des attaques.  L’UE a déjà 277 personnes et 71 entités inscrites sur ses listes de sanctions, a-t-il rappelé en prévoyant que ces chiffres ne feront qu’augmenter.

M. TAREK LADEB (Tunisie) a déploré l’escalade de la violence dans le nord-ouest de la Syrie, qui compromet les efforts menés sur le front politique à Genève.  Il a souligné l’acuité de la crise humanitaire et demandé que toutes les parties respectent leurs obligations en vertu du droit international.  Le représentant a aussi plaidé pour un cessez-le-feu et exhorté les parties à la retenue.  « Nous espérons que les contacts entre la Russie et la Turquie aboutiront à ce résultat. »  M. Ladeb a souhaité que la Commission constitutionnelle reprenne ses travaux, en exhortant les autorités syriennes à faire preuve de flexibilité.  Le délégué a insisté sur l’importance, pour le processus politique, d’être accompagné par des mesures de confiance, notamment s’agissant des personnes disparues.  Le peuple syrien a droit à la paix et à la sécurité, a-t-il rappelé.  Enfin, le représentant tunisien a déclaré que la seule façon de régler le conflit est de trouver une solution politique. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a appelé à un sursaut collectif pour mettre fin à la catastrophe humanitaire sans précédent à Edleb.  Les chiffres effroyables rappelés par M. Lowcock parlent d’eux-mêmes: ce qui se déroule en ce moment à Edleb est bien la plus grave crise humanitaire depuis le début du conflit syrien, a-t-il tranché.  Depuis le 1er décembre, la nouvelle offensive des forces prorégime a fait près de 400 victimes civiles ainsi que 900 000 déplacés.  Des enfants, des nourrissons meurent littéralement de froid dans des camps de misère à la frontière turque sous la menace permanente des bombes du régime et de ses alliés.  Après les sièges d’Alep et de la Ghouta, il ne semble plus y avoir de limites aux souffrances que le régime est prêt à infliger à son propre peuple, s’est indigné le représentant avant de réitérer la condamnation de la France des bombardements du régime et de ses alliés contre les civils et les infrastructures civiles.  Même la guerre a des règles dont le respect du droit international et du droit international humanitaire, a-t-il martelé.  Cela implique aussi de garantir un accès sûr et sans entraves à l’ensemble des personnes dans le besoin à travers la poursuite de l’aide transfrontalière. 

Le risque d’escalade généralisée, a-t-il prévenu, ne doit pas non plus être pris à la légère.  Il faut tout faire pour l’écarter.  Toute nouvelle escalade ne pourrait avoir que des effets désastreux sur le plan humanitaire et contribuerait à renforcer les groupes terroristes au détriment de notre sécurité à tous, a-t-il anticipé.  La France, a-t-il dit, en appelle à une mobilisation collective pour parvenir à un cessez-le-feu à Edleb.  Face à l’incapacité des garants d’Astana à faire taire les armes, il faut que nous puissions agir collectivement, a tranché M. de Rivière.  Il a demandé à M. Pedersen, de tout faire en ce sens, conformément au mandat que lui confère la résolution 2254 et à présenter des propositions concrètes au Conseil de sécurité.  Le cessez-le-feu est indispensable, a ajouté le représentant, pour créer un environnement propice à la reprise d’un processus politique crédible.  La France, a-t-il insisté, est profondément inquiète par l’impasse totale dans laquelle se trouve ce processus depuis le lancement du comité constitutionnel il y a quatre mois.

La France regrette particulièrement l’obstruction systématique du régime syrien, qui porte l’entière responsabilité de l’impasse politique.  L’offensive sur Edleb ne laisse aucun doute sur ses intentions réelles, a estimé le représentant, à savoir reprendre par la force, quel qu’en soit le prix, le contrôle de la Syrie sans rien négocier.  Le représentant a invité l’Envoyé spécial à dire clairement à ce Conseil quand il estimera ne plus être en mesure de faire avancer les travaux de la Commission constitutionnelle.  Les Nations Unies doivent rester « le centre de gravité » du processus politique et prendre pleinement sous leur responsabilité les discussions sur les détenus, a estimé le représentant.  Il a réitéré sa conviction que seule une solution politique permettra de stabiliser durablement la Syrie et la région tout entière.  Les paramètres de ce règlement politique sont clairs et définis par la résolution 2254, et sans ce règlement, la position de la France sur la reconstruction et les sanctions reste inchangée.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a indiqué que la situation en Syrie et à Edleb, qui se dégrade de jour en jour, mérite l’attention de ce Conseil.  Une crise humanitaire se déroule sous nos yeux, a-t-il dit en rappelant que « la protection des civils est une obligation fondamentale pour toutes les parties au conflit ».  Il a ensuite appelé toutes les parties à faire preuve de retenue maximale et à une désescalade immédiate.  Le délégué a rappelé ses nombreux appels pour mettre fin à l’escalade militaire et à mettre en œuvre l’accord entre la Russie et la Turquie de septembre 2018.  « La situation actuelle sur le terrain montre malheureusement que le format d’Astana ne fonctionne pas. »  Le représentant a estimé que la crise humanitaire à Edleb est le résultat des choix politiques et militaires du régime syrien.  Il a appelé à un cessez-le-feu immédiat, rappelant que sans cessez-le-feu les efforts pour impliquer davantage la Commission constitutionnelle ont peu de chances d’aboutir.  « Comment créer de la confiance quand une partie du pays est bombardée de façon aveugle? »

Commentant ces propos, la représentante du Royaume-Uni a dit attendre une réponse à la question de savoir comment on peut justifier de telles attaques « inhumaines ».  L’armée russe, a-t-elle répété, bombarde des hôpitaux , des écoles et des civils.  Elle devra un jour rendre des comptes à la justice.  Elle a rappelé qu’aux côtés des responsabilités collectives, il y a la responsabilité individuelle et donc celle du contribuable russe de reconstruire la Syrie.

M. LOUAY FALOUH (République arabe syrienne) a noté que pour la troisième fois en 20 jours, le Conseil de sécurité entend un exposé de l’Envoyé spécial et du Coordonnateur des secours d’urgence.  Vous nous convainquez d’un intérêt particulier pour la situation en Syrie alors qu’il n’en est rien, a tranché le représentant.  Il a accusé certains gouvernements d’instrumentaliser le Conseil pour lancer des accusations sans fondement contre son pays.  Certains tentent même de faire de ce Conseil une tribune de l’Otan et de justifier des actes d’agression.

Le processus politique, a-t-il asséné, doit être pris en main par les Syriens eux-mêmes sans ingérence étrangère et sans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie.  Le représentant a accusé les gouvernements occidentaux d’intensifier leurs mesures hostiles et coercitives alors même que la Commission constitutionnelle cherche à faire sortir le pays de la crise.  Ces gouvernements, a-t-il aussi accusé, favorisent les ingérences de leur mandataire dans la région, à savoir le « régime d’Erdogan » et son offensive militaire.  Ceux qui font l’apologie de l’agression turque devraient se rappeler qu’Edleb fait partie intégrante de la Syrie, a martelé le représentant, en parlant d’une province contrôlée aujourd’hui par les terroristes. 

Les Accords d’Astana et de Sotchi, a-t-il rappelé, excluent les organisations terroristes de tout cessez-le-feu.  Ces accords autorisent le Gouvernement syrien à mener la lutte contre le terrorisme sur son propre territoire.  Les souffrances des civils syriens à Edleb sont le fait du « régime turque » qui a infiltré de grandes quantités d’armes pour aider les groupes terroristes.  C’est notre gouvernement qui a libéré de grandes parties du territoire qui étaient sous le contrôle terroriste, dont Alep, a souligné le représentant.  Il a conseillé aux Gouvernements qui soutiennent ces groupes terroristes de les accueillir chez eux.  En attendant, des millions de syriens sont en train de revenir chez eux et notre gouvernement leur apportera toute l’assistance nécessaire.  À ce propos, le représentant a demandé aux organisations humanitaires de l’ONU de faire leur travail au lieu de « multiplier les communiqués ».  La solution en Syrie passe par la lutte contre le terrorisme et l’ingérence de ceux qui le soutiennent, a-t-il insisté.

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a indiqué que la crise humanitaire n’a fait que s’aggraver.  Le régime syrien continue de violer le droit international et de viser les personnes et les infrastructures civiles de manière aveugle.  Près d’un million de personnes ont fui au cours des deux derniers mois.  Cette tragédie humanitaire majeure a des répercussions sérieuses au-delà de la Syrie, a prévenu le représentant.  Les Syriens se sentent abandonnés et veulent que la communauté internationale agisse.  Ils veulent que le Conseil donne de la voix.  À la fin de cette réunion, a-t-il martelé, le message doit être clair: le régime syrien doit cesser de tuer son propre peuple.  Il s’agit là, a estimé le représentant, d’un test pour ce Conseil et l’humanité.  Nous n’avons pas droit à l’échec. 

Le représentant a accusé le régime syrien de continuer de cibler délibérément les forces turques, faisant cinq morts.  Agissant par légitime défense, notre armée, a-t-il expliqué, a répliqué et continuera de le faire par tous les moyens nécessaires.  La Turquie, a averti le représentant, ne retirera pas ses troupes et n’évacuera pas ses postes d’observation.  Les soldats turcs sont à Edleb, a-t-il rappelé, dans le cadre d’un mémorandum signé avec la Fédération de Russie en septembre 2018 afin de stabiliser la région et préserver son statut de zone de désescalade.  La seule option pour mettre fin à cette « horreur humanitaire », c’est un cessez-le-feu durable. 

Nous avons obtenu la cessation immédiate des hostilités, une pleine mise en œuvre du mémorandum de Sotchi et un retour au statu quo ante, a énuméré le représentant, ajoutant que ce sont les messages de son pays à la Russie.  Il a promis la poursuite des contacts avec Moscou, « protecteur du régime », pour revenir au respect des cadres relatifs à Edleb.  Les retards accusés par la Commission constitutionnelle sont dus au « régime syrien », a affirmé le délégué.  Il a accusé le « tyran de Damas » de vouloir « une Syrie sans peuple et sans Syriens » et de se maintenir au pouvoir coûte que coûte.  Nous ne laisserons pas une telle situation se produire, a promis le représentant, en parlant d’un régime qui a du sang sur les mains et qui a perdu sa légitimité depuis longtemps.  Sa simple présence au Conseil est « une insulte » pour des millions de Syriens, a-t-il affirmé.  « Il est temps d’agir. »

Celui qui n’a rien ne peut pas donner, a réagi le représentant syrien.  « Comment le régime terroriste d’Erdogan peut prétendre vouloir protéger le peuple syrien? »  Les terroristes, a-t-il accusé, ont transité en Syrie par la frontière turque.  Le régime turc, qui a pillé la Syrie, devrait avoir honte.

Vous ne représentez pas le peuple syrien mais le régime qui le tue, a rétorqué le délégué turc.  Vous ne méritez pas d’être assis derrière le panonceau de la Syrie. 

Nous, a répondu le délégué syrien, ne tirons pas notre légitimité d’un régime « meurtrier ». 

On ne peut que déplorer, a jouté le délégué turc, d’entendre proférer les mêmes inepties depuis neuf ans. 

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